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05/02/2021 | FRANCE | N°18/02767

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 05 février 2021, 18/02767


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 05 FEVRIER 2021



N°2021/061













Rôle N° RG 18/02767 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6YM







SAS SIEMENS





C/



[S] [J]























Copie exécutoire délivrée

le : 05 février 2021

à :



Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 110

)



Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 352)





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00882.







APPELAN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 05 FEVRIER 2021

N°2021/061

Rôle N° RG 18/02767 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6YM

SAS SIEMENS

C/

[S] [J]

Copie exécutoire délivrée

le : 05 février 2021

à :

Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 110)

Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 352)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00882.

APPELANTE

SAS SIEMENS Prise en la personne de son Président en exercice, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Clotilde LEQUEUX, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [S] [J], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Olivier BAGLIO, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Décembre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, et Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de président

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Février 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Février 2021.

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de président et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société CERBERUS GUINARD, qui sera rachetée par la SAS SIEMENS, a embauché M. [S] [J] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 27 février 1995 en qualité d'attaché commercial débutant à l'agence de [Localité 10].

À compter de juillet 2000, le salarié a été promu chef de secteur à l'agence de [Localité 9] dans l'Isère.Le salarié sera encore promu responsable commercial, statut cadre, à l'agence d'[Localité 6].

Le 1er octobre 2005 le salarié a été nommé ingénieur commercial à l'agence de [Localité 11] puis à partir du 1er avril 2010 ingénieur commercial senior. Le 3 juin 2014, il se faisait remettre par son médecin traitant un certificat ainsi rédigé :

« Je soussigné certifie avoir examiné le 07/04/14 M. [J] [S] dont je suis le médecin traitant depuis 2011. Ce patient subit manifestement un stress professionnel intense avec des signes cliniques de type eczéma et angoisses. D'après les dires du patient ceci est lié à un harcèlement moral. Pour faire et valoir ce que de droit. »

Le 2 septembre 2015, le salarié a demandé à bénéficier du plan de départ volontaire ouvert le 10 juillet 2015. Le 30 octobre 2015, l'employeur a rejeté cette demande.

Le 4 janvier 2016, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement. Il a déclaré un accident du travail qui se serait produit le 5 janvier 2016 à 14h00 lors d'un entretien avec son supérieur hiérarchique directe à l'agence Siemens d'Aix-en-Provence et qui aurait consisté en : « un burn out avec syndrome anxio-dépressif réactionnel ». Il a été placé en arrêt de travail à compter du 8 janvier 2016.

Le salarié a été licencié par lettre du 25 janvier 2016 ainsi rédigée :

« Nous faisons suite au courrier de convocation à un entretien préalable assorti d'une mise à pied à titre conservatoire envoyé le 4 janvier dernier et à l'entretien préalable du 18 janvier dernier 11 heures 45 auquel vous vous êtes présenté accompagné de M. [A], représentant du personnel. Pour rappel, l'horaire a été changé afin que vous puissiez vous rendre à cet entretien en respectant les horaires de sortie prévus sur votre arrêt de travail survenu entre temps. Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les faits justifiant cette convocation :

' Depuis plusieurs années maintenant, vous n'atteignez pas vos objectifs commerciaux. Votre management a donc monté un plan de suivi et de coaching, visant à améliorer votre performance. Ce plan a initialement commencé en janvier 2014. Vos résultats ne se sont cependant pas améliorés et la direction vous a demandé de redresser la situation dans un courrier du 10 mars 2014, auquel vous avez répondu le 6 avril 2014. Par courrier en date du 28 mai 2014, la direction a maintenu sa position, non sans vous rappeler que vous étiez en dessous de la performance attendue depuis 2010, que votre résultat sur l'exercice 2013, était dû en partie à une commande exceptionnelle survenue sur cette période et que cette situation ne pouvait pas perdurer. Ce plan d'action visait avant tout à améliorer votre performance et à vous aider dans votre structure d'approche commerciale, comme par exemple un nombre minimum de rendez-vous clients par semaine, un nombre de devis minimum par semaine (etc.), démarche dans laquelle vous ne vous inscriviez pas, ce qui est plus que surprenant pour un IC Senior dans notre organisation.

' Or, nous avons constaté à nouveau une dégradation de vos performances sur l'exercice commercial 2014/2015 puisque vous aviez un objectif à 1 280 k€ sur votre secteur, que vos dernières prévisions étaient à 1 280 k€ et que vous n'avez réalisé que 914 k€ d'entrée de commandes sur l'exercice. Pour rappel, votre secteur avait été augmenté à votre demande pour drainer un plus grand nombre d'affaires sur FY2014/2015.

' Pour l'exercice 2015/2016 et lors de la revue d'affaires du 30 octobre 2015, vous avez annoncé un prévisionnel à la fin du premier trimestre à hauteur de 320 k€. Plus qu'une prévision, vous vous êtes engagé sur ce chiffre devant le directeur de branche et le directeur commercial de l'Area [Localité 8]. Or, nous constatons que vous avez eu un réalisé de 0 pour le mois d'octobre, -3k€ au mois de novembre, la fin du trimestre se terminant par une entrée de commande de 30k€ sur les 320 attendus ! Nous constatons donc que, malgré l'accompagnement de vos différents managers, votre performance n'est pas au niveau attendu, que vos prévisionnels ne sont pas respectés et que vous ne savez pas tenir ce sur quoi vous vous êtes engagés. Par voie de conséquence, votre management ne peut pas tenir de prévisions fiables au fil de l'exercice, ce qui ne peut être admis.

' Par ailleurs, nous constatons qu'au-delà des chiffres, vous n'avez ni structure, ni méthodologie commerciale. Ainsi, nous avons constaté que sur les mois de novembre et décembre 2015, seuls 11 rendez-vous clients étaient planifiés. Pour rappel, il vous avait été demandé dans le cadre de votre suivi en 2014 une dizaine de rendez-vous clients hebdomadaires. Votre calendrier étant peu transparent, nous sommes dans l'impossibilité de vous accompagner pour améliorer votre performance. Nous constatons également que votre management ne connaît pas votre activité quotidienne et que vous gérez votre temps de travail de façon indépendante et non pas autonome comme nous le souhaiterions.

' Vos méthodes de travail peuvent aussi faire courir des risques à l'entreprise ainsi, dans un mail du 19 novembre (affaire Auchan Drive), nous constatons que vous n'avez pas fait de déclaration de pénalités de retard dans le passeport, de surcroît, il n'y a pas eu de remise du CCAP à notre service juridique, ou à l'administration des ventes. Sans intervention, nous aurions ainsi eu des pénalités de retard.

' Pour finir, notre entreprise a été informée de la création de votre entreprise depuis le 1er juillet 2012. Or, l'article 10 de votre contrat de travail dispose d'une clause d'exclusivité de services très claire dans son libellé quant à votre activité. Vous ne pouviez de surcroît pas ignorer vos obligations de déclaration d'entreprise auprès de notre société puisque vous avez suivi les formations suivantes : 03/11/2008 Global Compliance Online Training, 09/09/2010 Formation BCG in person, 02/01/2013 Business Conduct Gwdelmes (BCG) WBT. Plus encore, lors d'une réunion plénière le 5 décembre 2014, M. [Z] a rappelé à l'ensemble du personnel les principes des Business Conduct Guidelines, régulièrement rappelés dans nos communications internes. Il y a fait mention que la création d'entreprise par un salarié doit faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de la compliance. Or, vous n'avez pas déclaré cette activité. Ainsi, vous n'avez respecté ni votre clause d'exclusivité contractuelle, ni les dispositions des BCG auxquelles vous êtes astreint et formé.

Nous avons écouté vos arguments lors de notre entretien du 18 janvier, au cours duquel vous avez répondu sur le premier point (performance commerciale et fiabilité des informations / Forecast) « Je ne suis pas d'accord, rien de plus à ajouter ». Sur le second point (absence de méthodes commerciales) : « Je ne suis pas d'accord, rien de plus à ajouter ». Sur le troisième point (non respect de la clause d'exclusivité / non-déclaration de son activité) : « Je n'en étais pas informé ». Par ailleurs, vous vous êtes défendu sur les résultats commerciaux arguant du fait que sur la moyenne des trois derniers exercices, vous aviez réalisé plus d'un million d'euros d'entrée de commandes. Or, nous vous rappelons donc que ce chiffre ne correspondait pas aux objectifs demandés et ne répondait donc pas aux attentes de l'entreprise (pour rappel objectif 2013 1 000 k€ / objectif 2014 1 250 k€ / objectif 2015 1 280 k€, avec un département en plus). De surcroît, vos réalisés 2013 ont été respectivement de 1 135,7 k€ (avec la commande exceptionnelle mentionnée plus avant), 873 k€ et 914 k€, soit une moyenne de 974 k€ sur les trots derniers exercices, sachant que les périodes précédentes étaient également en deçà des objectifs (réf. notre courrier du 28 mai 2014). Dans ces circonstances, et compte tenu des faits qui vous sont reprochés, nous avons pris la décision de vous licencier. Votre période de préavis conventionnel de trois mois débutera donc à date de première présentation de ce courrier. Nous vous dispensons néanmoins de le faire, vous serez donc rémunéré pour cette période à échéance normale de la paie. Votre période de mise à pied conservatoire sera rémunérée en conséquence. Vous recevrez à l'issue de ce préavis votre indemnité conventionnelle de licenciement, les indemnités compensatrices de congés payés et de JRTT qui vous sont éventuellement dues, et notre service paie vous fera parvenir votre reçu pour solde de tout compte, votre certificat de travail et attestation Pôle Emploi. Nous vous demandons de ne pas faire emploi pour votre compte personnel et pour le compte d'autrui, de tout document, tout logiciel, tout matériel mis à votre disposition pendant la durée de votre contrat de travail et qui sont la propriété de Siemens SAS. À réception du présent courrier, vous voudrez bien procéder à la restitution auprès de votre hiérarchie, de l'ensemble des biens, matériels et documents appartenant à notre société encore en votre possession, y compris du véhicule. Ce dernier étant à restituer à l'entreprise vous devrez pour organiser cette restitution prendre contact avec le service gestion des parcs à [Localité 5] ([XXXXXXXX01]). Par ailleurs, vous avez réceptionné à votre domicile un courrier vous indiquant vos nombres d'heures acquises en matière de droit Individuel à la formation, et pourrez bénéficier du principe de portabilité de votre droit individuel à la formation, soit auprès de votre futur employeur (dans un délai de deux ans à compter de votre embauche), soit auprès de Pôle Emploi pendant votre éventuelle période de chômage Ces heures sont mobilisables dans le cadre du CPF à compter du 1er janvier 2015. Vous pourrez conserver gratuitement à l'issue de votre contrat de travail, et sous réserve de votre prise en charge par le régime d'assurance chômage, le bénéfice du régime de frais et de santé et de prévoyance en vigueur au sein de Siemens. Nous attirons votre attention sur le fait que les garanties maintenues sont celles dont bénéficient les salariés Siemens pendant votre période de chômage, de sorte que toute évolution collective de ces garanties à compter de votre départ vous sera opposable. Le maintien desdites garanties cessera à l'issue d'une période de douze mois ou avant si vous cessez de bénéficier des allocations de chômage pour quelque cause que ce soit. Nous attirons votre attention sur l'obligation qui vous incombe de transmettre régulièrement les justificatifs de prise en charge par le régime d'assurance chômage. Le bénéfice de la portabilité en frais de santé comme en prévoyance est en effet assujetti à la présentation de ces 1ust1f1cat1fs. Dans l'hypothèse où vous ne seriez plus pris en charge au titre de l'assurance chômage avant la fin de la période de portabilité, vous devriez nous tenir informés de votre changement de situation et nous présenter un justificatif. Vous avez la possibilité de renoncer au maintien de ces garanties en le notifiant expressément par écrit à l'entreprise. Pour cela, vous disposez d'un délai de dix jours. À défaut de renonciation expresse par écrit, vous serez réputé avoir accepté le bénéfice desdites garanties. Vous trouverez jointe à la présente une notice d'information concernant le maintien de votre couverture complémentaire santé et prévoyance. Enfin, en tant que de besoin, nous levons toute clause de non-concurrence pouvant avoir été prévue à votre contrat ou à tout avenant contractuel. »

Le 26 mai 2016, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 5 janvier 2016.

Se plaignant de harcèlement moral et contestant son licenciement, M. [S] [J] a saisi le 5 septembre 2016 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 19 décembre 2017, a :

dit que le salarié a fait l'objet de harcèlement moral de la part de l'employeur ;

prononcé la nullité du licenciement pour insuffisance professionnelle ;

condamné l'employeur à payer les sommes suivantes :

'40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

'  1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

condamné l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnisation ;

dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal :

débouté le salarié du surplus de ses demandes ;

débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles ;

condamné l'employeur aux dépens.

Cette décision a été notifiée le 17 janvier 2018 à la SAS SIEMENS qui en a interjeté appel suivant déclaration du 16 février 2018.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 25 septembre 2020 aux termes desquelles la SAS SIEMENS demande à la cour de :

déclarer l'appel recevable ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ;

'dit que le salarié a fait l'objet de harcèlement moral de la part de l'employeur ;

'prononcé la nullité du licenciement ;

'condamné l'employeur à payer les sommes suivantes :

'40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

'  1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

'condamné l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnisation ;

'dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal :

'débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles ;

'condamné l'employeur aux dépens ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié du surplus de ses demandes ;

dire que le licenciement est valide et étranger à tout harcèlement ou discrimination ;

dire que le licenciement est parfaitement fondé ;

débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

condamner le salarié à lui verser la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;

à titre subsidiaire,

fixer à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul, soit 21 360 € (correspondant à 6 mois de salaire, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable) ;

à titre plus subsidiaire,

fixer à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 31 360 € (correspondant à 6 mois de salaire, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable).

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 19 novembre 2020 aux termes desquelles M. [S] [J] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'dit qu'il a fait l'objet de harcèlement moral de la part de l'employeur ;

'prononcé la nullité du licenciement ;

'condamné l'employeur à payer des dommages et intérêts pour licenciement nul et 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

'condamné l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnisation ;

'dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal :

'débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles ;

'condamné l'employeur aux dépens ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité son indemnisation à 40 000 € toutes causes de préjudice confondues ;

à titre principal,

dire que l'employeur a commis des agissements discriminatoires et de harcèlement à son encontre ;

condamner l'employeur à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination ;

dire que le licenciement est nul ;

condamner l'employeur à lui payer la somme de 185 120 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul en application de l'article L. 1152-3 du code du travail ;

à titre subsidiaire,

dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

condamner l'employeur à lui payer la somme de 130 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

en toute hypothèse,

condamner l'employeur à lui payer la somme de 5 000 € complémentaire au titre des frais irrépétibles ;

assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et dire que les intérêts légaux seront capitalisés ;

condamner l'employeur aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit ;

débouter l'employeur de toutes ses demandes.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le harcèlement moral

Au temps du litige, l'article L. 1154-1 du code du travail disposait que :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

Le salarié expose qu'en 2003, alors qu'il travaillait en qualité de chef de secteur à l'agence d'[Localité 6] sans rencontrer de difficulté sous l'autorité de M. [K], ce dernier a été promu responsable régional adjoint et remplacé par M. [P] [Z] lequel a mis en place une politique de management brutale visant à harceler ses collaborateurs et notamment MM [I] [D], [L] [R] et [Y] [G] dont il produit les attestations. Il indique avoir été victime à son tour de cette même politique de déstabilisation, de pression et de harcèlement de la part de M. [P] [Z] à compter de l'année 2005 ce qui l'a amené à demander sa mutation sur un poste de commercial de classification inférieure dans le Sud de la France et à accepter ainsi les fonctions d'ingénieur commercial itinérant au sein de l'agence d'[Localité 4] à compter du 1er octobre 2005.

Le salarié indique encore n'avoir rencontré aucune difficulté de 2005 à 2013, soit durant 8 années, jusqu'à ce qu'au cours de l'année 2013, M. [P] [Z] soit nommé directeur régional de la région PACA à laquelle est rattachée l'agence d'[Localité 4], lequel a repris ses pratiques de harcèlement demandant à son supérieur direct, M. [C], de lui adresser une lettre recommandée concernant ses méthodes de travail et ses résultats le 10 mars 2014 auquel il répondait le 6 avril 2014, M. [P] [Z] maintenant sa position par lettre du 28 mai 2014. Le salarié ajoute que M. [C] a alors quitté la société en raison de sa mésentente avec M. [P] [Z], lequel est devenu son supérieur hiérarchique direct durant plus de 6 mois ce qui devait le conduire à un premier burn out en 2014 comme en a attesté à l'époque son médecin traitant ainsi que le médecin du travail qui relevait un « stress lié à l'encadrement ».

Le salarié expose encore qu'il est resté 5 mois sans connaître son objectif 2014/2015, qu'il a demandé à bénéficier du plan de départ volontaire d'août 2015 ce qui sera refusé pour un motif général et que cette demande a constitué un accélérateur des pressions visant à obtenir son départ sans avoir à lui verser d'indemnité, la direction, et notamment M. [P] [Z], étant désormais convaincue qu'il n'était plus motivé et impliqué, que c'est ainsi que, l'exercice comptable débutant le 1er octobre 2015, M. [Z], M. [E] son responsable commercial ainsi que M. [T], le directeur des ventes de la région Rhône-Alpes PACA, ont eu un entretien de « caoching » avec lui le 30 octobre 2015 lui annonçant son prochain départ et lui imposant de réaliser avant le 3 décembre 2015, c'est-à-dire en deux mois, 300 000 € HT de chiffre d'affaires et lui imposant d'annuler ses congés de novembre 2015 déjà programmés.

Concernant la période de 2003 à 2005 à l'agence d'[Localité 6], le salarié produit les attestations de MM [K], [D] et [R] qui décrivent des remarques désobligeantes adressées au salarié visant à le rabaisser et à lui faire perdre confiance ainsi que des entretiens disproportionnés avec M. [Z]. Concernant la période de 2013 à 2016 à l'agence d'[Localité 4], le salarié produit l'attestation de M. [O] qui rapporte que M. [P] [Z] a dit au salarié ironiquement : « Alors cette fois-ci tu vas demander à revenir à [Localité 7]. »

L'employeur fait tout d'abord valoir que les faits de 2005 sont prescrits et il conteste ensuite que le salarié établisse bien des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement concernant la période 2013-2016. Il produit une attestation de M. [H], ingénieur commercial à l'agence d'[Localité 4] et membre titulaire du comité d'entreprise qui indique n'avoir jamais constaté de comportement discriminant de la part de M. [Z] à l'égard du salarié et qui certifie que les ingénieurs commerciaux au sein de l'agence d'[Localité 4] bénéficiaient d'un traitement égalitaire. L'employeur ajoute que les mauvais résultats du salarié ont été enregistrés dès l'exercice 2011, bien avant l'arrivé de M. [Z], et que M. [C] attirait déjà l'attention du salarié fin 2012 sur la nécessité de redresser la situation et de s'impliquer davantage.

La cour retient qu'en matière de harcèlement moral, s'agissant d'actes répétés, la prescription ne commence à courir, pour chaque acte de harcèlement incriminé, qu'à partir du dernier, mais que ce principe suppose qu'une répétition effective des actes incriminés soit au moins alléguée par le salarié, que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que ce dernier se plaint d'un épisode de harcèlement moral précisément circonscrit à l'année 2005 puis d'un second épisode allant de 2013-2016, les deux périodes étant séparées par un temps d'exécution du contrat de travail que le salarié lui-même décrit comme harmonieux et parfaitement exempt de harcèlement. Ainsi, en l'absence de répétition durant 5 ans, les faits de harcèlement de 2005 ont été atteints par la prescription avant que ne débute l'épisode de 2013-2016.

Concernant la période de 2013-2016, la cour relève que la remarque rapportée par M. [O] prise en combinaison avec le certificat du médecin traitant et l'annotation du médecin du travail laissent bien présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Mais l'employeur justifie que les difficultés professionnelles rencontrées par le salarié remontent à l'année 2011 et que les échanges sur ce point ont débuté en 2012 avant l'arrivée de M. [Z]. À la lecture attentive des correspondances échangés par les parties, il n'apparaît pas que l'employeur ait soumis le salarié à des contraintes indues mais au contraire qu'il a tenté de l'accompagner pour lui permettre d'améliorer ses résultats. Les constatations médicales peuvent parfaitement s'expliquer par le stress professionnel dû aux mauvais résultats du salarié et ne permettent pas d'établir des faits de harcèlement. L'accident du travail dont s'est plaint le salarié n'a pas été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie sans que le salarié justifie avoir élevé une discussion à ce propos. Le refus de faire bénéficier le salarié du plan de départ volontaire apparaît suffisamment motivé par l'impossibilité d'éviter un licenciement au moyen de son départ, compte tenu de la restructuration en cours, et rien ne permet de retenir que la candidature du salarié à ce plan ait entraîné une défiance de l'employeur, même si le projet de reconversion soumis au cabinet Altedia consultants visant à exercer une activité de magnétiseur, pour laquelle le salarié expliquait disposer d'une expérience de près de 20 ans, consistant, selon le site internet du salarié, à identifier les sources de pollution électromagnétique au domicile des particuliers et à les en protéger en procédant au « nettoyage des énergies subtiles (mémoires des murs, énergies rémanentes') et [à] la revitalisation énergétique de votre lieu de vie » peut interroger de la part d'un ingénieur commercial en informatique.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les agissements de l'employeur ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments étrangers à tout harcèlement, étant relevé qu'il conviendra encore de discuter la cause réelle et sérieuse du licenciement, mais qu'il est déjà établi que ce dernier s'inscrit dans la discussion relative aux résultats commerciaux et à l'activité de magnétiseur, tous éléments étrangers aux faits de harcèlement invoqués.

2/ Sur la discrimination

Au temps des faits, l'article L. 1132-1 du code du travail, en sa rédaction issue de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 disposait que :

« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »

Le salarié se plaint de discrimination au visa des éléments qu'il qualifie aussi de harcèlement moral, mais il ne précise pas si cette discrimination serait intervenue en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Faute d'apporter une telle précision, le salarié sera débouté de sa demande de reconnaissance d'une discrimination ainsi que, pour les motifs précisés au premier point, de sa demande globale de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination et tout autant de sa demande en nullité du licenciement.

3/ Sur la cause du licenciement

Le salarié reproche à l'employeur d'avoir prononcé le licenciement pour deux motifs incompatibles, soit une insuffisance professionnelle et un motif disciplinaire. Mais il est loisible à l'employeur d'invoquer, comme en l'espèce, des faits distincts d'insuffisance professionnelle et de manquement fautif à la clause d'exclusivité.

Concernant la création d'une entreprise de magnétiseur, le salarié fait valoir que le grief était prescrit à l'engagement de la procédure de licenciement en janvier 2016 dès lors que l'employeur en avait connaissance depuis le 4 août 2015.

Mais l'employeur explique qu'il n'a connu l'exercice professionnel de l'activité de magnétiseur par son salarié que juste avant les congés de Noël 2015 et que lors de la présentation de son projet de reconversion, ce dernier s'était bien gardé de faire part d'un exercice professionnel de cette activité auprès du cabinet de consultant.

Au vu des pièces produites, il n'apparaît pas que le grief disciplinaire soit atteint pas la prescription de deux mois propre aux sanctions disciplinaires.

La cour retient que l'article 10 du contrat de travail stipule que le salarié réservera l'exclusivité de ses services à la société et s'interdit en particulier de travailler pour le compte d'un autre employeur, même si ce dernier n'est pas un concurrent de la société, que le salarié a bien créé une entreprise de magnétiseur depuis le 1er juillet 2012 malgré la clause d'exclusivité précitée et qu'il ne peut alléguer qu'une telle activité est sans effet sur les services dont il a réservé l'exclusivité à son employeur en sa qualité d'ingénieur commercial informaticien.

Ce manquement contractuel est suffisamment grave et a duré suffisamment longtemps pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans qu'il soit besoin d'examiner l'insuffisance professionnelle reprochée au salarié.

Dès lors, le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse et le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4/ Sur les autres demandes

Il convient d'allouer à l'employeur la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute M. [S] [J] de l'ensemble de ses demandes.

Condamne M. [S] [J] à payer à la SAS SIEMENS la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne M. [S] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 18/02767
Date de la décision : 05/02/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°18/02767 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-05;18.02767 ?
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