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26/01/2021 | FRANCE | N°19/13559

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 26 janvier 2021, 19/13559


F COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT EN MATIERE REGLEMENTAIRE

DU 26 JANVIER 2021

DDAS

N° 2021/ 2D





Rôle N° RG 19/13559 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZII



[C] [P]



C/

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 2]

BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE GRASSE

PROCUREUR GENERAL







































Copie exécutoire déliv

rée le :

à :

Madame [C] [P]



Me Barbara ZBROZINSKI-CZERNECKI



le PROCUREUR GENERAL



Décision déférée à la Cour :



Décision en date du 11 Juillet 2019, rendue par le Conseil de l'ordre des avocats au barreau de GRASSE.



APPELANTE:



Madame [C] [P]

demeurant...

F COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT EN MATIERE REGLEMENTAIRE

DU 26 JANVIER 2021

DDAS

N° 2021/ 2D

Rôle N° RG 19/13559 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZII

[C] [P]

C/

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 2]

BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE GRASSE

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Madame [C] [P]

Me Barbara ZBROZINSKI-CZERNECKI

le PROCUREUR GENERAL

Décision déférée à la Cour :

Décision en date du 11 Juillet 2019, rendue par le Conseil de l'ordre des avocats au barreau de GRASSE.

APPELANTE:

Madame [C] [P]

demeurant [Adresse 6]

comparante en personne et plaidant

INTIMES:

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE GRASSE, demeurant Palais de Justice - [Adresse 1]

comparant en personne: représenté par son bâtonnier en exercice, Me Fabrice Maurel,

assisté de Me Barbara ZBROZINSKI-CZERNECKI, avocat au barreau de GRASSE

EN PRESENCE DE:

M. LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE GRASSE, demeurant Palais de Justice - [Adresse 1]

comparant en personne représenté par son bâtonnier en exercice, Me Fabrice Maurel , assisté de Me Barbara ZBROZINSKI-CZERNECKI, avocat au barreau de GRASSE

Mme le PROCUREUR GENERAL,

demeurant Cour d'Appel - [Adresse 5]

représenté par M. Thierry VILLARDO, Avocat Général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue en audience publique le 17 Décembre 2020en audience solennelle tenue dans les conditions prévues par l'article R 312-9 du code de l'organisation judiciaire devant la Cour composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Véronique NOCLAIN, Président

Madame Anne SEGOND, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Rudy LESSI

Le Ministère Public a été entendu en ses observations.

Madame [C] [P] a été entendu en sa plaidoirie.

L'Ordre des Avocat représenté par son bâtonnier Me Fabrice Maurel a été entendu en sa plaidoirie.

L'appelante ont eu la parole en dernier.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2021.

qui en ont délibéré

Ministère Public : Monsieur Thierry VILLARDO, présent uniquement lors des débats

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2021.

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et M. Rudy LESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Par délibération du 11 juillet 2019, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Grasse a refusé à Mme [P] le bénéfice de la dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat au titre de l'article 98 (3° et 6°) du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Le conseil de l'ordre retient en ses motifs :

' que l'intéressée a déjà présenté des demandes similaires auprès des barreaux de [Localité 3] et celui de Briey (Meurthe-et-Moselle) qui ont été rejetées ; qu'interrogée sur les raisons invoquées par les autres ordres, elle prétend qu'elle n'avait pas pu leur fournir les éléments retraçant son activité professionnelle du fait de la perte de l'ensemble de 'ses papiers personnels' y compris de ses bulletins de salaire et contrats de travail ; qu'elle a retrouvé des bulletins et des attestations et pense que sa demande est à présent complète ;

' que la demande est formée au visa de l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 sans préciser quel alinéa est concerné ; que Mme [P] ne justifie pas de 8 années au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises ni de la correspondance de son poste avec les exigences de la qualification de « juriste d'entreprise » ; qu'elle a obtenu un Master de droit le 19 octobre 2017 seulement, de sorte qu'elle ne justifie pas de 8 ans au moins de pratique professionnelle en qualité de salariée d'un avocat ; et que les dispositions réglementaires de l'article 98 du décret précité s'interprétant strictement, Mme [C] [P] ne remplit pas les conditions prévues aux 3° et 6° de cet article.

Par déclaration reçue le 13 août 2019 Mme [C] [P] a formé un recours contre cette délibération qui lui a été notifiée le 18 juillet 2019.

Mme [C] [P] a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception (à l'adresse qu'elle a donnée lors de son recours) pour l'audience du 12 décembre 2019, puis pour l'audience de renvoi du 19 mars 2020, puis celle du 15 octobre 2020. Les plis ont été retournés non réclamés par la destinataire.

Mme [P] n'ayant pas comparu à la nouvelle date fixée au 15 octobre 2020 à 9h l'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 décembre 2020 à 9h, et le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 2] a été invité à la faire citer à comparaître pour cette date, en lui précisant que faute pour elle de déférer à cette convocation, son recours serait considéré comme non soutenu.

La citation a été délivrée à personne le 30 novembre 2020 ( [Adresse 6]) et Mme [P] a comparu à l'audience de plaidoirie du 17 décembre 2020 .

*

Par lettre reçue au greffe de la cour le 6 décembre 2019, reprises oralement à l'audience, Mme [P] expose en substance au soutien de son recours :

' qu'elle a débuté son exercice professionnel le 2 décembre 2002 jusqu'au 11 février 2009 en qualité de juriste-collaborateur au sein du département 'Corporate & Litigation' de la société Price Waterhouse Coopers (PWC), où elle avait la responsabilité du suivi juridique courant des sociétés, l'assistance des clients dans la rédaction d'actes et le conseil dans les stratégies élaborées ;

' que du 2 février 2012 jusqu'au 23 novembre 2014 elle a occupé les fonctions de responsable juridique au sein du service juridique du groupe EMERA, sa mission consistant à assurer la sécurité juridique de l'ensemble des dossiers sur tous les aspects juridiques et fiscaux de la vie des sociétés; qu'elle justifie de 8 années au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises au sens du 3° de l'article 98 du décret.

Questionnée sur ce point à l'audience, Mme [P] a indiqué qu'elle n'avait pas pu s'inscrire à l'IEJde [Localité 3] et qu'elle s'était inscrite à l'IEJ de [Localité 4] l'année dernière pour préparer l'examen du CRFPA.

*

Par conclusions du 25 octobre 2019, reprises oralement à l'audience, le ministère public a conclu au rejet du recours.

Il fait valoir :

' qu'il n'est pas justifié en l'état de ce que Mme [P] aurait exercé pendant au moins 8 ans à temps à plein et à titre exclusif l'activité de juriste au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises et qu'elle aurait été chargée dans ces entreprises de l'étude de problèmes juridiques posés par leur activité au sens de l'article 98 - 3° du décret 97-1197 du 27 novembre 1991

' que quelles que soient les pièces qu'elle serait susceptible de produire, Mme [P] ne peut davantage prétendre à une dispense au titre de l'article 98 -6°, dans la mesure où elle n'a obtenu son Master 2 de droit qu'en 2017, alors que le texte exige que les 8 années exercées en qualité de juriste salarié d'un avocat, nécessaires pour ouvrir droit à une dispense, suivent l'obtention de la maîtrise ou de son équivalent.

*

Par conclusions du 13 mars 2020, reprises oralement à l'audience, l'ordre des avocats au barreau de Grasse représenté par son bâtonnier en exercice, Me Fabrice Maurel, demande à la cour, au visa de l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 de rejeter le recours de Mme [P], de confirmer la décision entreprise, et de dire que chacune des parties conservera ses dépens.

Il fait valoir que les pièces produites par l'intéressée ne justifient pas de 8 années de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou de plusieurs entreprises ; que Mme [P] n'est d'ailleurs pas en mesure de présenter certains des contrats de travail dont elle se prévaut, ni même les fiches de poste ; qu'en outre les pièces produites ne démontrent pas la concordance de son poste avec les exigences jurisprudentielles concernant la définition du juriste d'entreprise ; que les conditions de l'article 98- 3° ni davantage celles de l'article 98- 6° relative aux 8 années de pratique postérieures à l'obtention du diplôme exigé ne sont remplies ; et que les conditions réglementaires de l'article 98 du décret devant être interprétées strictement, et Mme [P] ne satisfaisant pas aux exigences, sa demande peut qu'être rejetée.

*

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que le recours de Mme [P], exercé dans le mois suivant la notification de la décision et dans les formes légales, sera déclaré recevable ;

Attendu que l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991(modifié par décret du 15 avril 2013) dispose que :

« Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :

(') 3° Les juristes d' entreprise justifiant de 8 ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises ;

(...) 6° Les juristes salariés d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoué ou d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, justifiant de 8 ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l'obtention du titre ou du diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisé . » ( le 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 requérant d'« 2° Être titulaire sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 2005/36/CEE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise en droit ou de titre ou diplôme reconnu comme équivalent pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ») ;

Attendu que Mme [P] fait valoir qu'elle a débuté son exercice professionnel le 2 décembre 2002, jusqu'au 11 février 2009 , soit 6 années pleines, en qualité de juriste-collaborateur au sein du département 'Corporate & Litigation' de la société Price Waterhouse Coopers (PWC) ; et que du 2 février 2012 jusqu'au 23 novembre 2014, soit 2 années pleines, elle a occupé les fonctions de responsable juridique au sein du service juridique du groupe EMERA ;

Mais attendu que Mme [P] ayant obtenu son Master en droit en 2017, elle ne justifie pas de la condition de l'article 98-6° relative aux 8 années de pratique postérieure à l'obtention du diplôme exigé ; que l'ordre des avocats fait valoir exactement que si le décret précité admet la prise en considération combinée des activités de juriste d'entreprise et de juriste salarié d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoués ou d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, c'est à la condition que ces périodes d'activité soient postérieures à l'obtention du diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi de 1971, de sorte que n'ayant obtenu son diplôme qu'en 2017, Mme [P] ne peut prétendre au bénéfice du 6° de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 ;

Attendu s'agissant des conditions prévues à l'article 98- 3° du décret, Mme [P] produit un certificat de son emploi à durée indéterminée au sein de la société PWC, société d'avocats, et verse des bulletins de salaire au sein de la société EMERA, groupe exploitant des EPHAD et maisons de retraites, en qualité de 'juriste ' correspondant aux périodes d'emploi qu'elle invoque ;

Attendu qu'interrogée sur ce point, Mme [P] précise que dans la première entreprise, la société WPC, elle avait plusieurs domaines d'activité ; qu'elle exerçait au sein d'un département contentieux et de conseil juridique où elle traitait des dossiers de droit des affaires et de droit des sociétés , notamment le suivi régulier annuel et le suivi juridique courant des sociétés clientes ; que dans un portefeuille client, Mme [P] avait la responsabilité de préparer les assemblées, rédiger des rapports de gestion, convoquer les associés, entrer en rapport direct avec le client, et qu'elle était chargée d'assistance ou de conseil en matière de stratégie de développement ; qu'elle a participé à des contrats de fusion par exemple et disposait d'une autonomie dans ces dossiers dont elle s'occupait avec M. [X] [G] son supérieur hiérarchique ;

Mais attendu que ,la lettre de recommandation qu'elle produit émanant de M. [X] [G] fait état de ce que Mme [P] a été sa collaboratrice dans son cabinet d'avocats entre les années 2002 et 2009 « en charge de gros dossiers d'acquisitions et de restructuration pour des grands groupes français et étrangers » ;

Qu'il témoigne :

« Pendant ces 7 années, j'ai fait travailler [C] sur une partie des dossiers dont j'avais la responsabilité. Je lui ai confié tout un ensemble d'opérations juridiques en droit des affaires et en droit commercial. Elle a traité avec moi toute la palette des différents aspects d'un dossier et pris de plus en plus d'assurance au plan technique. (') [C] à toujours fait preuve d'un très bon professionnalisme, d'une bonne intégration dans les équipes, une bonne fiabilité au plan technique et au niveau du respect des délais.

Ayant progressivement démontré qu'on pouvait lui faire confiance, elle a aussi progressivement développé une bonne autonomie quand nécessaire. » ;

Attendu que par cette attestation Mme [P] ne démontre pas qu'elle aurait travaillé en qualité de juriste d'entreprise avec l'autonomie et l'indépendance suffisantes requises dans le traitement de dossiers dont elle n'a jamais eu la charge intégrale ; qu'elle n'est ainsi pas à même de fournir des exemples des travaux qu'elle aurait directement et personnellement conduits ;

Qu'elle n'établit pas en conséquence qu'elle aurait eu elle-même la responsabilité directe du suivi juridique des sociétés, de la rédaction d'actes et le conseil dans les stratégies juridiques élaborées contrairement à ce qu'elle avance ;

Attendu que par la suite mais pour 2 années seulement, elle a été embauchée en qualité cette fois de responsable juridique bénéficiant à ce titre du statut de cadre et qu'elle était expressément alors chargée elle-même d'exécuter tous les travaux qui lui étaient confiés par le président directeur général du groupe EMERA selon son contrat et selon l'attestation de M. [N] ;

Attendu que sur la période considérée, Mme [P] ne justifie qu'en partie avoir eu l'indépendance et l'autonomie requises de la part d'un véritable juriste d'entreprise ; qu'elle ne justifie donc pas des 8 années au moins de pratique professionnelle requises au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises au sens du 3° de l'article 98 du décret ;

Attendu qu'il s'ensuit la confirmation de la délibération du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Grasse qui a refusé de la dispenser de l'examen du CFPA ; que chacune des parties supportera la charge de ses propres frais et dépens conformément à la demande de cet ordre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en formation solennelle,

Déclare recevable en la forme le recours formé par Mme [P],

Au fond le rejette et confirme la décision du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Grasse ayant refusé à Mme [C] [P] le bénéfice de la dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat au titre de l'article 98 (3° et 6°) du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/13559
Date de la décision : 26/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°19/13559 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-26;19.13559 ?
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