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14/01/2021 | FRANCE | N°20/02503

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 14 janvier 2021, 20/02503


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 14 JANVIER 2021



N° 2020/026













Rôle N° RG 20/02503 N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTZM







SOCIETE GENERALE PRIVATE BANKING (MONACO)





C/



[R] [M]











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jérôme LACROUTS



Me David SAID













Décision déf

érée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00100.





APPELANTE



SOCIETE GENERALE PRIVATE BANKING (MONACO),

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 14 JANVIER 2021

N° 2020/026

Rôle N° RG 20/02503 N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTZM

SOCIETE GENERALE PRIVATE BANKING (MONACO)

C/

[R] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jérôme LACROUTS

Me David SAID

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00100.

APPELANTE

SOCIETE GENERALE PRIVATE BANKING (MONACO),

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Jérôme LACROUTS de la SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [R] [K] [T] [M]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 6] (ROYAUME-UNI),

de nationalité Anglaise

demeurant [Adresse 5] - ROYAUME-UNI

assigné à jour fixe (par transmission d'une demande dans un autre état membre) le 16.03.20

représenté et plaidant par Me David SAID, avocat au barreau de NICE

plaidant par Me François BERTHOD, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me David SAID, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN , Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2020, puis prorogé au 14 Janvier 2021

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2021,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La Société Générale Private Banking de Monaco, ci après SGPB, a entrepris à l'encontre de monsieur [R] [M] une procédure de saisie immobilière sur un bien dont il est propriétaire à [Localité 10], [Adresse 3], en se prévalant d' un acte notarié du 24 février 2005 constatant un prêt in fine, d'une durée de 15 ans au maximum, par elle consenti à hauteur de 4 535 000 €, et ce pour avoir paiement d'une somme de 1 542 998.57 € selon décompte arrêté au 10 octobre 2018. Pour garantir le prêt qu'il contractait, monsieur [M] avait outre une hypothèque sur le bien financé, consenti un nantissement sur un contrat d'assurance vie souscrit en septembre 2008.

La banque invoque une exigibilité anticipée pour une modification de la situation du débiteur, condamné pour fraude fiscale à 9 années d'emprisonnement au Royaume Uni.

Le juge de l'exécution de Nice, dans une décision en date du 16 janvier 2020 a':

- rejeté une demande de caducité du commandement,

- débouté la société SGPB de sa demande de validation de la procédure de saisie immobilière,

- ordonné la mainlevée de la procédure, la radiation du commandement de payer en date du 13 février 2019, publié le 5 avril 2019 au service de la publicité foncière de Nice,

- condamné la SGPB à payer à monsieur [M] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du cpc, et à supporter les dépens y compris les frais de radiation du commandement de payer.

Sur le fondement de l'article R322-4 du cpce, exigeant que l'assignation soit délivrée dans un délai compris entre un mois et trois mois avant la date d'audience, le juge de l'exécution a écarté la caducité du commandement en retenant que le débiteur résidant au Royaume Uni doit bénéficier de l'allongement des délais posé par l'article 643 du cpc, et donc que le délai d'assignation à respecter s'étend entre 3 mois et 5 mois avant l'audience d'orientation.

En raison d'une clause de compétence inscrite au contrat de prêt, il retenait la mise en 'uvre du droit monégasque mais écartait la cause d'exigibilité invoquée par le prêteur sans production d'aucun acte de procédure mais uniquement des articles de presse et sans justifier de l'effet défavorable existant sur l'activité du client.

La société SGPB a fait appel de la décision par déclaration au greffe en date du 17 février 2020,

Elle a été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du 19 février 2020 et procédé en application de l'article 922 du cpc, au dépôt des assignations au greffe, le 14 mai 2020.

Le commandement de payer a fait l'objet d'une radiation, le 27 avril 2020 et par ordonnance de référé en date du 2 octobre 2020 (RG20-306) monsieur le Premier Président de la cour d'appel d'Aix en Provence a rejeté une demande de suspension de l'exécution provisoire.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 27 octobre 2020, au détail desquelles il est renvoyé, la SGPB demande à la cour de':

- la juger recevable en ses demandes,

confirmer la décision en ce qu'elle a écarté la caducité du commandement et appliqué la législation monégasque au litige,

la réformer pour le surplus et au regard de l'article L311-2 du cpce,

- juger que la procédure diligentée était valide,

- dire que les clauses contractuelles 12 et 15-1 ne sont pas abusives, la législation des clauses abusives étant inconnue à Monaco, que ces clauses sont non potestatives, l'incarcération de monsieur [M] étant extérieure à la volonté des co-contractants,

- juger que monsieur [M] a volontairement dissimulé au prêteur des poursuites pénales dont il faisait l'objet et son incarcération, la confiscation de ses biens et refusé délibérément de communiquer la décision de justice, pour ne pas divulguer l'amende pénale à lui infligée,

- juger qu'en raison d'un risque réputationnel dans un secteur hautement concurrentiel elle n'a pas souhaité maintenir une relation avec monsieur [M], les remboursements passés pouvant provenir de sommes détournées,

- débouter monsieur [M] de toutes ses demandes,

- valider la saisie immobilière,

retenir la somme de 1 542 998.57 € au 10 octobre 2018 à titre de créance outre intérêts, frais et accessoires,(taux Eonia + 3%)

juger que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir,

- déterminer les modalités de poursuite de la procédure conformément à l'article R322-15 du cpce,

- Sauf à autoriser la vente amiable, ordonner la vente forcée en un seul lot sur la mise à prix de 1 500 000 €,

- condamner monsieur [M] au paiement de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du cpc,

- condamner monsieur [M] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les intérêts, frais, émoluements et droits exigibles.

Elle expose que monsieur [M] est actuellement détenu en Angleterre pour avoir détourné des fonds publics destinés à soutenir la production cinématographique britannique, ce qui lui a valu d'être condamné à 9 années d'emprisonnement. Apprenant ce procès et ne souhaitant pas maintenir la relation contractuelle alors que les fonds pouvaient être d'origine frauduleuse et leur acceptation par la banque, constituer un recel, outre un risque réputationnel, elle a prononcé l'exigibilité anticipée du crédit selon courrier du 29 août 2016. Il résulte de la combinaison des articles R322-4, R311-11 du cpce et 643 du cpc, que monsieur [M], demeurant à l'étranger, la délivrance de l'assignation en audience d'orientation le 31 mai 2019 et donc plus de 4 mois avant les débats, n'est pas susceptible de caducité. De plus, monsieur [M] qui ne résidait pas en France mais en Angleterre, lors de la conclusion du contrat, ne peut invoquer à son profit le code de la consommation français, ou l'ordre public européen, car les parties se sont placées sous le régime de la loi monégasque, dont le juge français doit effectuer la recherche avec le concours des parties, et qui ne connaît pas la notion de clause abusive qu'elle a entendu bannir.(voir Cass 17-21625). La résiliation était fondée en application de la convention signée entre les parties, aucune loi monégasque n'exige une motivation précise de la déchéance du terme, l'existence d'une procédure judiciaire au Royaume uni est donc suffisante de même que la déclaration de culpabilité, intervenue le 12 mai 2016, avant la déchéance du terme. Le déséquilibre significatif dans les droits des parties n'est pas caractérisé. La mise en jeu de la clause ne dépendait pas de la seule volonté du prêteur, elle n'est pas potestative. Le premier juge confond la notion de clause abusive et de clause potestative. Une instance judiciaire est l'une des causes de déchéance du terme. A la suite de la radiation du commandement, la demande de vente amiable est sans objet désormais, de même la contestation de la mise à prix.

Monsieur [M], citoyen britannique, ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 22 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé, demande à la cour de':

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de caducité du commandement de payer,

Statuant à nouveau,

- constater la caducité du commandement de payer,

- ordonner la radiation du commandement et la mention de la décision en marge de la publication,

Subsidiairement,

- débouter la société Generale Private Banking Monaco de toutes ses demandes,

- prononcer la nullité du commandement de payer,

- confirmer le jugement qui a ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière,

Très subsidiairement,

- autoriser la vente amiable du bien immobilier,

- fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale du bien et les conditions du marché,

En tout état de cause,

- condamner la SGPB Monaco à lui payer 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du cpc et à supporter les entiers dépens.

Il estime que sur le fondement de l'article 12 et 15 de la convention signée, la banque s'est octroyé discrétionnairement, le droit d'exiger le remboursement anticipé du prêt alors que ces clauses sont contraires à l'ordre public du droit européen comme clauses abusives. Il n'était aucunement défaillant dans le remboursement du prêt. Il soutient que le délai d'un mois visé par l'article R311-11 du cpce est un délai de comparution protecteur qui doit être augmenté du délai de distance de l'article 643 du cpc, mais que tel n'est pas le cas du délai de trois mois, qui n'est pas un délai de comparution, mais doit assurer la célérité de la procédure de sorte qu'il faut assigner trois mois avant la date d'audience, sauf motif légitime, les deux délais maximum et minimum correspondant alors ensemble. En l'espèce, l'assignation a été délivrée par la SGPB le 31 mai pour le 17 octobre 2019 donc 4 mois avant l'audience d'orientation, ce qui selon lui, est tardif et doit conduire à la caducité du commandement. Le jugement a retenu à juste titre la légèreté avec laquelle, sans aucune démonstration des conséquences sur sa solvabilité, au vu d'articles de presse, sans détenir aucun élément précis, la banque a prononcé aussitôt la déchéance du terme. Monsieur [M] invoque l'ordre public européen en matière de clauses abusives dès lors que la situation présente un lien avec le territoire de l'union européenne, ce conformément à la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993. Le consommateur européen doit bénéficier du régime protecteur instauré et le juge français doit rechercher si la loi étrangère est ou non moins protectrice pour lui et faire application du code de la consommation en matière de clauses abusives. Le lien étroit est établi si le professionnel dirige son activité vers le territoire de l'État membre où réside le consommateur, sous réserve que le contrat entre dans le cadre de cette activité. En 2005, monsieur [M] était citoyen européen, il achetait un bien en France et le contrat était rédigé en français. L'exigibilité anticipée du prêt suppose un manquement contractuel, soit le non paiement, soit la mauvaise foi au moment de la souscription du contrat et l'on ne peut en dehors de ces cas limitatifs, laisser le prêteur exercer un véritable pouvoir discrétionnaire pour exiger le remboursement, ce qui correspond en l'espère, à l'article 15 du contrat signé entre les parties qui est une clause abusive, vague et générale, sans aucun manquement de l'emprunteur («'si une des déclarations faites lors de la souscription cesse d'être exacte'»). Même en droit monégasque quoiqu'il en soit, sur le fondement de l'article 1029 du code civil, une clause potestative est nulle.

A défaut, il convient d'autoriser une vente amiable pour le bien évalué à 7 000 000 € et pour lequel une offre d'achat a été faite à 6 800 000 €. Encore plus subsidiairement la mise à prix serait très insuffisante au regard de l'article L322-6 du cpce, il en demande la modification.

MOTIVATION DE LA DÉCISION':

sur la caducité du commandement de payer :

Selon l'article R322-4 du cpce, en son 2ème alinéa, l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation doit être délivrée dans un délai compris entre un et trois mois avant la date de l'audience, ce délai étant sanctionné par les dispositions de l'article R311-11 alinéa 1er du cpce d'une caducité du commandement de payer valant saisie, s'il n'est pas respecté.

L'article R121-5 du cpce énonce que sauf dispositions contraires, les dispositions communes du livre 1er du cpc, sont applicables devant le juge de l'exécution à l'exclusion des articles 484 à 492-1.

Ainsi, l'article 643 du cpc, effectivement inclus au livre 1er, titre XVII, chapitre 1er du code de procédure civile, concernant les délais et leur computation, doit être mis en oeuvre et combiné avec l'article R322-4 du cpce, lorsque le destinataire de l'acte demeure à l'étranger, avec allongement du délai de deux mois, ce qui a donc pour conséquence de permettre la délivrance de l'assignation précitée dans un délai compris entre trois mois et cinq mois avant la date de l'audience d'orientation, ce en particulier dans le souci de protection des intérêts des plaideurs.

En l'espèce, l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation a été délivrée le31 mai 2019 pour des débats devant se tenir le 17 octobre 2019, donc dans le délai procédural requis. La caducité doit donc être rejetée.

sur l'exécution du contrat entre les parties :

Dans des termes assez comparables à ceux du code civil français, le code civil monégasque dispose en son article 989 que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1025 du code civil monégasque dispose que la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qui est au pouvoir de l'une ou de l'autre des partie contractantes de faire arriver ou empêcher'». Avec pour sanction d'une telle clause, en application de l'article 1029 dudit code, la nullité de la stipulation.

De ce chef, le risque réputationnel invoqué par la banque, qui se révélerait postérieurement à la signature du contrat pour des faits également postérieurs, éminemment subjectifs dans un secteur concurrentiel évolutif, ne présente pas de garantie suffisante d'extériorité par rapport à l'établissement prêteur qui l'avance, pour admettre son caractère non potestatif. Une telle cause d'exigibilité ne saurait donc être validée.

Contrairement à ce qui est soutenu, la notion de clause abusive n'est pas totalement ignorée du système juridique monégasque qui rejoint ici le droit européen, et cette notion est régulièrement appliquée par sa jurisprudence nationale qui l'entend également comme une clause créant par sa rédaction, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties contractantes.

En outre, monsieur [M] souligne à juste titre qu'il ressort de l'article L232-1 du code de la consommation que nonobstant toute stipulation contraire, le consommateur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par un État membre de l'Union européenne en application de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d'un État membre ; alors qu'est réputé établi ce lien étroit au regard de l'article L231-1 du code de la consommation, lorsque le contrat notamment a été précédé dans cet Etat membre d'une offre spécialement faite ou d'une publicité et des actes accomplis par le consommateur nécessaires à la conclusion de ce contrat.

Or, selon l'article L212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre consommateurs et professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Lors de la conclusion de l'acte de vente, le 24 février 2005, constatant le prêt en la forme authentique, qui constitue le titre exécutoire basant la saisie immobilière, monsieur [M], citoyen britannique était domicilié au Royaume Uni, faisant à l'époque encore partie de la communauté européenne. Cette convention avait pour objet le financement d'un achat immobilier en France, elle a été établie et signée à [Localité 7], dans une étude notariale. Il n'est pas contesté que c'est l'agent immobilier de [Localité 9], monsieur [D], qui a orienté monsieur [M] vers cet établissement financier, lequel se prévalait dans ses documents commerciaux d'une solide expérience internationale, en proposant des solutions adaptées à la réglementation fiscale de l'acquéreur, dans les grandes capitales européennes, disposant de centres d'expertise intervenant de manière privilégiée sur la côte d'Azur, [Localité 8], [Localité 4]. Son activité était donc tournée vers la France notamment.

Tous ces éléments, établissent au sens des textes ci dessus, un lien étroit avec le territoire français, au regard desquels doivent être analysées les clauses contractuelles pour la recherche et l'établissement ou non d'une clause abusive.

L'article 12 de la convention signée entre les parties stipule au titre des déclarations du client «'le client déclare et garantit à la banque que

- aucune instance, action, procès ou procédure administrative n'est en cours ou, à sa connaissance, n'est sur le point d'être intenté, engagé, pour empêcher ou interdire la signature du présent contrat ou pourrait avoir un effet défavorable important sur son activité, ses actifs ou sa situation financière,

- il n'existe pas de fait susceptible de constituer un cas d'exigibilité anticipée au sens du présent contrat...'»

Selon l'article 15-1 de la même convention, est une cause d'exigibilité anticipée et de résiliation du contrat ...l'inexactitude ou l'incorrection de l'une quelconque des déclarations du client au moment où elle a été faite, ou si une de ces déclarations cesse d'être exacte et correcte...'»

En l'espèce, par courrier du 29 août 2016, la Société Générale Private Banking de Monaco s'est prévalu de la déchéance du terme et de l'exigibilité anticipée du crédit et a mis en demeure monsieur [M] de rembourser dans les 30 jours, la somme totale exigible d'un montant de 4 535 846,28 €. Elle indiquait pour la motiver, savoir qu'une procédure judiciaire était engagée contre lui au Royaume Uni.

L'établissement prêteur, dans ses conclusions fait grief à monsieur [M] de ne pas l'avoir informé de ce qu'il faisait l'objet d'une procédure de confiscation (page 14/28). Il convient à ce stade de bien distinguer d'une part, le manquement au moment de la signature du contrat, ainsi contraire à l'obligation de renseignement et de loyauté à la charge de l'emprunteur, et d'autre part, une détérioration postérieure de la situation du client, qui n'existait pas lors de la conclusion et que le prêteur pourrait alors invoquer pour prononcer déchéance du terme.

Pour établir le manquement contractuel justifiant l'exigibilité immédiate de la créance, la banque communique aux débats un article de presse daté du jeudi 9 février 2017 (Thursday Feb.9th 2017) qui ne peut être celui qui a déclenché son information dès lors qu'il est postérieur au courrier de déchéance du terme mais qui relate effectivement les «'déboires'» judiciaires de monsieur [M], impliqué dans un dossier de fraude fiscale pour des faits commis entre 2002 et 2009. Certes, la Société Générale a pu se procurer les comptes rendus d'audience devant les juges anglais qui confirment la condamnation le 24 juin 2016, de monsieur [M] après qu'il ait été déclaré coupable, à 9 années d'emprisonnement et par la suite, la confiscation de ses biens.

Pour autant, en 2005 date de signature du prêt, ces condamnations ne pouvaient être connues et déclarées, et il n'est pas établi par les pièces probatoires que monsieur [M] connaissait l'imminence d'un tel procès qui n'a été engagé que bien des années plus tard. On ne peut donc, bien que son honnêteté soit battue en brèche par son comportement fiscal et pénal, retenir, dans le cadre strict cadre de ses déclarations contractuelles en 2005, un manque de loyauté ou une fausse déclaration.

Ce n'est que par la suite, et postérieurement à la signature du contrat, que «'l'une de ses déclarations a cessé d'être exacte'» au regard de l'article 15-1 de la convention signée, sans d'ailleurs qu'il n'ait aucunement pu joué un rôle à ce titre, son désir étant certainement d'échapper à toute poursuite et instance pénale. Dans un courrier du 25 octobre 2016, la banque expose à son client, que l'article 12 du contrat de prêt, lui permet de se prévaloir de la déchéance du terme puisque le client s'est engagé à garantir à la signature «'et à tout moment, durant l'exécution du contrat'» qu'aucune action judiciaire n'existe qui pourrait avoir une influence sur son activité, son patrimoine ou sa situation financière («'and at any time during the credit, no legal proceeding has occured which could have a material adverse effect on its activity, assets or financial situation'»).

La Société Générale se prévaut ainsi de l'article 15-1 du contrat qui lui donne la possibilité d'invoquer la déchéance du terme pour « inexactitude ou l'incorrection de l'une quelconque des déclarations du client au moment où elle a été faite, ou si une de ces déclarations cesse d'être exacte et correcte...'»

Or, c'est bien à ce titre, par rapport à la notion de clause abusive que le déséquilibre entre les droits et les obligations des parties se révèle. La rédaction de cette partie de clause, les conditions dans lesquelles elle peut jouer doivent conduire à la déclarer non écrite, car il importe dès la signature du contrat que chaque partie connaisse les aléas contractuels, les conséquences financières et juridiques qui vont en résulter que les termes vagues et généraux de la clause opposée à monsieur [M] ne permettent pas de valider. Ainsi, l'évolution de la situation déclarée à l'origine par l'emprunteur, permettrait à l'établissement financier de réclamer paiement immédiat de sa créance et ce sans dissimulation, sans action volontaire de la part de son co-contractant. Illustrer les risques d'une telle stipulation permet d'en mesurer le danger et donc le déséquilibre au profit de l'établissement prêteur. Un divorce, une perte d'emploi, un déménagement, des difficultés de santé sont autant d'événements qui au cours du contrat font que la déclaration initiale du consommateur sur sa situation va devenir ipso facto inexacte. Il convient de rappeler en l'espèce que le contrat de prêt avait une durée de 15 ans puisque le remboursement de ce prêt in fine devait intervenir au plus tard en 2020, durée pendant laquelle de nombreux aléas peuvent se concrétiser.

En conséquence de quoi, la clause litigieuse doit être retenue pour abusive et réputée non écrite ce qui effectivement conduit à écarter l'exigibilité de la créance comme l'a déjà décidé le premier juge.

sur les autres demandes :

Il est inéquitable de laisser à la charge de monsieur [M] les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 5 000 € lui sera accordée sur le fondement de l'article 700 du cpc.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de la société appelante.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Société Générale Private Banking Monaco à payer à monsieur [R] [K] [T] [M] une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du cpc,

CONDAMNE la Société Générale Private Banking Monaco aux dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 20/02503
Date de la décision : 14/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°20/02503 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-14;20.02503 ?
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