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08/01/2021 | FRANCE | N°17/22525

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 08 janvier 2021, 17/22525


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2021



N°2021/18













Rôle N° RG 17/22525 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBUXA







[V], [H], [Z] [L]





C/



GIE IT-CE











Copie exécutoire délivrée

le : 08 janvier 2021

à :



Me Vincent BURLES de la SELARL BURLES VINCENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 330)



Me Ni

colas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 4)





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 21 Novembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2021

N°2021/18

Rôle N° RG 17/22525 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBUXA

[V], [H], [Z] [L]

C/

GIE IT-CE

Copie exécutoire délivrée

le : 08 janvier 2021

à :

Me Vincent BURLES de la SELARL BURLES VINCENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 330)

Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 4)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 21 Novembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00685.

APPELANTE

Madame [V], [H], [Z] [L], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Vincent BURLES de la SELARL BURLES VINCENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

GIE IT-CE Prise en la personne de son Président de Directoire en exerc

ice domicilié en cette qualité audit siège social, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, et Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Pascal MATHIS a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de président

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Madame Marianne ALVARADE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2021.

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller faisant fonction de président et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le GIE Centre technique régional « MIDI 1 » a embauché Mme [V] [L] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 22 mars 1988 à effet au 1er juillet 1988 en qualité de technicienne analyste d'exploitation. Le contrat de travail a été transféré successivement au GIE GSE TECHNOLOGIES puis au GIE IT-CE (Informatique et Technologies ' Caisse d'Epargne), toujours au sein du groupe BPCE, Banque Populaire Caisse d'Épargne.

À compter de septembre 2014, la salariée a été promue des fonctions d'administratrice méthode qualité, niveau CM6, aux fonctions d'ingénieure méthode qualité, niveau CM7, au sein de la direction support aux services, pôle production.

Courant 2014, le groupe BPCE a envisagé de réorganiser ses activités informatiques et technologiques, d'une part en regroupant les activités de production du GIE IT-CE avec celles d'une autre filiale, i-BP, au sein d'une nouvelle entité, BPCE ' Infogérance et Technologie, et d'autre part en recentrant le GIE IT-CE sur les activités d'édition informatique.

L'employeur a établi un plan de sauvegarde de l'emploi qui a été homologué par la DIRECCTE le 31 juillet 2015.

En application de ce plan, sur un effectif approximatif de 2 000 salariés, une centaine de postes, dont celui de la salariée, a été transférée à la société nouvellement créée BPCE ' Infogérance et Technologie.

Le 24 août 2015, l'employeur adressé à la salariée une lettre ainsi rédigée :

« Dans le cadre du plan stratégique du groupe BPCE, le projet de transformation des activités IT est mis en 'uvre. Il se traduit par la mutualisation de l'activité production informatique d'IT-CE vers BPCE Infogérance et Technologies et le recentrage d'IT-CE sur les activités d'édition informatique. Afin d'éviter des licenciements liés à ce projet de transformation, un plan de sauvegarde de l'emploi a été défini par décision unilatérale de l'employeur après consultation des représentants du personnel qui s'est achevée le 9 juillet 2015, et d'une homologation de la DIRECCTE en date du 31 juillet 2015. Votre emploi appartient à un groupe d'emplois dont l'ensemble des postes sont supprimés au sein de l'entreprise et transférés vers BPCE Infogérance et Technologies. En conséquence, vous êtes susceptible d'être concernée par un éventuel licenciement pour motif économique. IT-CE s'est engagé à un maintien de l'emploi dans le cadre de ce projet et met tout en 'uvre pour éviter tout licenciement : une proposition de reclassement au plus proche de vos compétences pourra vous être faite dans le groupe. Vous rencontrerez prochainement votre responsable afin de vous présenter plus en détail le projet de transformation des activités IT du groupe, et de vous présenter cette proposition. En parallèle, nous vous prions de trouver ci-joint le questionnaire de reclassement à l'international en application de l'article L. 1233-4-1 du code du travail. Ce questionnaire vous permet d'exprimer votre accord ou désaccord de recevoir des offres de reclassement en dehors du territoire national et, le cas échéant, sous quelles restrictions (par exemple quant à la localisation ou la rémunération). Si vous n'acceptez pas de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, la recherche des reclassements dans le groupe BPCE ne concernera que des postes éventuellement disponibles en France. Si vous acceptez de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, éventuellement avec des restrictions, les recherches de reclassement tiendront compte de votre réponse et la recherche des postes correspondants s'ajoutera à la recherche des postes disponibles au sein du groupe en France. Vous resterez libre de refuser les offres qui pourront éventuellement vous être faites. Si vous souhaitez bénéficier de telles offres, vous disposez d'un délai de six jours ouvrables pour nous retourner le questionnaire dûment complété et signé, le cachet de la poste faisant foi. L'absence de réponse écrite de votre part vaudra refus de recevoir des offres de reclassement en dehors du territoire national. Pour tout complément d'information, nous vous invitons à prendre contact avec votre référent carrière ou votre manager. »

Le même jour, l'employeur proposait personnellement à la salariée un reclassement dans l'entreprise BPCE ' Infogérance et Technologie, à [Localité 2], pour occuper les fonctions d'expert méthodes / qualité, classification H, statut cadre, au sein de la direction qualité et relations clients, proposition accompagnée d'un projet de contrat de travail fondé sur une convention tripartite entre les deux employeurs successifs et la salariée, destinée à régler les conditions du transfert et les nouvelles modalités d'exécution du travail, prévoyant notamment le maintien du salaire et des avantages acquis ainsi que la reprise de l'ancienneté.

La salariée n'a pas répondu à cette proposition, mais elle a accepté de recevoir des offres de reclassement au sein du groupe BPCE à l'étranger sans restriction par coupon réponse daté du 19 septembre 2015.

Le 5 novembre 2015, l'employeur adressait encore une proposition de reclassement personnelle à la salariée toujours au sein de la société BPCE Infogérance et technologie, à [Localité 2], au sein de la direction qualité et relations clients, avec maintien du salaire et des avantages, mais cette fois pour un emploi de chargée de relations client, classification H, statut cadre. L'employeur sollicitait une réponse dans les 15 jours.

Suivant courriel du 18 décembre 2015, la salariée a décliné cette seconde proposition.

Par la suite, il sera encore adressé à la salariée, le 5 janvier 2016, une liste de postes ouverts à la mobilité.

La salariée a été licenciée pour motif économique par lettre du 30 mars 2016 ainsi rédigée :

« Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique. Cette décision s'inscrit dans le cadre du projet de transformation des activités IT, dont les causes économiques sont les suivantes. Le groupe BPCE, auquel appartient IT-CE, évolue dans un contexte économique défavorable, marquée par une réglementation bancaire de plus en plus exigeante, ce qui conduit notamment à des taux bas impliquant une moindre marge de transformation et à une hausse des coûts liés aux risques. De surcroît, le groupe doit faire face à de nouveaux acteurs menaçant sa compétitivité, alors que celle-ci est déjà en retrait par rapport à ses concurrents traditionnels. La filière éditique est également confrontée à une évolution technologique forte. À périmètre constant, la production du groupe pourrait diminuer d'environ 30 % à l'horizon 2017 par rapport aux volumes produits en 2013, de sorte que des adaptations logicielles sont nécessaires pour transformer l'éditique à l'heure du digital. Dans ce contexte, le groupe a pris différentes mesures pour tenter d'inverser la tendance et d'améliorer sa compétitivité. Des efforts importants ont été réalisés pour adapter le groupe au numérique. Ces initiatives se sont cependant avérées insuffisantes. Pour toutes ces raisons, les entités informatiques du Groupe doivent désormais réduire de manière significative leurs coûts récurrents, tout en faisant face à l'évolution de leur activité, due notamment à la progression de la digitalisation. Cela suppose de modifier en profondeur l'organisation actuelle, afin de permettre aux opérateurs informatiques du groupe de répondre aux enjeux économiques et technologiques du marché. À ce titre, le groupe a défini un projet de transformation de ses activités IT reposant sur trois axes :

' Axe 1 : La mutualisation au sein d'une nouvelle entité juridique (BPCE lnfogérance et Technologies) des activités de production informatique et le recentrage d'IT-CE, i-BP et BPCE SA sur les activités d'édition.

' Axe 2 : La spécialisation et le regroupement des grandes lignes de métiers par site pour IT-CE, pour i-BP et pour l'opérateur de production mutualisé ; chaque site serait dédié soit à l'édition, soit à la production informatique.

' Axe 3 : La création d'un opérateur mutualisé spécialisé sur le métier de l'éditique en partenariat avec une entreprise externe.

La mise en 'uvre d'une telle réorganisation entraîne la suppression de votre poste. Conformément au plan de sauvegarde de l'emploi, qui a été établi dans le cadre un document unilatéral homologué par la DIRECCTE le 31 juillet 2015, après consultation des représentants du personnel, nous vous avons proposé plusieurs postes de reclassement. Vous avez cependant refusé chacune de ces solutions. Dans ce contexte, nous sommes donc contraints de vous notifier, par le présent courrier, votre licenciement pour motif économique. Votre contrat de travail prendra donc fin à l'expiration de votre préavis, d'une durée de 3 mois commençant à courir à compter de la première présentation du présent courrier, que nous vous dispensons d'effectuer, mais pour lequel vous percevrez une indemnité compensatrice à chaque échéance habituelle de paie. Nous vous rappelons que vous pouvez néanmoins adhérer à un congé de reclassement, vous permettant de bénéficier des prestations d'une cellule d'accompagnement, des démarches de recherche d'emploi, d'actions de formation et si nécessaire d'un bilan de compétences destinés à favoriser votre reclassement professionnel. Celui-ci pourrait également vous permettre de faire valider les acquis de votre expérience ou d'engager des démarches en vue d'obtenir cette validation. Le contenu des actions de formation nécessaires pour favoriser votre reclassement serait alors défini avec la cellule d'accompagnement. Comme cela vous a été exposé le 17/03/2016, vous disposez d'un délai de 8 jours calendaires à compter de la première présentation de cette lettre pour accepter le bénéfice de ce dispositif. Vous trouverez donc ci-joint, à cet effet, un formulaire à nous retourner le cas échéant, étant précisé que l'éventuelle absence de réponse de votre part au terme de ce délai sera assimilée à un refus. En cas d'acceptation, ce congé débutera après expiration de votre délai de réflexion de 8 jours calendaires, pour une durée maximum de 9 ou 12 mois selon votre situation, incluant la durée de votre préavis. Pour rappel, ce congé sera en effet d'une durée, incluant la durée du préavis, de 9 mois si vous avez moins de 50 ans et de 12 mois si vous êtes dans l'une des situations suivantes :

' plus de 50 ans,

' reconnu travailleur handicapé,

' parent isolé,

' qualification inférieure au BAC.

Pendant la durée du congé de reclassement correspondant à votre préavis, vous percevrez 100 % de votre rémunération brute mensuelle. En revanche, pendant la durée du congé de reclassement qui excédera la durée de votre préavis, vous percevrez une « allocation de congé de reclassement » égale à 65 % de votre rémunération brute moyenne mensuelle perçue au cours des 12 derniers mois précédant l'entrée en congé de reclassement sur laquelle ont été assises les contributions au régime d'assurance chômage. La date de rupture de votre contrat de travail interviendra dès lors au terme de votre congé de reclassement, de sorte que vous ne ferez plus partie des effectifs de l'entreprise à l'issue de ce congé. Nous vous rappelons que vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage durant un délai de deux ans à compter de la date de rupture de votre contrat, à condition que vous nous informiez, par courrier, de votre souhait d'en user. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendrez à acquérir, sous réserve que vous nous ayez informés de celles-ci. Nous vous informons également que l'action en contestation prévue à l'article L. 1235-7 du code du travail peut être engagée dans les douze mois suivant la première présentation de la présente. L'attestation employeur destinée au Pôle Emploi, votre certificat de travail et, votre solde de tout compte à retourner signé, vous seront adressés par courrier recommandé lors de la rupture de votre contrat de travail. Conformément à vos obligations contractuelles, vous voudrez bien prendre contact avec le service informatique local pour nous remettre au plus tôt l'ensemble du matériel professionnel qui avait été mis à votre disposition et que vous auriez encore en votre possession. »

Contestant son licenciement, Mme [V] [L] a saisi le 24 juin 2016 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 21 novembre 2017, a :

dit que le licenciement pour motif économique est fondé et que la procédure est régulière ;

débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'employeur ;

dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ;

laissé les dépens éventuels à la charge de la salariée.

Cette décision a été notifiée le 27 novembre 2017 à Mme [V] [L] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 18 décembre 2017.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 mars 2018 aux termes desquelles Mme [V] [L] demande à la cour de :

dire que le motif économique du licenciement est erroné, que son poste n'a pas été supprimé, que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement et que le licenciement est en conséquence sans cause réelle et sérieuse ;

infirmer le jugement entrepris et condamner l'employeur à la somme de 152 558 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

dire que l'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements ;

infirmer le jugement entrepris et condamner l'employeur à la somme de 150 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordre ;

condamner l'employeur à la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles pour l'intégralité de la procédure ;

condamner l'employeur aux frais de recouvrement et d'encaissement d'huissier en cas de recouvrement forcé des sommes dues ;

condamner l'employeur aux dépens et aux intérêts de droit depuis la demande en justice.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 18 mai 2018 aux termes desquelles le GIE IT-CE demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris ;

à titre principal, débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire, dire excessives les demandes de la salariée et les ramener à de plus justes proportions ;

en tout état de cause,

condamner la salariée à lui verser la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le motif économique

La salariée reproche à l'employeur de ne pas avoir défini le motif économique dans la lettre de licenciement, de ne pas l'avoir apprécié au niveau du secteur d'activité du groupe, et encore de ne pas l'avoir mentionné dans la lettre de licenciement. Elle fait valoir qu'un transfert de poste ne saurait équivaloir à une suppression de poste et que le secteur d'activité du groupe, pas plus que ce dernier, ne rencontraient de difficultés économiques.

Mais la lettre de licenciement précise bien que le licenciement est fondé sur la nécessité de préserver la compétitivité des services informatiques et technologiques du groupe Banque Populaire Caisse d'Épargne. Elle indique ainsi sans ambiguïté le secteur d'activité dans lequel la menace portée à la compétitivité doit être appréciée, le secteur des activités informatiques et technologiques.

Au vu des documents produits, il apparaît que les mutations technologiques liées à la dématérialisation des activités bancaires et financières ont contraint tous les acteurs du secteur à se moderniser sur ce plan et que la compétitivité de l'employeur se trouvait menacée par ce mouvement d'ensemble dans lequel il s'est trouvé contraint de s'engager à son tour, sans considération des bons résultats financiers du groupe bancaire et financier auquel il appartient ni même de ses propres résultats dès lors qu'il constitue en lui-même une fonction support du groupe et non un centre de profit.

Si la suppression de poste doit bien s'apprécier au sein du groupe et non de l'entreprise comme le fait valoir la salariée, celle-ci ne peut se contredire au préjudice de l'employeur en indiquant que son poste a été simplement transféré à la société nouvellement créée, BPCE ' Infogérance et Technologie, alors même qu'elle a refusé à deux reprises, sans s'en expliquer, de rejoindre cette dernière entreprise au bénéfice d'une convention tripartite sans changement de bassin d'emploi ni perte d'ancienneté ou de salaire.

En conséquence, le motif économique du licenciement est avéré.

2/ Sur l'obligation de reclassement

Il appartient à l'employeur de rechercher activement, sérieusement et loyalement le reclassement du salarié dont il envisage le licenciement pour motif économique. Les obligations mises à sa charge par les juridictions en ce domaine, concernant notamment le périmètre des recherches et la justification des mouvements de personnel au sein de l'entreprise, n'ont vocation qu'à permettre au juge de vérifier que l'employeur a bien mené à son terme une telle démarche.

La salariée reproche à l'employeur, alors qu'elle avait accepté son reclassement dans le monde entier, de ne pas lui avoir adressé d'offres personnalisées et précises à l'international, de ne pas justifier avoir interrogé l'ensemble de ses filiales et de ne pas produire son registre d'entrée et de sortie du personnel et ce alors même qu'il a massivement recours à l'intérim.

Mais la cour retient que l'employeur a proposé à la salariée, à plus de deux mois d'intervalle, deux postes avec reprise d'ancienneté et maintien de sa rémunération, dans son domaine d'activité et dans le même bassin d'emploi et toujours au sein du groupe, que la salariée a refusé ces deux postes sans s'expliquer sur ce refus dont elle ne livre toujours pas les motivations dans ses dernières écritures.

Ainsi, en l'espèce, l'employeur justifie bien d'avoir recherché activement, sérieusement et loyalement le reclassement de la salariée sans qu'il soit besoin de lui imposer de proposer à cette dernière des postes à l'étranger ni d'autres propositions précises en France, ni même de discuter son recours à l'intérim, tous éléments étranger au reclassement effectif de la salariée qui a été assuré loyalement par l'employeur et qui n'a échoué qu'en raison du refus non-motivé opposé par celle-ci.

En conséquence, l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement et la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3/ Sur l'ordre des licenciements

La salariée reproche à l'employeur de n'avoir pas respecté l'ordre des licenciements qui doit s'appliquer à l'ensemble du personnel de l'entreprise et non aux seuls services concernés par les suppressions d'emploi. Elle explique qu'elle appartenait au service production dont tous les postes ont été, selon ses propres termes « transférés » à la société BPCE ' Infogérance et Technologie, mais que l'ordre des licenciements n'a pas été appliqué au service pilotage opérationnel qui emploie 5 ingénieurs méthode qualité dès lors qu'ils ont été rattachés par le plan de sauvegarde de l'emploi à la catégorie ingénieur méthode qualité service édition alors qu'elle-même était rattachée à la catégorie ingénieur méthode qualité service production. Elle explique qu'âgée de plus 58 ans et disposant de 28 ans d'ancienneté, l'application des critères d'ordre à l'ensemble de l'entreprise lui aurait permis d'éviter son licenciement.

L'employeur explique que le plan de sauvegarde de l'emploi a distingué trois catégories professionnelles parmi les ingénieurs méthodes qualité, un groupe méthodes qualité édition réunissant 3 salariés, un groupe méthode qualité MOA composé de 13 salariés et un groupe méthode qualité production composé de 8 salariés.

L'article L. 1235-7-1 du code du travail dispose que :

« L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4.

Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233-57-4.

Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel, qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, elle ne s'est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d'Etat.

Le livre V du code de justice administrative est applicable. »

La cour retient qu'en application de ce texte, lorsque, comme en l'espèce, le nombre de licenciements est au moins égal à dix salariés, les critères sont fixés dans le document unilatéral ou l'accord collectif comportant le plan de sauvegarde de l'emploi et qu'il appartient alors à l'autorité administrative, saisie de la demande d'homologation du document ou de la validation de l'accord de vérifier, sous le contrôle du juge administratif, la conformité de ces critères et de leurs règles de pondération aux dispositions législatives et conventionnelles applicables alors que le juge judiciaire continue d'apprécier la légalité des critères pour les licenciements de moins de dix salariés et qu'il conserve le contrôle de l'application des critères hormis le cas des salariés protégés.

En l'espèce la salariée ne conteste pas l'application des critères d'ordre au sein de la catégorie à laquelle elle s'est trouvée assignée mais le principe même d'une assignation à une catégorie particulière à laquelle elle dénie toute pertinence. Toutefois, la détermination et la pertinence des catégories professionnelles au sein desquelles les critères d'ordre trouvent à s'appliquer a été validée par l'administration comme le fait justement valoir l'employeur. Dès lors, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordre.

4/ Sur les autres demandes

Il convient d'allouer à l'employeur la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Déboute Mme [V] [L] de l'ensemble de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [L] à payer au GIE IT-CE la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamne Mme [V] [L] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/22525
Date de la décision : 08/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/22525 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-08;17.22525 ?
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