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08/01/2021 | FRANCE | N°17/22522

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 08 janvier 2021, 17/22522


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2021



N° 2021/17













Rôle N° RG 17/22522 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBUWS





[T] [U]





C/



Etablissement Public à caratère industriel et commercial PAYS D'AIX HABITAT METROPOLE



















Copie exécutoire délivrée

le : 08 janvier 2021

à :



Me Jérôme ACHILLI, avocat au ba

rreau de MARSEILLE



Me Pascale PALANDRI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 14 Novembre 2017, enregistré au répertoire général sou...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2021

N° 2021/17

Rôle N° RG 17/22522 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBUWS

[T] [U]

C/

Etablissement Public à caratère industriel et commercial PAYS D'AIX HABITAT METROPOLE

Copie exécutoire délivrée

le : 08 janvier 2021

à :

Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Pascale PALANDRI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 14 Novembre 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 15/00770.

APPELANTE

Madame [T] [U], demeurant [Adresse 1] / FRANCE

représentée par Me Jérôme ACHILLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Etablissement Public à caratère industriel et commercial PAYS D'AIX HABITAT METROPOLE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pascale PALANDRI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2020 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2021.

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Mme ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

L'établissement public à caractère industriel et commercial PAYS D'AIX HABITAT MÉTROPOLE a embauché Mme [T] [U] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 novembre 2003 en qualité de chargée d'opérations, statut cadre. À compter du 1er mars 2005, la salariée a été promue directrice des services techniques.

M. [R] [C], chargé d'opération, a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence le 26 novembre 2009 à la contradiction de l'établissement public à caractère industriel et commercial PAYS D'AIX HABITAT MÉTROPOLE et de Mme [T] [U], sa supérieure hiérarchique, pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail motif pris notamment d'actes de violence commis sur sa personne par Mme [T] [U] le 11 juin 2009, soit une gifle. Le conseil de prud'hommes par jugement du 10 avril 2012 a retenu que ce fait avéré mais isolé ne constituait pas un harcèlement moral mais obligeait l'employeur à effectuer une déclaration d'accident du travail. Il déboutait alors le salarié de sa demande de résiliation du contrat de travail, mais il condamnait Mme [T] [U] à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles ainsi que les dépens.

M. [R] [C] ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et ayant interjeté appel, la cour d'appel de céans, par arrêt du 27 juin 2014, a confirmé les condamnations infligées à Mme [T] [U] mais a retenu une situation de harcèlement moral de M. [R] [C] résultant principalement des agissements de Mme [T] [U] dont l'employeur devait répondre. Aussi a-t-elle dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement nul et en a-t-elle décliné les conséquences à la charge de l'employeur.

Le 23 juillet 2014, Mme [T] [U] adressait à l'employeur une lettre intitulée « Dégradation des conditions de santé et des conditions travail » par laquelle elle se plaignait d'une de ses subordonnées, Mme [M] [K], chargée d'opération, lettre qui était ainsi rédigée :

« Le médecin du travail que j'ai rencontré le lundi 21 juillet 2014, a établi un certificat d'inaptitude temporaire en raison de la dégradation de mon état de santé suite à la réunion du vendredi 11 juillet dans le bureau du directeur des ressources humaines. Mon médecin traitant lors de sa consultation le 22 juillet 2014 a constaté que je ne suis pas actuellement en mesure de surmonter les agressions subies dans l'exercice de mes fonctions. Il m'a prescrit un arrêt de travail de 15 jours, en attendant la date de mes congés début août. Dès son recrutement [M] [K] a adopté une attitude de contradiction systématique de mes instructions. À plusieurs reprises, elle a tenu des propos désobligeants faisant allusion aux griefs développés dans le dossier des prud'hommes de [R] [C] dont elle semblait connaître parfaitement le contenu alors qu'elle n'était pas présente à Pays d'Aix Habitat au moment des faits. Bien que nous ayons trouvé un accord sur un dossier, elle se permettait de développer un point de vue différent devant nos partenaires, souvent inapproprié sur le plan déontologique. Et si j'en faisais la remarque, elle rétorquait sans fin allant même jusqu'à interroger des prestataires extérieurs pour me prouver qu'elle avait raison, alors que les dits partenaires ne pouvaient, bien évidemment, pas partager le point de vue de la maîtrise d'ouvrage de Pays d'Aix Habitat. La situation s'est envenimée à plusieurs reprises et de singuliers propos m'ont été tenus dont le plus véhément « je ne veux plus que vous soyez mon directeur » en présence de ma secrétaire. M. [Y] et Mme [G] la confortaient si bien dans cette attitude que j'ai fini par ne plus rien dire dans le respect de la hiérarchie. J'ai été écartée du comité technique de l'ANRU, le courrier de ma direction ne m'était plus transmis et comme je signifiais que j'engageais ma responsabilité sur les affaires en cours, Mme [G] m'a remis une note de service pour me signifier que « j''étais autorisée à ne plus exercer mon activité de directeur de la maîtrise d'ouvrage ». M. [Y] ne tarissait pas d'éloges à propos des capacités managériales de [M] [K] et souhaitait que j'accepte une mutation sur un poste de directeur de la qualité et du développement durable, dont il me demandait de rédiger la fiche de poste alors qu'il ne figurait pas sur l'organigramme. À l'arrivée du nouveau directeur de pôle, [M] [K] a changé totalement d'attitude et j'ai retrouvé toutes mes prérogatives grâce à M. [P] qui m'accorde toute sa confiance. J'ai retrouvé l'estime de moi et le plaisir de travailler dans un contexte favorable à l'épanouissement professionnel au bénéfice de Pays d'Aix Habitat. Pourtant, depuis plusieurs mois [M] [K] redevient malveillante en m'inondant d'emails de plusieurs pages, pour remettre en cause les décisions prises, rétorquant sans fin alors même que ces décisions sont validées par M. [P]. Et plus récemment encore des emails qui me prêtent des propos ou des intentions indignes et diffamatoires avec copie à mes collègues de travail et

qui m'affectent au plus point dans le contexte de l'arrêt au fond du 27 juin 2014 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans l'affaire [R] [C]. Elle crée ainsi un système procédurier auquel elle exige que je participe par des réponses écrites, tout en signifiant qu'elle ne me fait pas confiance ce qui est paradoxal. Bien que ces messages soient bien écrits, ils ne sont pas en phase avec le travail à produire, souvent inexacts dans leur contenu et transmis sans discernement. Lors de la réunion du 11 juillet 2014, bien que M. [P] ait proposé de se placer en médiateur et que M. [F] ait demandé à [M] [K] de ne plus polémiquer après avoir émis son avis en cas de désaccord, je n'ai pas senti de la part de l'employeur un engagement particulier de manière à faire cesser cette situation. Je vous demande en conséquence de bien vouloir me protéger, car je me sens en fragilité suite au jugement de la cour d'appel qui a ouvert une brèche dont [M] [K] se saisit pour détruire mon image au sein de Pays d'Aix Habitat alors que je n'ai jamais fait acte de harcèlement. Continuant à suivre les affaires en cours malgré tout, je vous prie d'agréer, M. Le directeur général, l'expression de ma considération distinguée. »

Le 26 janvier 2015, M. [I] [P] adressait au directeur général la lettre suivante :

« À la demande de Mme [T] [U] directeur de la maîtrise d'ouvrage à Pays d'Aix Habitat, il s'est tenu le vendredi 23 janvier 2015 à 10h00, dans mon bureau, en ma présence, et avec son accord, l'entretien d'évaluation de Mme [M] [K] chargée d'opération à Pays d'Aix Habitat. Mme [U] a rempli la fiche d'évaluation au fil de l'entretien sur son ordinateur. A 11h45 l'évaluation arrivant à son terme et à la question posée « Regard de l'agent sur son poste au sein du service de l'office » Mme [K] a répondu que son poste et son travail lui plaisait et a souhaité qu'il soit mentionné son mal vivre de la situation conflictuelle avec son supérieur hiérarchique immédiat, Mme [U]. En réponse, Mme [U] a tenu les propos suivants :

' que la relation de Mme [K] avec les deux autres chargés d'opérations était difficile et problématique ;

' qu'elle avait rencontré son ancien chef de service M. [A] directeur de la maîtrise d'ouvrage de l'office « Terres du Sud Habitat » et l'avait informé que Mme [K] avait entrepris une procédure prud'homale vis-à-vis de PAYS d'AIX HABITAT d'une part et que son détachement ne serait pas renouvelé, d'autre part. M. [A] aurait répondu « qu'il ne voulait plus de Mme [K], car elle posait problème ».

Par trois fois Mme [K] a demandé à Mme [U] si elle avait vraiment fait cela. Ce à quoi Mme [U] lui a répondu que « M. [A] est un ami et je lui dis ce que j'ai envie de lui dire ». Mme [K] s'est levée en signifiant que ces propos indignes l'affectaient profondément et qu'elle ne pouvait pas poursuivre l'entretien d'évaluation. En tête à tête j'ai dit à Mme [U] que les propos qu'elle venait de tenir dépassaient le bon entendement. À ma demande Mme [U] m'a remis copie de l'entretien d'évaluation partiellement remplie pour que je puisse le terminer à une date ultérieure avec Mme [K]. »

L'employeur ayant convoqué la salariée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à un licenciement, cette dernière lui écrivait le 25 janvier 2015 dans les termes suivants :

« Par courrier en date du 23 juillet 2014, je vous ai alerté sur l'attitude de Mme [K] m'inondant d'emails de plusieurs pages, pour remettre en cause les décisions prises, rétorquant sans fin, alors même que ces décisions sont validées par M. [P]. Je vous ai également signalé recevoir des emails qui me prêtent des propos ou des intentions indignes et diffamatoires avec copie à mes collègues de travail, comportement répété ayant pour effet une dégradation de mes conditions de travail susceptible de porter atteinte à ma dignité, d'altérer ma santé et de compromettre mon avenir professionnel. Je vous ai alerté oralement à maintes reprises de cette attitude de dénigrement qui m'affecte beaucoup et vous n'avez rien fait. Finalement, j'ai été obligée de formaliser les faits par écrit pour qu'on daigne me répondre. Manifestement mon mal être et le harcèlement dont j'ai fait état, n'a pas été pris au sérieux puisque seule une médiation a été organisée. Or, vous savez tout comme moi, que les parties peuvent ne pas parvenir à un accord, ce qui ne changera donc rien à cette situation, car vous n'aurez aucune possibilité de régler les choses. Et si nous devions par extraordinaire parvenir à un accord, ce dernier n'aura aucune force de chose jugée et si Mme [K] souhaite passer outre, vous ne pourrez rien y faire. Il est étonnant par ailleurs que les propos de l'émail de Mme [K] en date du 17 octobre 2014, pour relater un incident qui se serait déroulé en réunion de service du 16 octobre 2014, avérés inexacts après vérification par M. [F] auprès des agents de ma direction, aient été cautionnés par l'absence d'observation de votre part. Tout au plus m'a-t-on fait savoir qu'il s'agissait d'une querelle de « femmes » et que je devrais me méfier car Mme [K] allait me porter tort. Compte tenu de cet état de fait et du mal être dont je vous ai fait part, j'aurai, à tout le moins attendu des mesures concrètes tel que le fait de nous séparer au travail afin d'éviter tout conflit. Nous aurions également pu réfléchir ensemble à d'autres mesures concrètes' Je constate que malgré tous mes efforts à tenter de dialoguer avec vous, vous avez plutôt choisi d'avaliser les dires de Mme [K] de peur que cette dernière ne vous fasse une procédure prud'homale. Je comprends vos intentions en la matière puisque vous avez reconnu que vous êtes déjà en procédure avec cette personne, comme avec de nombreuses autres par ailleurs. J'aurai d'ailleurs pensé que vos actes auraient été ciblés et efficaces, compte tenu des cas de harcèlement moral que vous avez déjà rencontré au sein de vos effectifs, et pour lesquels vous avez déjà été condamné. Je refuse d'être le fusible de ce dossier pour vous permettre de vous décharger de votre responsabilité vis-à-vis de Mme [K]. Certes, j'ai été entendue en rendez-vous individuel de médiation le 20 novembre 2014, puis Mme [K] au mois de décembre 2014, mais la séance commune n'a eu lieu que le 9 février 2015 soit postérieurement à l'entretien d'évaluation que vous m'avez demandé d'effectuer avant la fin du mois de janvier. Durant cet entretien M. [P], que j'avais sollicité, était présent dans son bureau, il a continué à travailler devant son ordinateur en s'absentant de longs moments de telle sorte qu'il n'a pu entendre l'ensemble des propos échangés entre moi et Mme [K], et n'a donc pas pu prendre la mesure de la tension. Son attitude m'alerte, car ce dernier s'était engagé à se placer en médiateur lors de la réunion du 11 juillet 2014 et ainsi que le relate le compte rendu de cette réunion « à veiller personnellement avec le DRH à ce que des relations apaisées se mettent en place ». Or M. [P] ne s'est pas rendu disponible pour cet entretien d'évaluation, il s'est contenté de se placer en observateur intermittent, illustrant ainsi son manque de considération. La convocation à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement que vous m'adressez le 3 février 2015 est un pas de plus dans le harcèlement dont je suis victime de votre part puisque vous avez pris fait et cause pour Mme [K] par peur de la procédure qu'elle a déjà intentée. Ce d'autant que je pense que vous avez déjà occulté les actes de mise au placard dont j'ai été victime durant l'année 2012. Je tiens aussi à vous alerter sur mon état de santé qui ne cesse de décliner du fait de cette situation qui m'affecte profondément. J'aimerais qu'au-delà de la condition de Mme [K] que vous mettez tout en 'uvre pour protéger, ma propre position soit prise en compte et autrement que par une sanction ou un licenciement qui ne ferait qu'aggraver un peu plus la situation. Je ne peux que m'inquiéter de cette situation puisque mon licenciement m'a d'ores et déjà été annoncé par M. [F] qui s'est dit d'ailleurs mal à l'aise avec cette situation. En espérant que vous saurez prendre la mesure de la situation. »

La salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 mars 2015 ainsi rédigée :

« Je vous ai conviée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au lundi 9 mars 2015 à 9h00 dans mon bureau. Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien, et de ce fait n'avez pu entendre les faits qui vous sont reprochés. Il s'agit des propos que vous avez tenus le 23 janvier 2015 lors de l'entretien annuel d'évaluation de Mme [M] [K]. Ces propos sont, en effet, inacceptables de la part d'un supérieur hiérarchique envers l'un de ses subordonnés. Ils confirment, en outre, l'inadéquation complète de votre comportement avec vos fonctions de directeur de la maîtrise d'ouvrage. Il convient il est vrai de rappeler ici que vos problèmes managériaux ont été identifiés par la direction précédente et confirmés par moi-même. C'est ainsi que dès 2007 vous avez bénéficié de près de 42 heures de formation aux fins d'améliorer votre management. En effet, vous faisiez alors déjà preuve, ce depuis 2006, d'un comportement managérial inadapté (sautes d'humeur, défauts de management, avertissements injustifiés, agressions verbales, propos déplacés') envers vos subordonnés et notamment envers les chargés d'opération suivants :

' M. [Z] [J], ce qui a conduit à sa démission de PAYS D'AIX HABITAT (ce qui fût également le cas de 2 autres chargés d'opération) ;

' M. [R] [C]'

Malheureusement cette formation s'est avérée infructueuse, comme le prouve le comportement inadapté que vous avez conservé par la suite envers vos subordonnés et notamment envers :

' M. [R] [C] (dénigrements, irrespect', allant même jusqu'à une gifle lors d'une altercation en 2009 ayant conduit à une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [R] [C] avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse par décision de justice en raison du harcèlement moral ainsi subi') ;

' M. [O] [L] ;

Il en est de même des annotations portées par mes prédécesseurs sur vos évaluations annuelles, notamment celles des années 2008 à 2011, relatives tant à des problèmes de management vis-à-vis des membres de votre équipe qu'à des difficultés de comportement de votre part envers votre hiérarchie et les autres directeurs. Malgré le soutien et l'accompagnement de votre hiérarchie dans vos difficultés à manager pendant ces nombreuses années, y compris par le biais d'entretiens réguliers avec vos subordonnés en la présence de votre hiérarchie pour régler vos différends et de propositions d'affectation différente notamment en 2008 et 2011 n'ayant pu aboutir en suite de vos refus répétés, votre comportement tant vis-à-vis de cette dernière et des autres directeurs que de vos subordonnés ne s'est ainsi pas améliorée, bien au contraire. De nouveaux problèmes sont dans ce cadre survenus dernièrement entre vous et un autre de vos subordonnés, chargé d'opérations, Mme [M] [K]. Vous avez notamment à plusieurs reprises eu des propos inadaptés à son égard et vous lui avez reproché à tort de prétendues fautes professionnelles. Le directeur général adjoint [I] [P], le directeur des ressources humaines [V] [F] et le directeur du pôle ressources [X] [N] sont, à ce titre, intervenus plusieurs fois pour tenter de régler ces difficultés relationnelles, notamment lors d'un entretien en date du 11 juillet 2014, au cours duquel une procédure de fonctionnement a été actée entre vous et Mme [M] [K]. En parallèle, j'ai, en accord avec les partenaires sociaux, mis en place une procédure de médiation entre vous et Mme [M] [K], avec l'intervention du centre de médiation d'AIX MÉDIATION, ce, depuis octobre 2014, avec une prise en charge financière de celle-ci par PAYS D'AIX HABITAT. Cependant, malgré toutes les actions ainsi mises en place par PAYS D'AIX HABITAT, vous avez une nouvelle fois, lors de l'entretien annuel d'évaluation de Mme [M] [K] en date du 23 janvier 2015, eu un comportement inadmissible envers cette dernière, ce, en présence de M. [I] [P], qui était justement là pour veiller au bon déroulement de cet entretien malgré les différends vous opposant à Mme [M] [K]. Vous avez ainsi affirmé, au cours de cet entretien, que :

' Les relations de Mme [M] [K] avec M. [E] et Mme [B], les 2 autres chargés d'opérations placés sous votre subordination, étaient difficiles et problématiques, surtout en suite de son action prud'homale à l'encontre de PAYS D'AIX HABITAT pour discrimination salariale par rapport à Monsieur [E] ;

' Mme [M] [K] était ainsi isolée au sein du service, voire de la structure ;

' Elle devait se remettre en cause ;

' Vous avez rencontré M. [A], directeur de la maîtrise d'ouvrage de TERRES DU SUD HABITAT, son ancien chef de service, pour l'informer qu'elle avait entrepris une procédure prud'homale à l'encontre de PAYS D'AIX HABITAT et que PAYS D'AIX HABITAT n'allait, par conséquent, pas demander le renouvellement de son détachement et demander sa réintégration au sein de TERRES DU SUD HABITAT ;

' M. [A] aurait répondu « qu'il ne voulait plus de Mme [M] [K], car elle posait problème ».

Ces propos, outre leur caractère inacceptable, révèlent que vous avez outrepassé vos fonctions et n'avez pas respecté votre obligation notamment contractuelle de réserve et de discrétion, non seulement en prenant contact avec l'ancien chef de service de Mme [M] [K] pour l'informer de la procédure prud'homale initiée par cette dernière à l'encontre de PAYS D'AIX HABITAT et en indiquant à tort à Mme [M] [K] que son détachement au sein de PAYS D'AIX HABITAT ne serait pas renouvelé. Cette attitude est d'autant plus grave au regard de vos fonctions de cadre au sein de PAYS D'AIX HABITAT et au regard du contexte de vos rapports avec Mme [M] [K]. De plus, je vous rappelle que le choix de renouveler ou pas ce détachement m'incombe à moi et à moi seul, et non à vous, et que je n'ai à ce jour pas pris une telle décision, outre le fait que je ne vous ai jamais autorisée à faire état du renouvellement ou non de son détachement auprès de Mme [M] [K], ce qui ne relève pas de vos fonctions, en tout état de cause. Enfin, Mme [M] [K] a, lors de cet entretien indiqué que vous continuiez à lui reprocher des fautes professionnelles et un prétendu harcèlement moral de sa part à votre encontre, et ce, sans fondement. Cette conduite met en cause la bonne marche du service. Je vous informe que j'ai, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 17 mars 2015, sans indemnité de préavis ni de licenciement. Dans ce cadre, je tiens à votre disposition à PAYS D'AIX HABITAT, dès à présent, vos documents de rupture (bulletin de salaire, attestation Pôle Emploi, certificat de travail et solde de tout compte). Je vous invite à prendre contact avec la direction des ressources humaines aux fins de fixer un rendez-vous pour vous les remettre, ce, dans les plus brefs délais. Je vous prie également, d'ores et déjà, de prendre vos dispositions aux fins de restituer l'ensemble des biens appartenant à PAYS D'AIX HABITAT mis à votre disposition jusqu'à présent, dans le cadre de vos fonctions, lors de ce rendez-vous. »

Contestant son licenciement, Mme [T] [U] a saisi le 21 juillet 2015 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 14 novembre 2017, a :

dit que l'employeur a respecté les obligations que lui impose le code du travail ;

dit que le licenciement repose sur une faute grave ;

débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes ;

condamné la salariée à payer à l'employeur la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles ;

débouté l'employeur du surplus de ses demandes ;

dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Cette décision a été notifiée le 1er décembre 2017 à Mme [T] [U] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 18 décembre 2017.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 12 juin 2019 aux termes desquelles Mme [T] [U] demande à la cour de :

dire que l'employeur a exécuté de manière déloyale et fautive le contrat de travail ;

condamner l'employeur à lui payer la somme de 20 000 € pour exécution fautive du contrat de travail ;

dire que la mesure de licenciement pour faute grave est illégitime ;

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'100 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'  20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

'  16 983,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

'    1 698,35 € au titre des congés payés afférents ;

'  61 311,60 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

fixer le salaire mensuel moyen brut à la somme de 5 661,65 € ;

dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande en justice avec capitalisation des intérêts ;

condamner l'employeur à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;

dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l'employeur en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2018 aux termes desquelles l'établissement public à caractère industriel et commercial PAYS D'AIX HABITAT MÉTROPOLE demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

dire l'ensemble des demandes de la salariée infondées et injustifiées ;

débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes comme infondées et injustifiées ;

à titre subsidiaire,

réduire à de plus justes proportions le montant des condamnations sollicitées ;

en tout état de cause,

confirmer la condamnation de première instance de la salariée au titre des frais irrépétibles ;

condamner la salariée à lui verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur l'exécution du contrat de travail

La salariée demande à la cour de dire que l'employeur a exécuté de manière déloyale et fautive le contrat de travail et elle sollicite la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef. Elle lui reproche essentiellement d'avoir manqué à son obligation de sécurité en ne la soutenant pas dans le conflit qui l'opposait à sa subordonnée, Mme [M] [K], laquelle l'aurait harcelée essentiellement par l'envoi d'un trop grand nombre de courriels et par la contestation systématique et persistante de son autorité.

Mais la lecture attentive de l'ensemble des pièces produites par la salariée ne permet pas retenir que cette dernière étaye des faits de nature à laisser présumer des actes de harcèlement moral de la part de sa subordonnée, ce que confirme sa position en défense dès lors qu'elle ne forme dans le dispositif de ses dernières écritures aucune demande concernant un éventuel harcèlement moral ni sur le plan indemnitaire ni sur le plan de la nullité du licenciement.

Par contre, l'employeur justifie qu'il a accompagné la salariée dans les difficultés de management relevées à l'occasion de plusieurs entretiens d'évaluation, difficultés qu'elle niait à tort, qu'il lui a accordé des formations en ce sens, qu'il lui a proposé un poste avantageux dépourvu de fonction managériale qu'elle a refusé, et enfin qu'il a mis en place sans retard une mesure de médiation confiée à un organisme extérieur lorsqu'il a été informé des rapports difficiles de la salariée avec sa subordonnée, Mme [M] [K], et ce alors même que la lettre du 23 juillet 2014 déjà reproduite démontrait déjà par sa conclusion : « Je vous demande en conséquence de bien vouloir me protéger, car je me sens en fragilité suite au jugement de la cour d'appel qui a ouvert une brèche dont [M] [K] se saisit pour détruire mon image au sein de Pays d'Aix Habitat alors que je n'ai jamais fait acte de harcèlement. », rédigée peu de temps après l'arrêt du 27 juin 2014, que la salariée n'était nullement disposée à remettre en cause les travers de son management.

En conséquence, il apparaît que l'employeur a fait preuve de patience et de bienveillance à l'égard de la salariée et qu'il n'a nullement manqué à ses obligations de sécurité telles que définies par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Ainsi, la salariée sera déboutée de sa demande indemnitaire formée de ce chef.

2/ Sur la faute grave

Il appartient à l'employeur qui invoque une faute grave à l'appui d'une mesure de licenciement de rapporter la preuve des faits rapportés dans la lettre de licenciement laquelle fixe les limites du litige.

En l'espèce, l'employeur reproche principalement à la salariée d'avoir indiqué à sa subordonnée, Mme [M] [K], lors de l'entretien d'évaluation du 23 janvier 2015, que son détachement ne serait pas renouvelé et qu'elle avait informé son ancien employeur de ce qu'elle avait engagé une action judiciaire et encore que ce dernier lui aurait signifié qu'il ne voulait plus la reprendre. Il produit en ce sens la lettre de M. [I] [P] datée du 26 janvier 2015 et déjà reproduite ainsi que les attestations de 9 salariés sans rapport direct avec les faits reprochés mais faisant état des difficultés de management rencontrées par la salariée.

La salariée répond en contestant avoir tenu les propos qui lui sont prêtés lors de l'entretien d'évaluation et en contestant la présence continue de M. [I] [P] lors de ce dernier. Elle produit en ce sens une attestation de M. [H] [D] selon lequel M. [I] [P] se serait souvent et longuement absenté lors de l'entretien. Elle produit encore de multiples témoignages de sympathie et de satisfaction.

La cour retient que l'employeur établit suffisamment que M. [H] [D] était en congé le jour des faits et qu'un litige les oppose alors que la lettre rédigée par M. [I] [P] est précise et sans ambiguïté et que l'impartialité de son rédacteur se trouve confortée par les écrits de la salariée qui faisait l'éloge de son action et même par sa position dans l'affaire de M. [R] [C] lors de laquelle il avait attesté aux intérêts de la salariée. Enfin, l'organisation de l'entretien d'évaluation était parfaitement adaptée, permettant de conforter la salariée dans sa mission de management, et préservant sa collaboratrice par la présence d'un tiers, présence nécessaire compte tenu de la mesure de médiation en cours.

Ainsi, la salariée a commis une faute lorsque, mise en cause par sa subordonnée, elle a perdu toute mesure pour lui indiquer que son détachement ne serait pas renouvelé et qu'elle avait informé son ancien employeur de son action judiciaire. De tels propos, prononcés en combinaison, apparaissent particulièrement violents et contraires tant au devoir de confidentialité qui pesait sur la salariée qu'à la prohibition des mesures de rétorsion à l'encontre d'une collaboratrice s'étant contentée d'engager une voie de droit contre son employeur. Il sera encore noté que la salariée n'a fait preuve d'aucun repentir actif afin de se faire excuser par sa subordonnée.

En conséquence, la salariée, qui malgré des formations et une mesure de médiation, malgré des mises en garde et une condamnation confirmée en appel, et malgré la présence d'un cadre pour veiller au bon déroulement d'un entretien de notation qu'elle avait accepté de conduire, persiste dans un management lourdement inadapté et manque à ses obligations aussi gravement qu'il vient d'être caractérisé rend impossible la poursuite de la relation contractuelle, ne serait-ce que durant le préavis.

La salariée, dont le licenciement est bien fondé sur une faute grave, sera déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

3/ Sur les autres demandes

Il convient d'allouer à l'employeur la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Déboute Mme [T] [U] de l'ensemble de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne Mme [T] [U] à payer à l'établissement public à caractère industriel et commercial PAYS D'AIX HABITAT MÉTROPOLE la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamne Mme [T] [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/22522
Date de la décision : 08/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/22522 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-08;17.22522 ?
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