La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2021 | FRANCE | N°19/12886

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 07 janvier 2021, 19/12886


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 07 JANVIER 2021



N° 2021/5













N° RG 19/12886



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXOT







Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS





C/



SARL LAS TERRENAS











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SELAS CABINET [F]



-SELARL [B]-ARLABOSSE













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/01077.





APPELANTE



Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités aud...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 07 JANVIER 2021

N° 2021/5

N° RG 19/12886

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXOT

Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS

C/

SARL LAS TERRENAS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SELAS CABINET [F]

-SELARL [B]-ARLABOSSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/01077.

APPELANTE

Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.

INTIMEE

SARL LAS TERRENAS,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Lionel ALVAREZ de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2021,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée (Sarl) Las Terrenas, qui vend des produits d'épicerie fine sur les marchés et dont le gérant est [G] [T], est propriétaire d'une remorque réfrigérée équipée d'une vitrine, immatriculée AY 846 SL et assurée auprès de la société anonyme (SA) Axa France Iard.

Soutenant que le 22 mai 2016, à Saint Pons Les Mures, sa remorque, alors tractée par un véhicule immatriculé au nom de l'épouse de M. [T], avait été percutée par l'arrière par un véhicule immatriculé à l'étranger, la Sarl Las Terrenas, après avoir obtenu condamnation de son propre assureur à lui payer une somme de 10 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, a par exploit du 30 janvier 2018, fait assigner l'association bureau central français (BCF) devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

L'association BCF a contesté devoir sa garantie au motif que la réalité de l'implication dans l'accident d'un véhicule immatriculé à l'étranger n'était pas établie. Elle a, par ailleurs, contesté le droit à indemnisation en invoquant une faute du conducteur de la remorque de nature à exclure son droit à indemnisation.

Par jugement du 3 juillet 2019, assorti de l'exécution provisoire, la tribunal a :

- dit que le droit à indemnisation de la Sarl Las Terrenas était entier ;

- condamné l'association BCF à payer à la Sarl Las Terrenas, au titre de l'indemnisation de ses préjudices, une somme de 155 025,88 €, provisions déduites,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

- condamné l'association BCF aux dépens, avec droit de recouvrement dans les conditions fixés par l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné l'association BCF à payer à la Sarl Las Terrenas une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage :

- frais de remise en état : rejet

- frais de gardiennage : 8 460,20 €

- frais de remorquage : 270 €

- frais d'assurance : rejet

- frais de location : 6 295,68 €

- coût du compresseur : rejet

- préjudice économique et financier : 140 000 euros.

Il a considéré que :

- bien que l'association BCF conteste devoir sa garantie, la réalité d'un accident survenu sur le territoire français et impliquant un véhicule étranger résultait d'une facture établie par la société Sodepex le 10 août 2016 selon laquelle une remorque accidentée le 22 mai 2016 à Saint Pons les Mures avait été dépannée sur appel de la gendarmerie de [Localité 3], d'un constat amiable établi par [X] [C], conducteur de la remorque et d'un dénommé [N] [U]... (illisible) domicilié en Allemagne et assuré auprès de la société d'assurances allemande Huk, ainsi que des échanges entre cette société d'assurance étrangère et l'assureur du véhicule tracteur ;

- la preuve d'une faute commise par le conducteur de la remorque, à savoir le dysfonctionnement des feux stop du véhicule, n'était pas rapportée.

Par acte du 6 août 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, l'association BCF a interjeté appel à l'encontre de cette décision en ce que :

- elle a dit que le droit à indemnisation de la Sarl Las Terrenas était entier suite à l'accident survenu le 22 mai 2016 ;

- elle l'a condamné à payer à la Sarl Las Terrenas la somme de 155 025,88 €, provisions non déduites, au titre de l'indemnisation des préjudices ;

- elle rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- elle l'a condamné aux dépens distraits au profit de maître [Y] [B] et à payer à la Sarl La Terrenas la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- elle a ordonné l'exécution provisoire.

La Sarl Las Terrenas, intimée, a interjeté appel incident sur l'évaluation de son préjudice, plus précisément sur le rejet de ses demandes au titre des frais de remise en état et des primes d'assurance et l'évaluation des frais de gardiennage.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 octobre 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions du 1er avril 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, l'association BCF demande à la cour de :

' réformer le jugement rendu le 3 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce que :

* il a dit que le droit à indemnisation de la Sarl Las Terrenas était entier suite à l'accident survenu le 22 mai 2016 de sa remorque réfrigérée immatriculée AY-846-S,

* il l'a condamné à payer à la Sarl Las Terrenas la somme de 155 25,88 euros, provisions non déduites, au titre de l'indemnisation de ses préjudices,

* il rejeté les demandes plus amples ou contraires,

* il l'a condamné aux dépens dont distraction au profit de Maître [Y] [B] pour les frais dont il a fait l'avance, et à payer à la Sarl Las Terrenas la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* il a ordonné l'exécution provisoire ;

Statuant à nouveau,

A titre principal :

' débouter la Sarl Las Terrenas de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

' dire et juger que la Sarl Las Terrenas a commis une faute exclusive la privant de tout droit à indemnisation,

' débouter la Sarl Las Terrenas de l'ensemble de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sarl Las Terrenas de sa demande injustifiée au titre des frais de remise en état de la remorque, des primes d'assurances et du coût du compresseur, des frais de remise en état de la remorque, des frais de gardiennage ou à tout le moins, réduire ces derniers à de plus justes proportions,

' débouter la Sarl Las Terrenas de sa demande d'indemnisation au titre des frais des frais de remorquage non justifiée, des primes d'assurance, du coût du compresseur, des frais de location d'une remorque, du préjudice financier et économique ;

A titre subsidiaire, concernant le préjudice financier et économique, si la cour s'estimait insuffisamment éclairée, désigner un expert pour évaluer et chiffrer le prétendu préjudice subi par la Sarl Las Terrenas,

En toute hypothèse,

' condamner la Sarl Las Terrenas à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner la Sarl Las Terrenas aux entiers dépens de première et d'appel, distraction faite au profit de la Selas cabinet [F] prise en la personne de Maître [F].

Au soutien de ses prétentions, l'association BCF fait valoir que :

- la réalité d'un accident survenu en France et impliquant un véhicule immatriculé à l'étranger n'est pas démontrée par les pièces produites ; le lieu de l'accident n'est pas mentionné dans les documents produits et aucune date ne figure sur le constat amiable ; le rapport d'expertise amiable mentionne un accident survenu le 2 janvier 2016, soit à une date différente de celle alléguée par la société Las Terrenas, et il vise un véhicule Renault Koleos immatriculé BA 259 XT qui ne correspond pas au véhicule qui tractait la remorque ;

- il résulte du constat amiable, signé par toutes les parties, que les feux arrières stop de la remorque ne se sont pas allumés avant la collision ce qui consacre une violation de l'article R 313-17-1 du code de la route, le conducteur du véhicule qui tractait la remorque ayant freiné brutalement sans signaler son changement de vitesse aux véhicules circulant derrière lui ;

- cette défectuosité des feux stop consacre une faute de nature à exclure tout droit à indemnisation ou, à tout le moins, à le réduire, étant précisé que les compagnies d'assurances ont appliqué une réduction de 30 % du droit à indemnisation ;

- le rapport d'expertise sur lequel la société Las Terrenas se fonde pour chiffrer ses préjudices concerne un autre accident et un autre véhicule ; les frais de gardiennage ne sont pas justifiés dès lors que la remorque, bien qu'accidentée, pouvait être stationnée à l'endroit où elle était stationnée avant l'accident ; les frais de remorquage, d'assurance et le préjudice économique ne sont pas justifiés ; il n'est pas démontré que les frais de location d'une autre remorque sont en lien de causalité avec l'accident et la société Las Terrenas a, en tout état de cause, déjà été indemnisée de ce préjudice par son assureur la société Axa France Iard.

Dans ses dernières conclusions du 5 février 2020, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la Sarl Las Terrenas demande à la cour de :

' confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 3 juillet 2019 en ce qu'il a :

- dit que son droit à indemnisation était entier suite à l'accident survenu le 22 mai 2016 de sa remorque réfrigérée immatriculée AY-846-S,

- condamné l'association BCF à lui payer la somme de 155 025,88 €, provisions non déduites, au titre de l'indemnisation de ses préjudices,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- condamné l'association BCF aux dépens dont distraction au profit de Maître [Y] [B] pour les frais dont il a fait l'avance, et à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' recevoir son appel incident ;

' débouter l'association BCF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant

' condamner l'association BCF à lui payer les sommes suivantes ;

* 9 120 € au titre de la remise en état de la remorque

* 13 705,92 euros au titre des frais de gardiennage du 12 août 2017 au mois d'octobre 2019

* 1 227, 54 euros au titre des primes d'assurance

' A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée sur son préjudice économique et financier, désigner un expert aux fins de chiffrer l'ensemble de ses préjudices financiers et économiques aux frais avancés de l'association BCF ;

' condamner l'association BCF à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

- les pièces qu'elle produit démontrent la réalité de l'accident survenu le 22 mai 2016 à [Localité 4] sur la commune de [Localité 3], impliquant un véhicule immatriculé à l'étranger et assuré par une société étrangère ;

- le conducteur étranger est impliqué dans l'accident puisqu'il n'est pas resté maître de son véhicule et n'a pas respecté les distances de sécurité ;

- la défectuosité des feux stop de la remorque n'est pas démontrée et les seules assertions du conducteur étranger, telles que reproduites en langue allemande dans le constat amiable sont insuffisantes à la démontrer dès lors que le conducteur du véhicule qui tractait la remorque n'était pas en mesure de comprendre cette mention rédigée dans une langue étrangère ;

- en tout état de cause, la défectuosité de ces feux, à la supposer établie, n'a pas eu de rôle causal dans l'accident dès lors que le conducteur impliqué devait, en tout état de cause, respecter les distances de sécurité et maîtriser la vitesse de son véhicule ;

- sur l'étendue de son préjudice, elle a été contrainte, après le sinistre, de louer une autre remorque réfrigérée et a subi une perte de chiffre d'affaires qui ne peut demeurer sans réparation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l'article 467 du code de procédure civile.

Sur le droit à indemnisation

Le BCF, association régie par la loi du 1er juillet 1901, à laquelle doit obligatoirement adhérer toute entreprise d'assurance opérant en responsabilité civile automobile en France, se porte garant de l'indemnisation des victimes d'accidents causés en France par des véhicules étrangers.

Il appartient à la victime, qui prétend à l'indemnisation de dommages, de démontrer que ceux-ci résultent d'un accident de la circulation qui a eu lieu sur le territoire français et qui implique un véhicule terrestre à moteur immatriculé dans un Etat membre de l'espace économique européen, dont l'assureur n'a pas de correspondant en France ou dont la carte verte n'était pas valide au jour de l'accident ou qui n'était pas assuré.

En l'espèce, la société Las Terrenas produit aux débats la copie du constat amiable, dressé après la collision entre le véhicule A appartenant à [M] [T], à savoir un véhicule de marque Nissan Juck immatriculé CL 465 BM tractant une remorque immatriculée AY 846 SL, conduit par [X] [C] et un véhicule B, de marque Renault Clio, immatriculé (illisible) AR 95, conduit par [N] [U].. (illisible), assuré auprès de la société HUK, le pays d'immatriculation mentionné étant l'Allemagne.

Ce constat sur lequel ne figure aucune date mentionne bien une collision entre les deux véhicules avec un point de choc à l'avant du véhicule B et à l'arrière de la remorque tractée par le véhicule A.

Il est corroboré par une facture de remorquage établie par la société Sodeplex qui vise une remorque frigorifique immatriculée AY 846 SL dépannée suite à un 'accident à Saint Pons les Mures à [Localité 3] le 22 mai 2016".

Par ailleurs, si le rapport d'expertise initialement produit concernait un accident du 2 janvier 2016 et d'autres véhicules, la société Las Terrenas a produit un deuxième rapport d'expertise en date du 16 juin 2016 évoquant un sinistre 22 mai 2016, dans le cadre d'une mission en date du 25 mai 2016 concernant un véhicule Nissan Juke DCI immatriculé CL 465 BM.

Au regard de ces pièces, il doit être considérée que la réalité de l'accident de la circulation survenu le 22 mai 2016 sur le territoire français et impliquant un véhicule immatriculé à l'étranger est établie, sans qu'il soit utile d'entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties.

L'association BCF doit donc garantir l'indemnisation de la victime de cet accident.

En vertu des articles 4 et 5 de la loi du 5 juillet 1985, d'application autonome, le conducteur victime d'un accident de la circulation est indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, celle-ci ayant pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation. La faute de la victime doit s'apprécier en faisant abstraction du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.

En l'espèce, le constat amiable rédigé par les conducteurs des véhicules comporte une mention en langue allemande concernant les feux équipant la remorque endommagée dans l'accident. Selon cette mention, apposée par le conducteur du véhicule impliqué et traduite par un expert, 'les feux stop de la remorque ne se sont pas allumés'.

Cependant, cette seule mention est insuffisante à établir la réalité du dysfonctionnement invoqué.

En effet, si un constat amiable, rédigé par les protagonistes d'un accident est susceptible d'éclairer sur les conditions dans lesquelles l'accident est survenu, encore faut il que ses mentions, lorsqu'elles sont contestées, soient corroborées par d'autres éléments.

En l'espèce, la mention relative aux feux stop de la remorque a été portée sur le constat par le conducteur du véhicule B, en langue allemande, soit qu'il soit démontré que le conducteur du véhicule A était en mesure d'en comprendre le sens. Elle ne peut donc être entendue comme un élément constant.

Cette défectuosité est évoquée dans un courrier que la société Huk Coburg, assureur du véhicule étranger, a adressé à la société Macif le 18 août 2017 pour retenir une réduction du droit indenisation de 30 %, mais cette pièce, établie par l'assureur du véhicule impliqué sur la seule foi du constat amiable, ne peut être considérée comme une pièce objective.

La défectuosité des feux stop de la remorque n'est corroborée par aucune autre pièce produite par les parties.

En conséquence, il ne peut donc être considéré comme établi que les feux de la remorque étaient défectueux et que la victime a, en circulant avec un véhicule dont les feux stop ne fonctionnaient pas, commis une faute susceptible d'exclure ou même simplement de réduire son droit à indemnisation.

Le droit à indemnisation de la Sarl Las Terrenas est donc entier.

Sur le préjudice

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit.

En l'espèce, pour démontrer la réalité et l'étendue des dommages matériels causés à la remorque ainsi que le coût de sa remise en état, la Sarl Las Terrenas produit un rapport d'expertise du cabient OTT chiffrant le coût des réparations à 9 119,97 euros. Cependant, ce rapport est daté du 4 février 2016 alors que le sinistre a eu lieu le 22 mai 2016. Il ne peut donc être corrélé à l'accident objet du litige. Par ailleurs, ce rapport mentionne des dégats à l'avant droit du véhicule alors qu'il résulte du constat amiable dressé après l'accident que la remorque a été percutée à l'arrière. Enfin, il fait état de dommages sans relation avec le sinistre sans que la cour soit en mesure de faire le tri dans l'énumération des différentes réparations figurant en 2 et 3 entre celles qui sont liées au sinistre et celles qui sont sans lien avec lui.

Ne produisant aucune autre pièce afin de déterminer l'étendue des dégâts causés à la remorque et de chiffrer le coût de la remise en état, la Sarl Las terrenas sera déboutée de sa demande au titre des frais de remise en état du véhicule accidenté.

Il résulte d'une facture des établissements Mouttet que la remorque accidentée a été déposée en gardiennage dans les locaux de cette société. Ce gardiennage a été facturée 15,90 € hors taxe par jour soit 6 964,20 € du 11 août 2016 au 11 aout 2017 (facture des établissements Mouttet du 11 août 2017). La Sarl Las Terrenas ne produit aucune autre pièce démontrant qu'elle a engagé des frais de gardiennage en deça et au delà de cette période. Certes, le remorquage du véhicule a eu lieu le jour de l'accident, le 22 mai 2016, mais la facture de remorquage ne démontre pas que le véhicule a été déposé dans les locaux des établissements Mouttet à cette date. En ce qui concerne la période postérieure au 11 août 2017, il n'est produit aucune pièce démontrant que le véhicule est demeuré dans les locaux de la société de gardiennage et que le coût de celui-ci a été facturé à la Sarl Las Terrenas.

En tout état de cause, aucune pièce ne démontre que le dépôt du véhicule dans les locaux d'une société de gardiennage était indispensable. La société Las Terrenas ne démontre pas davantage que le véhicule n'était pas réparable immédiatement ou dans un délai plus court. Il s'en déduit que ce dépôt dans les locaux d'une société de gardiennage procède d'un choix de sa part.

Dans ces conditions, le coût du gardiennage de la remorque ne saurait être inscrit au compte des dommages générés par l'accident, dont le BCF devrait réparation.

En revanche, les frais de remorquage ne peuvent être contestés. En effet, il résulte d'une facture de la société Sodeplex en date du 10 août 2016 que le 22 mai 2016 elle a remorqué le véhicule figorifique immatriculé AY 846 SL sur un appel de la gendarmerie suite à un accident à Saint Pons les Mures, [Localité 3] et que ce remorquage a été réalisé pour un coût de 270 euros. Le remorquage étant en lien direct avec le fait dommageable, la société Las Terrenas est bien fondée à en réclamer le remboursement à titre d'indemnisation du dommage causé par l'accident.

S'agissant des frais de location d'un véhicule de remplacement, la société Las Terrenas justifie par la production de factures avoir engagé à ce titre la somme de 6 304,68 € (factures de mai à septembre 2016 établies par la société Petit Forestier location). Elle ne produit aucune autre pièce démontrant avoir effectivement réglé une somme supérieure à la société de location. Par ailleurs, si elle justifie avoir engagée une dépense à ce titre, elle ne produit aucune pièce démontrant que la remorque accidentée n'était pas réparable à brève ou moyenne échéance. Elle ne produit d'ailleurs aucun élément technique permettant à la cour de connaitre exactement l'étendue des dégats, les réparations nécessaires et leur coût puisque l'expertise technique qui est produite est antérieure à l'accident.

Il résulte de ces éléments que si le coût de la location d'un véhicule de remplacement est justifié pour les mois de mai à septembre 2016, dès lors que la remorque a bien été accidentée et nécessitait des réparations qui ont conduit à son immobilisation, il ne l'est pas pour la période postérieure à septembre 2016.

Dans ces conditions, il sera alloué à ce titre à la société Las Terrenas une somme de 6 304,68 € correspondant au coût de location d'une remorque réfrigérée de remplacement jusqu'en septembre 2016 inclus.

S'agissant des provisions éventuellement déjà versées, notamment de la provision de 10 000 € mise à la charge de l'assureur de la société par le juge des référés, cette indemnité provisionnelle n'étant pas affectée par la décision à un préjudice particulier, devra être déduite du montant total des dommages-intérêts.

La société Las Terrenas sollicite également le remboursement de primes d'assurance à hauteur de 1 227,54 euros. Cependant les trois pièces qu'elle produit, à savoir les quittances émises par la société AXA les 26 septembre 2018 (période du 1er juillet 2016 au 1er juillet 2017, du 1er juillet 2017 au 1er juillet 2018 et du 1er juillet 2018 au 1er juillet 2019) font référence à un contrat 'caravane', sans plus de précision. Aucun élément figurant dans ces courriers ne permet de rattacher les cotisations à la remorque accidentée. Par ailleurs, elle ne démontre pas que cette assurance était indispensable alors que le véhicule était, selon ses dires, pendant les périodes visées, immobilisé en dépôt dans les locaux d'une société de gardiennage.

En conséquence, sa demande au titre des primes d'assurance doit être rejetée.

Quant au préjudice économique et financier dont elle sollicite l'indemnisation, il sera observé que cette somme est réclamée en intégralité, au titre d'une diminution de chiffre d'affaires liée, selon elle, à l'impossibilité d'exposer en vitrine son produit phare et à la baisse des ventes qui en serait résulté. La société Las Terrenas produit pour démontrer cette perte une attestation de son expert comptable certifiant que son chiffre d'affaires hors taxe s'est élevé à 737 295 € en 2015 et à 580 136 € en 2016. Cette attestation est complétée par un courrier de l'expert comptable dont il résulte que le chiffre d'affaire a connu en 2016 une baisse de 20 % par rapport à 2015 et en 2017 une nouvelle baisse de 25 % alors qu'entre 2014 et 2015, il avait connu une hausse de 19 %. L'expert comptable relie la baisse du chiffre d'affaire à l'immobilisation de la remorque, et précise que 'aux dires de M. [T], gérant, l'essentiel de la perte serait sur l'activité jambon et le fait qu'il n'a pu se rendre sur les foires habituelles' faute de disposer de la remorque qui, équipée d'une vitrine, permet de présenter les produits dans des conditions de prestige conduisant à une facturation de ces produits à prix élevé.

Il convient d'observer que ces documents ne comportent aucune analyse comptable de la baisse du chiffre d'affaires observée, l'expert comptable se contentant, après restitution des chiffres, de livrer l'analyse que lui en a faite le gérant de la société appelante.

Par ailleurs, le préjudice ne peut correspondre à la perte de chiffre d'affaires, qui équivaut à la valeur des biens non vendus. Le gain manqué indemnisable ne peut correspondre qu'à la perte de marge subie par l'entreprise du fait de l'accident.

Or, sur ce point, la société Las Terrenas ne fournit aucun élément objectif puisqu'elle ne produit pas aux débats ses bilans, ni aucun document comptable. L'attestation de son expert comptable est insuffisante en ce qu'elle ne porte mention que des achats de jambon Joselito, du chiffre d'affaires et des soldes bancaires.

Certes, la baisse de chiffre d'affaires de la société entre 2015 et 2016, année de l'accident, est réelle, mais cet élément est insuffisant pour la corréler au fait dommageable. En effet, la seule survenance d'une perte ne saurait suffire s'il n'est pas démontré qu'elle est directement imputable au fait dommageable. L'incidence du fait dommageable doit donc être démontrée par le demandeur à l'indemnisation.

En l'espèce, alors que la société sollicite une indemnisation intégrale de la perte, aucun élément ne démontre que cette perte procède de l'impossibilité d'exposer le produit dans les conditions antérieures, laquelle n'est elle-même démontrée par aucune pièce probante. En effet, la société Las Terrenas affirme ne pas avoir pu louer un véhicule équipé d'une vitrine, mais elle ne produit aucune pièce démontrant avoir vainement recherché un tel véhicule. L'attestation de son propre expert-comptable est insuffisante pour démontrer cette impossibilité. Elle ne démontre pas davantage que son véhicule n'était pas réparable ou qu'il n'a pu être réparé avant plusieurs mois. Par ailleurs, aucune pièce ne démontre qu'elle se trouvait dans l'impossibilité, du fait de l'immobilisation de la remorque figorifique équipée d'une vitrine, de vendre son produit phare, le jambon Joselito. Son argumentation est en réalité afférente aux techniques de vente susceptibles d'être mises en oeuvre pour promouvoir le produit auprès de la clientèle. Or, elle n'établit pas qu'il lui était impossible, à défaut d'exposer directement le produit en vitrine, d'utiliser d'autres techniques de promotion de ce produit afin d'en assurer le succès auprès de le clientèle et de contenir les effets de l'immobilisation de la vitrine. L'impact de la désorganisation liée à l'impossibilité d'user de la remorque réfrigérée équipée d'une vitrince n'est donc pas démontré.

A cela s'ajoute qu'une perte de chiffre d'affaires est sucpetible de procéder d'autres causes, notamment d'une rupture d'équilibre liée à l'existence ou l'arrivée sur le marché de concurrents, c'est à dire du jeu normal de la libre concurrence.

La mesure d'expertise comptable, qui est demandée à titre subsidiaire ne serait sur ce point d'aucune utilité si on considère qu'elle ne fournira, en tout état de cause, aucun renseignement sur l'origine de la diminution des ventes du jambon Joselito.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la société La Terrenas ne démontrant pas l'incidence de l'immobilisation de la remorque réfrigérée sur la perte de chiffre d'affaires, doit être déboutée de sa demande au titre du préjudice économique et financier allégué.

Dans ses conclusions, l'association BCF sollicite le rejet de la demande d'indemnisation du coût d'un compresseur. Cependant, aucune demande n'est formulée à ce titre par la société Las Terrenas dans ses dernières conclusions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer.

Au total, le préjudice indemnisable s'élève à la somme de 6 574,68 €.

La société Las Terrenas ne contestant pas avoir reçu une provision de 10 000 € de l'assureur de la remorque, la société Axa France Iard, doit être considérée comme remplie de ses droits, de sorte qu'aucune condamnation du BCF ne peut intervenir à son profit.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.

La société Las Terrenas succombe partiellement dans ses prétentions de sorte qu'elle supportera la charge des entiers dépens d'appel. La partie qui doit supporter l'intégralité des dépens ne peut demander d'indemnité pour frais irrépétibles.

L'équité justifie d'allouer à l'association BCF une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Fixe le préjudice de la société Las Terrenas à la somme de 6 574,68 € ;

Déboute la société Las Terrenas de sa demande de condamnation de l'association BCF ;

Condamne la Sarl Las Terrenas aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute la société Las Terrenas de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la société Las Terrenas à payer à l'association BCF une indemnité de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/12886
Date de la décision : 07/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°19/12886 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-07;19.12886 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award