La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2021 | FRANCE | N°19/04210

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 07 janvier 2021, 19/04210


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 07 JANVIER 2021



N° 2021/1



N° RG 19/04210



N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6G5





[L] [S] épouse [U]

[R] [J]

[E] [U]





C/



[V] [F]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Fondation HÔPITAL AMBROISE PARE











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI



-SCP CABNET ROSENFELD & ASSOCIES<

br>


- SCP LATIL PENARROYA-LATIL



-SCP INTER-BARREAUX VPNG



-Me Charlotte SIGNOURET









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/13431.


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 07 JANVIER 2021

N° 2021/1

N° RG 19/04210

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6G5

[L] [S] épouse [U]

[R] [J]

[E] [U]

C/

[V] [F]

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Fondation HÔPITAL AMBROISE PARE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI

-SCP CABNET ROSENFELD & ASSOCIES

- SCP LATIL PENARROYA-LATIL

-SCP INTER-BARREAUX VPNG

-Me Charlotte SIGNOURET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/13431.

APPELANTS

Madame [L] [S] épouse [U]

Appelante et intimée :

née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

Monsieur [R] [J]

Appelant et intimé :

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

représenté et assisté par Me François ROSENFELD de la SCP CABNET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Aurélie PLANTIN, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

Monsieur [E] [U]

Appelant et intimé :

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

INTIMES

Monsieur [V] [F]

Nationalité française, Médecin,

demeurant et domicilié :

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE substituée par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE, plaidant.

Monsieur CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Régis CONSTANS de la SCP INTER-BARREAUX VPNG, avocat au barreau de MARSEILLE.

Fondation HÔPITAL AMBROISE PARE,

demeurant [Adresse 6]

représentée et assistée par Me Charlotte SIGNOURET, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2021,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 décembre 2006, Mme [U] a consulté M. [F], gynécologue, pour des hémorragies génitales, une incontinence d'effort et des douleurs pelviennes.

Le 25 mai 2007, Mme [U] a été admise à l'Hôpital Ambroise Paré pour y subir une intervention chirurgicale pratiquée par M. [F], médecin gynécologue. L'intervention a consisté':

- en la mise en place sous l'urètre d'une bandelette TVT (tension free vaginal tape) pour former un hamac supportant celui-ci pendant l'effort, sous contrôle cystoscopique, puis

- dans la réalisation d'une hystérectomie pour traiter les hémorragies génitales.

Des complications post-opératoires sont apparues, Mme [U] ayant développé une hématurie importante (présence de sang dans les urines) à compter du 26 mai, ainsi qu'une infection urinaire à entérocoque faecalis. M. [F] a alors sollicité l'avis de M. [J].

Le 30 mai 2007, M. [J] a procédé à une nouvelle intervention au cours de laquelle il a constaté que les bandelettes posées par M. [F] avaient un trajet intra-vésical. M. [J] a choisi de procéder par voie de résection endoscopique.

Le 5 juin 2007, la persistance de douleurs abdominales a déterminé Mme [U] à consulter M. [F] qui a fait réaliser le jour même un scanner qui a montré l'existence d'un hématome et la présence de deux bandelettes calcifiées. M. [F] n'a préconisé qu'une surveillance.

Les infections urinaires et les douleurs pelviennes ont continué. Mme [U] a consulté le professeur [A]. Elle a fait l'objet d'une nouvelle intervention chirurgicale pratiquée par le docteur [C], chirurgien urologue, le 19 mars 2009 au sein de l'Hôpital Saint-Joseph, afin de détruire les lithiases vésicales (calculs).

Devant la persistance de calculs récidivants et la présence de résidus de bandelettes, Mme [U] a été hospitalisée et opérée à trois reprises par le docteur [K], chirurgien urologue, pour traitement de fragments de bandelettes calcifiées :

- du 12 au 16 novembre 2009, à la clinique Chanteclair à Marseille (13 novembre 2009': ablation d'une partie de la bandelette TVT),

- du 8 septembre au 9 septembre 2010, à la clinique de la Casamance (8 septembre 2010': ablation de nouvelles lithiases vésicales et de résection d'un fragment de bandelette), et

- du 12 décembre 2013 au 14 décembre 2013, à la clinique la Casamance (13 décembre 2013': extraction d'un fragment de bandelette calcifiée).

Par ordonnance du 28 novembre 2014, le juge des référés du TGI de Marseille saisi par Mme [U] a commis le professeur [X] aux fins d'expertise médicale, au contradictoire de M. [J], de M. [F], de l'ONIAM et de l'Hôpital Européen Ambroise Paré. Pendant les opérations d'expertise, Mme [U] a été hospitalisée le 19 mai 2015 à la demande de l'expert judiciaire': le docteur [K] a réalisé une cystoscopie de contrôle pour obtenir des clichés de l'intérieur de la vessie pour les besoins de l'expertise.

Le docteur [X] a déposé son rapport le 22 février 2016 et a conclu à des fautes de M. [F] et de M. [J] dans la prise en charge de la patiente, à l'origine d'une perte de chance pour Mme [U] de ne pas subir les complications qui se sont ensuivies.

Le professeur [X] a retenu les préjudices suivants :

- déficit fonctionnel temporaire total': 19-21/03/2009, 12-16/11/2009, 08-09/09/2010, 12-14/12/2013,

- déficit fonctionnel temporaire partiel (25%)': 60 jours,

- souffrances endurées : 4/7,

- déficit fonctionnel permanent : 4%.

Par acte d'huissier de justice du 14 septembre 2016, M. et Mme [U] ont saisi le TGI de Marseille d'une action en réparation du préjudice corporel subi à l'encontre de M. [F] et de M. [J], de l'Hôpital Européen venant aux droits de la clinique Ambroise Paré, et de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône.

* * *

Par exploit du 14 novembre 2016, Mme [U] et son époux M. [E] [U] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille, M. [J], M. [F], l'Hôpital européen comme venant aux droits de l'Hôpital Ambroise Paré et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPAM) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement des articles L.1142-1 et L.1111-2 du code de la santé publique.

Par jugement du 7 mars 2019, le TGI de Marseille a :

- mis hors de cause l'Hôpital européen,

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la Fondation Hôpital Ambroise Paré,

- fixé le préjudice de Mme [U] à la somme de 28390,53 €,

- dit que M. [F] et M. [J] sont responsables in solidum à hauteur de 80 % du préjudice subi par Mme [U],

- condamné in solidum M. [F] et M. [J] à verser à la CPAM la somme de 4 644,96 €,

- condamné in solidum M. [F] et M. [J] à verser à Mme [U] la somme de 18'067,45 €,

- débouté Mme [U] de ses demandes formées à l'encontre de la Fondation Ambroise Paré et de sa demande formée au titre de la perte de chance résultant du défaut d'information,

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné in solidum M. [F] et M. [J] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [F] et M. [J] à verser à Mme [U] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [F] et M. [J] à verser à la CPA M la somme de 1055 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement Mme [U] et M. [U] à verser à la Fondation hôpital Ambroise Paré la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que dans leurs rapports entre eux M. [F] et M. [J] seront tenus à hauteur de 50 % chacun des condamnations prononcées,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré sur la responsabilité que :

- M. [F] a commis une négligence ou une mauvaise pratique de l'acte de cystoscopie en omettant de regarder dans les zones difficiles le passage des bandelettes de sorte qu'il n'a pas vu que les deux bandelettes avaient un trajet transfixiant au niveau de la vessie,

- M. [J] a également commis une faute en omettant de procéder à l'ablation de la totalité des bandelettes à un moment où elles n'étaient pas encore entièrement fixées par du tissu fibreux,

- par ces fautes les deux chirurgiens ont fait perdre à la patiente une chance de ne pas subir les complications qui se sont réalisées,

- M. [F] a respecté son obligation d'information, notamment en faisant signer à la patiente un document de consentement aux soins le 11 mai 2007,

- M. [J] n'a pas informé correctement la patiente préalablement à l'intervention du 30 mai 2007 de la possibilité soit d'enlever les bandelettes en intégralité soit de ne procéder qu'à une ablation partielle (Mme [U] a néanmoins été déboutée de sa demande en indemnisation à ce titre car elle réclamait le versement d'une indemnité forfaitaire et non une fraction du préjudice qu'elle estimait avoir subi au titre de la perte de chance),

- les infections urinaires présentées par Mme [U] ne peuvent être considérées comme nosocomiales, l'expert ayant indiqué qu'elles étaient incontestablement endogènes et la conséquence de calculs et non de germes transmis au cours des soins.

Le tribunal a par ailleurs évalué ainsi qu'il suit le préjudice corporel de Mme [U] :

- dépenses de santés actuelles : 5806,21 € au titre des débours de la CPAM avec rejet de la demande au titre de l'hospitalisation à l'hôpital Ambroise Paré du 30 au 31 mai 2007 correspondant à une hospitalisation en relation avec l'opération initiale,

- frais divers : 1337,32 € au titre des dépenses de santé restées à la charge de Mme [U] et rejet du surplus se de sa demande au titre des hospitalisations de 2016 et 2017,

- incidence professionnelle : rejet de la demande d'indemnisation faute de preuve de l'exercice d'une activité professionnelle effective entre 2003 et 2007,

- déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 667 € sur une base journalière de 23 € pour un déficit total

- souffrances endurées : 15000 €

- préjudice esthétique temporaire : 500 €

- déficit fonctionnel permanent : 5080 €

- préjudice d'anxiété : rejet de la demande, Mme [U] n'ayant à aucun moment été en danger de mort,

- préjudice d'agrément : rejet de la demande faute de preuve du lien avec l'accident.

M. [U] a été débouté de ses demandes au motif qu'il ne justifiait pas d'un préjudice sexuel personnel exclusivement en lien avec la prise en charge médicale litigieuse ni d'un bouleversement dans ses conditions d'existence d'autant qu'il n'était pas établi que son épouse était dans l'incapacité d'exécuter la moindre tâche domestique.

Par déclaration du 13 mars 2019 enregistrée sous le numéro RG 19/04210, M. [J] a interjeté appel de cette décision en visant toutes les mentions du dispositif le concernant.

Par déclaration du 5 avril 2019 enregistrée sous le numéro RG 19/05653, M. et Mme [U] ont interjeté appel du jugement en ce que :

- le préjudice de Mme [U] a été fixé à la somme de 28390,53 €,

- M. [F] et M. [J] ont été condamnés in solidum à verser à Mme [U] la somme de 18067,45 €,

- en ce que Mme [U] a été déboutée de ses demandes formées à l'encontre de la Fondation Hôpital Ambroise Paré,

- en ce que Mme [U] a été déboutée de sa demande au titre de la perte de chance résultant du défaut d'information,

- en ce que M. [U] a été débouté de l'ensemble de ses demandes,

- en ce qu'ils ont été condamnés solidairement au paiement à la Fondation Hôpital Ambroise Paré de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ces appels ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 octobre 2019 pour être suivis sous le numéro RG 19-04210.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [J] demande à la cour dans ses conclusions du 9 décembre 2019, en application des articles 564 du code de procédure civile et L.1142-1 du code de la santé publique, de :

' sur l'infection :

- juger les requérants irrecevables à solliciter pour la première fois en cause d'appel sa condamnation à endosser la responsabilité et la charge des réparations du préjudice spécifique lié à l'infection,

' sur les soins :

* infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [J] et M. [F] responsables in solidum à hauteur de 80 % du préjudice subi par Mme [U],

Statuant à nouveau,

- débouter M. et Mme [U] de leurs revendications en ce qu'elles le visent,

- débouter la CPAM de l'intégralité de ses revendications en ce qu'elles le visent,

- débouter la Fondation Hôpital Ambroise Paré de l'intégralité de ses revendications en ce qu'elles le visent,

* subsidiairement, si une faute de technique médicale était retenue à son encontre infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité in solidum avec M. [F],

Statuant à nouveau

- fixer le partage de responsabilité de 66 % pour M. [F] et de 34 % pour lui-même,

* très subsidiairement sur la liquidation des préjudices

- confirmer le jugement en ce qui concerne l'évaluation du taux de perte de chance,

- confirmer le jugement s'agissant de la créance de la CPAM, des dépenses de santé actuelles, du déficit fonctionnel temporaire, de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément,

- infirmer le jugement déféré s'agissant de l'indemnisation des souffrances endurées et statuant à nouveau les fixer à la somme de 10000 € dont 80 % indemnisables au titre de la perte de chance,

- infirmer le jugement s'agissant de l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire et statuant à nouveau rejeter toute revendication de Mme [U] à ce titre,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [U],

' sur l'information :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu un défaut d'information qui lui est imputable,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes visant le préjudice né de la perte de chance du au non-respect de l'obligation d'information,

' sur les frais et dépens :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné in solidum avec M. [F] à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 4000 € à Mme [U] et celle de 2000 € à la CPAM,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné in solidum avec M. [F] à assumer la charge des dépens,

Statuant à nouveau,

- rejeter toutes les demandes formulées au titre des dépens et frais irréductibles en ce qu'elles le visent,

- subsidiairement, fixer la prise en charge des frais irrépétibles et des dépens par les praticiens au prorata de leurs parts de responsabilité soient 66 % pour M. [F] et 34 % pour lui-même,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux dépens d'appel avec distraction.

M. [J] fait valoir que :

' sur la recevabilité :

- la demande de Mme [U] de sa condamnation au titre de l'infection est nouvelle en cause d'appel et ainsi irrecevable conformément à l'article 564 du code de procédure civile,

' sur les soins :

* il a prodigué des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science :

- le tribunal n'a pas caractérisé sa faute et a retenu sa responsabilité sur le fondement de la constatation d'un lien entre l'intervention qu'il a pratiquée et les complications présentées ultérieurement par la patiente,

- il ne peut être condamné que si une faute est prouvée à son encontre conformément à l'article L.1142-1 du code de la santé publique,

- s'il est vrai qu'il a laissé un corps étranger dans la vessie de Mme [U] et que celui-ci a créé une érosion de la vessie génératrice de diverses complications liées à la formation de calculs récidivants, il ne pourrait être tenu d'indemniser ces complications que si la méthode qu'il a choisie était proscrite par les sociétés savantes, ou était inadaptée au cas de la patiente ou avait été réalisée de manière incomplète,

- les opérations d'expertise ont mis en évidence que deux techniques opératoires principales sont envisageables pour l'ablation d'une bandelette TVT positionnée en intra-vésical, la première est la chirurgie ouverte avec ablation complète dans la bandelette, la seconde est la résection endoscopique qui permet de sectionner la portionintra-vésicale avec préservation de la portion sous urétrale et qui peut être mené au cours d'une cystoscopie, c'est cette dernière option qu'il a privilégiée,

- l'expert à l'issue d'un dire a indiqué que c'était une option possible,

- ce mode opératoire était donc légitime et adapté au cas particulier de Mme [U] ; en effet l'effraction vésicale a été constatée six jours après le geste chirurgical et non au décours de celui-ci il était donc logique de gérer cette complication conformément aux recommandations applicables aux effractions vésicales découvertes à distance de l'intervention,

- au moment de la reprise chirurgicale, Mme [U] se trouvait nécessairement au premier stade de la réaction histologique avec une bandelette qui commençait à se fixer à la paroi, et, au contraire d'une patiente fraîchement opérée, elle ne présentait donc, a priori, pas un terrain favorable à une ablation chirurgicale mais plutôt à une résection endoscopique ; à tout le moins les deux options étaient envisageables puisqu'il n'existe aucune publication donc aucune recommandation relative à une effraction intra-vésicale découverte au cours de la première semaine post opératoire ; la technique qu'il a choisie est peu invasive, susceptible d'éviter une réintervention plus difficile d'ablation et dans la plupart des cas elle est suffisante,

- il a réalisé son geste de façon irréprochable et l'expert ne l'a pas critiqué,

* sur le partage de responsabilité :

- M. [F] a commis une faute car il ne s'est pas aperçu de la perforation vésicale en per-opératoire ni lors de la cystoscopie de contrôle effectuée en post-opératoire immédiat,

- les clichés du 25 mai 2007 n'ont pas été conservés ou ont été égarés ; en toute hypothèse, ils n'ont jamais été communiqués aux débats et il n'est donc pas possible de savoir si M. [F] en a fait une juste interprétation ou s'il est passé à côté d'une perforation visible ; la Cour de Cassation sanctionne la perte de tout ou partie du dossier médical par une inversion de la charge de la preuve ; M. [F] sera donc déclaré responsable car il ne peut pas démontrer par la communication des images de la cystoscopie qu'il en a fait une juste interprétation,

- la faute de M. [F] a eu des conséquences importantes car s'il avait décelé la perforation le jour même Mme [U] n'aurait pas eu à subir de reprise mais surtout aurait pu bénéficier de ce geste dans des conditions optimales c'est-à-dire à un moment où les tissus n'étaient pas encore fixés,

' sur la liquidation des préjudices :

- les frais de carburant, péage...ne sont pas justifiés,

- l'indemnisation des nouvelles hospitalisations postérieures à la date de consolidation ne peut intervenir en l'absence d'expertise en aggravation car il n'est pas établi qu'elle soit en lien avec la complication opératoire,

- le préjudice esthétique temporaire n'est pas caractérisé car l'expert a précisé que la prise de poids est antérieure à l'intervention et avait d'ailleurs justifié une abdominoplastie en 1994 et le port de protections périodiques préexistait puisque l'intervention visait justement à traiter une incontinence urinaire,

- la demande d'indemnisation d'une incidence professionnelle doit être rejetée car elle n'a pas été retenue par l'expert, Mme [U] était sans activité professionnelle depuis 2003 en raison de diverses pathologies soit un syndrome dépressif à partir de 2003 puis un cancer du sein à partir de 2006 et un cancer du rein à partir de 2007 ; en outre le déficit séquellaire fixé à 4 % n'interdit pas l'exercice d'une profession quelconque,

- sur le préjudice d'agrément : Mme [U] ne prouve pas qu'elle pratiquait encore la randonnée et la bicyclette à la date des faits litigieux ; il doit être rappelé qu'elle a souffert de problèmes de santé et que l'expert n'a pas retenu ce poste de dommage,

- le préjudice d'anxiété est lié à l'angoisse d'une mort potentielle ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- l'expert n'a pas retenu de préjudice sexuel ni la nécessité d'une assistance par tierce personne ce qui rend non fondées les demandes de M. [U],

' sur l'information :

- sur l'information relative à la réalisation éventuelle d'une endoscopie l'expert a seulement relevé la discordance entre ses affirmations et celles de la patiente mais l'information a bien été donnée car Mme [U] était déjà hospitalisée au moment de l'intervention et faisait l'objet de nombreux examens et contrôles ; en outre le dossier de l'hôpital Ambroise Paré, notamment les fiches infirmière pour la journée du 29 et 30 mai 2007, révèlent que Mme [U] a bien été informée en amont et qu'une visite était programmée le 30 mai 2007 au matin,

- sur l'information relative au choix entre le retrait total de la bandelette et la résection : il n'a pas pu délivrer une telle information car il ignorait au matin du 30 mai 2007 qu'il allait être confrontée à la complication et ce d'autant moins que la cystoscopie réalisée cinq jours plus tôt avait été considérée comme normale par M. [F] ; en toute hypothèse, Mme [U] avait été parfaitement informée par le formulaire de consentement éclairé qu'elle avait signé avant l'opération que le chirurgien pouvait se trouver face à une découverte ou événement imprévu nécessitant des actes complémentaires,

- Mme [U] ne peut se prévaloir d'un préjudice réparable lié à un prétendu défaut d'information ; en effet, correctement renseignée, Mme [U] n'aurait pu refuser l'intervention car il était impératif d'agir et de procéder soit à l'ablation soit à la résection de la bandelette ; en outre, l'ablation totale est plus invasive et plus risquée et expose à une incontinence urinaire accrue étant rappelé que le but de l'intervention initiale était de mettre fin à des fuites urinaires et que lorsqu'elle a été informée de la persistance de fragments de la bandelette 18 mois après son intervention elle a refusé à deux reprises de se prêter à une ablation chirurgicale.

M. et Mme [U] demandent à la cour dans leurs conclusions du 20 janvier 2020 en application des articles L.1110-5, L.1111-2, L.1142-1 et suivants du code de la santé publique, 16 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :

' réformer partiellement le jugement :

statuant à nouveau :

- réformer partiellement le rapport d'expertise,

- juger que M. [J] a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité,

- juger que M. [F] a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité,

- juger que M. [F] et M. [J] manqué à leur obligation d'information,

- juger que Mme [U] a contracté une infection nosocomiale au sein de l'hôpital Ambroise Paré,

En conséquence,

- condamner solidairement M. [F] et M. [J] à payer à Mme [U] la somme de 150008,55 € en réparation de son préjudice corporel en ce compris la somme de 108978,73 € au titre de l'incidence professionnelle et de la perte de chance,

- condamner solidairement M. [F] et M. [J] à verser à Mme [U] la somme de 25000 € en réparation du préjudice né de la perte de chance due au non-respect de l'obligation d'information,

- condamner solidairement M. [F], M. [J] et la Fondation hôpital Ambroise Paré à rembourser à Mme [U] l'intégralité des frais médicaux restés à charge,

- condamner la Fondation hôpital Ambroise Paré à payer à Mme [U] la somme de 30'000 € en réparation du préjudice né de l'infection nosocomiale,

- condamner solidairement M. [F], M. [J] et la Fondation hôpital Ambroise Paré à payer à M. [U] la somme de 18'000 € en réparation du préjudice subi par ricochet,

- les condamner solidairement à leur verser la somme de 6500 € au sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [F] , M. [J] et la Fondation hôpital Ambroise Paré aux dépens.

M. et Mme [U] développent l'argumentation suivante :

' sur la faute technique :

* sur la faute de M. [F] :

- l'expert a noté que M. [F] n'a pas proposé à Mme [U] une cure préalable et une alternative de rééducation fonctionnelle du périnée et du sphincter vésical afin d'éviter l'intervention chirurgicale,

- les nombreuses publications médicales révèlent que les patientes atteintes de fuites urinaires doivent être traitées en premier lieu par une rééducation périnéale, l'opération n'étant envisagée qu'en cas d'échec ou d'insuffisance de résultats,

- l'état de Mme [U] ne nécessitait pas une ablation utérus/ovaire, compte-tenu du risque vital pour sa santé et M. [F] a reconnu qu'elle souffrait d'une petite incontinence ; en outre des prélèvements et investigations préalables auraient dus être réalisés,

- si M. [F] invoque qu'elle avait un utérus fibromateux l'anathomopathologiste n'a pas retrouvé de lésion et a qualifié à plusieurs reprises le terrain de bénin, le fibrome est en effet une tumeur bénigne qui ne justifie pas de chirurgie,

- il est permis de se demander si M. [F] a utilisé un cystoscope lors de l'opération,

- la cystoscopie du 30 mai 2007 permet d'affirmer que la perforation de la vessie par les bandelettes était déjà présente le 25 mai 2007,

- M. [F] a commis une faute en positionnant les bandelettes selon un trajet transfixiant alors qu'une cystoscopie per-opératoire était réalisée et aurait dû permettre de voir l'erreur, de retirer puis repositionner les bandelettes,

- si M. [F] soutient que la bandelette s'est retrouvée en intra-vésical après l'enlèvement de la gaine plastique, il aurait dû voir qu'elle était mal positionnée s'il avait effectué une cystoscopie en post-opératoire immédiat ce qu'il s'est abstenu de faire,

- M. [F] a méconnu les signaux d'alertes consistant en des saignements anormaux discontinus durant 6 jours, et n'a pas programmé de réintervention rapide

* sur la faute de M. [J] :

- l'expert a noté que la conduite à tenir face à un matériel prothétique mal placé est l'ablation complète car le traitement par résection expose le patient aux risques de récidive,

- en 2007 la littérature médicale retenait que la conduite à avoir était l'ablation complète et il était certain et prévisible que les fragments restants de la bandelette se calcifient,

- Mme [U] a ainsi été privée d'un geste curateur facile car les tissus à la date du 30 mai 2007 n'étaient pas fixés,

- M. [J] a par ailleurs méconnu les signaux d'alertes consistant en des saignements anormaux discontinus durant 6 jours qui auraient dû l'amener à intervenir plus rapidement,

- M. [J] a ainsi aggravé les conséquences du geste fautif de M. [F],

- l'expert a exclu l'existence d'un aléa thérapeutique en page 14 de son rapport,

' sur le défaut d'information :

* sur le défaut d'information par M. [F] :

- M. [F] n'a pas rapporté la preuve de la délivrance ni du contenu de l'information en ses locaux,

- M. [F] n'a pas informé Mme [U] de la possibilité d'une rééducation périnéale

- la fiche de consentement n'est qu'une fiche d'autorisation d'opérer signée en milieu administratif à l'accueil et non devant le chirurgien dans son cabinet,

- cette fiche ne renseigne pas sur le déroulement de l'opération, ses conséquences et les pourcentages de complications,

- la fiche mentionne 'fait à aubagne' qui est le domicile de Mme [U] ce qui prouve qu'elle a été expédiée et est donc dépourvue de toute valeur juridique,

* sur le défaut d'information par M. [J] :

- M. [J] ne rapporte pas la preuve d'avoir donné une information loyale et complète,

- elle n'a pas été informée de l'alternative de l'ablation car elle a été descendue au bloc opératoire le 30 mai 2007 au prétexte donné par l'équipe infirmière d'un contrôle cystoscopique,

- Mme [U] a subi une perte de chance d'éviter le dommage en refusant l'opération de résection des bandelettes, car correctement informée elle aurait réfusé cette intervention et aurait pris un avis autorisé de spécialiste,

' sur l'infection nosocomiale :

- le tribunal a inversé la charge de la preuve,

- selon l'expert l'infection a eu lieu en cours d'hospitalisation, ce qui suffit à engager la responsabilité de l'Hôpital Ambroise Paré,

- il est impossible que les infections aient été causées par les calculs car elles ont apparues bien avant, ainsi que le démontrent les résultats des analyses des laboratoires révélant un taux de polynucléaires neutrophiles dans la normale avant l'opération et une progression importante de ceux-ci dès le 26 mai 2007,

- de façon fautive l'Hôpital Ambroise Paré n'a pas fait subir à Mme [U] d'examens de sang préalables à l'opération pour détecter le germe prétendu endogène,

- subsidiairement les médecins sont responsables concurremment avec la Fondation hôpital Ambroise Paré pour avoir opéré Mme [U] dans des conditions d'asepsie défaillante ; en effet, l'Hôpital Ambroise Paré était très vétuste,

- une indemnisation à hauteur de 30 000 € est réclamée à ce titre,

' sur les préjudices :

* sur les préjudices de Mme [U] :

- sur les frais à charge : Mme [U] justifie de la nécessité des déplacements pour les examens médicaux et expertises,

- sur l'incidence professionnelle : Mme [U] était au moment des faits en recherche d'emploi, si elle avait été placée en invalidité en 2006, il s'agissait non d'une constatation médicale mais d'une mesure administrative de surcroît provisoire, et n'était pas un obstacle à l'occupation d'un emploi ; le docteur [M] [I] a retenu son incapacité à l'exercice d'une quelconque profession à partir de mai 2011 en raison d'une aggravation de son état de santé depuis une perforation vésicale survenue en 2007, elle a été dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité professionnelle et elle a été mise à la retraite d'office et ne perçoit que 1 200 € par mois, une somme de 108 978,73 € doit lui être allouée à ce titre,

- l'indemnisation suivante est demandée pour les postes ci-après :

- déficit fonctionnel temporaire total : 5 000 €

- souffrances endurées : 15 000 €

- préjudice esthétique temporaire : lié au port de protections (fuites urinaires) : 3000 €

- déficit fonctionnel permanent : 10000 €

- préjudice esthétique permanent : prise de poids (due à la prise de corticoïdes) : 5000€

- préjudice d'agrément : elle en justifie par des photos démontrant qu'elle pratiquait le vélo, les randonnées, les marches de manifestations politiques ; une somme de 10 000 € est une juste réparation,

- préjudice d'anxiété : le professeur [X] évoque très clairement que Mme [U] avait peur d'une autre complication, qu'elle était très anxieuse,

* sur le préjudice de M. [U] :

- Mme [U] depuis l'opération et en raison des douleurs qu'elle ressent est dans l'impossibilité d'avoir des rapportes sexuels,

- le docteur [M] [I] a attesté que depuis 2007 Mme [U] ne peut plus accomplir les actes de la vie courante et nécessite une aide-ménagère de 30 heures par mois,

- M. [U] subit les répercussions de l'état de santé de son épouse tant sur le plan sexuel, après 40 ans de mariage, que sur le plan matériel,

- le préjudice de M. [U] doit être évalué à 18 000 €.

M. [F] demande à la cour dans ses conclusions du 17 janvier 2020 en application des articles L. 1111-2 et L. 1142-1-I du code de la santé publique, de :

' à titre principal

- recevoir son appel et le dire bien fondé,

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité,

Statuant à nouveau,

- juger qu'il n'a commis aucun manquement dans la prise en charge de Mme [U] tant s'agissant de l'hystérectomie que de la cure chirurgicale d'incontinence urinaire,

- juger qu'il a valablement rempli son devoir d'information,

- juger que la plaie vésicale constituait un accident médical non fautif,

- juger que l'absence de visualisation de la plaie en per-opératoire n'est pas fautive ni constitutive d'une perte de chance,

- déclarer irrecevable le moyen nouveau soulevé par M. [J] relatif à la perte du dossier médical, celui-ci n'ayant pas qualité pour agir à ce titre,

- juger qu'il ne saurait engager sa responsabilité du fait du défaut d'impression du contrôle cystoscopique en l'absence de toute recommandation en ce sens au moment des faits, la seule condition tenant à l'établissement d'un compte-rendu rempli,

- juger que le lien causal direct, certain et exclusif entre le grief formulé à son encontre et les séquelles de Mme [U] n'est pas démontré,

- rejeter l'ensemble des demandes formées par Mme [U] et M. [U] , M. [J], la CPAM et la Fondation hôpital Ambroise Paré à son encontre,

' à titre subsidiaire :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité à hauteur de 50 % d'une perte de chance elle même évaluée à 80 %,

statuant à nouveau :

- limiter les conséquences du défaut de visualisation de la plaie en un allongement du déficit fonctionnel temporaire total de deux jours et une majoration des souffrances endurées de deux sur sept,

' à titre très subsidiaire :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité à parts égales avec celle de M. [J],

- juger que la perte de chance qui lui est imputable ne pourra excéder 40 %,

- procéder à un abattement de 60 % sur chaque poste de préjudice retenu,

' s'agissant des prétentions indemnitaires de Mme [U] :

- confirmer le jugement s'agissant de l'indemnisation des dépenses de santé actuelle, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent et du rejet de l'incidence professionnelle, du préjudice d'agrément et du préjudice d'anxiété et d'angoisse,

- réformer le jugement sur les autres postes,

statuant à nouveau :

- juger que l'indemnisation des souffrances endurées ne pourra excéder la somme de 10000 €,

- rejeté la demande formulée au titre du préjudice esthétique temporaire,

' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes,

' confirmer le jugement s'agissant de la fixation de la créance de la CPAM,

' ramener la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

' statuer ce que de droit sur les dépens.

M. [F] soutient que :

' sur la faute :

- sa responsabilité ne peut être engagée que pour faute prouvée conformément à l'article L. 1142-1-I du code de la santé publique et de la jurisprudence en matière de responsabilité médicale et si un dommage est en lien de causalité avec la faute,

* sur l'indication opératoire :

- l'indication opératoire était licite et n'a d'ailleurs jamais été remise en cause par l'expert compte tenu des hémorragies génitales et des fuites urinaires à l'effort invalidantes que présentait Mme [U],

- Mme [U] ne rapporte pas la preuve que l'indication opératoire n'était pas adaptée à son état de santé,

- Mme [U] a prétendu que l'hystérectomie avait été inutile ; or l'hystérectomie n'a jamais été critiquée devant le premier juge ni au cours de l'expertise ; l'expert judiciaire n'a pas remis en cause cette indication eu égard à l'état pré-opératoire d'utérus fibromateux, avec ménorragies et métrorragies, confirmant l'indication d'hystérectomie posée par le docteur [O] dès le 11 janvier 2007 et Mme [U] a expressément consenti à cette opération ; enfin les complications présentées par la patiente ne sont pas en lien avec l'ablation de l'utérus,

* sur l'acte :

- le compte rendu opératoire démontre qu'il a bien réalisé une cystoscopie pré-opératoire,

- l'expert a estimé que le fait de ne pas avoir vu la bandelette est constitutif d'une perte de chance ce qui est en contradiction avec la notion d'obligation de moyens,

- l'expert a eu une analyse erronée et n'a pas répondu à toutes les observations qu'il lui a adressées dans un dire,

- l'expert a forgé son avis uniquement sur les clichés de la cystoscopie de contrôle pratiquée cinq jours plus tard par M. [J] et aucun élément ne lui permettait de juger de la qualité de la cystoscopie per-opératoire,

- la position de l'expert ne correspond pas à l'état de la pratique médicale ni à la bibliographie en la matière laquelle fait état de nombreux diagnostics retardés de passage intra-vésical de la bandelette malgré le contrôle cystoscopique per-opératoire sans que cela soit constitutif d'un manquement de l'opérateur,

- l'expert se contredit dans son analyse en partant du postulat qu'un passage intra-vésical de la bandelette ne peut passer inaperçu pour finalement infléchir sa position en page 20 de son expertise et reconnaître que le plus souvent c'est au cours de l'opération que l'on s'en aperçoit,

- la cystoscopie per-opératoire et un moyen mis à la disposition de l'opérateur pour minimiser le risque de lésion vésicale mais ne le supprime pas,

- le fait de n'avoir pas vu la bandelette peut s'expliquer par le fait qu'elle était très probablement située en sous-muqueux et encore sous sa gaine de plastique pour pouvoir la retirer plus facilement en cas de passage intra-vésical et donc non visible lors du contrôle per-opératoire et s'est retrouvée en intra-vésical lors de la traction sur celle-ci à l'ablation des gaines de protection étend précisé que l'expert n'a pas été en mesure de contredire cet aspect technique essentiel dans sa réponse,

- le manquement constitutif d'une perte de chance aurait été de ne pas réaliser de cystoscopie ou de réaliser cet examen et de visualiser la plaie mais de ne rien faire,

* sur l'absence de lien de causalité entre la prétendue faute et l'état actuel de la patiente

- seule la victime et non M. [J] serait recevable à lui reprocher la perte des clichés de la cystoscopie du 25 mai 2007 ; en outre, la cystoscopie ne constituait qu'un support de visualisation accessoire à l'acte chirurgical et à l'époque de l'intervention soit en 2007 la seule obligation du praticien était de conserver dans le dossier médical le compte-rendu radiologique ; enfin le contrôle cystoscopie était relaté dans son protocole opératoire et en toute hypothèse l'absence de communication du cliché est indifférente à la résolution du litige puisque la lésion vésicale per-opératoire n'est pas contestée

- M. [J] a opté pour une résection endoscopique alors que le professeur [X] a précisé que cette technique n'était pas optimale, pour ouvrir la possibilité de complications d'infection et de lithiase, à la différence de la voie ouverte qui était plus facile, car au cinquième jour opératoire la bandelette n'était pas entièrement fixée par du tissu fibreux et qui présentait plus de chances de bons résultats,

- c'est bien le corps étranger qui a provoqué une nouvelle érosion qui engendré la survenue de calculs intra-vésicaux,

' sur l'information :

- l'expert n'a pas retenu de défaut d'information à son encontre ; en effet, il a relevé à partir du dossier médical l'existence de plusieurs consultations pré-opératoires, la signature, après lecture et réflexion, d'un document de consentement éclairé par la patiente et l'envoi d'un courrier au médecin traitant mentionnant qu'il a expliqué à Mme [U] « les modalités de l'opération quelle connaît très bien et auquelles elle est tout à fait préparée »,

' sur sa part de responsabilité et les préjudices :

* sur sa part de responsabilité et les préjudices qui lui sont imputables :

- il lui est reproché non la perforation vésicale qui n'est pas fautive mais le fait de ne pas l'avoir vue en per-opératoire pour en rectifier le trajet dans le même temps opératoire, de sorte que ce manquement n'a entraîné qu'une reprise chirurgicale avec prolongation de l'hospitalisation initiale et donc allongement du déficit fonctionnel temporaire total de deux jours indemnisables à raison de 25 € par jour et majoration des souffrances endurées liées à l'intervention qui peuvent être évaluées à 2/7 et justifier une indemnisation hauteur de 3 000 €,

- si M. [J] avait pratiqué l'ablation de la bandelette Mme [U] aurait évité toutes les complications qu'elle a présentées un an et demi plus tard ; ainsi sa part de responsabilité doit être limitée à 40 % et les préjudices liés à la prise en charge par M. [J] ne peuvent lui être imputés même pour fraction,

sur les autres préjudices :

- en 2007 la patiente était sans activité professionnelle depuis plus de quatre ans selon ses propres déclarations à l'expert en raison semble-t-il d'un syndrome dépressif développé entre 2003 et 2007 et d'un cancer du sein traité en 2006 ; en outre au moment de la prise en charge litigieuse un cancer du rein a été découvert ; en outre le taux de déficit fonctionnel permanent de 4 % ne peut faire obstacle à ce que Mme [U] retrouve un emploi et celle-ci ne justifie pas de diligences en ce sens après les suites opératoires en cause,

- le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur une base journalière de 23 €,

- les souffrances endurées doivent être en évalué à 10'000 €,

- le préjudice esthétique temporaire n'est pas constitué car les deux orifices sus-pubien de mise en place de la bandelette ne sont pas visibles,

- M. [U] rapporte pas la preuve d'un préjudice sexuel personnel ni qu'il a dû assister son épouse pour les tâches de la vie quotidienne.

La Fondation hôpital Ambroise Paré demande à la cour dans ses conclusions du 27 septembre 2019, en application des articles L. 1142-1-I du code de la santé publique et 1240 et suivants du code civil, de :

' confirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment ce que les consorts [U] ont été déboutés de toutes leurs demandes formées à son encontre au motif qu'ils ne démontrent pas le caractère nosocomial de l'infection invoquée et en ce qu'ils ont été condamnés au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

En conséquence,

* A titre principal :

- juger que le caractère nosocomial de l'infection dont Mme [U] indique avoir été victime n'est pas rapporté,

- juger que sa responsabilité n'est pas démontrée,

- débouter les consorts [U] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,

- débouter la CPAM de l'ensemble de ses demandes,

- débouter toute autre partie de l'intégralité de ses demandes qui pourraient être dirigées à son encontre ,

* A titre subsidiaire :

- condamner M. [F] et M. [J] à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge dans l'hypothèse où une infection d'origine nosocomiale serait retenue,

* A titre très subsidiaire :

- débouter les consorts [U] de leurs demandes de condamnation financière telles que son dirigées à son encontre,

- débouter toute autre partie des demandes de condamnation financière qui pourrait être dirigées à son encontre,

' en toute hypothèse

- condamner les consorts [U] à lui verser la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens avec distraction.

La Fondation hôpital Ambroise Paré expose que :

- Mme [U] ne rapporte pas la preuve du caractère nosocomial des infections qu'elle a présentées,

- il n'existe pas de définition légale de l'infection nosocomiale mais le Comité Technique des Infections Nosocomiales et des Infections liées aux soins (CTINILS) a donné des définitions épidémiologiques de l'infection associée aux soins et de l'infection nosocomiale. Le décret du 17 novembre 2010 en donne une définition à l'article R. 6111-6 du code de la santé publique en indiquant que « les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé sont dites infections nosocomiales »,

- en l'espèce, s'agissant de la sérologie Chlamydiae positive du 6 juillet 2007, l'expert a indiqué que le germe n'a pas été retrouvé à l'examen direct sur prélèvement vulvaire ; en tout état de cause, il s'agit d'une maladie sexuellement transmissible et la contamination n'est donc pas d'origine hospitalière,

- s'agissant des infections urinaires l'expert a exclu le caractère nosocomial en indiquant que ces infections sont la conséquence de calculs, et auraient eu lieu de toute façon du fait de la présence du corps étranger intra-vésical,

- l'expert a précisé au sujet de l'infection urinaire à entérocoque faecalis diagnostiquée le 28 mai 2007 qu'il s'agit d'un germe endogène, que la patiente n'a présenté aucune réaction fébrile au cours de l'hospitalisation, que cette infection a été en lien avec la présence des deux bandelettes et aurait pu survenir en dehors de toute hospitalisation et n'est donc pas imputable à celle-ci,

- les infections urinaires ensuite présentées en dehors de toute hospitalisation en son sein sont liées à la présence de calculs vésicaux et ne sont pas survenus au décours d'une hospitalisation en son sein,

- en cause d'appel Mme [U] lui oppose un défaut d'asepsie mais l'expert a conclu qu'il n'y avait aucun manquement à lui reprocher,

- la somme de 30000 € qui lui est réclamée par Mme [U] au titre de l'infection nosocomiale n'est pas étayée et ne peut se cumuler avec les autres postes de préjudice dont elle demande la réparation à l'encontre des praticiens,

- Mme [U] ne démontre pas que les dépenses de santé restée à sa charge sont en lien avec l'infection nosocomiale qu'elle allègue,

- en toute hypothèse, si sa responsabilité devait être retenue, ce sont les manquements de M. [F] et de M. [J] qui ont rendues inévitables les infections urinaires et dans la mesure où ils ont exercé en son sein à titre libéral, ils ont engagé leur responsabilité personnelle dans le cadre des soins qu'ils ont dispensés et doivent la garantir de toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en application de l'article 1240 du code civil.

La caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône demande à la cour dans ses conclusions du 11 septembre 2019, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [F] et de M. [J],

- juger ce que de droit quant à la répartition des parts respectives de responsabilité imputables aux deux médecins,

- fixer à la somme de 5806,21 € le montant de son recours en relation directe avec les fautes médicales dont Mme [U] a été victime,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité le taux de perte de chance à 80 % pour la victime d'éviter les complications découlant directement des fautes médicales constatées,

- retenir un taux de perte de chance de 100 % et en tout état de cause non inférieur à 90 %,

- condamner solidairement M. [F] et M. [J] à lui verser la somme de 5806,21 € avec intérêts au 16 janvier 2017,

- les condamner sous la même solidarité au paiement d'une indemnité de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale d'un montant de 1080 € la date de rédaction des présentes,

- les condamner aux dépens.

La caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône fait valoir les arguments suivants :

- l'expertise judiciaire a caractérisé les fautes respectives de M. [F] et de M. [J]': leur commune obligation à la dette est justifiée';

- l'importance respective de ces fautes justifie la contribution à la dette par moitié retenue par le premier juge ;

- leur rôle causal est cependant plus proche de 100'% que de 80'%, et l'admission éventuelle d'une perte de chance ne saurait être inférieure à 90'%';

- l'imputabilité des dépenses de la CPAM résulte non seulement de l'expertise judiciaire mais aussi de l'attestation d'imputabilité établie par le médecin-conseil de la Caisse';

- conformément à une jurisprudence autorisée (Civ.2, 21 novembre 2013, 12-24.257) et à l'article 1153 ancien du code civil, la date des premières conclusions de la CPAM devant le premier juge sert de point de départ au cours de l'intérêt au taux légal, soit en l'espèce le 16 janvier 2017';

- l'article 700 du code de procédure civile et l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale n'ont pas le même fondement de sorte que leur cumul est possible.

* * *

La clôture a été prononcée le 25 mai 2020. Le dossier a été plaidé le 10 novembre 2020 et mis en délibéré au 7 janvier 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les textes applicables':

En vertu de l'article L.1142-1 § I du code de la santé publique, le professionnel de santé n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute de sa part. Les conséquences de l'acte médical sont dommageables pour le patient lorsqu'elles sont anormales au regard de son état initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci. Cette responsabilité légale pesant sur le médecin est une responsabilité pour faute prouvée, dont la charge incombe à celui qui s'en prévaut. La faute est caractérisée lorsque le comportement n'est pas celui attendu d'un médecin diligent, c'est-à-dire lorsqu'il n'a pas donné au patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à la date à laquelle les soins ont été prodigués. Cette obligation légale de moyens concerne également le diagnostic du médecin, ses investigations ou mesures préalables, le traitement et le suivi du traitement. La responsabilité du médecin peut être engagée pour une faute simple. Lorsque la faute du praticien est admise et qu'il est déclaré responsable du dommage corporel directement imputable à cette faute, la victime ne peut prétendre à une indemnisation au titre d'un manquement à l'obligation d'information.

Par application des articles L.1111-2 et R.4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée. La charge de la preuve de l'exécution de l'obligation légale d'informer incombe au médecin, qui peut l'administrer par tous moyens. Elle implique que le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte de soin ou de traitement ait fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques en refusant qu'il soit pratiqué.

Les articles 16 et 16-3 alinéa 2 du code civil posent les principes de respect de la dignité d'une personne humaine et de l'intégrité du corps humain. L'article 1240 du même code dispose quant à lui que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitement ou actions de prévention proposée, des risques inhérents à ceux-ci et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir et que le non respect du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information était légalement due un préjudice moral, détaché des atteintes corporelles, résultant d'un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle, qui ne peut être laissé sans réparation.

Sur la recevabilité en appel de la mise en cause de M. [J] par Mme [U]'au titre d'une infection nosocomiale :

M. [J] considère que la demande de Mme [U] tendant à sa condamnation au titre d'une infection nosocomiale est nouvelle en cause d'appel et ainsi irrecevable conformément à l'article 564 du code de procédure civile.

En réalité, cette demande qui n'avait pas été formulée devant le premier juge constitue l'accessoire ou le complément de celle qui avait été formulée contre l'hôpital Ambroise Paré. En effet, elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge': obtenir l'indemnisation intégrale de l'ensemble des postes du dommage corporel effectivement subi à la suite de l'accident. Cette hypothèse est expressément prévue par l'article 566 du code de procédure civile. La demande de Mme [U] à l'encontre de M. [J] est donc recevable.

Sur l'infection nosocomiale':

L'article R.6116-1 du code de la santé publique énonce que les infections associées aux soins contractés dans un établissement de santé sont dites nosocomiales. Cette disposition n'exempte pas le plaignant de démontrer que l'infection est imputable d'une manière ou d'une autre aux soins médicaux et qu'il l'a donc contractée lors de son hospitalisation ou à l'occasion des soins pratiqués dans cet établissement.

Au sens des dispositions précitées, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au décours de la prise en charge de la prise du patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, se manifestant dans les trente jours suivant l'intervention ou dans l'année qui suit l'intervention pour la mise en place d'une prothèse, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

En l'occurence, l'expert judiciaire soulinge que l'infection urinaire à entérocoque faecalis diagnostiquée le 28 mai 2007 procède d'un germe endogène, qu'un rapport direct de cause à effet existe entre la présence des deux bandelettes et les infections urinaires, et que celles-ci auraient pu survenir en dehors de toute hospitalisation,

M. et Mme [U] estiment quant à eux que la responsabilité du centre hospitalier est engagée du simple fait que l'infection a eu lieu en cours d'hospitalisation. Ils observent que la cour de cassation ne distingue pas (comme le fait le professeur [X]) entre infections d'origine endogène et exogène, puisqu'elle admet l'indemnisation du patient porteur d'un gène qui ne se serait développé qu'à la faveur d'un acte invasif. Et de remarquer que la bactériologie pratiquée le 5 avril 2007 en vue d'une néphrectomie du 10 avril (opération sans rapport aucun avec l'intervention du 30 mai 2007) n'a mis en évidence aucune infection urinaire chez Mme [U]. Ils contestent que les infections urinaires puissent s'expliquer par les calculs puisque ceux-ci seraient apparus plus tard. Les époux [U] critiquent enfin la médiocrité des conditions d'asepsie au sein de l'Hôpital Ambroise Paré.

Le professeur [X] maintient cependant qu'une infection nosocomiale se caractérise par sa multirésistance et sa transmission lors des soins en milieu hospitalier ' alors que les infections urinaires et les lithiases vésicales (calculs) que Mme [U] a développées sont dues à à la présence intravésicale d'un corps étranger sans rapport aucun avec les soins prodigués à la Fondation Hôpital Ambroise Paré. Il ajoute que la mise en cause des conditions d'asepsie de l'Hôpital Ambroise Paré ne repose sur aucun élément de preuve tangible, et exclut toute infection nosocomiale.

S'agissant de l'infection à chlamydiae, son mode de transmission par voie sexuelle exclut là encore, selon l'expert, de retenir l'infection nosocomiale comme une hypothèse de travail pertinente. Lors du recueil des doléances de Mme [U], l'expert a d'ailleurs noté qu'elle n'adresse pas de reproches particuliers au centre hospitalier Ambroise Paré de ce chef.

La Fondation Hôpital Ambroise Paré indique à juste titre que les époux [U] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de l'existence d'une infection nosocomiale. Le premier juge n'a nullement inversé la charge de la preuve. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de M. [F] au titre d'une faute médicale':

Le professeur [X] ne conteste pas la pertinence de l'indication opératoire de M. [F], eu égard à l'incontinence et aux hémorragies génitales dont Mme [U] était affectée. Il ne conteste pas davantage les conditions dans lesquelles a été réalisée l'hystérectomie le 25 mai 2007.

Le débat est circonscrit à la qualité d'exécution de la cystoscopie. M. et Mme [U] font grief à M. [F] d'avoir mal réalisé le 25 mai 2007 une cystoscopie lors de la pose de bandelettes TVT destinées à traiter les fuites urinaires de Mme [U], de n'avoir pas vu que les bandelettes avaient une trajectoire intra-vésicale transfixiante, et de n'avoir pas effectué de contrôle cystoscopique post-opératoire à des fins de vérification.

Le compte rendu opératoire de l'intervention du 25 mai 2007 mentionne que le contrôle par cystoscopie n'a pas objectivé de perforation de la vessie par les bandelettes TVT': il est même fait état de l'absence de perforation vésicale. L'expert judiciaire tient pour absolument certain que M. [F] a mal exécuté cet acte technique, en particulier en ne cherchant pas dans les zones difficiles à examiner par où les bandelettes ont migré, et qu'il n'a donc pas pu les repositionner comme il convenait en per-opératoire. Les photos prises le 30 mai par M. [J] prouvent la réalité, à cette date, du trajet transfixiant des bandelettes. M. [F] n'étant pas en mesure de produire les clichés photographiques pris le 25 mai, il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que la perforation de la vessie ne pouvait être constatée le 25 mai. L'expert judiciaire ajoute, dans une réponse à un dire, que la négligence de M. [F] est surprenante non seulement au regard du fait qu'il avait une certaine expérience du geste opératoire, mais aussi qu'une observation à l'oeil nu aurait dû lui permettre de déceler la présence d'une bandelette de plusieurs centimètres à l'intérieur d'une vessie. L'expert judiciaire écarte de façon nette toute assimilation de cette erreur à un aléa diagnostic.

M. [F] fait valoir dans un dire qu'il a rapidement veillé, dès J+3, à solliciter l'avis de M. [J] en raison des hématuries de Mme [U]. Il soutient également que la technique des bandes TVT présente un risque de complication tel qu'elle a été supplantée par la technique du TOT, plus aboutie. La portée de cette argumentation est limitée'puisque l'échec des bandes TVT en l'occurrence est résulté d'une cystoscopie mal exécutée. M. [F] soutient que la cystoscopie per-opératoire minimise certes le risque de lésion vésicale mais ne le supprime pas, mais l'argument n'emporte pas la conviction puisque l'examen cystiscopique (simple outil de diagnostic) relève clairement d'une obligation de sécurité-résutat et non d'une obligation de sécurité-moyen.

À la différence de l'expert judiciaire, la cour considère que le fait pour M. [F] de n'avoir pas repéré le trajet intra-vésical de la bandelette le jour de l'intervention du 25 mai ne constitue pas pour la patiente une perte de chance de passer à côté des complications rencontrées de 2009 à 2013 (caillots) mais, au contraire, une faute directement causale desdites complications ultérieures. Le droit à indemnisation porte donc sur la réparation du dommage et non pas d'une perte de chance d'y échapper.

Sur la responsabilité de M. [F] au titre d'un défaut d'information':

M. et Mme [U] font grief à M. [F] d'avoir manqué à son devoir d'information envers Mme [U], notamment en ce qu'elle n'aurait pas été informée de la possibilité d'une rééducation périnéale. Le document de consentement éclairé aurait été signé à l'accueil et non devant le chirurgien en son cabinet, et son contenu serait peu précis concernant la chronologie des actes médicaux et la fréquence des risques associés.

Ce que réfute M. [F], qui se prévaut des conclusions du professeur [X]': le dossier médical atteste de diverses consultations pré-opératoires, de la lecture et de la signature par la patiente le 11 mai 2007 d'un document de consentement aux soins ainsi que de l'envoi d'un courrier au médecin traitant mentionnant qu'il a expliqué à Mme [U] les modalités d'une opération qu'elle connaît et à laquelle elle est prête. Aucun défaut d'information n'a été retenu à son encontre.

L'enjeu du débat est limité en réalité dans la mesure où, la faute de M. [F] étant admise par la cour, il est déclaré responsable du dommage corporel directement imputable à cette faute. Par suite, Mme [U] ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre d'un manquement à l'obligation d'information puisqu'elle n'aurait pu dans cette hypothèse que demander réparation de la perte d'une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques en refusant qu'il soit couru. La demande ne saurait prospérer et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de M. [J] au titre d'une faute médicale':

M. et Mme [U] font grief à M. [J] ' alors qu'il intervenait à la demande de M. [F], cinq jours plus tard, le 30 mai 2007 ' d'avoir bien pris la mesure de la difficulté liée à la présence intravésicale des bandelettes TVT transfixiantes, mais d'avoir néanmoins procédé à une résection partielle des bandelettes'alors qu'une ablation générale s'avérait préférable.

Dans une réponse à l'un des dires reçus, l'expert a ainsi caractérisé l'alternative s'offrant à M. [J] lorsqu'il a pris la mesure de l'erreur commise par son confrère M. [F]':

- soit effectuer une résection endoscopique, éventuellement sous contrôle cystoscopique, permettant de sectionner la portion intra-vésicale avec préservation de la portion sous-urétrale (les bandelettes ne sont pas retirées en totalité, cette option ouvre la voie à toutes possibilités d'infections et de lithiases urinaires)';

- soit procéder à l'ablation complète de la bandelette TVT positionnée en intra-vésical, au moyen d'une opération de chirurgie ouverte.

La seconde solution tendait à s'imposer le 30 mai dans le cas particulier de Mme [U], parce que les tissus n'étaient pas encore organisés et qu'aucun mécanisme d'empierrement des bandelettes et des tissus n'avait encore eu lieu.

M. [J], qui a retenu la première des deux options, rend rappeler que les faits se déroulaient en 2007, et soutient avoir prodigué des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science médicale de l'époque. En effet, quoiqu'il ait laissé un corps étranger dans la vessie de Mme [U], avec infections urinaires et formation subséquente de calculs récidivants, la méthode qu'il a choisie ne peut engager sa responsabilité que si elle s'avérait proscrite par les sociétés savantes, inadaptée au cas de la patiente, ou réalisée de manière incomplète.

Le professeur [X] admet qu'aucune recommandation écrite n'avait été formalisée en 2007, l'association française d'urologie n'ayant formalisé des recommandations qu'en cours d'année 2010. L'expert admet en outre que la technique de la résection endoscopique, peu invasive, pouvait se justifier si elle était mise en oeuvre plusieurs mois après la mise en place de la bandelette.

Tel n'était cependant pas le cas en l'occurrence puisque les bandelettes n'avaient été posées que cinq jours auparavant, et que l'ablation des bandelettes par voie chirurgicale était possible. En outre, M. [J] se devait, ayant choisi la technique la moins indiquée, de soumettre son diagnostic et ses préconisations à son confrère [F], et de solliciter l'avis de Mme [U] pour l'inviter à apprécier par elle-même le rapport bénéfice / risque à attendre d'une telle opération.

La cour estime que le fait pour M. [J] d'avoir, dans ce contexte, privilégié la résection à l'ablation chirurgicale ne représente pas pour la patiente une perte de chance d'échapper aux complications qu'elle a subies par la suite, en particulier de 2009 à 2013, mais au contraire, une faute directement causale desdites complications ultérieures. Le droit à indemnisation porte donc sur la réparation du dommage et non pas d'une perte de chance d'y échapper.

Sur la responsabilité de M. [J] au titre d'un défaut d'information':

M. et Mme [U] font également grief à M. [J] de n'avoir pas transmis une information loyale et complète à Mme [U]. M. [J] ne l'a nullement informée de l'alternative à la résection que représentait l'ablation. En outre, elle ignorait le 30 mai 2007 qu'elle allait subir une opération chirurgicale ' l'équipe infirmière n'ayant évoqué qu'un contrôle cystoscopique. Ce faisant, Mme [U] considère avoir subi une perte de chance d'éviter le dommage en refusant l'opération de résection des bandelettes, éventuellement après avoir sollicité le conseil d'un autre spécialiste.

M. [J] affirme qu'il a bien informé Mme [U] de ce qu'une opération était programmée le 30 mai, et non une simple cystoscopie, comme en attestent les fiches infirmière pour la journée des 29 et 30 mai 2007. S'agissant de l'alternative entre ablation et résection, la délivrance de l'information a été juste impossible puisque la cystoscopie du 25 mai avait été jugée normale par M. [F]. Par ailleurs, Mme [U] avait signé un document de consentement éclairé avant l'opération prévoyant que le chirurgien pouvait se trouver face à une découverte ou événement imprévu nécessitant des actes complémentaires. Mme [U] invoque sans convaincre que, mieux informée, elle eût choisi l'ablation par préférence à la résection. En effet, elle a été confrontée à ce choix le 19 mars 2009 lors de son admission au centre hospitalier Saint-Joseph': le docteur [C] lui a proposé une ablation chirurgicale, qu'elle a refusée.

Le professeur [X] estime au contraire que M. [J] avait la possibilité et le devoir non seulement d'informer Mme [U] de la difficulté résultant de la présence des bandelettes transfixiantes, mais en outre de l'associer le cas échéant ainsi que M. [F] à la décision de ne pas procéder à une ablation ' ce qui, cinq jours après seulement ' était réalisable.

Cependant, de même que pour M. [F], le débat sur le défaut d'information est sans objet puisqu'une faute est retenue à la charge de M. [J], ce qui ouvre droit à Mme [U] à l'indemnisation du préjudice effectivement subi, et non pas de la seule perte d'une chance d'échapper à la réalisation dudit préjudice.

Mme [U] ne formule aucune demande au titre d'un préjudice d'impréparation.

Sur l'obligation et la contribution à la dette'de M. [F] et de M. [J] :

M. [F] n'a pas repositionné les bandelettes TVT le 25 mai 2007 parce qu'il n'a pas vu leur trajectoire transfixiante au cours d'un examen cystoscopique peu rigoureux.

M. [J] a repéré la présence intravésicale des bandelettes TVT le 30 mai 2007 et a choisi un mode d'intervention, la résection endoscopique (enlèvement de la partie intravésicale de la bandelette TVT), par préférence à l'ablation chirurgicale. Cette décision était contestable :

- elle entérinait la présence durable de corps étrangers (bandelettes) dans la vessie en voie de cicatrisation de Mme [U],

- elle ne prenait pas en compte la relative facilité avec laquelle une ablation aurait pu réussir, cinq jours seulement après la mise en place des bandelettes, les tissus n'étant pas encore fixés,

- ni Mme [U] ni M. [F] ni le cas échéant tout autre spécialiste désigné par Mme [U] n'ont été associés à la prise de décision.

Interdépendantes et indissociables au regard du dommage corporel qu'elles ont occasionné, ces fautes successives de M. [F] et M. [J] dans la mise en place des bandelettes TVT, dans leur non-repositionnement en temps utile, dans les modalités de leur neutralisation, puis dans l'érosion vésicale ont eu pour conséquence directe et certaine, selon le professeur [X], la formation de calculs intravésicaux en janvier 2009, novembre 2009, septembre 2010 et décembre 2013.

La cour estime par conséquent que l'obligation à la dette de M. [F] et de M. [J] s'apprécie sur 100'% du préjudice subi par Mme [U] (et non pas la valeur d'une simple perte de chance), mais que leur contribution respective doit être appréciée de façon égale, soit pour chacun à hauteur de la moitié.

Sur l'indemnisation du préjudice corporel'de Mme [U] :

Le rapport d'expertise médicale du docteur'[Z] [X] du 22 février 2016, contre lequel aucune critique médicalement fondée n'est formulée, constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi.

Données médico-légales':

Déficit fonctionnel temporaire total' 31/05/2007

(dates d'hospitalisation)':19-21.03.2009 12-16/11/2009

08-09.09.2010 12-14/12/2013

0Déficit fonctionnel temporaire partiel (25'%)':15 jours après hospitalisation x 4 = 60 jours

Souffrances endurées :4/7

Déficit fonctionnel permanent': 4'%

Préjudice d'agrément :signalé

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (52 ans), de la consolidation (59 ans) et de la liquidation (66 ans), de son activité (sans profession), afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

La victime a subi un dommage corporel : elle doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

En vertu du principe de réparation intégrale, le juge doit évaluer le préjudice selon des éléments déterminés au jour de la liquidation.

Le juge ne se prononce que sur ce qui est demandé. Il ne peut allouer à la victime une somme supérieure au montant demandé, ou inférieure au montant admis par le responsable.

Données chronologiques :

Date de naissance':08/11/1954

Date du fait générateur :25/05/2007

Date de la consolidation':24/01/2014

Date de la liquidation':07/01/2021

Durée en années de la période avant consolidation :6,669

Durée en années de la période consolidation / liquidation':6,954

Age'lors du fait générateur :52

Age'lors de la consolidation :59

Age'lors de la liquidation :66

Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [U] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)': 7143,53 €

Au vu de l'état des débours définitifs de la CPAM et de l'attestation d'imputabilité du médecin recours contre tiers du 3 mai 2016, ce poste est constitué des frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, actes de radiologie et divers pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, soit 5806,21 €, la victime invoquant en ce qui la concerne des frais justifiés de 1337,32 €.

Frais divers (FD)': rejet

Mme [U] invoque sans en justifier de façon convaincante des sommes de 1135,12 € correspondant à des dépenses indéterminées et/ou non-documentées. Aucune somme ne sera allouée de ce chef.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Incidence professionnelle (IP)': rejet

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, ou enfin de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap.

L'incidence professionnelle est indemnisée selon une somme fixée globalement même si différents éléments sont pris en considération, et non à partir d'une perte annuelle de gains professionnels déterminée puis capitalisée selon un barème choisi.

Mme [U] était sans activité en mai 2007. Âgée de 59 ans à la consolidation, elle soutient qu'elle était en recherche active d'emploi en mai 2007. Elle n'a pas exercé d'activité salariée entre 2003 et 2007, période de sa vie marquée par un traitement contre le cancer et un épisode dépressif. Elle produit un courrier de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône du 22 mars 2006 l'admettant au bénéfice d'une pension d'invalidité d'un montant annuel de 10775,58 €. Elle produit aussi un courrier du docteur [M] soulignant son incapacité à l'exercice d'une quelconque profession à partir de mai 2011 en raison d'une aggravation de son état de santé depuis une perforation vésicale survenue en 2007, elle a été dans l'incapacité d'exercer une quelconque activité professionnelle et elle a été mise à la retraite d'office et ne perçoit que 1 200 € par mois. Elle sollicite la somme de 108 978,73 €.

Ce poste de préjudice économique a été écarté par l'expert judiciaire, qui a néanmoins pris acte de ce que Mme [U] a adressé quelques candidatures spontanées à des grandes entreprises françaises, entre avril 2006 et septembre 2007 (soit en quinze mois).

Aucune incidence professionnelle n'étant manifestement caractérisée, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 667 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 810 € € par mois ou 27 € par jour, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie, sauf à moduler en fonction du taux d'incapacité. Soit une somme de 667 € ainsi ventilée':

- 14 jours x 100'% x 23 € = 322 €

- 60 jours x 25'% x 23 € = 345 €

Souffrances endurées (SE)': 15000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime.

M. [F] et M. [J] soutiennent que ce poste ne saurait être évalué à plus de 10000 €.

Doivent être pris en considération la nature du dommage, la longueur de la période de consolidation (près de sept ans) et le nombre élevé d'interventions chirurgicales (cinq opérations de 2007 à 2013) pour ablation des calculs et résections endoscopiques des bandelettes TVT.

Évalué à 4/7 par l'expert, ce poste de préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 15000 €.

Préjudice esthétique temporaire (PET)': 500 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement, les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

L'expert fait valoir que l'obligation pour Mme [U] de porter des protections existait déjà avant 2007. Il considère que ce poste de préjudice est très limité, compte tenu de ce que la majorité des interventions chirurgicales ont été réalisées par voie endoscopique.

Mme [U] sollicite la somme de 3000 €. M. [F] s'oppose à l'admission de ce poste.

Ce poste sera évalué à la somme de 500 €.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 5080 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

En l'occurrence, le docteur [X] fait état de troubles mictionnels et de douleurs urêtrales chez Mme [U].

Mme [U] sollicite la somme de 10000 €.

Au regard du taux de DFP (4'%) et de l'âge de la victime à la date de la consolidation (59 ans), ce poste de préjudice corporel sera évalué à la somme de 5080 €.

Préjudice esthétique permanent (PEP)': rejet

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement, les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Mme [U] évoque sa prise de poids possiblement liée à un usage de corticoïdes. Le professeur [X] exclut tout préjudice définitif. Aucune somme ne sera allouée au titre de ce poste.

Préjudice d'agrément (PA)': 3000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.

Il est constant que le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

L'expert fait été d'une pratique régulière de la bicyclette et de la randonnée. Mme [U] produit des clichés photographiques qui en attestent.

L'expert se montre dubitatif quant au lien entre ce préjudice d'agrément et les faits du de mai 2007. En réalité, le lien est peu contestable, et l'expert indique d'ailleurs que l'arrêt des actvitiés sportives et de loisirs résulte du retentissement psychologique lié aux interventions chirurgicales successives.

Ce préjudice sera évalué à la somme de 3000 €.

Préjudice d'anxiété et d'angoisse': rejet

Mme [U] invoque une angoisse et un stress démultipliés par la longueur d'une procédure qui dure depuis 2007. Elle cite de mémoire six opérations chirurgicales concernant ses calculs.

L'admission de ce poste de préjudice s'inscrit dans un contexte bien particulier, celui où la victime a été en danger de mort imminente et se soit vu mourir. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Aucune somme ne sera allouée de ce chef à Mme [U]. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

* * *

Le préjudice corporel global subi par Mme [U] s'établit ainsi à la somme de 31930,53 €, soit, après imputation des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie, une somme de 25584,32 € lui revenant, provisions non déduites.

M. [F] et M. [J] seront condamnés in solidum à payer à Mme [U] la somme de 25584,32 € en réparation de son préjudice corporel.

En application de l'article 1231-7 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 7 mars 2019 à hauteur de la somme de 18067,45 € € et du prononcé du présent arrêt soit le 7 janvier 2021 à hauteur du surplus des sommes dues.

M. [F] et M. [J] seront tenus chacun à hauteur de la moitié de la dette dans leurs rapports respectifs.

' préjudices patrimoniaux temporaires':

- dépenses de santé actuelles': 7143,53 €

' préjudices patrimoniaux permanents':

- [...]

' préjudices extra-patrimoniaux temporaires':

- déficit fonctionnel temporaire':667 €

- souffrances endurées': 15000 €

- préjudice esthétique temporaire': 500 €

' préjudices extra-patrimoniaux permanents':

- déficit fonctionnel permanent': 5080 €

- préjudice d'agrément':3000 €

Sur l'indemnisation du préjudice corporel'de M. [U], victime indirecte :

Le préjudice sexuel comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

M. [U] fait état d'un préjudice sexuel par ricochet en raison de la disparition de toute libido chez son épouse. L'expert judiciaire considère que cet état de fait n'est pas spécialement imputable aux fautes médicales commises les 25 et du 30 mai 2007, mais plutôt à la pose de bandelettes et à l'incontinence qui existait antérieurement, laquelle avait précisément déterminé Mme [U] à consulter M. [F] en fin d'année 2006. Ce chef de demande ne saurait donc aboutir.

M. [U] entend également obtenir réparation du préjudice domestique qu'il subirait du fait de l'incapacité de Mme [U] à assurer les tâches ménagères. Il se fonde en particulier sur une attestation établie par le docteur [M]. Cependant, le premier juge a observé à juste titre que l'expertise judiciaire ne caractérise pas particulièrement une capacité minorée de Mme [U] à entretenir son logement, et n'a pas retenu la nécessité d'une assistance par tierce personne.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de toutes ses demandes.

Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône':

M. [F] et M. [J] seront condamnés in solidum à payer la somme de 5806,21 € à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2017.

M. [F] et M. [J] seront tenus chacun à hauteur de la moitié de la dette dans leurs rapports respectifs.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à Mme [U] et à la Fondation Hôpital Ambroise Paré doivent être confirmées.

Les dispositions du jugement relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion de 1055 € (mille cinquante cinq euros) allouée à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône doivent être confirmées.

M. [F] et M. [J] qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront in solidum la charge des entiers dépens d'appel et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] et M. [J] seront condamnés in solidum à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1080 € (mille quatre vingts euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion instituée par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

L'équité justifie de condamner in solidum M. [F] et M. [J] à payer une somme de 2000 € à Mme [U] au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés devant la cour.

L'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour le surplus des demandes des parties concernant les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris, hormis':

- en ce qu'il a évalué le droit à indemnisation de Mme [U] à hauteur de 80'% d'une perte de chance d'échapper au dommage corporel,

- en ce qui concerne le montant de l'indemnisation de Mme [U] et les sommes lui revenant,

- en ce qu'il a évalué le droit à indemnisation de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône à hauteur de 80'% du montant de ses débours définitifs,

- en ce qui concerne le montant de la somme revenant à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Fixe le préjudice corporel global de Mme [U] à la somme de 31930,53 € (trente et un mille neuf cent trente euros et cinquante trois cents).

Condamne in solidum M. [F] et M. [J] à payer à Mme [U] la somme de 25584,32 € (vingt cinq mille cinq cent quatre vingt quatre euros et trente deux cents) en réparation de son préjudice corporel.

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal':

- à compter du prononcé du 7 mars 2019, sur la somme de 18067,45 € (dix huit mille soixante sept euros et quarante cinq cents), et,

- à compter du prononcé du présent arrêt soit le 7 janvier 2021 à hauteur du surplus des sommes dues.

Dit que M. [F] et M. [J] seront tenus dans leurs rapports respectifs chacun à hauteur de la moitié de la dette.

Condamne in solidum M. [F] et M. [J] à payer la somme de 5806,21 € (cinq mille huit cent six euros et vingt et un cents) à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône.

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2017.

Dit que M. [F] et M. [J] seront tenus dans leurs rapports respectifs chacun à hauteur de la moitié de la dette.

Condamne in solidum M. [F] et M. [J] à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1080 € (mille quatre vingts euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion instituée par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Condamne in solidum M. [F] et M. [J] à payer à Mme [U] la somme de 2000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M. [F] et M. [J] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/04210
Date de la décision : 07/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°19/04210 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-07;19.04210 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award