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18/12/2020 | FRANCE | N°17/20352

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 18 décembre 2020, 17/20352


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2020



N° 2020/300













Rôle N° RG 17/20352 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBO3S





[F] [G]





C/



SA TECHNIQUE ENERGIE ATOMIQUE - TECHNICATOME























Copie exécutoire délivrée

le : 18 décembre 2020

à :



Me Yann PREVOST, avocat au barreau de MARSEILLE

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Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 26 Septembre 2017, enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00554.







APPELANT



M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2020

N° 2020/300

Rôle N° RG 17/20352 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBO3S

[F] [G]

C/

SA TECHNIQUE ENERGIE ATOMIQUE - TECHNICATOME

Copie exécutoire délivrée

le : 18 décembre 2020

à :

Me Yann PREVOST, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 26 Septembre 2017, enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00554.

APPELANT

Monsieur [F] [G], demeurant[Adresse 2]t

représenté par Me Yann PREVOST, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA TECHNIQUE ENERGIE ATOMIQUE - TECHNICATOME, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2020 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2020.

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, pour la présidente empêchée et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M.[F] [G] a été engagé par la société Areva TA, suivant contrat à durée indéterminée à compter du 27 avril 2010, en qualité de responsable du Centre de Formation de [Localité 1], avec reprise d'ancienneté au 1er octobre 2010.

La société Areva TA, devenue la société anonyme (SA)Technicatome, est spécialisée dans la conception, la réalisation, la mise en service et la maintenance des réacteurs nucléaires compacts équipant notamment les sous-marins nucléaires et le porte-avions Charles de Gaulle.

Au mois de juin 2012, M.[F] [G] a été muté sur l'échelon de [Localité 4], situé sur le site de la base militaire, et le 1er juin 2013, il a été nommé chef d'échelon.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, régie par les dispositions de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, société de conseils, dite Syntec, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de

7 249,48 euros, avec un 13ème mois.

Dans le courant du mois de septembre 2014, M. [P] [D], salarié de l'entreprise, a appris qu'une personne avait usurpé son identité aux fins de contracter un prêt auprès d'un organisme financier.

M.[F] [G] a immédiatement reconnu être l'auteur de ces faits.

Le 08 septembre 2014, M.[P] [D] a déposé une plainte à son encontre et a informé sa direction des faits dont il avait été victime.

Le 09 septembre 2014, M.[F] [G] a été placé en arrêt maladie.

Le 1er octobre 2014, le M.[F] [G] s'est vu notifier, par un courrier en recommandé, une mise à pied conservatoire prenant effet à la fin de son arrêt de travail pour maladie prévu le 19 octobre 2014.

Le 04 novembre 2014, M.[F] [G] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 novembre 2014.

Par courrier recommandé du 12 décembre 2014, la société Areva TA a notifié à M.[F] [G] son licenciement pour faute grave, dans les termes suivants :

« Le 8 septembre 2014, nous avons été alertés par un de vos collaborateurs, au sujet des faits suivants :

- vous auriez usurpé son identité

- vous auriez ouvert un compte à son nom et auriez souscrit un prêt à la consommation

- vous auriez admis être l'auteur des faits dont il vous accusait.

Au regard de ces informations, nous vous avons rencontré avec Madame [W] [V] le 8 septembre afin de recueillir vos explications.

Vous avez alors confirmé les dires de votre collaborateur et avez avoué avoir commis les faits fautifs qui vous sont reprochés auprès de 3 salariés de la société.

Parallèlement à l'enquête judiciaire qui est en cours, nous vous avons notifié le 1er octobre une mise à pied conservatoire avec maintien de rémunération afin d'aller plus avant dans nos investigations.

Ces dernières ont confirmé nos craintes : le vol de papiers d'identité et de chèques bancaires au temps et lieu de travail auprès de trois salariés.

Force est de constater que ces faits constituent un défaut d'exemplarité managériale et ont entraîné une perte de confiance de votre équipe ainsi que de votre hiérarchie et une atteinte à l'image de la société à l'égard des clients externes.

Lors de l'entretien préalable du 20 novembre 2014, vous avez reconnu les faits arguant pour votre défense n'avoir pas été en possession de vos moyens sous couvert d'une situation médicale particulière. Après discussion avec le médecin du travail, il apparaît clairement que nous ne pouvons pas minimiser la gravité des actes posés et vous soustraire à votre responsabilité.

Compte tenu de la gravité des faits, il nous est désormais impossible d'envisager la poursuite saine et sereine de votre collaboration au sein de notre société. Ainsi nous avons le regret de vous informer par la présente de notre décision de vous licencier pour faute grave'.

Le 12 janvier 2015, M.[F] [G] a été condamné par le Tribunal Correctionnel de Toulon, à une peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis, cette condamnation étant assortie d'une dispense d'inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire, pour vols, escroqueries et tentative d'escroquerie.

Le 09 mars 2015, M.[F] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour contester son licenciement, solliciter la nullité de la convention de forfait-jours et un rappel d'heures supplémentaires, ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour perte de chance de pouvoir bénéficier de l'avantage retraite et défaut d'information sur le droit au repos compensateur.

Par jugement en date du 22 avril 2016, le conseil de prud'hommes de Marseille s'est déclaré territorialement incompétent au profit du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence.

Le 26 septembre 2017, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, dans sa section encadrement, a statué comme suit :

- condamne Monsieur [G] aux entiers dépens

- confirme le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [G]

- déboute Monsieur [F] [G] de toutes ses demandes

- condamne Monsieur [F] [G] à payer à la SA Areva TA la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne Monsieur [G] aux entiers dépens.

Par déclaration du 10 novembre 2017, M.[F] [G] a relevé appel de cette décision.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 29 septembre 2020, aux termes desquelles M.[F] [G] demande à la cour d'appel de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

1. Sur le licenciement de Monsieur [G]

A titre principal,

- constater que les faits à l'origine du licenciement relèvent de la vie personnelle du salarié, et ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire

- dire que le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse

A titre subsidiaire

- constater que les faits reprochés à Monsieur [G] ne constituent pas une faute grave

- dire que le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

- dire que le motif exact du licenciement de Monsieur [G] est un motif économique

- requalifier le licenciement de Monsieur [G] en licenciement pour motif économique

En conséquence,

- condamner la société Areva TA à lui payer les sommes suivantes :

* la somme de 246 887,42 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

* la somme de 70 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* la somme de 39 872,10 € au titre des dommages et intérêts pour perte de chance de pouvoir bénéficier de l'avantage retraite applicable dans l'entreprise

2. Sur la nullité de la convention de forfait

- dire que M.[F] [G] n'est pas un cadre dirigeant

- dire que la convention de forfait-jours à laquelle était soumise M.[F] [G] est nulle

En conséquence

- condamner la société Areva TA à lui verser :

* la somme de 144 267,36 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 14 426,73 euros d'indemnité de congés payés y afférents

* pour l'année 2012, la somme de 26 160,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur, outre la somme de 2 616,04 euros au titre des indemnités de congés payés y afférents

* pour l'année 2013, la somme de 29 103,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur, outre la somme de 2 910,38 euros au titre des indemnités de congés payés y afférents

* pour l'année 2014, la somme de 17 443,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur, outre la somme de 1 744,33 euros au titre des indemnités de congés payés y afférents

* la somme de 57 175,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés

- condamner la société Areva TA à verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance

- condamner la société Areva TA à verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 06 octobre 2020, aux termes desquelles la société Technicatome (anciennement dénommée Areva TA) demande à la cour d'appel de :

- constater que le licenciement de Monsieur [G] repose sur une faute grave

- constater que Monsieur [G] relevait du statut des cadres dirigeants

- constater le mal fondé de l'intégralité de ses demandes

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu le 26 septembre 2017

- débouter Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes

- condamner Monsieur [G] à régler à la société Technicatome la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

A titre subsidiaire

- constater que le licenciement de Monsieur [G] ne repose pas sur une cause

économique

- constater qu'il ne peut dès lors prétendre à l'application des dispositions de l'article 16.2.2

de l'accord d'entreprise technicatome du 12 juillet 2011

- constater que Monsieur [G] ne communique pas d'élément suffisamment précis

susceptible de caractériser l'existence d'heures supplémentaires

- débouter Monsieur [G] de sa demande de rappel de salaire à titre d'heures

supplémentaire

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 07 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la nullité de la convention de forfait jours

Le salarié appelant fait valoir que la convention de forfait jours à laquelle il a été soumise est nulle. Il rappelle que pour qu'une convention de forfait en jours soit valable il faut qu'elle remplisse les trois conditions cumulatives suivantes, à savoir il est impératif que :

- elle soit prévue par un accord collectif qui assure la garantie du respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires

- elle soit stipulée dans un écrit auquel le salarié a donné son accord

- un entretien portant sur l'articulation entre vie personnelle et vie professionnelle du salarié soit organisée.

Or, il indique que les dispositions de la convention collective Syntec relatives aux conventions de forfait ont été invalidées par la Cour de Cassation dans un arrêt du 24 avril 2013 car elles n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés.

Il ajoute, que de son côté, l'employeur n'a mis en place aucune mesure, ni aucun moyen aux fins de suivre la charge de travail des salariés au forfait et qu'il s'est abstenu d'organiser les entretiens annuels portant spécifiquement sur la répartition du travail du salarié dans le temps, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie professionnelle et la vie privée.

Il en déduit que la convention de forfait en jours qui lui a été appliquée est nulle faute de satisfaire à deux des trois exigences cumulatives légales.

M.[F] [G] écarte, par ailleurs, l'argument selon lequel il aurait eu le statut de cadre dirigeant, exclusif de la législation sur la durée du travail, en soulignant qu'en sa qualité d'ingénieur et chef d'échelon d'une petite structure, il n'avait aucun pouvoir de direction, qu'il était placé sous l'autorité hiérarchique de M.[N], chef d'établissement pour les sites de [Localité 1] et [Localité 4] et qu'il n'est nullement justifié par l'employeur que sa rémunération de

7 853, 61 euros bruts se situait parmi les plus hauts salaires de la société, qui étaient estimés à 1 626 728 euros par an pour les 10 plus hauts cadres de la société.

L'employeur répond que l'accord collectif qui prévoit au bénéfice du personnel de direction l'octroi de jours de repos et leur garantit un nombre de jours travaillés dans l'année, ne constitue pas une convention individuelle de forfait jours et ne fait pas obstacle à ce que ces salariés se voir reconnaître la qualité de cadre dirigeant.

Il précise, qu'en application de l'article L. 3111-2 du code du travail, les dispositions relatives à la durée du travail, aux jours de repos et aux jours de fériés ne sont pas applicables aux salariés qui se voient reconnaître cette qualité.

Or, selon lui, M.[F] [G] présentait, indubitablement, la qualité de cadre dirigeant puisque, en sa qualité de chef de l'échelon de [Localité 4], il disposait d'une large autonomie dans l'exercice de ses fonctions et qu'il organisait son emploi du temps comme il l'entendait. En outre, il percevait une rémunération parmi les plus élevées des cadres positionnés 1.3.2 et, enfin, il disposait d'une délégation de pouvoir du chef d'établissement de [Localité 1] pour 'assurer le management des activités dont la responsabilité en tant que chef de l'échelon de [Localité 4]'.

Mais, il ressort de l'article 7 du contrat de travail du salarié qu'il était prévu : 'Selon les termes de la convention collective nationale applicable au personnel des bueaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseil et des sociétés de conseil, dénommée Syntec, vos conditions d'emploi relèvent de la présente convention individuelle de forfait en jours, conformément à l'accord de branche signé le 22 juin 1999 et l'accord du 30 juillet 2009. Compte tenu des fonctions que vous exercez, du niveau de vos responsabilités et du degré d'autonomie dont vous disposez pour l'organisation de votre emploi du temps, votre durée du travail est fixée à 210 jours travaillés par an'.

Il est donc établi que M.[F] [G] était bien soumis, contractuellement, à une convention de forfait en jours.

La cour rappelle que si des dispositions conventionnelles ou contractuelles soumettent le cadre à des conditions supplémentaires, celles-ci doivent prévaloir comme étant plus favorables.

Aussi, dès lors que l'employeur a fait le choix de conclure avec M.[F] [G] une convention individuelle de forfait en jours aux termes de son contrat de travail, il ne peut, ensuite, prétendre que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant pour tenter d'échapper aux revendications de ce dernier au titre des heures supplémentaires.

Par ailleurs, faute pour l'employeur de justifier de la mise en oeuvre d'un suivi de la charge de travail des salariés et de l'existence d'un entretien annuel portant sur l'évaluation de l'organisation du travail et de son articulation avec la vie privée du salarié, qui ne peut se résumer, comme le soutient la SA Technicatome à recueillir l'avis du salarié, sur cette dernière question au terme de son entretien annuel de performance et de notification d'objectifs (pièce 10 salarié), la convention de forfait sera dite inopposable au salarié appelant et le jugement sera infirmé de ce chef.

2/ Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

Dès lors qu'une convention de forfait annuel en jours se trouve privée d'effet le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires, sauf à la cour d'en vérifier l'existence et le nombre.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci.

Le salarié affirme, qu'en sa qualité de chef d'échelon, il travaillait selon une amplitude horaire très supérieure à la durée légale de travail de 35 heures. Il sollicite à titre de rappel d'heures supplémentaires la somme totale de 144'267,36 euros, pour la période de décembre 2011 à décembre 2014, outre 14 426,73 euros pour les congés payés afférents.

Au soutien de ses prétentions, il verse un tableau précisant le nombre d'heures de travail effectué quotidiennement, pour chaque mois (pièce 11), ainsi qu'un tableau reprenant le nombre d'heures supplémentaires réalisées par semaine pour calculer la rémunération lui étant due (pièce 12).

M.[F] [G] ajoute, qu'en l'absence de convention individuelle de forfait régulière, le défaut de rémunération des heures supplémentaires et l'absence de mention sur les bulletins de salaires des heures accomplies au-delà de la durée légale suffisent à caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En application des dispositions combinées des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, il revendique la somme de 57 175, 10 euros, à titre d'indemnité forfaitaire.

L'employeur répond que durant la relation contractuelle le salarié n'a jamais revendiqué le règlement d'heures supplémentaires et que les tableaux qu'il produit aux débats sont insuffisants pour rapporter la preuve des horaires qu'il aurait effectués et ce, d'autant qu'en sa qualité de cadre dirigeant M.[F] [G] disposait d'une totale liberté dans la gestion de son emploi du temps, l'employeur n'ayant aucun moyen de contrôler ses horaires de travail. Il verse, également, aux débats, trois attestations de collègue de travail de M.[F] [G] qui contestent la réalité des heures de travail revendiquées par le salarié (pièces 52, 53, 54).

S'agissant du travail dissimulé, la société intimée ajoute, qu'à supposer que la cour retienne l'existence d'heures supplémentaires, le seul défaut de rémunération d'une partie de ces heures ou l'absence de mention de l'intégralité des heures effectuées sur les bulletins de paie est insuffisante pour caractériser le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi

La cour observe que le tableau versé aux débats par le salarié, qui eu égard à ses fonctions disposait d'une liberté d'organisation, se contente de mentionner une durée de travail quotidienne sans préciser ses heures de prise de fonction et de sortie et sans prendre en compte un temps de pause méridien, d'une durée d'au moins 1 heure d'après un collègue de travail du salarié, qu'en conséquence, ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

C'est donc à bon escient que les premiers juges ont débouté M.[F] [G] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de sa demande subséquente d'indemnité pour travail dissimulé.

3/ Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'information du droit à repos compensateurs

M.[F] [G] rappelle, qu'à défaut de précision du contingent d'heures supplémentaires dans la convention collective Syntec, s'agissant des ingénieurs, le contingent annuel d'heures supplémentaires doit être fixé à 220 heures, conformément à l'article D. 3121-14-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige.

Le salarié fait valoir que puisqu'il n'a pas été informé de son droit au repos compensateur, il est bien fondé à revendiquer, en réparation du préjudice subi, une indemnité équivalente à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait accompli son travail.

Ainsi, pour :

- les 592 heures de repos compensateurs dont il aurait dû bénéficier en 2012, il sollicite

26 160,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur, outre la somme de 2 616,04 euros au titre des indemnités de congés payés y afférents

- les 629 heures de repos compensateurs dont il aurait dû bénéficier en 2013, il demande

29 103,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur, outre la somme de 2 910,38 euros au titre des indemnités de congés payés y afférents

- les 365 heures de repos compensateurs dont il aurait dû bénéficier en 2014, il réclame

17 443,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur, outre la somme de 1 744,33

Cependant, à défaut de justifier des heures supplémentaires accomplies le salarié ne peut légitimement prétendre à des indemnités au titre du repos compensateurs subséquent.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M.[F] [G] de ses demandes de ce chef.

4/ Sur le licenciement pour faute grave

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à M.[F] [G] d'avoir usurpé l'identité de plusieurs collaborateurs, ouvert des comptes à leurs noms et souscrit des prêts à la consommation.

S'il ne conteste nullement les faits qui lui sont reprochés et qu'il a toujours reconnu en les imputant à une addiction aux jeux de hasard, M.[F] [G] fait valoir que ces agissements relèvent de sa vie personnelle, qu'il en a assumé les conséquences sur le plan pénal et que si ces délits ont pu entraîner un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise, ils ne constituent pas, pour autant, un manquement à ses obligations professionnelles justifiant le prononcé d'une sanction aussi sévère qu'un licenciement pour faute grave. À cet égard, il souligne qu'en 23 ans d'ancienneté il n'a jamais fait l'objet de la moindre observation et qu'il n'est résulté aucun préjudice financier, pour ses collaborateurs, des escroqueries commises à leur encontre.

Le salarié ajoute que la véritable raison de son éviction doit être recherchée dans les difficultés économiques du groupe Areva qui a enregistré, en 2014, une perte de 5 milliards d'euros et qui, en mai 2015, a entrepris de supprimer 3 000 à 4 000 emplois en France.

M.[F] [G] demande, en conséquence, à ce que le licenciement soit considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ou, à titre subsidiaire, requalifié en licenciement pour motif économique.

Mais, la cour observe qu'il est établi que, préalablement à l'usurpation d'identité de ses collaborateurs, M.[F] [G] a dérobé des pièces d'identité et des chèques bancaires leur appartenant, sur le lieu de travail, ainsi que cela est rappelé dans la lettre de licenciement et le jugement du tribunal correctionnel de Toulon, sans que le salarié appelant ne le conteste.

Ces agissements constituent un manquement grave à la discipline de l'entreprise et rendaient impossible son maintien au sein de la société où, en sa qualité de cadre il était en charge du 'management social et humain' du personnel travaillant sous sa responsabilité auxquelles il devait inspirer du respect et de la confiance.

Par ailleurs, M.[F] [G] travaillant sur la base militaire de [Localité 4], il était titulaire du plus haut niveau d'habilitation 'admission secret défense' qui lui a été retiré en raison de son manque de probité, ce qui rendait, également, impossible le maintien de la relation contractuelle.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit le licenciement fondé sur une faute grave et qu'ils ont débouté M.[F] [G] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre, ainsi que de sa demande de délivrance des documents de fin de contrat rectifiés et de sa demande subséquente de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de pouvoir bénéficier de l'avantage retraite applicable dans l'entreprise en cas de licenciement abusif.

5/ Sur les autres demandes

M.[F] [G] supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à la SA Technicatome la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M.[F] [G] de sa demande tendant à voir dire que la convention de forfait en jours à laquelle il a été soumise lui est inopposable

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la convention de forfait en jours à laquelle a été soumis contractuellement M.[F] [G] lui est inopposable,

Condamne M.[F] [G] à payer à la SA Technicatome la somme de 1 000 au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M.[F] [G] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/20352
Date de la décision : 18/12/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/20352 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-18;17.20352 ?
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