COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT MIXTE
DU 17 DÉCEMBRE 2020
N° 2020/ 355
Rôle N° RG 18/13676 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC6FG
JONCTION AU RG 18/13867
EURL MIRABEAU
C/
SAS ODALYS RESIDENCES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Paul LE GALL
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 12 Juillet 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017F00279.
APPELANTE
EURL MIRABEAU, demeurant [Adresse 5]
(intimée dans le RG 18/13867)
représentée par Me Paul LE GALL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant
INTIMEE
SAS ODALYS RESIDENCES venant aux droits de la SAS ODALYS,, demeurant [Adresse 4]
(appelante dans le RG 18/13867)
représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
asssitée de Me Frédéric BOUHABEN de la SELARL FREDERIC BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie-Ludocie DOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Laurence DEPARIS, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Laurence DEPARIS, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2020,
Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié en date du 30 juillet 1999, l'EURL MIRABEAU, propriétaire de l'hôtel-restaurant de [Adresse 5], a confié l'exploitation du-dit établissement dans le cadre d'un contrat de location-gérance pour une durée de 12 ans renouvelable à la société ODALYS.
Par courrier du 8 mars 2010, la préfecture des Bouches du Rhône a fait savoir à la société ODALYS qu'à défaut de la réalisation de travaux listés dans les trois mois du courrier, le déclassement de l'hôtel de la catégorie 4 étoiles serait envisagé.
Le 22/11/2010, la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE
ODALYS a signifié à l'EURL MIRABEAU un congé lui faisant savoir qu'elle n'entendait pas renouveler le contrat de location gérance à son terme, soit le 04/03/2011.
Par courrier du 16 décembre 2010, la préfecture des Bouches du Rhône, a rappelé à la société ODALYS son engagement d'effectuer les travaux de rénovation à compter du 31 octobre 2010.
Par courrier du 20 décembre 2010, la société ODALYS a informé officiellement la préfecture qu'elle avait arrêté l'activité d'exploitation de l'établissement.
Par arrêté en date du 25 janvier 2011, le préfet des Bouches du Rhône a radié l'établissement de la catégorie hôtel de tourisme eu égard à la fermeture de l'établissement.
Par courrier en date du 16 février 2011, la SAS ODALYS RESIDENCE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS a proposé à l'EURL MIRABEAU le transfert de 11 contrats de travail ( salariés qui n'avaient pu être reclassés) avec le fonds de commerce à compter du 04/03/2011. Par arrêts définitifs en date du 16 février 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé que la société ODALYS était demeurée employeur de ces salariés et a condamné cette dernière au paiement des indemnités de rupture.
Par courrier en date du 18/07/2013, l'EURL MIRABEAU a fait jouer la clause compromissoire du contrat au titre des préjudices résultant de l'absence d'entretien et de rénovation, de la perte du classement en 4 étoiles de l'établissement et de la perte de la clientèle du fait du défaut exploitation. La SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS a pris acte de cette procédure et désigné son arbitre. Ladite procédure n'a pu aboutir puisque le président du tribunal a constaté par courrier en date du 29 juin 2015 l'absence d'accord entre les parties sur les termes de la convention d'arbitrage.
Par jugement en date du 12 juillet 2018, le tribunal de commerce de Nice a statué ainsi :
- Déclare recevable l'action formée par l'EURL MIRABEAU à l'encontre de la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS.
- Condamne la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE
ODALYS à payer à l'EURL MIRABEAU la somme de 690 000 (six cent quatre-vingt-dix
mille euros) indexée sur l'indice BT01 de mars 2011 au titre des travaux et remises en état.
- Condamne la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE
ODALYS à verser à l'EURL MIRABEAU la somme 500 000 € (cinq cent mille euros) au titre de la perte de clientèle du fonds de commerce.
- Condamne la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE
ODALYS à verser à l'EURL MIRABEAU la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre de
l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;
- Condamne la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE
ODALYS aux entiers dépens.
- Liquide les dépens à la somme de 66,70 € (soixante-six euros et soixante-dix centimes).
Le tribunal a jugé que l'action formée par l'E.U.R.L MIRABEAU n'était pas prescrite, le délai de prescription ayant été interrompu entre la notification de la désignation de son expert et sa demande d'arbitrage par l'E.U.R.L MIRABEAU le 18 juillet 2013 et le constat de l'impossibilité de parvenir à un arbitrage le 23 juin 2015.
Le tribunal a par ailleurs décidé que le locataire-gérant avait manqué à son obligation d'entretien des lieux et avait entraîné la fermeture de l'établissement mais a également jugé que si la dévalorisation partielle du fonds de commerce était due au locataire-gérant, sa disparition ne pouvait lui être entièrement attribuée. Le tribunal a condamné le locataire-gérant aux travaux de remise en état des lieux et à une somme évaluée à 30% du chiffre d'affaires annuel au titre de la perte partielle du fonds de commerce.
Par déclaration en date du 13 août 2018 enrôlée sous le n°18/13676, la S.A.R.L. MIRABEAU a formé appel de la décision en ce qu'elle a :
- Condamné la SAS ODALYS RESIDENCES venant aux droits de la société ODALYS à payer à l'EURL MIRABEAU la somme de 690 000 € ( six cent quatre vingt dix mille euros) indexée sur l'indice BT01 de mars 2011 au titre des travaux et remises en état,
- Condamné la SAS ODALYS RESIDENCES venant aux droits de la société ODALYS à verser à l'EURL MIRABEAU la somme de 500 000 € ( cinq cent mille euros) au titre de la perte de la clientèle du fonds de commerce.
Par déclaration en date du 13 août 2018 enrôlée sous le n°18/13867, la SAS ODALYS RESIDENCES a formé appel de la décision en ce qu'elle a :
-DEBOUTE la société SAS ODALYS RESIDENCES de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;
- DECLARE recevable l'action formée par l'EURL MIRABEAU à l'encontre de la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS,
- CONDAMNE la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS à payer à l'EURL MIRABEAU la somme de 690 000 € (six cent quatre-vingt-dix mille euros) indexée sur l'indice BT01 de mars 2011 au titre des travaux, et remises en état ;
- CONDAMNE la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS à verser à l'E.U.R.L MIRABEAU la somme 500 000 euros au titre de la perte de clientèle du fonds de commerce ;
- CONDAMNE la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS à verser â l'E.U.R.L MIRABEAU la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;
- CONDAMNE la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées sur le RPVA le 30 octobre 2020, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, l'E.U.R.L MIRABEAU demande de :
- Constater que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans ;
- Constater que la citation en justice interrompt le délai de prescription ;
- Constater que la demande d'arbitrage est assimilée à une citation en justice ;
- Constater que la société MIRABEAU a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2013, formulé une demande d'arbitrage à l'encontre de la société ODALYS ;
-Constater que la demande d'arbitrage de la société MIRABEAU a été formulée
conformément aux dispositions de la clause compromissoire du contrat de location gérance ;
- Constater que le Tribunal arbitral a effectué été constitué par la désignation de trois arbitres;
- Constater que la Juridiction arbitrale a acté la fin de la procédure le 29 juin 2015.
En conséquence,
- Confirmer le jugement du 12 juillet 2018 en que qu'il a déclaré recevable la demande de la
société MIRABEAU;
- Débouter la société ODALYS de sa fin de non-recevoir ;
A titre principal, sur la condamnation de la société ODALYS à réparer les préjudices de
la société MIRABEAU :
- Constater que le Code de commerce et la jurisprudence font obligation au locataire gérante d'entretenir et de restituer l'ensemble des éléments corporels du fonds de commerce,
- Constater que le contrat de location gérance fait obligation à la société ODALYS derestituer tous les éléments corporels qui lui ont été remis,
- Constater le défaut d'entretien et de remplacement du mobilier et du matériel qui est absent, abimé ou hors d'usage,
- Constater le défaut d'entretien et de rénovation des locaux de l'hôtel et du restaurant,
- Constater que la perte du fonds de commerce peut résulter de la disparition du droit d'exploiter le fonds de commerce,
- Constater que les décisions prises par la société ODALYS ont entrainé un arrêté préfectoral
de radiation de l'hôtel de la catégorie des hôtels de tourisme faisant obstacle à la poursuite de l'exploitation,
- Constater que la perte du fonds de commerce d'hôtel-restaurant résulte aussi de l'état déplorable de l'établissement, qui rend impossible la reprise de l'activité,
- Constater que la clientèle du fonds de commerce a disparu par la fermeture définitive effectuée par la société ODALYS et par l'absence de réservation,
En conséquence,
- Confirmer le jugement du 12 juillet 2018 en que qu'il a jugé que la société ODALYS a manqué à ses obligations et a laissé les mobiliers, matériels et locaux dans un état catastrophique,
- Dire et juger que par son refus de se conformer à la mise en demeure de faire les travaux de
rénovation exigés par la Préfecture et par sa décision d'informer la Préfecture de la
fermeture de l'hôtel-restaurant de [Adresse 5], la société ODALYS a entrainé la radiation
administrative de l'hôtel, qui ne peut dès lors plus être exploité,
- Dire et juger que la perte du fonds de commerce résulte de l'impossibilité d'exploiter l'hôtel-restaurant 4 étoiles qui avait été confié à la société ODALYS dans le cadre du contrat de location gérance et de la perte de la clientèle,
- Réformer le jugement du 12 juillet 2018 sur le montant des condamnations prononcées à l'égard de la société ODALYS,
- Condamner la société ODALYS à verser à la société MIRABEAU la somme de
2.823.294,94 € HT augmentée du taux de TVA en vigueur et de l'indexation des travaux
sur l'indice BT01 de mars 2011 correspondant au coût des travaux nécessaires pour
répondre à la norme 4 étoiles de l'établissement,
- Condamner la société ODALYS à verser à la société MIRABEAU la somme de 3.180.000 €
TTC au titre du préjudice sur la perte de la clientèle du fonds de commerce d'hôtel
restaurant de la société MIRABEAU, étant précisé que ce montant ne prend pas en compte
le préjudice financier résultant de la perte de revenus d'exploitation depuis 2011.
- Condamner la société ODALYS à verser à la société MIRABEAU la somme de 6.000 Euros
au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamner la société ODALYS aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la S.A.R.L. MIRABEAU indique avoir fait appel seulement en ce qu'il n'a pas été fait droit à la réparation intégrale de ses préjudices. Elle fait valoir s'agissant de la prescription que celle-ci a été interrompue par la demande d'arbitrage qu'elle a formée. Elle ajoute que le locataire a manqué à ses obligations d'entretien et de restitution des élément corporels du fonds de commerce mais également des locaux de l'hôtel restaurant et que ces manquements justifient une réparation intégrale. Elle fait valoir que les manquements et comportements de la société ODALYS ont entraîné la perte totale du fonds de commerce qu'elle doit réparer dans son intégralité.
Par conclusions notifiées sur le RPVA le 21 octobre 2020 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, la SAS ODALYS RESIDENCES demande de :
In limine litis et à titre principal :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 12 juillet 2018 qui a
déclaré recevable l'action de la société MIRABEAU,
- PRONONCER la prescription de l'action de la société MIRABEAU,
- PRONONCER l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes de la société MIRABEAU.
A titre subsidiaire sur le fond :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 12 juillet 2018 en ce
qu'il a retenu la responsabilité de la société ODALYS RESIDENCES au titre de ses obligations d'entretien et de rénovation concernant tant les matériels et mobiliers que les locaux,
- PRONONCER, en tout état de cause, l'absence d'obligation pour la société ODALYS
RESIDENCES de restituer les locaux que dans l'état où ils se trouvent, sans que la société MIRABEAU puisse exiger la remise des lieux dans leur état antérieur,
- CONSTATER que la société MIRABEAU a d'ores et déjà été déboutée d'une demande d'indemnité au titre des travaux d'entretien et de rénovation par un arrêt définitif de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE en date du 3 février 2009,
- INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 12 juillet 2018 en ce
qu'il a constaté la perte même partielle du fonds de commerce et la perte de clientèle aux torts de la société ODALYS RESIDENCES,
- PRONONCER l'absence de fautes et de responsabilité de la société ODALYS
RESIDENCES tant au titre de l'exécution du contrat de location-gérance que de la restitution du fonds de commerce,
- CONSTATER que la société MIRABEAU a fait dépérir son fonds de commerce depuis mars
2011,
En conséquence :
- DEBOUTER la société MIRABEAU de l'ensemble de ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire :
- CONSTATER que la société MIRABEAU ne justifie pas des prétendus préjudices subis par
des documents probants et pertinents,
En conséquence :
- DEBOUTER la société MIRABEAU de l'ensemble de ses demandes pour absence de
justification des préjudices subis.
En tout état de cause :
- ORDONNER à la société MIRABEAU de rembourser l'ensemble des sommes perçues par
elle au titre du jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 12 juillet 2018,
- CONDAMNER la société MIRABEAU à payer à la société ODALYS RESIDENCES la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que l'action de la société MIRABEAU est prescrite en application de l'article 2224 du code civil, cette dernière ayant eu connaissance des faits à l'origine du préjudice à compter des premiers procès-verbaux de constat soit le 22 novembre 2010 et au plus tard à la date de l'état des lieux soit le 8 mars 2011 et qu'elle ne pouvait par conséquent exercer son action que jusqu'au 8 mars 2016 alors que l'assignation a été délivrée le 3 avril 2017. Elle conteste avoir manqué à son obligation d'entretien et de restitution des éléments corporels du fonds de commerce et conteste son obligation d'avoir à remettre en état les lieux loués en se prévalant de l'application de l'article L.311-4 du code du tourisme au présent litige et de l'existence d'un bail hôtelier. Elle indique ne pas avoir concouru à une perte du fonds de commerce qu'elle conteste faisant notamment valoir l'absence de clientèle propre à la société MIRABEAU.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 novembre 2020.
L'affaire a été plaidée le 4 novembre 2020 et mise en délibéré au 17 décembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la jonction
En application de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble. Il résulte des pièces que les deux appels enregistrés sous des numéros différents concernent le même jugement et les mêmes parties et que la jonction des deux affaires s'impose au vu de ces éléments.
Sur la prescription de l'action engagée par la S.A.R.L. MIRABEAU
En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. L'article 2241 alinéa 1 du code civil prévoit que la demande en justice interrompt le délai de prescription.
L'article intitulé CONTESTATION dans le contrat de location gérance en date du 30 juillet 1999 liant les parties prévoyait que ' les parties soussignées s'engagent à soumettre à l'arbitrage de deux experts désignés respectivement par chacune d'elles et qui auront la faculté de s'adjoindre un tiers expert en cas de désaccord, toutes les contestations qui pourront s'élever relativement à l'interprétation ou à l'exécution du présent contrat.'
L'assignation devant le tribunal de commerce de NICE a été délivrée le 3 avril 2017 alors que les constats d'huissier permettant à la société MIRABEAU d'avoir connaissance des éléments justifiant son action ont été établis entre le 24 février 2011 et le 8 mars 2011.
Il résulte des pièces produites aux débats que par courrier en date du 9 avril 2013, la société MIRABEAU a saisi, sur le fondement de la clause compromissoire contractuelle, M. [J] en sa qualité d'arbitre et a notifié sa décision à la société ODALYS par courrier en date du 18 juillet 2013 dont cette dernière a accusé réception en répondant par courrier en date du 5 septembre 2013 avoir procédé à la désignation de son arbitre dans le cadre de la clause d'arbitrage.
Il est constant qu'une demande d'arbitrage, assimilable à une citation en justice, et formée conformément à la clause compromissoire insérée dans le contrat, interrompt la prescription et ce sans même exiger que l'acte interruptif soit porté à la connaissance du débiteur dès lors que l'acte s'adresse à celui que l'on veut empêcher de prescrire.
Dès lors et au vu de ces éléments, il convient de constater que la prescription a été interrompue par l'action diligentée par la société MIRABEAU le 9 avril 2013 et qu'au vu de la date de l'assignation, l'action ne peut être prescrite.
Sur la responsabilité contractuelle de la société ODALYS
Sur l'entretien et la restitution des éléments corporels du fonds de commerce
La location gérance est régie par les articles L144-1 et suivants du code de commerce.
Les articles 4 et 11 du contrat de location-gérance conclu entre les parties prévoyaient :
4°) Entretien du matériel et du mobilier loués
Le preneur entretiendra en bon état le mobilier et le matériel servant à l'exploitation du fonds, dont état descriptif annexé. Toutes les réparations d'entretien seront à sa charge même celles qui seraient rendues nécessaires par l'usure normale au cours de l'exploitation. Il sera en outre tenu de remplacer à ses frais tous les objets mobiliers et matériels qui viendraient au cours du présent bail à être perdus, volés ou détruits, pour quelque cause que ce soit, fût ce par vétusté.
11°) Restitution du matériel
En fin de bail, le preneur restituera en nature les objets loués dans l'état où le bailleur sera en droit de les exiger, conformément à l'article 4 ci-dessus, tout objet manquant devant être remplacé par un autre de même nature et qualité, sauf usure normale.
Le 9 septembre 1999, a été établi de façon contradictoire un inventaire physique de l'ensemble du mobilier du [Adresse 5] qui a été annexé au contrat de location gérance. Par procès-verbaux de constats d'huissier en date des 24 février et 7 au 10 mars 2011, un nouvel inventaire des matériels et mobiliers de l'hôtel restaurant a été effectué en présence des parties. Dans son rapport en date du 23 février 2012, M. [I], expert-comptable de la société MIRABEAU et désigné par celle-ci, a, aux termes d'un rapport établi de façon non contradictoire mais communiqué aux parties dans le cadre des débats, procédé à une comparaison des documents visés ci-dessus et établis de façon contradictoire en choisissant d'exclure, ainsi qu'il le note en page 12 de son rapport ( pièce 24 de la société MIRABEAU), les constatations qu'il avait pu effectuer lors de sa propre visite des locaux. Aux termes de ses conclusions qu'il convient de retenir en ce qu'elles ne sont que la synthèse de pièces contradictoires et en ce qu'elles ont été soumises aux débats, il note qu'une quantité considérable de matériels et de mobiliers de l'hôtel restaurant sont manquants et abimés, ce qui s'explique à la fois par l'exploitation de douze années de l'établissement et par l'usure normale.
Il appartenait à la société ODALYS, au vu des dispositions contractuelles précitées, de procéder à l'entretien et au remplacement du matériel et mobilier, y compris aux réparations d'entretien rendues nécessaires du fait de l'usure normale et de restituer le matériel et le mobilier dans son intégralité et en bon état et elle sera tenue de réparer le préjudice crée de son chef.
Sur l'entretien des locaux de l'hôtel restaurant
Le contrat de location gérance disposait :
(page 14 )
- B- en ce qui concerne les locaux
état des lieux
1°) le preneur a pris les lieux loués dans l'état où ils se trouvaient au jour de l'entrée en jouissance, et à charge pour lui d'exécuter certains travaux spécifiques énumérés en annexe jointe ( annexe 13)
2°) un état des lieux sera dressé contradictoirement entre les parties, aux frais du preneur, sous quinzaine. A défaut, le preneur sera réputé avoir reçu les lieux en parfait état.
Entretien-réparations
3°) le preneur tiendra les lieux loués de façon constante en parfait état de réparations locatives de menu entretien visées à l'article 1754 du code civil.
Il supportera toutes réparations qui deviendraient nécessaires par suite, soit du défaut d'exécution des réparations locatives ou de menu entretien, soit des dégradations résultant de son fait, de celui du personnel ou de la clientèle attachée au fonds.
(...)
Enfin, il devra rendre au bailleur les locaux dans le même état que celui dans lequel ils lui auront été remis le jour de l'entrée en vigueur et constaté par l'état des lieux contradictoire précédant la remise des clés. Toutefois, cette restitution des locaux tiendra compte de l'usure normale des locaux liée à l'exploitation de ces derniers.
(...)
De convention, expresse, toutes les réparations incomberont au preneur, sauf celles visées par l'article 606 du code civil.
La société ODALYS excipe de l'article L. 311-4 du code du tourisme applicable au bail hôtelier prévoyant que 'lors du départ du locataire, les lieux sont restitués au propriétaire dans l'état où ils se trouvent, sans que celui-ci puisse exiger la remise des lieux dans leur état antérieur' pour contester sa responsabilité contractuelle.
Il résulte cependant clairement des dispositions contractuelles sus-visées, confortées par la jurisprudence établie, qu'en cas de location gérance portant aussi sur des locaux, la jouissance des locaux n'est que la conséquence accessoire et nécessaire de la location gérance, qu'il n'existe en l'espèce aucun bail commercial hôtelier justifiant l'application du code du tourisme sus-visé.
Les parties ne contestent pas qu'aucun état des lieux d'entrée des locaux n'a été établi. Dans ces conditions, le locataire est réputé avoir reçu les lieux en parfait état, sous réserves du seul document établi à l'époque, à savoir l'annexe 13 au contrat de location gérance qui listait des travaux à exécuter par le locataire et, de ce fait, les désordres existant. Cependant, à part la rénovation de l'ensemble des sols du rez-de-chaussée du château et de la peinture en partie basse des coursives du cloître, les autres travaux avaient trait à des travaux d'entretien ( reprise des fixations des doubles rideaux, traitement des pelouses, nettoyage et mise en eau de la piscine...), ou d'équipement ( sèche-cheveux au second étage du château, thermostat près du tableau électrique, plan de signalétique dans l'intérieur du château...) et demeuraient très limités, contrairement à ce qui a pu être écrit auparavant, et eu égard à la taille de la propriété et du château contenant 44 suites, un restaurant de 80 places, un bar et une piscine.
Les état des lieux de sortie établis les 24 février et 8 mars 2011 en présence des parties attestent de la dégradation de locaux et notamment des revêtements et salles de bain. Antérieurement, et sans entrer à ce stade dans le débat sur le classement de l'hôtel en catégorie 4 étoiles, les courriers en date du 24 février 2010 et 8 mars 2010 émanant de la préfecture ont listé un certain nombre de désordres pour conclure à la nécessité de travaux de rénovation de l'ensemble des bâtiments.
Les manquements de la société ODALYS à son obligation d'entretien des lieux loués et de restitution de ceux-ci en parfait état, sous réserves des travaux listés dans l'annexe 13 mais étant, quoiqu'il en soit et au vu de cette annexe à la charge d'ODALYS, sont donc parfaitement établis.
Sur l'évaluation du préjudice résultant des manquements à l'obligation d'entretien et de restitution des éléments corporels et des locaux
S'agissant de leur évaluation, le tribunal s'est référé à une clause contractuelle ( 6°) page 15) fixant à 5% hors taxe du chiffre d'affaires brut le montant à consacrer chaque année par le locataire aux transformations, améliorations, et décorations nécessitées par l'exercice de son activité. Cependant, cette clause a trait aux améliorations à apporter par le preneur et ne concerne pas l'obligation d'entretien du locataire et l'état dans lequel il doit restituer les lieux loués. Par ailleurs, le tribunal a déduit de son calcul la somme de 325 000 euros de travaux qui auraient été réalisés par la société ODALYS à la demande de la préfecture. Or, s'il résulte seulement d'un courrier en date du 20 juin 2010 émanant de la société ODALYS qu'elle aurait effectué des travaux, aucune facture ni devis n'est joint à ce courrier qui n'est pas produit par la société ODALYS et qui l'ait seulement partiellement par la société MIRABEAU. Si cette dernière ne conteste pas que les travaux listés dans ce courrier ont été exécutés, elle en conteste le montant. Ce montant n'est par conséquent pas établi par la société ODALYS et ne résulte pas des pièces du dossier.
La société MIRABEAU a fait établir le montant du préjudice par une société LPS qui évaluait aux termes d'un document succinct le montant de travaux nécessaires à une somme de 3 049 200 euros hors taxe. Le tribunal avait écarté le document en raison de l'absence de devis et de son caractère non contradictoire, excluant la réalisation d'une expertise au vu de l'ancienneté des faits mais retenant la méthode d'évaluation rappelée plus haut et fondée sur une clause contractuelle dont ce n'était pas l'objet.
La société MIRABEAU produit, en complément, un rapport d'expertise amiable en date du 15 juillet 2020, établi par un expert en construction. Si le rapport est récent, l'expert ne s'est pas fondé sur l'état actuel mais sur les documents établis à l'époque et la société ODALYS ne peut utilement le critiquer en arguant de sa rédaction très éloignée de la date des faits et de l'exploitation des lieux depuis son départ par d'autres sociétés. Le rapport a été établi de façon non contradictoire mais a été soumis à la contradiction des parties et se fonde, ainsi qu'il résulte de sa page 15, des pièces sur l'état des lieux établies entre 1999 et 2012, connues depuis fort longtemps des parties et établies de façon contradictoire s'agissant de tous les constats d'huissier.
Les devis joints à ce travail et produits aux débats apportent le détail des travaux et leur chiffrage, le coût total étant évalué à 2 754 434,09 euros HT.
De ces travaux, peuvent être exclus les postes ayant trait à des grosses réparations et dont il n'est pas établi qu'elles aient été en outre causées par un défaut d'entretien à savoir la remise en état de la toiture, le traitement des remontées capillaires, l'étude de structure pour la remise en état des planchers, les travaux sur les façades. L'ensemble des travaux et installations de protection sécurité incendie seront également exclus en l'absence de tout élément sur la présence et l'état de ces équipements lors de l'entrée dans les lieux.
Afin de garantir la réparation intégrale du préjudice subi, il convient par conséquent d'octroyer à la société MIRABEAU la somme de 1 800 000 euros de ce chef au vu des deux rapports qu'elle a produit ainsi que des devis.
Sur la dévalorisation du fonds de commerce
Il résulte des pièces produites aux débats que, par courrier en date du 22 novembre 2010, la société ODALYS a donné congé à la société MIRABEAU et qu'elle a informé la préfecture des Bouches du Rhône par courrier du 20 décembre 2010 qu'elle avait cessé son activité. Le procès-verbal de constat d'huissier en date du 27 janvier 2011 atteste de la cessation d'activité intervenue le 8 novembre 2010.
Ces éléments permettent d'abord d'affirmer qu'il ne s'agissait pas d'une fermeture provisoire de l'établissement comme l'a prétendu la société ODALYS dans son courrier en date du 20 juin 2010 adressé à la préfecture et comme elle le soutient. La locataire gérante a par conséquent mis fin en toute connaissance de cause à son activité d'hôtel restaurant au début du mois de novembre 2010 sans en informer le propriétaire des lieux et du fonds de commerce.
S'agissant des travaux demandés par la préfecture que la société ODALYS affirme avoir exécutés, il résulte également des éléments développés plus haut et de son courrier en date du 20 juin 2010 qu'elle a procédé à certains petits travaux d'entretien mais qu'en raison d'une fermeture totale programmée de l'établissement pour une durée de 6 à 8 mois pour une rénovation complète et une demande de classement en cinq étoiles, elle a expliqué que 'certains travaux ne seraient que gâchis' et ne seraient pas exécutés. Au vu de ces éléments, la société ODALYS ne peut affirmer dans ses écritures avoir exécuté l'ensemble des travaux demandés par la préfecture pour conserver le classement de l'hôtel en catégorie 4 étoiles.
Si ce n'est pas l'inexécution de ces travaux qui entraînera la radiation ultérieure de l'hôtel de la catégorie tourisme 4 étoiles mais, de fait, la cessation de l'activité liée à l'hôtellerie comme il en résulte de l'arrêté préfectoral en date du 25 janvier 2011, il n'en demeure pas moins que, du fait à la fois de l'inexécution des travaux préconisés par la préfecture et du défaut d'entretien manifeste du bâtiment, la société ODALYS a participé à la dévalorisation du fonds de commerce. La réalisation des travaux aurait pu permettre, d'une part, de conserver le classement en catégorie 4 étoiles sans entraîner d'interruption quand bien même la radiation de la catégorie tourisme n'induit qu'un déclassement de l'établissement mais ne signifie pas que l'hôtel est inexploitable et qu'il est fermé administrativement, comme l'a écrit le chef de bureau de la préfecture des Bouches du Rhône dans une attestation en date du 27 novembre 2012. Le classement n'appartenait pas à la société ODALYS qui elle-même avait bénéficié à la signature du contrat de location gérance du classement de l'établissement en catégorie 4 étoiles suivant arrêté en date du 11 décembre 1997. Si le classement d'un hôtel est effectivement une procédure facultative prévue par l'article L.311-6 du code du tourisme, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas sérieusement envisageable pour un établissement de cette nature d'être correctement exploité et commercialisé sans étoile. L'entretien correct du bâtiment aurait, d'autre part, limité les travaux utiles au maintien en état du bâtiment pour une activité de restauration hôtellerie. Il est exact que la procédure de classement de l'hôtel nécessite la production d'un certificat de visite délivré par un organisme évaluateur certifié tel que prévu par l'article L.311-6 du code du tourisme sus-visé. A ce titre, le rapport effectué par l'APAVE, organisme certifié qui a précisé être intervenu dans un établissement fermé, sans exploitation au public et en comparant ses constatations à celles faites dans les constats d'huissier établis au départ de la société ODALYS, conclut à un manque caractéristique d'entretien et de soins impliquant un avis défavorable à un maintien en classement de l'établissement en 4 étoiles, les minima de points requis n'étant pas atteints. Ce rapport a été soumis à la contradiction des parties. Si la société ODALYS indique que ce rapport ne peut être utilement retenu puisqu'il se réfère aux nouvelles normes de classement du secteur hôtelier français établi par la loi du 22 juillet 2009, il y lieu d'une part de noter que ces normes avaient été prises en compte dès 2010 par la préfecture qui avait laissé des délais à la société ODALYS pour se mettre en conformité et que, d'autre part, le certificat de visite établi par l'organisme évaluateur doit comprendre, selon l'article D 311-6 du code du tourisme, un rapport de contrôle mais également la grille de contrôle attestant la conformité au tableau de classement dans la catégorie demandée, et qu'il ne peut être évidemment établi qu'au vu des normes en vigueur. Quoiqu'il en soit, il apparaît au vu des constats d'huissier, des courriers de la préfecture et de ce rapport APAVE que l'établissement ne pouvait plus sérieusement prétendre au classement en catégorie 4 étoiles du fait d'un manque caractérisé d'entretien et de soin tout particulièrement aux équipements.
S'il est exact que la société MIRABEAU pouvait reprendre rapidement l'exploitation de l'activité hôtel restaurant dès le départ des lieux de la société ODALYS ce qu'elle a choisi de ne pas faire, cela nécessitait néanmoins, pour une exploitation telle que celle existant au début de la location gérance et correspondant au standing de l'établissement et des lieux, la réalisation de travaux et une procédure administrative contraignante avec un rapport de certification qui aurait pu être épargnée si la société ODALYS n'avait pas manqué à ses obligations d'entretien, avait effectué les travaux utiles, et avait informé la société MIRABEAU de sa cessation d'activité intervenue dès le mois de novembre 2010.
S'agissant de la clientèle du fonds de commerce, il convient de rappeler que celle-ci est un élément essentiel du fonds de commerce sans laquelle ce dernier n'existe pas. La société MIRABEAU, propriétaire du fonds de commerce qu'elle donnera en location-gérance, était par conséquent à l'évidence propriétaire de la clientèle, quand bien même elle n'a pas exploité l'hôtel restaurant dans les mêmes conditions par la suite, et clientèle sans laquelle d'ailleurs la société ODALYS n'aurait évidemment pas signé un tel contrat.
Une cessation temporaire d'activité et la fermeture au public n'impliquent pas la disparition de la clientèle et celle du fonds de commerce.
En l'espèce, il résulte du constat d'huissier en date du 22 novembre 2010, que l'hôtel restaurant a été indiqué fermé dès le 8 novembre 2010 et que le [Adresse 5] ne figurait plus dans les propositions commerciales du site internet d'Odalys. Par procès- verbal de constats d'huissier en date du 24 février 2011 et du 4 mars 2011, il a été demandé à la société ODALYS de communiquer l'état des réservations pour l'hôtel pour l'année 2011. Ce document n'a pas été communiqué. La société ODALYS produit dans le cadre des débats un document en date du 1er avril 2011 adressé à l'E.U.R.L MIRABEAU dans lequel il est indiqué 'devant le nombre de réservations qui continuent de nous arriver avec la saison du printemps qui démarre....'mais auquel sont jointes deux demandes de réservations mais pour une personne et pour une nuit chacune. Les deux autres demandes de réservations en date du 16 et 19 avril 2011 sont des demandes de disponibilités pour des séminaires à la journée ou à la demi-journée et ne correspondent pas à l'activité de l'hôtel restaurant.
Cependant, la cessation temporaire d'activité pendant cinq mois et la nécessité d'exécuter des travaux n'a pas entraîné une disparition de la clientèle au vu des demandes de réservations, même limitées, intervenues après la fin du contrat de location-gérance, et alors que l'établissement dispose d'un site remarquable dans une région particulièrement touristique et que la cessation est intervenue pendant la période hivernale moins lourde de conséquences en termes de perte de clientèle au vu de la nature de l'établissement disposant notamment d'un parc et d'une piscine.
La société MIRABEAU se fonde sur le rapport d'expertise amiable réalisé par M. [I] pour solliciter paiement de la somme de 3 180 000 euros au titre de la perte de la clientèle du fonds de commerce. Contrairement à la partie du rapport visée plus haut et qui se limitait à une collation et à une comparaison d'éléments établis de façon contradictoire, cette évaluation ne comporte aucun élément contradictoire alors qu'elle conduit à un préjudice très élevé de plusieurs millions d'euros. Par ailleurs, elle utilise la méthode dite hôtelière traditionnellement utilisée dans le secteur de l'hôtellerie mais pour la fixation de la valeur locative. Dans ces conditions, il n'est pas envisageable de retenir ce travail au soutien de la demande de la société MIRABEAU qui fait valoir un préjudice important.
Par ailleurs, il n'apparaît pas envisageable de retenir l'évaluation faite par le tribunal de commerce en raison du caractère inexpliqué du taux de 30% retenu et appliqué au chiffre d'affaires, de l'absence d'explication de la méthode retenue de la contestation par la société Mirabeau du chiffre d'affaires retenu.
Dans ces conditions, il convient d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer le préjudice subi par la société Mirabeau du fait de la dévalorisation du fonds de commerce.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
ORDONNE la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 18/13676 et n°18/13867.
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :
- Déclaré recevable l'action formée par l'EURL MIRABEAU à l'encontre de la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE ODALYS.
- Condamné la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE
ODALYS à verser à l'EURL MIRABEAU la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre de
l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamné la SAS ODALYS RESIDENCES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE
ODALYS aux entiers dépens.
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
- CONDAMNE la SAS ODALYS RESIDENCES à payer à la S.A.R.L MIRABEAU la somme de 1 800 000 euros indexée sur l'indice BT01 de mars 2011 au titre des travaux et remises en état.
- SURSOIT À STATUER sur le surplus,
AVANT-DIRE DROIT AU FOND :
ORDONNE une expertise.
DÉSIGNE Madame [K] [L], [Adresse 3]
Tél :[XXXXXXXX01] port [XXXXXXXX02] avec pour mission :
- se faire remettre tous documents utiles,
- rechercher tous les éléments permettant d'évaluer le ou les préjudices subis par la S.A.R.L. MIRABEAU, et notamment la perte de clientèle, résultant de la difficulté d'exploiter, dans des conditions équivalentes, l'activité d'hôtellerie-restauration au [Adresse 5] à [Localité 6] à la fin de la location-gérance consentie à la SAS ODALYS RESIDENCES.
- donner tous autres éléments utiles au litige.
DIT que l'expert sera informé de la mission ci-dessus à la diligence du greffe ;
Qu'il devra en retour faire connaître son acceptation dans un délai de 8 jours à partir de la notification faite par le greffe.
SUBORDONNE l'accomplissement de la mission au versement par la S.A.R.L. MIRABEAU de la somme de 2.000 euros, ce, en avance sur la rémunération du technicien dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
DIT que la consignation de cette somme devra être faite à la régie de la présente Cour et que l'expert en sera informé, sa mission débutant à compter de cette date.
DIT qu'à défaut de versement dans le délai et selon les modalités prescrites, la désignation de l'expert est caduque à moins que le juge ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité ; que l'instance est poursuivie sauf à ce qu'il soit tiré toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner.
DIT que les autres parties devront sans délai, remettre à l'expert les pièces en leur possession, l'expert pouvant, à défaut de diligence, saisir le juge pour obtention sous astreinte desdites pièces.
DIT que l'expert déposera un pré-rapport et que les parties devront dans le délai imparti par l'expert, déposer un ou des dires.
DIT que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires dans un délai de huit mois à compter de la notification de la consignation et en adresser une copie à chaque partie.
DIT qu'en cas de conciliation, l'expert devra constater que sa mission est devenue sans objet et en donner connaissance au juge.
DIT qu'en cas de défaut de diligence, l'expert pourra après explications données au juge, être déchargé de sa mission, ce sans frais.
CHARGE Madame DEPARIS Laurence, Conseiller, d'examiner toutes difficultés relatives à l'exécution de cette mission.
RENVOIE l'affaire à la mise en état.
DIT que les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens seront réservés.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,