La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°19/10479

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 10 décembre 2020, 19/10479


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 10 DECEMBRE 2020



N°2020/









MS





Rôle N°19/10479

N° Portalis DBVB-V-B7D-BERDZ







[A] [T]





C/



SA CIC LYONNAISE DE BANQUE









































Copie exécutoire délivrée

le : 10/12/2020
<

br>à :



- Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON



- Me Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON













Arrêt en date du 10 décembre 2020 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 juin 2019, qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 20 octobre 2017 par la Cour d'Appel d'AIX EN ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 10 DECEMBRE 2020

N°2020/

MS

Rôle N°19/10479

N° Portalis DBVB-V-B7D-BERDZ

[A] [T]

C/

SA CIC LYONNAISE DE BANQUE

Copie exécutoire délivrée

le : 10/12/2020

à :

- Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON

- Me Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON

Arrêt en date du 10 décembre 2020 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 juin 2019, qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 20 octobre 2017 par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE.

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

Madame [A] [T], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION

SA CIC LYONNAISE DE BANQUE, représentée par M. [P] [M] (Responsable des Ressources Humaines) en vertu d'un pouvoir spécial, sise [Adresse 2]

comparante en personne, assistée de Me Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, et Madame Mariane ALVARADE, Conseiller.

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

FAITS ET PROCEDURE

Madame [A] [T] a été engagée par la société CIC Lyonnaise de banque le 31 janvier 1977, en qualité d'employée. Le 1er mars 2007, elle a été nommée aux fonctions de directrice de l'agence de [Localité 13]. Faisant valoir qu'elle cumulait cette fonction avec celle de chargée d'affaires professionnels sans revalorisation de son salaire, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon, par requête du 14 janvier 2010, d'une demande de rappels de salaire.

Mme [T] a été placée en arrêt maladie du 22 octobre au 21 novembre 2010. Cet arrêt a été prolongé jusqu'au 19 décembre suivant.

Par lettre recommandée du 12 novembre 2010, l'employeur a convoqué Mme [T] à un entretien préalable fixé au 24 novembre 2010.

Le 22 novembre 2010, le médecin du travail, qui n'avait pas été informé de la prolongation de l'arrêt de travail de la salariée, l'a déclaré inapte à son poste de directrice d'agence et de chargée d'affaires professionnelles, mais apte à exercer uniquement le poste de directrice d'agence.

La salariée a été licenciée par lettre recommandée du 3 décembre 2010 pour insuffisance professionnelle.

Par jugement rendu en formation de départage, le 22 janvier 2013, le conseil de prud'hommes de Toulon a rejeté l'intégralité des demandes de la salariée au titre d'un rappel de salaire revalorisé, d'une indemnité de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour discrimination salariale, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, non respect de la procédure d'inaptitude et violation des dispositions de l'article L.1134-4 du code du travail. La salariée a fait appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 20 octobre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Statuant sur le pourvoi formé par Mme [T], par arrêt en date du 19 juin 2019, la Cour de cassation a partiellement cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel et a renvoyé la cause devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

La cassation est prononcée au visa des dispositions de l'article 455 du du code de procédure civile au motif que la cour d'appel a débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents, sans répondre aux écritures reprises oralement à l'audience de la salariée qui invoquait une discrimination en raison de l'âge, en ce que trois autres salariés de l'entreprise, nommément visés, exerçant les mêmes fonctions que l'intéressée, dans le même secteur géographique, percevaient un salaire presque identique au sien alors qu'ils étaient âgés de trente ans et vingt-cinq ans de moins qu'elle.

La cassation entraîne par voie de conséquence celle des dispositions de l'arrêt relatives au harcèlement moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par voie d'écritures déposées et développées oralement à l'audience de la cour, Mme [T] expose qu'après être devenue chargée d'affaires professionnelle en 2006, elle a été nommée directrice de l'agence de [Localité 13], le 1er mars 2007, elle a dénoncé par courrier du 3 décembre 2008 une surcharge de travail ainsi qu'une discrimination salariale, à compter de cette date et elle a subi des représailles et mesures de rétorsion qui ont eu des répercussions sur sa santé avant d'être finalement licenciée pour insuffisance professionnelle le 3 décembre 2010, le médecin du travail ayant conclu le 22 novembre 2010 à son aptitude à la reprise d'un poste 'dans des conditions normales de fonctionnement';

Elle soutient:

- sur la discrimination :

-qu'elle a été victime d'une discrimination dans l'évolution de sa carrière liée au sexe en ayant stagnée de nombreuses années aux mêmes niveaux E et G de Gradé technicien, puis en ayant été bloquée au niveau H cadre de 1erniveau, que les fonctions occupées suite aux diplômes, formations et spécialisations obtenus ( Deug de sciences économiques à l'embauche, puis DEP Banque et Deust en droit immobilier) ont évolué très lentement malgré les responsabilités exercées de fait ;qu'aucun changement de fonctions, pourtant très différentes les unes des autres, n'a donné lieu à une élévation simultanée de niveau, avec même une rétrogradation de poste en 2006 et un blocage in fine ;

-qu'elle a été victime d'une discrimination salariale liée à l'âge en ce que sur les vingt trois directeurs d'agence de la société CIC Lyonnaise de banque en France, cinq appartiennent au réseau Var, dont trois sont beaucoup plus jeunes qu'elle, qui comptent une ancienneté comprise entre un et sept ans en ayant un salaire quasiment égal ou supérieur au sien pour deux d'entre eux, sans raison objective ;

-qu'il en est résulté un important préjudice pour elle correspondant sur les cinq dernières années à un écart de rémunération de 107.172€ ( rien que pour l'année 2008 cet écart est de 21 240 €).

- que les pièces produites par l'employeur n° 86 à 101 en réponse à la sommation s interpellative du 23 avril et 4 mai 2016 ne diffèrent pas du tableau comparatif qu'elle a elle même produit sauf à comporter en sus trois colonnes avec la date de naissance, le niveau de diplôme et l'évolution professionnelle des collaborateurs ; que lesdites pièces, notamment le tableau des rémunérations des directeurs d'agence (pièce n°72) ne sont pas opérantes alors qu'il n'a pas répondu à ses demandes faites par courrier du 28 février 2015 puis par sommation interpellative du 23 avril 2016, de production par la banque des lettres de nomination et fiches de paie des salariés ayant occupé les mêmes fonctions aux mêmes dates ;

-sur le harcèlement moral :

- qu'à partir de 2006, un harcèlement moral s'est manifesté envers elle qui s'est aggravé après 2007 surtout à la suite de sa demande écrite du 3 décembre 2008 de révision de son salaire et de sa classification, avec en réponse un entretien préalable le 16 décembre 2008 puis un autre le 30 décembre 2008 dont elle a dénoncé les propos inadmissibles,

-que les actions commerciales et de gestion imposées par la direction ont eu pour effet d'impacter directement le compte de résultat de l'agence de [Localité 13] en affaiblissant le niveau de son activité ce qui lui était ensuite injustement reproché,

- qu'après l'attribution d'un poste en inadéquation avec son parcours professionnel, elle a subi fin 2007 la fixation d'objectifs commerciaux irréalisables, en 2008 des reproches infondés et menaces de la direction, en 2009 une entrave à ses fonctions ayant eu un impact sur le niveau d'activité de l'agence, en 2010 des invectives de la direction, tous éléments qui ont dégradé ses conditions de travail et altéré gravement sa santé provoquant un arrêt de maladie en octobre 2010, et une dégradation ultérieurement de sa santé physique et psychique,

- qu'elle a dénoncé à plusieurs reprises ces agissements par courriers du 3 décembre 2008, plusieurs lettres en début d'année 2009 puis par courrier du 3 décembre 2009, la discrimination dont elle était victime puis le 17 décembre 2008 elle a prévenu les délégués du personnel, dénoncé à la direction le déroulement de l'entretien préalable du 30 décembre 2008, écrit à la direction générale le 13 août 2009, et le 17 août 2010.

En conséquence, Mme [T] demande d'infirmer le jugement et statuant à nouveau :

Prendre acte de la sommation à la société CIC Lyonnaise de banque de produire et attester de façon formalisée le document ' Moyenne du brut mensuel théorique par sexe et par niveau, avec ancienneté' pour les années 2006,2007,2008,2009 et 2010

Juger qu'elle a été victime d'une discrimination d'évolution de carrière liée au sexe et d'une discrimination salariale liée à l'âge,

Juger que la banque a violé le principe ' à travail égal, salaire égal',

Juger qu'elle a été victime d'actes de harcèlement moral à compter de 2006 et jusqu'à son licenciement survenu en 2010 selon l'article L.1152-1,

Condamner en conséquence la société CIC Lyonnaise de banque à verser à Mme [T] les sommes suivantes:

-107.172€ à titre de rappels dse salaire entre 2006 et 2010 pour discrimination, en raison de son sexe et de son âge outre la somme de 10.717 € à titre de congés payés,

-30.000€ à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de primes, gratifications, droit à la retraite et intéressement liés à la perte de salaires,

-120.000€ à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral psychologique et vexatoire,

-10.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamner la société CIC Lyonnaise de banque aux dépens.

Par voie d'écritures déposées et développées oralement à l'audience de la cour, la société CIC Lyonnaise de banque, après avoir exactement rappelé que la décision est définitive quant au bien-fondé du licenciement, fait valoir :

- sur la qualification et la discrimination :

- qu'au regard de la classification de la convention collective de la banque, Mme [T] ne pouvait prétendre à un autre niveau que le niveau H, tandis qu'elle percevait un salaire supérieur aux minimas conventionnels et que tous les directeurs d'agence de type 1 en France ont la double compétence de directeur d'agence et de chargé d'affaires clients

- que tant le classement revendiqué que les postes escomptés n'ont pas été atteints, non pas à cause de la prise en compte d'un critère interdit et discriminant, mais à raison du parcours professionnel propre de l'intéressée qui s'est concentrée sur le poste d'analyste et de son incapacité à exercer des fonctions de nature commerciale et encadrante ;

- qu'en ce qui concerne l'allégation d'une discrimination liée au sexe, Mme [T] avait une rémunération supérieure de 5% à celle des hommes ;

- que s'agissant de la discrimination liée à l'âge, Mme [T], se compare à des salariés situés dans des situations différentes de la sienne et ne verse aux débats aucun élément particulier ;

- sur le harcèlement moral :

-que le harcèlement moral se distingue du conflit ou de la mésentente au travail ; qu'antérieurement aux premières insuffisances qui ont été relevées par la salariée et notamment le 26 février 2008, date à laquelle ce sont ses subordonnés qui ont dénoncé le harcèlement dont ils étaient victimes, l'intéressée n'avait évoqué aucun acte de harcèlement;que les pièces produites par la salariée sont insuffisantes à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral,

- subsidiairement, que le harcèlement moral n'est pas caractérisé, les prétendus griefs n'étant pas sérieux et relevant du pouvoir de direction de l'employeur, qu'alors que des décisions prises par la direction de ne pas suivre les demandes de prêts sont le quotidien des directeurs d'agence, des réponses circonstanciées dans des termes courtois et mesurés ont été apportées à toutes les interrogations de Mme [T], qu'il n'y a eu aucune démarche vexatoire auprès de clients, que les pièces médicales ne sont pas contemporaines des agissements allégués et émanenent de praticiens ne faisant que reprendre les propres dires de la salariée qui n'a jamais saisi les instances habilitées d'une quelconque situation de harcèlement moral.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties oralement reprises et au jugement déféré.

L'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2019 et renvoyée à l'audience du 20 février 2020.

A cette date l'affaire a été renvoyée à l'audience du 6 octobre 2020 en raison du mouvement de grève des barreaux.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la discrimination :

Selon l'article L.1134-1 du code du travail en sa rédaction alors applicable, il appartient au salarié de présenter des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination, à charge pour l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination propres à justifier les comportements qui lui sont imputés.

Lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble sont susceptibles de constituer une telle discrimination .

En l'espèce, Mme [T] fait valoir :

- qu'elle a été bloquée de nombreuses années au niveau G puis ensuite au niveau H à partir de 2003, sans connaître d'évolution de carrière ni de rémunération alors qu'elle pouvait prétendre à la qualification I ou J compte tenu de son expérience des formations suivies et des diplômes obtenus et alors même qu'en dernier lieu elle cumulait un portefeuille de chargée d'affaires professionnels et la fonction de directrice d'une agence,

-que s'agissant des collaborateurs du Var, il existe une inégalité dans le traitement et le parcours professionnel lié à l'âge avec en particulier avec [S] [WN], [ZI] [I], [N] [B] et surtout avec les directeurs du pôle sud-est ([Localité 9] et Var) qui ont un sort plus favorable : [RF] [H] a la classification I, Sauveur [YD] a un salaire supérieur au sien ( 44 385€ contre 44 181€ pour la salariée) sans que l'on connaisse toute son évolution de carrière, [D] [CZ] directrice d'agence Le Pradet qui en mars 2011, à l'âge de 32 ans avec une expérience de seulement dix ans perçoit un salaire de 43 215€ contre 43 356 € pour Mme [T] qui a 32 ans d'expérience, [K] [R] directrice d'agence de [Localité 7] embauchée en 2000 à l'âge de 28 ans perçoit un salaire de 42 748 € en 2011 avec une ancienneté de 10 ans,

- que concernant les autres directeurs d'agence des autres réseaux il existe une discrimination liée à l'âge et/ ou au sexe avec [DZ] [E] agence [Localité 5] République qui perçoit 48 808 € avec 14 ans d'expérience, [AV] [PV] agence [Localité 12] dont les diplômes sont ignorés et qui perçoit 48 176€ soit 4 .000 euros de plus qu'elle avec 33 ans d'ancienneté, [F] [PK], agence de [Localité 4] perçoit en 2011 46 502€ avec 11 ans d'ancienneté contre 44 181 euros pour Mme [T], [F] [G] [RP] réseau Dauphiné agence [Localité 10] perçoit 44 203€ comme Mme [T] mais avec seulement 17 ans d'expérience ; qu'ainsi l'accord du 15 novembre 2006 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la banque n'a pas été respecté par la société CIC Lyonnaise de banque.

Le seul constat de ce que plusieurs directeurs d'agence du Var, beaucoup plus jeunes que Mme [T], disposent d'un salaire quasi identique ou supérieur au sien est de nature à laisser présumer la discrimination à raison de l'âge que la salariée allègue.

En réponse, l'employeur explique :

- qu'au regard de la classification prévue à l'article 33 de la convention collective de la banque, Mme [T] ne pouvait prétendre à un autre niveau que le niveau H, tant dans ses fonctions de chargée d'affaires professionnels, que dans ses fonctions de directrice d'agence les niveaux I et J variant en fonction de la taille et de la complexité de l'unité confiée, et le niveau J exigeant une réelle expertise; que s'agissant des minima conventionnels applicables aux cadres de niveau H, ils se fixent à 34 218 euros bruts à partir de 2006 alors que Mme [T] prend à tort comme base de référence le salaire moyen des salariés cadres hommes au sein de la société en 2008 d'un montant de 60.589,44 euros qui est de 40% supérieur aux minima conventionnels ;

-que la double compétence de Mme [T] (chargée d'affaires professionnels et directrice d'agence) n'est pas un critère de reclassification puisque l'agence de [Localité 13] comptant trois collaborateurs, était la plus petite du secteur Var et que les directeurs d'agence du même type 1 sur l'ensemble du territoire national, tous classés comme Madame [T] au niveau H gèrent sans difficulté un portefeuille d'affaires professionnels ;

-que Mme [T] ayant été engagée en 1977 au niveau A sans diplôme et sans formation, elle a évolué dans un poste d'analyste en obtenant le statut cadre en 2003 niveau H ; qu'en 2006 elle a souhaité évoluer vers un poste de chargée d'affaires professionnels avant d'être promue directrice d'agence en 2007, en cumulant les deux fonctions, en ne cessant d'être formée et augmentée en considération du niveau, passant d'un salaire 27 838 euros en 1996 au niveau G à celui de 33.951,30 euros en 2003 (H) puis à celui de 37.387,52 euros en 2007 (H) ;qu'en comparaison avec les directeurs d'agence exerçant des fonctions identiques dans le même secteur Var-Côte d'Azur classés H, dont quatre d'entre eux ont un portefeuille de clients professionnels, Mme [T] est située en 8ième position en termes de rémunération ;

- qu'en ce qui concerne l'allégation d'une discrimination liée au sexe, Mme [T] avait une rémunération supérieure de 5% à celle des hommes (en 2008 elle percevait un salaire de 3278 euros par mois contre 3094,48 euros pour les hommes) que ce n'est qu'en revendiquant le niveau J que Mme [T] fait apparaître une différence de rémunération tandis que le niveau H est plus rapidement atteint par les femmes ; que si Mme [T] n'a atteint le niveau H qu'en 26 ans de carrière c'est en raison de son absence de diplôme universitaire initial et non en raison de son sexe, ce que confirme l'analyse des situations de ses collègues masculins ( Messieurs [JS], [V], [SA], [L], [CO], [YD], [O]) telle que développée en pages 61,62 et 63 des écritures de l'intimée; que Messieurs [E], [AV] [PV] et [Z] [IM] ont une rémunération supérieure pour avoir une expérience antérieure de directeurs d'agence , quant à M. [H] effectivement classé I , il dirige une agence de niveau supérieur à [Localité 9].

-que s'agissant des autre collègues féminines de Mme [T] dirigeant une agence dans le Var et qui sont plus jeunes qu'elle :

[D] [CZ], née en 1979, engagée en 2001, est titulaire d'une licence socio-économique et d'un Dess banque financière assurance, et a obtenu la gestion d'une agence de type 1 après 7 ans d'expérience de chargée d'affaires professionnels en ayant une agence de plus grande ampleur et une rémunération inférieure à celle de Mme [T] fin 2010,

[K] [R], née en 1972, engagée en 2000, et titulaire d'une maîtrise de sciences économiques et d'un Dess Finance, avec une expérience de cinq ans dans le secteur bancaire et a exercé pendant huit ans les fonctions de chargée d'affaires professionnels avant de devenir directrice d'une agence de type 1 de dimension supérieure à celle de Mme [T] avec une rémunération inférieure à celle de Mme [T],

[XI] [Y], née en 1963, engagée en 1985, dirige l'agence de [Localité 8], elle manage cinq salariés avec une rémunération légèrement supérieure à celle de Mme [T] qui s'explique par une expérience variée ;

[F] [PK], née en 1970, engagée en 2001, a occupé un poste de directeur d'agence en 2006 moyennant une rémunération équivalente à celle de Mme [T] ;

France [C], née en 1969, est directrice d'une agence de type 1 depuis 2004 avec une rémunération identique à celle de Mme [T].

S'agissant de la rémunération de Mme [T], il sera constaté qu'ayant été engagée au niveau A sans diplôme et sans formation en 1977, elle a évolué dans un poste d'analyste en obtenant le statut cadre en 2003 niveau H, qu'en 2006 elle est devenue à sa demande chargée d'affaires professionnels avant d'être promue directrice d'agence en 2007, en cumulant les deux fonctions, passant d'un salaire de 27.838 euros en 1996 au niveau G à celui de 33.951,30 euros en 2003 (H) puis à 37.387,52 euros en 2007 (H).

Le tableau d'évolution salariale de Mme [T] produit par la société CIC Lyonnaise de banque (pièce n° 68) montre que la salariée a connu une augmentation annuelle de son coefficient dans la classification d'employée entre 1977 et octobre 1982, qu'elle a été gradée à compter de cette date avec une augmentation à la classe II/1, à l'obtention du BP Banque puis en juillet 1996 à l'obtention de l'ITB, qu'elle a été gradée niveau G en février 2002 avec une augmentation de 800 €. Il en ressort qu'une augmentation de 1.000 euros du salaire de Mme [T] a été opérée en juillet 2003 lors de l'accession de la salariée au niveau cadre H, puis qu'une nouvelle augmentation de 1.000 euros est intervenue en mars 2007 puis en janvier 2008.

Il ne résulte pas de cet examen une violation du principe posé par la convention collective de la banque selon lequel à toute progression de niveau de classification est associée une progression de rémunération.

S'agissant du niveau de classification de Mme [T], il n'est pas sérieusement contestable que le niveau H attribué à la salariée, correspondait à ses fonctions telles que décrites par l'article 33 de la convention collective exactement rapportées par le jugement entrepris et qu'elle ne pouvait en aucune façon prétendre au niveau I qui est celui de M. [H], directeur d'une agence de [Localité 9], a fortitori au niveau J qui est celui attribué à des cadres 'ayant une expertise et des responsabilités de haut niveau' voire la direction d'une agence de plus de cinq salariés quand celle gérée par Mme [T] en comptait quatre.

S'agissant d'une discrimination liée au sexe, le tableau en pièce n°72 fait apparaître que parmi les directeurs d'agence avec un portefeuille de clients professionnels, Mme [T] se situe en 8ième position en brut annuel au mois de mars 2011 pour un montant de 44 181 euros, les différences de rémunération s'expliquant soit par la taille de l'agence (M. [H], M. [E]) soit par une expérience acquise dans les fonctions de directeur d'agence. Le tableau de situation des directeurs d'agence du Var ayant un portefeuille de chargé d'affaires professionnels (n°67) situe Mme [T] ( 41.043 euros) derrière M. Sauveur Planeta (41 549€) dont l'ancienneté est supérieure de trois ans dans les fonctions de directeur d'agence.

S'agissant d'une discrimination liée à l'âge, Mesdames [CZ] et [R], bien que plus jeunes et moins anciennes que la salariée pour avoir été nommées directrices d'agence en 2008 et 2009, ont une

rémunération inférieure à celle de Mme [T] (respectivement 39 336€ et 40.639€) alors même que l'employeur démontre que la différence d'évolution professionnelle est liée à leur qualification et à leur diplôme ayant permis leur accession rapide à des fonctions de direction.

Les pièces ainsi versées au dossier permettent la comparaison avec d'autres salariés placés dans des conditions identiques à celle de Mme [T] sans qu'il y ait lieu de prendre acte de la sommation à la société CIC Lyonnaise de banque de produire et attester de façon formalisée le document ' Moyenne du brut mensuel théorique par sexe et par niveau, avec ancienneté' pour les années 2006,2007,2008,2009 et 2010.

Aux situations invoquées par Mme [T] notamment l'existence d'un différentiel de rémunérations par rapport à ces salariés, l'employeur répond en justifiant celles-ci par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il résulte de leur examen que Mme [T] n'était pas en situation défavorable au niveau de sa classification, de la rémunération et de l'évolution de carrière et que les différences constatées avec le panel de comparaison versé au dossier ne s'explique pas des considérations liées au sexe ou à l'âge de la salariée mais par des raisons objectives étrangères à toute discrimination.

En conséquence, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation des éléments de cause et Mme [T] sera déboutée de ses demandes tendant à voir juger qu'elle a été victime d'une discrimination d'évolution de carrière liée au sexe et d'une discrimination salariale liée à l'âge, à voir juger que la banque a violé le principe ' à travail égal, salaire égal', et à voir condamner la société CIC Lyonnaise de banque à lui verser la somme de 107.172 € à titre de rappels de salaire entre 2006 et 2010 et 10.717 € à titre de congés payés, outre la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de primes, gratifications, droit à la retraite et intéressement liés à la perte de salaires.

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » .

En application du même texte et de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il revient à la présente cour de rechercher :

- si Mme [T] rapporte la preuve de faits qu'elle dénonce au soutien de son allégation d'un harcèlement moral ,

- si les faits qu'elle considère comme établis, appréhendés dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral,

- enfin, si cette présomption est retenue, si l'employeur justifie que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

En l'espèce, Mme [T] invoque les faits suivants :

-en 2006, lors de la fusion des réseaux Var et côte d'Azur, à [Localité 11], il a été fait pression sur elle pour qu'elle accepte un poste d'analyste risque sur le nouveau réseau Côte d'Azur à [Localité 11], elle a choisi de demeurer dans le Var, elle est alors demeurée sans affectation jusqu'à la proposition faite in extremis d'un poste de chargée d'affaires à [Localité 3] puis à [Localité 13], ayant choisi de rester dans le Var, elle a alors subi des pressions et des brimades,

- en 2007, lors de sa nomination comme directrice d'agence, elle a été confrontée à des objectifs sur dimensionnés en comparaison avec ceux des agences du réseau Var mieux situés en terme de clientèle,

- en 2008 malgré la réalisation de résultats supérieurs à ceux des autres agences, le classement commercial de l'agence s'en est trouvé affecté, le 3 décembre 2008 elle a adressé un courrier au directeur de Région en dénoncant la discrimination salariale la concernant, le 16 décembre 2008 elle a été convoquée par téléphone sans motif à [Localité 11] à un entretien au cours duquel elle a fait l'objet d'un feu nourri de critiques et reproches infondés, à la fin de son entretien il lui a été reproché son insuffisance professionnelle et exigé sa mutation immédiate qu'elle a refusée ; le 30 décembre 2008 elle a subi un véritable harcèlement de la part du directeur qu'elle relate dans un courrier adressé à la direction le 5 janvier 2009 ; la première alerte médicale s'est produite en octobre 2008 avec un arrêt maladie du 13 au 19 octobre 2008 ;

- en 2009, les 5 janvier, 30 janvier, 3 février, 17 février, 25 février, 18 mars, 3 avril, 7 et 26 mai de nombreux courriers ont été échangés avec la direction dans lequel elle proteste contre les accusations d'insuffisance professionnelle à son encontre ; elle a refusé de signer le compte rendu d'entretien préalable malgré la pression du directeur ; le 22 juillet 2009, un nouvel entretien a eu lieu avec le directeur de région cette fois au cours duquel elle a subi une agression verbale pendant plus de deux heures ; en sortant de cet entretien elle avait un rythme cardiaque très élevé ; le 7 août 2009 elle a reçu un courrier de M. [M] l'accusant d'avoir traité le directeur de menteur, elle a répondu directement au PDG pour rétablir les faits et dénoncer le harcèlement moral dont elle était victime ; à compter du mois d'octobre de nouvelles mesures de représailles visant à entraver ses missions et à la déstabiliser ont continué ; par la suite elle a eu à subir des dossiers en attente dans les services internes, aller retour de dossiers, sans motifs pertes de dossiers, et le 15 janvier 2009 c'est le directeur de secteur qui lui répond 'Il est vrai qu'une affaire de cette taille ne peut que vous dépasser. Veuillez impérativement suivre les instrutions à l'avenir'; elle a eu à déplorer l'entrave à ses fonctions notamment une non inscription à l'ordre du jour de demandes de prêts, des refus de demandes de crédits, des transferts de comptes clients avec transfert de leurs prêts et de leur épargne vers les agences voisines ; elle a été vicitme d'une absence de réponse aux demandes d'actions commerciales et de prospection ;

-en 2010, le directeur de secteur lui a fixé des objectifs, cependant les entraves ont continué alors que son état de santé se dégradait remplaçant les jours de maladie par des jours de RTT, des reproches injustifiés lui ont été faits concernant le client Mecatech et le client Lucamedit.

Sur le plan médical, bien que déclarée apte par le médecin du travail le 5 octobre 2009 ( car elle voulait continuer à travailler) elle s'est rendue en urgence chez un médecin après avoir fait une crise subite de tachycardie au vu de la réponse de M. [IX] à la lettre de réclamation du client M. [W] et qui la mettait en cause pour 'non reconnaissance du client'(85-6), elle a dû consulter un médecin psychiatre qui a constaté son état de stress aigu évoluant depuis plus de deux ans dans un contexte de difficulté relationnelle avec sa hiérarchie au sein de son travail,

La salariée produit:

-son courrier du 3 décembre 2008, à l'attention du directeur du secteur Var Côte d'Azur, M. [U] [KC] exposant les résultats satisfaisants de l'agence de [Localité 13] obtenus depuis deux ans et dénonçant les conséquences négatives de son cumul de fonctions en sollicitant une reclassification au niveau J et un rattrapage de salaire ;

-son compte rendu de l'entretien du 30 décembre 2008 préalable à un licenciement suivant un précédent entretien préalable à une mutation du 16 décembre 2008 au cours duquel il lui a été dit 'que son spectre humain ne correspondait pas à la fonction de directeur d'agence'; le courrier en réponse de la direction soulignant la grande difficulté dans laquelle Mme [T] se trouvait pour assurer sa fonction de directrice d'agence et évoquant une situation de harcèlement moral de Mme [T] signalée par les délégués du personnel en raison du comportement de Mme [T] envers un collaborateur, ce courrier octroyant un délai jusqu'à fin avril 2009 à la salariée avant d'envisager son maintien ou non dans son poste ;

- un mail du directeur de secteur du 5 janvier 2009 : 'Mme [T] ne rien décaisser sur cette affaire sans l'avis express des DDC. Il est vrai qu'une affaire de cette taille ne peut que vous dépasser.Veuillez impérativement suivre les instructions à l'avenir.

-son courrier du 5 janvier 2009 adressé au PDG de la société CIC Lyonnaise de banque dénoncant d'autres propos tenus lors de l'entretien du 30 décembre par M.[KC] 'qu'il était temps qu'elle parte et qu'il n'en avait rien à foutre des juridictions'.

- le courrier en réponse du 17 février 2009 de la direction ' il appartient à votre hierarchie de vous faire les observations qui s'imposent notamment lorsque des insuffisances sont relevées dans votre travail. Les remarques et observations faites dans ce cadre ne sauraient en aucun cas caractériser un quelconque harcèlement.'

- son courrier du 3 avril 2009 rétirant ses protestations et dénoncant l'incompréhension de la direction et une une situation de harcèlement moral tout en soulignant le caratère favorable à l'intéressée du rapport d'inspection du 4 avril 2008 montrant ses performances et préconisant le renforcement de l'équipe par un chargé d'affaires professionnels ; le courrier en réponse de la direction rappelant à la salariée qu'elle 'disposait des mêmes moyens en locaux et personnel que les directeurs d'agence placés dans la même situation';

-le courrier du 7 août 2009 de M. [P] [M] de la société CIC Lyonnaise de banque relatant les problèmes comportementaux rencontrés par Mme [T] avec son conseiller de clientèle particulier reprochant à Mme [T] son comportement inadmissible et irrespectueux à l'égard de sa hierarchie en ayant traité son directeur de menteur consistant à réfuter l'ensemble des faits abordés et lui fixant un rendez vous en septembre 'pour envisager un positionnement plus en adéquation avec ses compétences'; la réponse de Mme [T] dénoncant un traitement injuste et répété depuis sa demande écrite du 3 décembre 2008 et faisant part de ses vives protestations quant aux conditions et contenus des huit entretiens tenus depuis et notamment ceux du 8 juillet et 22 juillet 2009 au cours duquel le directeur lui aurait dit ' je vais constituer un dossier béton contre vous' ' ça me prendra le temps qu'il faudra mais je vous destituerai de votre poste de directrice d'agence',

- son courrier du 3 décembre 2009 adressé à Mme [KM] [X] directrice générale de la société CIC Lyonnaise de banque réitérant sa demande de revalorisation du 3 décembre 2008,

- la lettre du 25 octobre 2010 de la société CIC Lyonnaise de banque proposant à Mme [T] un poste de chargé d'affaires professionnels à l'agence de [Localité 6] ou un poste d'assistant de clientèle grandes entreprises à [Localité 11] ; la réponse négative de Mme [T],

- divers documents internes tendant à établir la preuve des objectifs surdimensionnés, blocage dans les procédures mises en place par la salariée, pratiques dégradantes et vexatoires,

-les pièces afférentes à la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle au 40ième jour de son arrêt maladie,

- diverses pièces médicales : les arrêts de travail du 13 octobre 2008 pour asthénie, des 22 octobre 2010, 22 février 2010, 19 novembre 2010 pour état de stress réactionnel à des conditions de travail conflictuelles, le certificat de M. [VI] [J] psychiatre décrivant un état de stress aigu évoluant depuis plus de deux ans dans un contexte de difficultés relationnelles avec sa hiérarchie au sein de son travail , un certificat de Mme [DJ] attestant d'une tachycardie et de tremblements pouvant être en rapport avec un stress le 17 août 2010 ; l'avis du médecin du travail du 22 novembre 2010, la déclarant inapte au poste de directrice d'agence et de chagée d'affaires professionnels contre indication aux deux postes simultanés et la déclarant apte au poste de directrice d'agence dans des conditions relationnelles normales de fonctionnement,

Ainsi, Mme [T] établit la matérialité des faits qu'elle dénonce.

L'employeur soutient que ces éléments factuels sont insuffisamment précis pour étayer sa demande, ses propres annotations ou compte rendus non contradictoires et non datés, de multiples correspondances et réponses qui s'imposaient échangées par les parties au cours de l'année 2009 témoignant du simple pouvoir de direction de l'employeur et que la salariée tente en vain d'interpréter comme de l'attentisme, d'un dossier médical incomplet établi principalement après la rupture et des pièces médicales incomplètes, sachant que Mme [T] a été déclarée apte par la médecine du travail, le 20 octobre 2009, et qu'elle n'a pas avisé les instances représentatives du harcèlement qu'elle subissait.

Or, analysés dans leur ensemble, ces éléments laissent présumer une situation de harcèlement auquel il appartient à l'employeur de répondre, en ce que :

- le certificat de Mme [DJ] médecin à [Localité 13], bien qu'établi le 5 janvier 2011, date précisément au 17 août 2010 la tachycardie présentée par Mme [T] ' en état de stress aigu secondaire à une allégation de harcèlement professionnel', état que la salariée situe sans être utilement démentie à la réception d'un courriel du président directeur général dont les termes sont les suivants 85-6 ; l'arrêt de travail du 22 octobre 2010 délivré par M. [YN] médecin à [Localité 6], s'il ne fait pas mention de harcèlement l'a été pour un état de stress réactionnel 'à des conditions de travail conflictuelles'; enfin, l'avis du médecin du travail délivré le 22 novembre 2010, la déclarant inapte au poste de directrice d'agence et de chargée d'affaires professionnels avec contre indication aux deux postes simultanés déclare Mme [T] apte au poste de directrice d'agence dans des conditions relationnelles normales de fonctionnement ; il en résulte que bien que Mme [T] ait été déclarée apte au travail en octobre 2009 sans établir l'origne professionnelle de son premier arrêt maladie en 2008, les pièces médicales, même postérieures, attestent d'une altération de l'état de santé de Mme [T] en lien avec son activité professionnelle, à partir de 2009 ;

-la succession d'entretiens et courriers professionnels au cours desquels Mme [T] a été réprimandée pour son travail et son comportement, dans des termes qu'elle a elle même rapportés sans recevoir de démenti et alors qu'elle dénoncait dès la fin 2008 une situation de harcèlement participent d'un processus sinon vexatoire, du moins d'acharnement se distinguant de simples contraintes inhérentes à toute relation de travail quand dans le même temps l'employeur connaissait et lui reprochait son insuffisance professionnelle.

La société CIC Lyonnaise de banque répond que Mme [T] a bénéficié de nombreux entretiens professionnels et a été formée au poste de directeur d'agence qui était adapté en théorie à ses compétences, qu'elle s'est obstinée à ne pas tirer les conséquences de ses propres insuffisances, et qu'il n'a jamais été tenu des propos incorrects à son égard comme le prouvent les nombreux échanges écrits, qu'elle a obtenu des réponses circonstanciées à ses interrogations et a bénéficié d'un plan d'action et d'une période probatoire.

Ce faisant la société CIC Lyonnaise de banque échoue à expliquer son absence de réponse adaptée aux alertes de la salariée alors qu'il était saisi depuis la fin de l'année 2008, des difficultés que celle-ci rencontrait dans l'accomplissement de ses fonctions, tout au long de l'année 2009, constitutifs selon elle d'un harcèlement, ce qu'il relevait lui même dans sa réponse du 5 janvier 2009. L'employeur ne démontre pas que les décisions prises à l'égard de Mme [T] de la repositionner avant de mettre en oeuvre une période probatoire quand l'employeur connaissait l'insuffisance de la salariée qui invoquait des objectifs surdimensionnés et une surcharge de travail résultant notamment de sa double compétence étaient causés par éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Ni l'insuffisance professionnelle de la salariée justifiant le licenciement ni l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur ne suffisent à expliquer les actes ci-dessus décrits qui constituent même en l'absence de toute discrimination salariale, des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet d'altérer la santé physique et mentale de Mme [T] comme le prouvent les constatations médicales de différents médecins généraliste et psychiatre, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et de compromettre son avenir professionnel .

Le harcèlement moral ainsi caractérisé ouvre droit à indemnisation du préjudice moral occasionné qui sera intégralement réparé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 8.000 euros à laquelle il convient de condamner la société CIC Lyonnaise de banque par infirmation du jugement déféré.

Sur les dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile:

Succombant, la société CIC Lyonnaise de banque supportera les dépens.

L'équité commande de faire application au bénéfice de Mme [T] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, sur renvoi de cassation, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 19 juin 2019,

Confirme le jugement rendu le 22 janvier 2013 par le conseil de prud'hommes deToulon excepté en ce qu'il déboute Mme [T] de sa demande de condamnation de la société CIC Lyonnaise de banque au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Condamne la société CIC Lyonnaise de banque à payer à Mme [T] la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant d'un harcèlement moral,

Condamne la société CIC Lyonnaise de banque à payer à Mme [T] une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CIC Lyonnaise de banque aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 19/10479
Date de la décision : 10/12/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°19/10479 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-10;19.10479 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award