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10/12/2020 | FRANCE | N°19/08212

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 10 décembre 2020, 19/08212


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2020



N° 2020/326



N° RG 19/08212



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJXH







[A] [H]

[D] [L] épouse [H]

SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD





C/



SAS ELECTROLUX HOME PRODUCTS FRANCE

SAS PRIVILEGE

SA AXA FRANCE IARD











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-Me Nathalie LOPEZ



-SC

P DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES



-Me Alexandra BOUCLON-LUCAS



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/04063.





APPELANTS



Monsieur...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2020

N° 2020/326

N° RG 19/08212

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJXH

[A] [H]

[D] [L] épouse [H]

SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

C/

SAS ELECTROLUX HOME PRODUCTS FRANCE

SAS PRIVILEGE

SA AXA FRANCE IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Nathalie LOPEZ

-SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES

-Me Alexandra BOUCLON-LUCAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/04063.

APPELANTS

Monsieur [A] [H]

Agissant au nom et pour le compte de leur enfant mineure [X] [H] née le [Date naissance 3]2013 à [Localité 11]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 9]

représenté et assisté par Me Nathalie LOPEZ, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

Madame [D] [L] épouse [H]

Agissant au nom et pour le compte de leur enfant mineure [X] [H] née le [Date naissance 3]2013 à [Localité 11]

née le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 10] (BELGIQUE)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 9]

représenté et assisté par Me Nathalie LOPEZ, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD,

demeurant [Adresse 5]

représenté et assisté par Me Nathalie LOPEZ, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

INTIMEES

SAS ELECTROLUX HOME PRODUCTS FRANCE,

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Marjorie SCHNELL, avocat au barreau de BORDEAUX, plaidant.

SAS PRIVILEGE,

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Alexandra BOUCLON-LUCAS, avocat au barreau de TOULON.

SA AXA FRANCE IARD

(assureur RC PRIVILEGE SAS),

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Alexandra BOUCLON-LUCAS, avocat au barreau de TOULON.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2020,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 19 janvier 2010, M. [A] [H] et Mme [D] [L] épouse [H] ont fait l'acquisition, auprès de la société Privilège, d'une table de cuisson de marque Electrolux [G] [M], fonctionnant au gaz de ville et recouverte d'une plaque de décor en verre vitrocéramique.

Le 1er avril 2015, leur fille, [X] [H], alors âgée de 18 mois, a été victime de brûlures thermiques au 2ème degré superficiel, c'est à dire sans lésion du derme, au niveau du cou, du menton, de la main droite et des deux plantes de pieds, suite à l'explosion de la plaque de décor en verre de la table de cuisson et à la projection de morceaux de verre incandescents.

Soutenant que cette explosion et la projection subséquente de débris de verre étaient dus à un défaut de la plaque de cuisson acquise en 2010, ils ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon qui, par ordonnance du 7 février 2017 a désigné en qualité d'expert M. [S] [V], médecin, tout en rejetant leur demande de provision, considérant que l'existence de l'obligation indemnitaire du fabricant et/ou du vendeur était sérieusement contestable.

L'indemnisation des dommages matériels allégués a été prise en charge par l'assureur des époux [H], la société Assurances du crédit mutuel Iard, à hauteur de 7 964,60 €, qui a également mandaté un expert technique, le cabinet Cunningham Lindsey, afin d'examiner la plaque de cuisson.

M. [V], médecin expert, a déposé son rapport d'expertise médicale le 24 juin 2017.

Par acte du 17 juillet 2017, M. et Mme [H] agissant, tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille mineur [X], et leur assureur, la société Assurances du crédit mutuel Iard ont fait assigner la société Electrolux Home Products France (société Electrolux), la société Privilège et la société Axa France, assureur de cette dernière, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, devant le tribunal de grande instance de Toulon afin d'obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Par jugement du 14 mars 2019, cette juridiction a :

- déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM du Var ;

- mis hors de cause la société Privilège et son assureur la société Axa France ;

- débouté M. et Mme [H], agissant pour le compte de leur enfant mineur [X], et la société Assurances du crédit mutuel Iard de l'ensemble de leurs demandes ;

- débouté la société Electrolux de sa demande indemnitaire pour procédure abusive ;

- condamné M. et Mme [H], agissant pour le compte de leur enfant mineur [X], et la société Assurances du crédit mutuel Iard in solidum à verser à la société Electrolux la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [H], agissant pour le compte de leur enfant mineur [X], et la société Assurances du crédit mutuel Iard in solidum à payer à la société Privilège et à la société Axa France la somme de 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. et Mme [H], pour le compte de leur enfant mineur [X], et la société Assurances du crédit mutuel Iard aux dépens, distraits au profit de Maître Alexandra Bouclon Lucas, avocat ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que :

- M et Mme [H] et leur assureur, ayant connaissance de l'identité du producteur de la plaque de cuisson incriminée, ne pouvaient rechercher la responsabilité, seulement subsidiaire, du vendeur du produit ;

- la preuve d'un défaut de la plaque de cuisson ne ressortant d'aucun des éléments produits, aucune condamnation ne pouvait intervenir à l'encontre du producteur, étant relevé que la notice fournie avec la plaque mettait en garde l'utilisateur contre les risques de fissure ou de cassure du verre en cas de chute, même ponctuelle, d'un objet sur la surface vitrocéramique, mais également contre l'utilisation de produits d'entretien non adaptés pouvant attaquer la surface de celle-ci.

Par acte du 20 mai 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. et Mme [H] et la société Assurances du Crédit Mutuel Iard ont interjeté appel à l'encontre du jugement en ce qu'il :

- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;

- a condamné, M. et Mme [H], es qualité de représentants de leur enfant mineur [X], in solidum avec la société Assurances du crédit mutuel Iard, à verser à la société Electrolux la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a condamnés in solidum à verser à la société Privilège et à la société Axa France Iard la somme de 500 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a condamnés in solidum aux entiers dépens.

Par conclusions du 11 octobre 2019, la société Electrolux a interjeté appel incident à l'encontre du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 octobre 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 août 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. et Mme [H] et la société Assurances du crédit mutuel Iard demandent à la cour de :

' infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon le 14 mars 2019, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Privilège et son assureur la société Axa France ;

Statuer à nouveau,

' déclarer la société Electrolux responsable de l'explosion de la plaque en verre de la table de cuisson, survenue le 1er avril 2015, au domicile de M. et Mme [H], en ce que ce produit est défectueux au sens des dispositions de l'article 1245-3 du code civil ;

' condamner la société Electrolux à verser à M. et Mme [H], agissant es qualité de représentant de leur enfant mineur [X], la somme de 17.300 euros en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, soit le 17 juillet 2017, avec capitalisation des dits intérêts ;

' condamner la société Electrolux à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel, pris en sa qualité d'assureur de M. et Mme [H] et subrogé dans leurs droits, la somme de 7 964,60 euros, en réparation du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, soit le 17 juillet 2017, avec capitalisation des dits intérêts ;

' débouter la société Electrolux de l'ensemble de ses demandes ;

' condamner la société Electrolux à verser à M. et Mme [H], agissant es-qualité de représentant de leur enfant mineur [X], la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la société Electrolux à verser à la société Assurances du crédit mutuel Iard la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la société Electrolux aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise médicale confiée à M. [V].

Ils chiffrent le préjudice corporel de leur fille comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire : 300 €

- souffrances endurées : 12 000 €

- préjudice esthétique temporaire : 5000 €.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que :

- en application de l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit lié ou non pas un contrat avec la victime ; le produit défectueux est celui qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, l'appréciation étant opérée en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ;

- le cabinet d'expertise [J], mandaté par la société assurances du crédit mutuel, à la faveur d'une expertise contradictoire, a conclu que l'explosion avait pour siège la plaque de verre qui habille la plaque de cuisson, de sorte que le dommage a nécessairement une origine interne au produit ; le sinistre a vraisemblablement pour origine l'extinction de la flamme sur un des feux, laquelle a entraîné une diffusion de gaz entre le fond métallique et la surface vitrée, provoquant un mélange st'chiométrique qui, en atteignant 15 % et mélangé à l'air, en présence d'une chaleur importante, a explosé, diffusant l'ensemble des verres dans la cuisine et le salon ; aucune cause externe n'a été mise en évidence puisque aucune fuite de gaz n'a été détectée à la faveur des contrôles ;

- la notice d'utilisation de la plaque ne comporte aucun avertissement des consommateurs quant aux conséquences de l'extinction d'un brûleur et aux risques d'explosion de la plaque en verre, se contentant de mentionner les risques de fissure, de cassure ou de rupture ; l'unique hypothèse d'explosion qui est mentionnée, concerne le placement de produits inflammables ou d'éléments imbibés de produits inflammables à l'intérieur, à proximité ou sur l'appareil ; la plaque n'est pas équipée d'une sécurité thermocouple qui coupe l'arrivée de gaz si la flamme s'éteint accidentellement et la notice d'utilisation qui a été remise aux époux [H] ne permet pas de savoir que l'appareil en cause ne disposait pas de cette sécurité ;

- leur fille n'est pas consolidée, mais l'expert a chiffré les postes de préjudices temporaires ;

- les dommages matériels sont établis par le procès verbal de constat d'huissier qui les a listés, le rapport de l'expert mandaté à titre amiable et les factures produites, étant précisé qu'il a été tenu compte de la vétusté.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 12 octobre 2020, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société Electrolux Home Products France demande à la cour de :

A titre principal :

' déclarer irrecevables les conclusions des appelants en date du 20 août 2020 en l'absence de respect du délai légal de trois mois prévu pour conclure à la suite d'un appel incident ;

' confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 14 mars 2019 en ce qu'il a déclaré le jugement commun et opposable à la Cpam du Var, mis hors de cause la société Privilège et son assureur la société Axa France, débouté les époux [H] agissant pour le compte de l'enfant [X] [H] ainsi que leur assureur de l'ensemble de leurs prétentions, condamné in solidum les époux [H] ainsi que leur assureur à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné in solidum les époux [H] ainsi que leur assureur à verser à la société Privilège la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné les époux [H] ainsi que leur assureur aux dépens et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

' infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive ;

Jugeant à nouveau :

' condamner in solidum les époux [H] et la société Assurances du Crédit mutuel Iard à lui verser la somme de 5 000 € pour procédure abusive en première instance ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait qu'il existe un défaut du produit ayant conduit à l'explosion de la plaque de cuisson et aux conséquences dommageables alléguées,

' réduire le montant de l'indemnisation du préjudice corporel de l'enfant ;

' ramener le préjudice financier de la société Assurances du crédit mutuel Iard à la stricte mesure du montant justifié et pouvant être mis à la charge du fabricant dans le cadre de l'engagement de sa responsabilité ;

En tout état de cause, ajoutant au jugement entrepris :

' condamner in solidum les époux [H] et la société Assurances du crédit mutuel Iard à lui payer la somme de 5 000 € pour procédure abusive dans le cadre de l'appel ;

' condamner in solidum les époux [H] et la société Assurances du crédit mutuel Iard à lui verser la somme de 4 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel ;

' condamner in solidum les époux [H] et la société Assurances du crédit mutuel Iard au paiement des entiers dépens de la procédure d'appel.

Elle propose, à titre subsidiaire, de chiffrer les préjudices ainsi :

- souffrances endurées : 4 000 €

- préjudice esthétique : 1 000 €

- déficit fonctionnel temporaire : 250 €.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- la responsabilité du fait des produits défectueux ne dispense pas la victime de rapporter la preuve du fait générateur de responsabilité, à savoir un défaut du produit en lien de causalité avec les dommages allégués ; il ne s'agit pas d'une responsabilité de plein droit à partir de la seule implication d'un produit dans la réalisation du dommage ;

- le défaut engageant la responsabilité d'un producteur correspond à un défaut de sécurité concomitant à la mise en service du produit ;

- les appelants confondent la démonstration du lien de causalité avec un dommage et celle de la démonstration du défaut du produit, alors que cette question précède nécessairement la recherche de l'existence d'un lien de causalité ;

- en l'espèce, la discussion ne porte pas sur le lien de causalité entre les blessures dont l'enfant a souffert et les débris de verre qui se sont éparpillés à la faveur de l'explosion de la plaque de cuisson, mais sur l'origine de cette dernière et l'existence d'un défaut, non démontrée ; aucun constat sur les circonstances du sinistre n'a pu être réalisé permettant d'objectiver une cause interne à l'explosion ; elle n'a jamais accepté les conclusions de l'expert mandaté par les appelants et a refusé de signer le procès verbal qui ne traduisait pas la réalité des constatations opérées contradictoirement, ni les diverses hypothèses évoquées lors de la réunion ;

- le verre équipant la plaque de cuisson est fragile et peut exploser pour diverses raisons externes à l'appareil ainsi que le rappelle la notice et on ne peut exclure un ou plusieurs chocs mécaniques et/ou thermiques successifs sur les cinq années écoulées depuis l'achat, lesquels ont pu endommager la surface du verre qui a fini par exploser, étant précisé que le verre securit est un verre à mémoire de choc ;

- la notice d'utilisation concerne deux modèles de plaque différents, dont une équipée de thermocouple qui n'est pas celle acquise par M. et Mme [H] de sorte qu'ils ne sauraient se prévaloir des mentions relatives à ce modèle ;

- l'assureur ne justifie pas du quantum de la créance dont il demande le remboursement, les pièces produites étant insuffisantes ;

- elle n'a de cesse depuis près de cinq ans de déplorer l'absence de preuve du défaut du produit et, alors qu'une juridiction a déjà rejeté les demandes, les appelants s'acharnent contre elle par l'exercice d'une voie de recours sans apporter le moindre élément supplémentaire.

Dans leurs dernières conclusions du 20 août 2019, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Privilège et la société Axa France Iard demandent à la cour de :

À titre principal

' confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 14 mars 2019 en ce qu'il les a mis hors de cause ;

' dire et juger que la loi applicable est celle en vigueur au jour de l'achat de la plaque de cuisson, soit le 19 janvier 2010 ;

' dire et juger que la société Privilège, vendeuse de la plaque de cuisson n'est pas responsable en présence du fournisseur dans la cause, selon l'article 1386-7 du code civil ;

A titre subsidiaire,

' dire et juger que les appelants n'apportent pas la preuve du défaut de la plaque de cuisson ni même du lien de causalité entre ce défaut et le dommage sur le fondement de l'article 1386-9 du code civil ;

A titre très subsidiaire,

' dire et juger que la société Privilège, vendeuse est exonérée de sa responsabilité en raison du fait que le défaut n'était pas existant lors de la mise en circulation de la plaque le 19 janvier 2010 ;

A titre infiniment subsidiaire,

' réduire à de plus justes proportions les demandes d'indemnisation ;

En tout état de cause,

' débouter les demandeurs de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, de leur demande d'exécution provisoire et de leur demande de capitalisation des intérêts ;

' condamner tout succombant à leur verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alexandra Bouclon Lucas.

Elles proposent, à titre subsidiaire, de chiffrer le préjudice de l'enfant de la façon suivante :

- souffrances endurées : 4 000 €

- préjudice esthétique : 1 000 €

- déficit fonctionnel temporaire total : 250 €.

Au soutien de leurs prétentions, elles font valoir que :

- en application de l'article 1386-7 du code civil, applicable à la cause, le vendeur n'est responsable du défaut d'un produit que si le producteur ne peut être identifié ;

- en tout état de cause, les demandeurs ne démontrent pas le lien de causalité entre défaut du produit et les dommages qu'ils allèguent, la seule implication d'un produit dans la réalisation d'un dommage étant insuffisante pour établir la responsabilité du fabricant et/ou du vendeur

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l'article 467 du code de procédure civile.

L'appel porte sur le droit à indemnisation et l'étendue des préjudices.

La mise hors de cause de la société Privilège et de son assureur n'est pas remise en cause devant la cour aux termes des dernières conclusions des parties, même si la critique du jugement définie par l'appel était plus large. L'appel n'est donc pas soutenu à l'égard de ce chef appelé mais non contesté.

Sur la recevabilité des conclusions signifiées le 20 août 2020

En application de l'article 910 du code de procédure civile, l'intimé à un appel incident dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe.

Cependant, l'irrecevabilité pour cause de tardiveté des conclusions d'une partie intimée sur appel incident relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état de sa désignation jusqu'à la clôture de l'instruction.

En l'espèce, les conclusions litigieuses ont été notifiées le 20 août 2020 soit antérieurement à l'ordonnance de clôture du 13 octobre 2020.

Il appartenait donc à la société Electrolux de saisir le conseiller de la mise en état, par des conclusions d'incident, de cette demande tendant à ce qu'elles soient déclarées irrecevables. A défaut, elle est irrecevable, en application de l'article 914 alinéa 2 du code de procédure civile, à l'invoquer devant la cour.

Sur le droit à indemnisation

La responsabilité du fait des produits défectueux est réglementée aux articles 1386-1 devenu 1245 et suivants du code civil, qui instaurent un régime d'indemnisation spécifique, procédant de la directive 85/374 CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. Cette directive a été transposée en droit interne par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, qui a institué une responsabilité de plein droit des producteurs pour les dommages causés par un défaut de leurs produits.

Ce régime de responsabilité spécifique, seul applicable dès lors que la sécurité d'un produit est en cause, s'applique aux produits dont la mise en circulation est postérieure à sa date d'entrée en vigueur, le 23 mai 1998.

Tel est le cas en l'espèce, étant précisé que la vente ayant eu lieu en 2010 et le dommage en 2015, compte tenu des dispositions transitoires de l'ordonnance du 10 février 2016 ayant réformé le droit des contrats, les textes applicables sont les articles 1386-1 et suivant du code civil dans leur version antérieure à cette ordonnance.

En application de l'article 1386-1 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit, ou non, lié par un contrat avec la victime.

Le demandeur à l'indemnisation doit démontrer non seulement le dommage, mais également le défaut du produit et le lien de causalité entre dommage et défaut.

En l'espèce, la société Electrolux est le producteur de la table de cuisson litigieuse, de marque [G] [M], de sorte qu'elle a vocation à répondre des dommages qu'un défaut de celle-ci aurait provoqués.

Un produit est défectueux au sens de 1386-4 du code civil, lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

En l'espèce, le dommage est établi, dès lors que l'enfant [X] a été brûlée par des morceaux de verre incandescents provenant de la plaque de décor de la table de cuisson. Le procès verbal de constat dressé le 3 avril 2015, soit deux jours après le sinistre par Me [R], huissier, au domicile de M. et Mme [H] démontre la réalité des projections de débris de verre jusque dans le salon, puisqu'il en résulte que la plaque de décor de la table de cuisson quatre feu gaz Electrolux était explosée, que des bris de verre s'étaient éparpillés partout alentour, notamment dans le salon, que les plaques destinées à soutenir les plats étaient déplacées et portant des traces de calcination, que les tuyaux métalliques d'alimentation en gaz des dites plaques étaient déformés, la hotte aspirante sortie de son logement et arrachée du mur, les portes de placard situées en face manquantes et que le plafond était souillé de traces de projections alimentaires et de traces d'éponge.

Par ailleurs, M. [V], médecin expert, après examen médical de l'enfant et des photographies réalisées précocement à domicile, conclut que chaque lésion au niveau du cou, de la tête, de la main droite et des deux pieds correspond à une brûlure thermique par contact avec un objet et qu'elles sont cohérentes avec la description de l'accident par les parents de l'enfant.

Enfin, il résulte d'une attestation des sapeurs pompiers que ceux-ci sont intervenus le 1er avril 2015 à 12 h 24 au domicile de monsieur et madame [H] pour une explosion de la plaque de cuisson.

Ces éléments corroborent la description du fait dommageable par M. et Mme [H] tant aux pompiers qu'aux experts mandatés par leur assureur.

Il doit donc être considéré, non seulement que les brûlures dont l'enfant a été victime ont été causées par des débris de la plaque de verre équipant la table de cuisson mais également que celle-ci a bien volé en éclat le 1er avril 2015.

Certes, la responsabilité de plein droit du producteur ne saurait être déduite de la seule survenance du dommage, de sorte qu'il appartient aux époux [H] de démontrer que la plaque de cuisson [G] [M] était affectée, au sens de l'article 1386-4 du code civil, d'un défaut qui est à l'origine de l'explosion.

Cependant, si les appelants ne produisent aux débats aucune expertise judiciaire technique de la plaque de cuisson en cause, ils versent aux débats un rapport d'expertise établi par M. [I] [E] du cabinet Cunningham Lindsey à la demande de l'assureur de M. et Mme [H]. Il ressort de ce rapport que plusieurs constats ont été opérés sur place, le premier le 2 avril 2015 en présence des assurés, le deuxième le 16 avril 2015 en présence des assurés et de M. [F] expert Ceca pour la société AXA, assureur de la société Privilège et le troisième le 23 avril 2015, en présence des assurés, de M [P], agent technique Electrolux, et de M. [W] expert Ceca pour le compte de la société AXA, assureur de la société Privilèges.

Il résulte de ces constatations que :

- l'explosion est intervenue au niveau de la plaque de cuisson ;

- la plaque a été entièrement démontée et mise en pression afin de rechercher d'éventuelles fuites de gaz sur l'ensemble du circuit ;

- les investigations n'ont pas permis de mettre en exergue une quelconque fuite sur le réseau d'alimentation gaz de la plaque de cuisson.

L'expert conclut que la cause du sinistre est très probablement l'extinction de la flamme sur un des feux qui a provoqué la diffusion de gaz entre le fond métallique et la surface vitrée, provoquant un mélange stoechiométrique qui, lorsqu'il atteint 15 % mélangé à l'air et en présence d'une chaleur importante a explosé, provoquant la diffusion de l'ensemble des verres dans la cuisine et le salon.

Il ajoute que la plaque n'était pas pourvue de coupure de thermocouple sur les zones de cuisson et que l'absence de ce dispositif est susceptible d'expliquer la diffusion accidentelle de gaz dans la plaque après extension de la flamme sur un des gaz.

La société Electrolux n'était pas présente aux opérations des 2 et 16 avril 2015. Cependant, mais elle était représentée lors des constatations du 23 avril 2015 par M. [P].

Par ailleurs, si elle n'était pas présente à la réunion du 16 avril 2015, elle y avait été dûment convoquée ainsi qu'en témoignent, le courrier recommandé que l'expert lui a adressé et qui a été reçu le 7 avril 2015, ainsi qu'un courrier qu'elle a elle-même adressé à la société d'experts Cunningham Lindsey le 14 avril 2015 afin de lui faire part de l'indisponibilité de ses techniciens pour la date fixée. La société d'experts a d'ailleurs répondu à ce courrier le 16 avril 2015 en lui faisant part de son impossibilité de remettre la réunion en regard de la disponibilité des autres personnes convoquées et lui proposant, en tout état de cause, une ultime réunion le 23 avril 2015, à laquelle la société Electrolux a effectivement participé.

Il résulte de ces éléments que, si l'expertise produite n'est pas judiciaire, elle n'en a pas moins été réalisée au contradictoire des parties en cause, notamment de la société Electrolux qui a été invitée à y participer afin d'assister aux constatations et opérations et d'y faire valoir son point de vue.

Un rapport d'expertise ne saurait être écarté des débats au seul motif qu'il a été dressé dans le cadre d'un processus amiable. Il en va de même, au demeurant, de l'expertise amiable qui n'a pas été réalisée au contradictoire d'une partie dès lors que celle-ci a été en mesure de la discuter dans le cadre de la procédure et que le juge ne fonde pas sa décision sur ses seules conclusions.

En tout état de cause, en l'espèce, bien qu'issue d'un processus amiable, cette expertise a été réalisée au contradictoire de la société Electrolux, qui a été à même d'y participer afin de défendre son point de vue sur le plan technique.

En conséquence, la société Electrolux ne saurait se retrancher derrière son absence à deux des réunions pour soutenir qu'elle a n'a pas été mesure de faire valoir ses observations techniques quant à l'existence du défaut allégué et il importe peu qu'elle n'ait pas signé le procès verbal de réunion d'expertise.

S'agissant des circonstances et de l'origine de l'explosion de la plaque de verre équipant la table de cuisson, une seule explication se dégage des opérations de l'expert, celle d'une extinction, sur un des feux, de la flamme, ayant provoqué la diffusion de gaz entre le fond métallique et la surface vitrée et une explosion de mélange réactif en présence d'une chaleur importante.

Le rapport précise que la recherche de fuites de gaz sur le réseau, effectuée après démontage de la plaque et mise en pression, était exclue. Cette opération de démontage a été réalisée lors de la réunion du 23 avril 2015, donc en présence du technicien de la société Electrolux.

La société Electrolux conteste cette conclusion mais sans étayer son point de vue sur le plan technique.

Certes, l'expert emploie dans son rapport des précautions de langage en indiquant que cette hypothèse est la plus vraisemblable. Cependant, le fait qu'il ne soit pas affirmatif, s'agissant d'une reconstitution a posteriori des causes de l'explosion, ne saurait suffire pour considérer que l'origine de l'explosion demeure purement hypothétique, étant relevé que la plaque en cause était en très mauvais état après l'explosion.

Par ailleurs, c'est bien une explosion qui a été constatée, et non un simple bris de la plaque, puisque des débris se sont répandus jusque dans le salon, ce qui conforte l'hypothèse privilégiée par l'expert à savoir la diffusion accidentelle de gaz et une explosion à la faveur d'un mélange avec de l'air et de la chaleur.

Dès lors qu'aucune autre cause n'a pu être objectivée, il nepeut être considéré que la cause et les circonstances de l'explosion demeurent à ce jour indéterminées, étant observé qu'il importe peu que la cause exacte et certaine de l'explosion ne soit pas formellement établie dès lors que le demandeur établit que le produit en cause n'offre pas la sécurité à laquelle il était en droit de s'attendre, le producteur ayant alors la charge de démontrer l'existence d'une cause exonératoire ou une faute de la victime.

En l'espèce, les conclusions de l'expert consacrent une présomption grave qu'aucun autre élément technique objectif ne remet en cause.

Certes, l'expert conclut dans son rapport qu'aucun recours ne pourra être exercé à l'encontre des magasins Privilèges ni à l'encontre du fabricant Electrolux', mais cette déduction, qui s'infère pour lui de l'origine, qualifiée d'accidentelle, de l'explosion, excède les compétences d'un expert technicien, lequel, ne saurait porter d'appréciation juridique et ce, qu'il intervienne dans un cadre judiciaire ou amiable.

S'agissant d'apprécier la sécurité à laquelle le consommateur d'un produit peut légitimement s'attendre, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances, notamment de la présentation du produit et de l'usage qui peut raisonnablement en être attendu.

Or, l'usage qui peut raisonnablement être attendu par le consommateur moyen auquel elle est destinée, d'une plaque de cuisson fonctionnant au gaz, exclut le risque d'explosion après un usage normal, à la faveur de l'extinction inopinée de l'un des feux. L'expert fait d'ailleurs remarquer que la présence de thermo-couples sur les quatre zones de cuisson aurait permis d'éviter l'explosion puisqu'un tel dispositif empêche la diffusion accidentelle de gaz après extinction de la flemme sur un des gaz.

Parmi les avertissements figurant dans la notice du produit, le risque d'explosion de la plaque de verre n'est pas mentionnée, hormis en cas de placement de produit inflammable ou d'élément de produit inflammable sur l'appareil, hypothèse non retenue par l'expert à la faveur de ses constatations. Sont par ailleurs évoqués la nécessité d'utiliser des produits non corrosifs ou non inflammables, le risque d'électrocution en cas de projection d'eau ou de vapeur d'eau, le risque de bascule des récipients et de leur contenu et d'échauffement corrélatif des composants de la table, le risque de fissure ou de cassure du verre en cas de choc sur la surface vitrocéramique, ou de surchauffe due au non respect des diamètres indiqués pour chaque zone de cuisson.

Il en résulte que, dans la présentation qui a été faite de ce produit, le producteur n'attire pas l'attention du consommateur sur le danger présenté par la plaque en cas de diffusion accidentelle de gaz. Ainsi, M et Mme [H] n'ont pas été suffisamment avisés des précautions à prendre et ne pouvaient s'attendre à un tel risque d'explosion.

La société Electrolux ne démontre par aucune pièce probant que M et Mme [H] ont fait un usage anormal de cette plaque de cuisson et/ou fragilisé la plaque vitrocéramique par des chocs répétés ou l'usage de produits corrosifs. Le technicien qui a assisté aux investigations n'a pas évoqué cette hypothèse ni sollicité une recherche complémentaire, notamment sur les débris de verre afin de démontrer que tel avait été le cas.

En considération de ces éléments, il doit être considéré que la plaque de cuisson [G] [M] produite pas la société Electrolux et acquise le 19 janvier 2000 par M. et Mme [H], était défectueuse en ce qu'elle n'offrait pas aux intéressés la sécurité à laquelle ils étaient en droit de s'attendre.

En conséquence, la société Electrolux doit être condamnée, en sa qualité de producteur de la plaque de cuisson en cause, à réparer les conséquences dommageables de l'explosion qui s'Est produite le 1er avril 2015 au domicile de M. et Mme [H].

Sur le préjudice corporel

M. [V], médecin expert, conclut dans son rapport que l'enfant [X] [H] a présenté des brûlures au 2ème degré au niveau du cou, de la région sous mentonnière, de la main droite et des deux plantes de pied et qu'elle conserve comme séquelles de cet accident une cicatrice au niveau de la fourchette sternale et une cicatrice au niveau de la région sous-mentonnière.

Selon lui, cependant, l'enfant n'est pas consolidée dès lors que l'évolution des cicatrices est incertaine.

Il conclut pour les préjudices antérieurs à la consolidation :

- à un déficit fonctionnel temporaire total pendant dix jours ;

- à des souffrances endurées de 2.5/7 ;

- à un préjudice esthétique temporaire de 1.5/7.

La victime n'étant pas consolidée, son préjudice ne peut être définitivement quantifié, quant bien même l'expert a fourni une évaluation, au jour de son rapport, des préjudices avant consolidation.

Dans ces conditions, seule une provision peut être allouée.

En considération des éléments fournis par l'expert, notamment des souffrances d'ores et déjà endurées à la faveur de brûlures sur des zones particulièrement sensibles, notamment une douleur aiguë lors de l'agression thermique puis une douleur induite par les soins locaux et de l'altération physique induite par celles-ci, une provision de 5 000 € sera allouée à valoir sur l'indemnisation du préjudice.

Sur le préjudice matériel

En application de l'article L 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance, est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à a responsabilité de l'assureur.

La mise en oeuvre de cette subrogation légale suppose un paiement préalable par l'assureur de l'indemnité d'assurance. Tel est le cas en l'espèce, la société assurances du crédit mutuel Iard produisant aux débats un courrier adressé le 18 mai 2015 à M. et Mme [H] par lequel elle annonce le virement à leur compte bancaire de la somme de 5 811,54 € après signature de la quittance ainsi que le tableau des indemnités effectivement virées sur leur compte bancaire.

Les dégâts causés par l'explosion de la table de cuisson sont décrits dans le rapport d'expertise, rédigé après un transport sur place auquel la société Electrolux a été convoquée. Il en résulte que sous le souffle de l'explosion, les portes vitrées d'un meuble de cuisine haut situé à l'opposé de la plaque de cuisson ont explosé ainsi que les portes de placards vitrés situés plus en avant dans la cuisine, que des projections de verre incandescents ont provoqué des dommages à l'ensemble des textiles type tapis situés au sol dans la cuisine et que dans le hall et le séjour, l'ensemble des rideaux a été perforé.

Pour justifier des dépenses engagées, sont produits :

- une facture de la société Ikea, acquittée, en date du 6 août 2015 relative à des éléments de cuisine pour un montant total de 1 059,95 € ;

- une facture de l'entreprise Rharbaoui, payée, relative à l'installation d'éléments et produits électroménager de cuisine, pour un montant total de 864 € ;

- une facture de la société CBC, payée, relative à des vantaux acier pour un montant de 395,40 € ;

- une facture de l'entreprise Rharbaoui, payée en espèces, relative à des travaux de nettoyage, peinture, pose et dépose de placard coulissant, enlèvement de caisson de cuisine, de plan de travail, de plaque de cuisson, et de hotte puis de pose de ces même éléments et remplacement de carreaux endommagés pour un montant de 2 113,20 € ;

- une facture de l'entreprise l'art d'Orient, payée en espèces, relative à l'achat d'une housse de matelas, de coussins, boudins et tapis oriental pour un montant de 1 307 € ;

- trois factures de la société Ikea des 21, 22 mai et 26 mai 2015, acquittées, relative à des éléments de cuisine ;

- une facture de la société Darty, réglée par carte bancaire, pour l'achat d'une plaque de cuisson pour un montant de 249 € ;

- une facture de la société Leroy Merlin relative à l'achat d'un article de quincaillerie cornière en acier, acquittée en espèce, pour un montant de 9 € ;

- une facture de la société Conforama, du 16 mai 2015, réglée en espèces, relative à des éléments de cuisine, d'un montant de 101,75 € ;

- trois factures de la société Ikea du 8 mai 2015, 11 mai 2015 et 15 mai 2015, acquittées, relatives à l'achat d'éléments de cuisine, d'un montant de 417,88 euros, 361,70 euros et 605,96 €.

Ces factures acquittées établissent la réalité des dépenses engagées quand bien mêmes celles-ci ont été réglées en espèces, et ce y compris s'agissant des factures de la société Ikea qui sont relatives à des éléments de cuisine, dès lors que l'explosion a bien atteint les éléments mobiliers de la cuisine des époux [H].

Le procès verbal de constat dressé le 3 avril 205 par Me [R], huissier fait ressortir que la hotte aspirante était sortie de son logement et arrachée du mur, qu'en face de la plaque de cuisson, les deux portes du meuble haut étaient manquantes, les deux portes en verre du placard de rangement mural étaient manquantes, que le plafond enduit de peinture de couleur blanche était souillé de traces de projections alimentaires, qu'un tiroir de meuble bas de rangement portait un impact, que deux éclats étaient visibles sur les carreaux de carrelage, qu'un tapis en matière synthétique situé dans la cuisine était brûlé par des projections de verre, que le plan de travail autour de la plaque de cuisson portait des impacts et des traces de brûlures, que dans le vestibule d'entrée les rideaux en toile fine étaient troués, que des débris de verre étaient collés sur les tapis du salon et que le tissu de l'assise de la banquette était troué.

Le rapport de l'expert du cabinet Cunningham Lindsey fait état au titre de l'évaluation des préjudices, de dommages mobiliers (aux embellissements et aux meubles) qu'il évalue à 7 788,24 euros, soit après déduction du coefficient de vétusté, la somme de 6 386,54 € et, après déduction de la franchise de 75 euros, la somme de 6 311,54 euros.

Les pièces produites sont donc suffisantes pour relier les dépenses engagées par M. Et Mme [H] aux dommages matériels listés par le procès verbal de constat d'huissier et le rapport de l'expert du cabinet Cunningham Lindsey. Cette évaluation tient compte de la vétusté.

Dans ces conditions, la société Assurances du crédit mutuel Iard, qui justifie avoir procédé au règlement de la somme de 7 964,60 € (500 € + 654,64 euros, +1 007,42 € + 5 811,54 euros) au titre des dommages matériels causés par l'explosion, étant subrogée dans les droits de son assuré à l'égard du responsable, est fondée à en réclamer le remboursement à la société Electrolux.

Celle-ci sera donc condamnée à régler cette somme à la société Assurances du crédit mutuel Iard.

Les intérêts des sommes dues aux époux [H] seront capitalisés dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil devenu 1343-2 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L'exercice du droit d'ester en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait un usage préjudiciable à autrui.

En l'espèce, il est fait droit aux demandes de M. et Mme [H] de sorte qu'il ne peut être considéré que l'action caractérise un abus de leur part. Aucune autre circonstance que l'action elle même n'est invoquée au soutien de la demande de dommages-intérêts.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande.

Sur les demandes annexes

Succombant, la société Electrolux sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, étant rappelé que ceux-ci comprennent les frais d'expertise médicale dès lors que celle-ci, ordonnée en référé, a préparé l'instance au fond.

L'équité ne commande pas d'allouer à la société Electrolux une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d'appel.

L'équité justifie d'allouer à M. et Mme [H] d'une part, à la société Assurances du crédit mutuel Iard d'autre part, une indemnité de 2 000 € au titre de leurs frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

S'agissant des frais exposés par la société Privilège et son assureur, la décision de première instance sera confirmée. L'équité commande par ailleurs, alors qu'ils ont été intimés par M. et Mme [H], qui ont ensuite renoncé à toute demande à leur encontre dans leurs dernières conclusions, de condamner ces derniers à leur payer, ensemble, une indemnité de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'engager devant a cour d'appel.

Par ces motifs

La Cour,

Déclare la société Electrolux irrecevable en sa demande afin que les conclusions notifiées le 20 août 2020 par M. et Mme [H] et la société Assurances mutuelles du crédit Iard, soient déclarées irrecevables ;

Infirme le jugement, hormis sur l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile allouée à la société Privilège et à la société AXA ;

Statuant à nouveau dans les limites de l'acte d'appel et y ajoutant,

Dit que la responsabilité de la société Electrolux products home est engagée du fait de la défectuosité de la table de cuisson [G] [M] acquise par M. et Mme [H] le 19 janvier 2000 ;

Condamne la société Electrolux products home à payer à M. et Mme [H], es qualité de représentants légaux de leur fille [X] [H], une somme de 5 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice corporel de cette dernière ;

Condamne la société Electrolux products home à payer à la société Assurances du crédit mutuel, en qualité de subrogée dans les droits de M. et Mme [H], la somme de 7 964,60 € au titre des dommages matériels subis par ces derniers ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dûs au moins pour une année entière dans les conditions fixées par l'article 1342-3 du code de procédure civile ;

Déboute la société Electrolux home products de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Electrolux products home aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Electrolux home products à payer à M. Et Mme [H], es qualité de représentants légaux de leur fille [X] [H], une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d'appel ;

Condamne la société Electrolux home products à payer à la société Assurances du crédit mutuel Iard une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d'appel ;

Condamne M. et Mme [H] à payer à la société Privilège et la société AXA, ensemble, une indemnité de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/08212
Date de la décision : 10/12/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°19/08212 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-10;19.08212 ?
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