COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 10 DECEMBRE 2020
N° 2020/320
Rôle N° RG 17/00439 - N° Portalis DBVB-V-B7B-72RJ
SA ALBINGIA
C/
SAS MONACO MARINE FRANCE
SA AXA FRANCE IARD
SARL ELECTRIKA L'EVENEMENTIEL ELECTRIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Bertrand COSTE de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 13 Octobre 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 2015F00173.
APPELANTE AU PRINCIPAL
SA ALBINGIA,
dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE et DEMANDERESSE A L'APPEL PROVOQUE
SARL ELECTRIKA
immatriculée au RCS de Toulon sous le numéro B 494 855 174 dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMEES ET DEFENDERESSES SUR APPEL PROVOQUE
SAS MONACO MARINE FRANCE
dont le siège social est sis [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Bertrand COSTE de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
SOCIETE AXA FRANCE IARD
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Bertrand COSTE de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2020,
Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits et procédure:
La société Electrika a loué du matériel électrique à la société Monaco Marine France spécialisée dans la réparation et l'entretien de bateaux de plaisance.
Le 20 janvier 2013 un incendie est survenu à bord du yacht « Latitude » présent sur le chantier naval situé à [Localité 6] de la Sas Monaco Marine France à laquelle son propriétaire l'avait confiée aux fins d'y réaliser des travaux de maintenance et de peinture des superstructures.
L'expert désigné en référé ayant conclu que l'incendie résultait d'un feu d'origine électrique interne à une des armoires électriques louées à la société Electrika, la société Monaco Marine France et son assureur Axa ont assigné la société Electrika devant le tribunal de commerce de Toulon en indemnisation de leur préjudice. La société Albingia, assureur de la société Electrika, a été appelée en garantie par assignation en intervention forcée.
Par jugement du 13 octobre 2016, le tribunal de commerce de Toulon a:
-jugé que les conséquences financières du sinistre survenu le 24 janvier 2013 seront supportées à hauteur de 50% par la sarl Electrika et à hauteur de 50% par la Sas Monaco Marine France,
-condamné la sarl Electrika à payer à la Sa Axa France la somme de 127.690,23 euros avec capitalisation des intérêts à compter de la date d'introduction d'instance,
-condamné la sarl Electrika à payer à la Sas Monaco Marine France la somme de 13.921,77 euros avec capitalisation des intérêts à compter de la date d'introduction d'instance,
-déclaré ces condamnations communes et opposables à la compagnie d'assurance Albingia,
-condamné la société Albingia à relever et garantir son assurée la sarl Electrika de l'ensemble de ses condamnations,
-condamné la société Albingia à payer la somme de 5.000 euros à la société Monaco Marine France et à la Sa Axa France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration au greffe du 6 janvier 2017, la compagnie d'assurances Sa Albingia a interjeté appel du jugement uniquement en ce qu'il l'a condamnée à garantir son assurée des condamnations prononcées à son encontre et a intimé seulement la Sarl Electrika.
Par actes du 22 mai 2017, la sarl Electrika a assigné en appel provoqué la Sas Monaco Marine France et la société Axa France.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées par Rpva le 13 septembre 2017, la Sa Albingia demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à relever et garantir la sarl Electrika de l'ensemble des condamnations, de statuer à nouveau, de débouter cette dernière de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande aussi à la cour de débouter les sociétés Monaco Marine France et AXA de toutes leurs demandes et de les condamner in solidum à lui verser la somme de 165.251,32 euros en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement frappé d'appel.
L'assureur fait valoir que les garanties de la police d'assurance souscrite par la sarl Electrika ne sont pas mobilisables pour garantir le sinistre survenu dans un chantier naval, la seule activité déclarée par l'assurée dans le contrat d'assurances étant la location de matériel électrique pour des manifestations évènementielles.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées par Rpva le 2 mai 2018, la sarl Electrika demande à la cour de:
-prononcer la nullité du rapport d'expertise déposé le 3 novembre 2014 par [D] [P],
-de débouter la Sas Monaco Marine de toutes ses demandes et reconventionnellement de la condamner à lui payer la somme de 49.365,77 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2015 au titre de factures impayées et à restituer le matériel loué et non restitué sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
-subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'assureur Albingia à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre
-de condamner au titre de ses frais irrépétibles l'assureur Albingia à lui verser la somme de 6.000 euros et la Sas Monaco Marine France la somme de 24.000 euros.
La société Electrika soutient tout d'abord au visa de l'article 276 du code de procédure civile que l'expertise ordonnée en référé est nulle car l'expert n'a tenu aucun compte de ses dires alors même qu'elle lui a communiqué le rapport d'un ingénieur spécialisé dans la gestion et la normalisation de l'énergie électrique concluant que sa responsabilité ne pouvait pas être engagée dans la survenance de l'incendie.
La société Electrika conteste les conclusions de l'expert désigné en référé, lequel a conclu à l'origine électrique de l'incendie sans mettre en évidence sa cause (court-circuit, surcharge ou résistance de contact). Elle rappelle qu'en exécution du contrat de location, elle s'est bornée à mettre du matériel électrique à la disposition de sa cliente et que la société Monaco Marine France a omis de faire contrôler l'installation électrique provisoire du chantier en aval du matériel loué. Elle soutient qu'en tant que bailleuresse, elle n'était tenue contractuellement qu'à la fourniture du matériel et ne saurait être tenue pour responsable de son utilisation qu'elle ne maitrise pas. Sa responsabilité de bailleur fondée sur les articles 1719 à 1721 du code civil n'est pas une obligation de résultat quant à la sécurité du locataire mais une simple obligation de moyens.
A l'appui de sa demande reconventionnelle, elle fait observer à la cour que sa cliente a laissé deux factures impayées et lui a fait subir une perte d'exploitation en omettant de lui restituer les trois armoires électriques louées.
Elle affirme enfin que son assureur lui doit sa garantie car l'activité déclarée était certes la location de matériels électriques pour des manifestations évènementielles mais que la définition de cette notion n'ayant pas été précisée par le contrat, la garantie peut dès lors couvrir la fourniture pour une durée déterminée de matériel électrique à un chantier de réparation navale.
La Sas Monaco Marine France et la compagnie d'assurances Axa, assignées en appel provoqué, demandent à la cour aux termes de leurs dernières écritures signifiées et déposées le 30 novembre 2017 par Rpva de confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise, de l'infirmer en ses autres dispositions, de statuer à nouveau et de condamner in solidum la société Electrika et son assureur Albingia:
-à payer à AXA la somme de 255.380,45 euros outre intérêts légal à compter du 15 juillet 2013 et d'ordonner la capitalisation des intérêts.
-à payer à la Sas Monaco Marine France la somme de 27.843,55 euros outre intérêts légal à compter du 7 février 2013 et d'ordonner la capitalisation des intérêts.
-débouter la société Albingia de sa demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement frappé d'appel,
- les condamner à leur payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimées s'opposent à tout partage de responsabilité au motif que pèse sur le bailleur l'obligation de résultat de fournir à la locataire un matériel électrique conforme, ce qui n'était pas le cas des armoires électriques louées. La société Monaco Marine France expose que l'expert a évalué le préjudice à la somme de 283.224 euros et que son assureur Axa l'a indemnisée à hauteur de la somme de 255.380,45 euros de sorte qu'elle a conservé à sa charge une partie du préjudice à concurrence de 27.843,55 euros dont elle demande réparation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2019.
L'affaire, initialement fixée à l'audience du 8 janvier 2020, a été renvoyée à l'audience du 29 avril 2020 à la demande des conseils des parties en raison du mouvement de grève des avocats.
A cette date, le conseil de la société Electrika s'est opposé à ce que l'affaire soit jugée sans audience conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 4 novembre 2020.
Motifs:
Sur la nullité du rapport d'expertise de [M] [P]:
La société Electrika soulève la nullité du rapport d'expertise sur le fondement de l'article 276 du code de procédure civile qui dispose que l'expert doit prendre en compte les observations et réclamations des parties, les joindre à son avis et mentionner la suite donnée aux observations et réclamations présentées.
Elle fait grief à l'expert de n'avoir apporté aucune réponse à son dernier dire du 29 octobre 2014, d'avoir évincé sa demande de reconstitution de l'incendie et de n'avoir envisagé qu'une seule hypothèse, celle de l'origine électrique. La société Electrika ajoute que les conclusions de l'expert ne sont que des pétitions de principe sans démonstration technique et qu'il n'a pas répondu aux différents points de sa mission.
La société Monaco Marine France et la compagnie d'assurance Axa ont conclu que cette exception de nullité n'était plus recevable car elle n'avait pas été soulevée devant le premier juge avant toute défense au fond, d'une part, et qu'elle n'était pas fondée, l'expert ayant répondu en tous points au dire récapitulatif de la société Electrika.
L'exception de nullité de l'expertise, aux termes de l'article 175 du code de procédure civile, est soumise au régime de la nullité des actes de procédure, c'est-à-dire aux dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, lequel impose, à peine d'irrecevabilité, de soulever l'exception de procédure avant toute défense au fond. La cour constate néanmoins que l'exception de nullité du rapport d'expertise n'a pas été soulevée pour la première fois en cause d'appel mais qu'elle avait déjà été soutenue devant les premiers juges.
L'exception de nullité de l'expertise soulevée est donc recevable.
Elle n'est toutefois pas fondée. Contrairement à ce que soutient la société Electrika, les conclusions de l'expert répondent à la mission qui lui a été confiée, ne sont pas péremptoires mais fondées sur des constatations et démonstrations techniques détaillées, elles-mêmes étayées par des photographies ou des schémas, qu'il s'agisse de l'état du matériel loué ( pages 5 à 7, page 11,), des normes de sécurité applicables ( page 14, 15, 18, 19), de l'origine électrique de l'incendie ( pages 31, 32, 33 ).
L'expert n'a pas examiné la seule hypothèse de l'origine électrique de l'incendie mais également celle de l'incendie d'origine accidentelle ou criminelle, et de manière particulièrement détaillée après le dépôt du rapport du laboratoire Analytica ( page 35, 36, 37).
S'il a estimé impossible de procéder à la reconstitution de l'incendie qui lui était demandée, il a motivé sa position par des arguments techniques précis ( disparition de l'environnement et du matériel, difficulté de reconstitution des paramètres électriques pour la source et les points de desserte). Il a apporté enfin aux points soulevés dans le dire d'Electrika en date du 29 octobre 2014 des réponses qui se trouvent notamment en pages 35 et 36 dans le paragraphe intitulé « Sur le dire de Electrika du 29 octobre 2014 ». L'expert y répond notamment de manière précise aux observations de [V] [E], expert en normes électriques, dont le rapport a été communiqué à l'expert judiciaire par la sarl Electrika ( page 36).
L'exception de nullité tirée de la violation par l'expert judiciaire du principe de la contradiction sera donc rejetée.
Sur la responsabilité:
En octobre 2012, le yacht « Latitude » a été confié à la société Monaco Marine France pour des travaux de peinture de ses superstructures. Autour du navire et des échafaudages a été installée une coque de protection en plastique à l'intérieur de laquelle a été mis en place pour l'éclairer un système d'alimentation électrique. A cette fin, la société Monaco Marine France a loué le 7 novembre 2013 à la société Electrika trois armoires 8 PC, une armoire 250A, cinq rallonges de 20 mètres et deux adaptateurs pour une durée de treize semaines.
Le 21 décembre 2012, un incident est survenu à l'intérieur d'une des armoires électriques: un porte-fusible a chauffé puis fondu, le disjoncteur différentiel n'ayant pas fonctionné.
Le 24 janvier 2013 vers 12 heures 45, un incendie s'est déclenché à l'intérieur de la coque protectrice qui a partiellement brûlé, des fumées et des suies ont envahi la coque du bateau et des coulures de plastique ont abîmé la plage arrière. Le feu a été maîtrisé à l'aide d'extincteurs.
A titre préliminaire, la cour observe que pour désigner l'objet dans lequel se situerait selon l'expert le départ du feu à l'origine de l'incendie survenu le 24 janvier 2013, les termes armoire électrique, coffret électrique et tableau électrique sont employés indifféremment par le tribunal, l'expert et les parties. Le devis de location de matériel n°13279/12 établi le 25 octobre 2012 par la société Electrika faisant mention de la location de trois armoires électriques 32 A équipées chacune de 8 PC ( prises de courant), il ne sera fait usage que du terme armoire électrique pour désigner l'objet en litige.
Lors de sa visite sur les lieux, l'expert a constaté qu'une des trois armoires électriques louées à la société Electrika était entièrement calcinée et qu'il ne restait plus que le châssis métallique avec des traces de brûlure: les photographies annexées en page 5 du rapport le confirment.
L'expert conclut que l'incendie résulte d'un feu d'origine électrique interne à l'armoire électrique louée par la société Electrika. L'incendie aurait été selon lui provoqué par des échauffements anormaux par effet Joule, à l'intérieur de cette armoire, en relation avec la distribution électrique adoptée de manière classique pour les chantiers sur les coques de navire. Ces échauffements anormaux seraient en relation avec l'état anormal et non-conforme qu'il a observé sur les deux autres armoires louées ( mauvaises connectiques, état dégradé des composants, étanchéités dégradées, présence d'un disjoncteur de marque Généric Partner interdit lors de la période de location, etc...).
[M] [P] estime au terme de ses investigations expertales que la société Electrika est responsable à hauteur de 90% du sinistre car elle avait l'obligation de livrer du matériel conforme et de qualité nominale, d'une part, et qu'elle était tenue à l'égard de sa cliente à un devoir de conseil, en raison de sa qualification en électricité et du premier incident survenu le 21 décembre 2012. Quant à la société Monaco Marine France, elle serait d'après lui responsable du dommage à hauteur de 10% pour avoir accepté le matériel loué sans réserve et sans refus.
Les premiers juges, après avoir retenu que l'une des armoires louées par la société Electrika avait pris feu pour des raisons d'échauffement excessif d'un ou plusieurs composants internes, ont relevé que l'expert avait constaté que le bailleur n'avait pas maintenu ses armoires électriques dans un état de contrôle et d'entretien suffisant et qu'il n'avait pas pris la peine de visiter le chantier après un premier incident survenu le 21 décembre 2012.
Faisant grief à la loueuse de s'être dispensée de faire contrôler le matériel loué avant la location et à la locataire d'avoir omis de faire vérifier l'installation dudit matériel sur le chantier par un organisme habilité, le tribunal a considéré que les sociétés Electrika et la société Monaco Marine France avaient toutes deux des responsabilités dans la survenance du sinistre et retenu une co-responsabilité à hauteur de 50% chacune.
La société Electrika réfute dans leur intégralité les conclusions de l'expertise sur lesquelles le tribunal a fondé sa décision: elle conteste l'origine électrique de l'incendie et dénie toute responsabilité dans la réalisation du dommage. La société Monaco Marine France de son côté ne met pas en doute l'origine électrique de l'incendie mais soutient qu'elle n'a commis aucune faute et récuse le partage de responsabilité retenu par le tribunal.
Sur l'origine de l'incendie:
Pour démontrer l'origine électrique de l'incendie, l'expert a relevé que l'armoire électrique avait subi une surchauffe électrique par un courant de fuite et que la protection différentielle n'avait pas joué. L'expert a rappelé qu'on trouvait des situations d'incendie usuelles pour des arcs électriques entretenus alors que les protections ne jouaient pas leur rôle, que la température de fonte du cuivre était de 1.000°C, que la résistance s'élevait très fortement avec les défauts de contact ( mauvais serrages, corrosions accentuées,...) ainsi que le carré de l'intensité avec le temps écoulé en secondes.
L'expert a constaté dans une des armoires encore en état la présence de câblages de diamètre 1,5mm² qui partent du bloc associé au disjoncteur GP vers les fusibles puis vers la barrette de terre plus bas. Il expose que ce bloc se trouve à l'origine du court-circuit et de la fonte car dans les résidus de l'incendie a été retrouvé un amas de plus de vingt linéaires de fils de section 1,5mm² de longueur variable ( 15 à 25 cm) piégés dans une coque de plastique fondu.
La société Electrika reproche à l'expert de s'être limité à examiner la seule hypothèse d'un incendie d'origine électrique et de ne pas avoir mis en évidence sa cause : court-circuit, surcharge ou résistance de contact. Or, elle oppose aux conclusions de l'expert celles du laboratoire Analytika, lequel a estimé que l'origine électrique de l'incendie était extrêmement improbable car un départ de feu dans une armoire fermée était impossible en l'absence d'oxygène. Ce laboratoire après avoir par ailleurs constaté la présence dans les résidus de l'incendie d'un cylindre de feutre qu'elle a qualifié d' extrêmement suspect, n'a pas exclu que le départ du feu ait pu être provoqué par un dispositif incendiaire.
La société Albingia, assureur de l'entreprise de location de matériel électrique, a fait sienne cette argumentation pour contester l'origine électrique de l'incendie. Elle déplore qu'aucune des trois causes d'un incendie électrique ( court-circuit, surcharge ou résistance de contact) n'ait été techniquement mise en évidence.
La société locataire du matériel et son assureur écartent l'hypothèse de l'origine accidentelle ou criminelle émise par les appelantes qu'elles jugent infondée en l'absence de résidus de produits inflammables découverts lors des analyses et absurde en l'absence de mobile d'un tel passage à l'acte.
Par ordonnance complémentaire du 6 mars 2014, le juge des référés a donné mission à [M] [P] de procéder à des investigations complémentaires sur l'armoire électrique pour déterminer l'incidence éventuelle de produits ou d'éléments extérieurs à ladite armoire. C'est dans ce cadre que l'expert a sollicité le laboratoire Analytika aux fins d'analyser les résidus d'incendie.
Le laboratoire a analysé deux échantillons, un dispositif cylindrique en feutre de couleur grise entouré d'une bande de ruban adhésif de couleur orange et un bloc informe résultant de la fusion des plastiques constitutifs des parois externes de l'armoire électrique et des gaines isolantes en plastique des divers câbles et conducteurs électriques.
Après avoir indiqué dans son rapport que le chromatogramme obtenu lors de l'analyse des deux échantillons précités a révélé l'absence de tout résidu d'accélérant de combustion, [X] [Y], directeur scientifique du laboratoire Analytika, a précisé que cette constatation ne permettait pas cependant d'exclure l'utilisation de telles substances dans la mesure où les échantillons avaient séjourné à l'air libre pendant une longue période. La présence dans les résidus d'incendie du dispositif de feutre cylindrique susvisé, objet extrêmement suspect à ses yeux, ne permettrait pas d'écarter l'hypothèse dans laquelle un dispositif incendiaire à combustion solide a pu être mis en oeuvre pour déclencher l'incendie, d'autant plus que celle de l'origine électrique de l'incendie de l'armoire électrique lui paraît extrêmement improbable. En effet, ce type d'armoire électrique est réputé étanche et le milieu confiné avec réserve d'oxygène limitée n'est pas facilitateur d'incendie.
( pages 27 et 30 de l'expertise).
Après avoir pris connaissance du rapport du laboratoire Analytica, [M] [P] a persisté à retenir l'hypothèse d'un incendie d'origine électrique par effet Joule sur une des armoires louées à la société Electrika. Selon lui, la société locataire avait branché une ligne alimentant 15 lampes représentant une intensité de 12 ampères, donc la puissance et l'intensité délivrées étaient compatibles avec les prises de courant de 16 A ( ampères) présentes dans l'armoire électrique. Il en a déduit que seul un court-circuit interne à l'armoire, sans fonctionnement des protections, peut expliquer ce qu'il s'est passé, et les dégagements anormaux de chaleur par effet Joule à l'intérieur de l'armoire électrique seraient selon lui à l'origine de l'incendie.
Les constatations de l'huissier comme les propres constatations de l'expert démontrent en effet que le départ de feu se situe à l'intérieur de l'armoire électrique qui a brûlé. De plus, le trou dans la coque en plastique entourant le chantier correspond précisément au dégagement de chaleur à la verticale de cette armoire. Enfin, le feu ne s'est pas propagé dans le navire et seule cette armoire électrique a été brûlée: les dégradations causées au yacht ont en effet été provoquées par les coulures et les suies dégagées par l'incendie de l'armoire.
L'expert a souligné tout au long de son rapport que l'installation électrique sur le chantier avait été réalisée selon le régime TN qu'il définit comme un des schémas de liaison à la terre appelé « mise au neutre » dont la finalité est de transformer tout défaut d'isolement en court-circuit monophasé phase-neutre. Or, dans ce schéma TN, en cas de court-circuit entre phase et neutre, les courants de fuite sont très importants. Selon [M] [P], en présence d'un court-circuit entre phase 2 et le neutre, le courant de défaut, qui est un courant de court-circuit, est très élevé et risque de provoquer des échauffements importants des conducteurs susceptibles de provoquer des incendies. Les court-circuits entre phase et neutre peuvent en effet produire des courants de plusieurs kA ( 1 KA = mille ampères) sous 230 v et ce courant peut être supérieur au pouvoir de coupure des disjoncteurs ( page 33 du rapport).
L'hypothèse de l'origine électrique de l'incendie est pour finir corroborée par les traces d'un arc électrique qui a fondu la surface métallique de l'arceau support de l'armoire en cause, lesquelles apparaissent nettement sur la photographie n°2 page 26. Cette constatation conforte donc l'hypothèse du départ de feu par arcs électriques à l'intérieur de l'armoire.
Contrairement à ce qu'a conclu le rapport de la société Analytica, ce départ de feu dans le confinement d'une armoire n'est en rien improbable, comme l'a démontré [M] [P]. En effet, pour écarter la thèse selon laquelle un départ de feu électrique à l'intérieur d'une armoire électrique s'éteindrait de lui-même faute d'oxygène, l'expert se réfère aux nombreuses études et expérimentations des constructeurs de coffrets et d'armoires électriques et cite à titre d'exemple les cahiers techniques de Schneider n°145 sur les conditions thermiques de ce type de matériel: « la température de l'air interne résulte des échanges par convection entre l'air interne et les surfaces des différents appareils, des conducteurs et des parois....Au niveau de l'appareillage la chaleur apparaissant par effet Joule est échangée par convection entre sa surface d'échange et l'air interne... » ( page 34 du rapport d'expertise).
Il se fonde également sur les caractéristiques du feu électrique dans les armoires décrit dans le rapport du laboratoire IC 200 communiqué en cours d'expertise par la société Monaco Marine France: « Production de chaleur par effet Joule, transmission de la chaleur des ponts chauds vers les zones plus froides, ramollissement et fusion des isolants puis pyrolyse, inflammation des gaz et départ de feu. Les polymères des isolants se dégradent très rapidement ( entre 150 ° et 250°) et les fils se rapprochent avec apparition d'arcs électriques. La conjonction des gaz et des arcs électriques entraîne l'embrasement et l'incendie... » (pages 36 et 35 du rapport d'expertise).
L'expert observe enfin après examen des deux armoires électriques qui n'ont pas été détruites lors de l'incendie que les armoires louées étaient loin d'être étanches ( page 36 du rapport) et que le confinement, loin d'empêcher un départ de feu à l'intérieur de l'armoire par manque d'oxygène, explique au contraire que le dégagement calorifique ait pu calciner les composants internes de l'armoire ainsi que sa structure ( p.30 du rapport).
L'implication du dispositif en feutre dans l'incendie, hypothèse avancée par le laboratoire Analytica, n'est par ailleurs pas convaincante. Outre que les analyses n'ont révélé la présence d'aucune substance inflammable présente sur ce cylindre de feutre gris entouré de ruban adhésif orange, cet objet ne saurait être qualifié de suspect. En effet, la société Monaco Marine France a expliqué que le feutre était un textile utilisé couramment sur les chantiers pour la protection des coques et des échafaudages ( Page 30 du rapport d'expertise). D'ailleurs, une des photographies du chantier montre la présence sur un échafaudage d'un morceau de feutre maintenu enroulé autour d'un montant par de l'adhésif de couleur orange ( cf cliché n°1 page 4 du procès-verbal de constat du 7 février 2013 et page 14 du rapport d'expertise). Enfin, le faible pouvoir calorifique de ce cylindre de feutre, disproportionné à la vitesse et à l'ampleur de l'embrasement de l'armoire, finit d'ôter toute crédibilité à l'hypothèse de l'incendie provoqué par une intervention extérieure.
La cour retient donc que l'une des armoires électriques louées à la société Electrika a pris feu à la suite de l'échauffement anormal par effet Joule de ses composants internes imputable à un court-circuit.
Sur les fautes:
L'expert a imputé le sinistre à la conjonction de la faute commise par la locataire et de celle commise par la loueuse, la première ayant contribué à la réalisation du dommage à hauteur de 10% et la seconde à hauteur de 90%. Les premiers juges ont estimé cependant que les fautes respectives des deux contractants avaient contribué à parts égales à la réalisation du dommage.
Le tribunal a retenu contre la société Electrika que le mode de construction de ses armoires électriques n'était pas optimal et que leur état de contrôle et d'entretien était insuffisant, qu'elle n'avait pas pris la peine de visiter le chantier après le premier incident du 21 décembre 2012 qui avait affecté une de ses armoires électriques et que l'analyse de cet incident aurait peut-être permis d'éviter l'incendie survenu un mois plus tard.
La société Electrika conteste avoir commis le moindre manquement à ses obligations de bailleur telles que définies par les articles 1719 à 1721 du code civil.
Elle fait valoir en premier lieu que le matériel électrique loué était conforme à la norme NF 15 100 C et que les armoires étaient équipées de dispositifs de protection destinés à prévenir les risques d'électrocution et d'incendie en coupant le courant en une fraction de seconde en cas de court-circuit ou de dépassement d'intensité.
Elle estime en second lieu qu'elle n'était contractuellement tenue qu'à mettre temporairement du matériel à la disposition de la locataire laquelle était seule responsable de son utilisation: l'effet Joule, la résistance, l'intensité, le régime du neutre relèveraient selon elle du seul utilisateur responsable des installations et des appareils qu'il raccorde sur les prises de courant de l'armoire louée. Elle explique qu'en l'espèce elle n'avait pas la maîtrise des installations électriques qu'elle n'a pas fournies et qui ont été raccordées par la société Monaco Marine France, ses salariés ou ses sous-traitants, sur les prises électriques des armoires louées.
L'intimée fait d'ailleurs observer à la cour que la société locataire n'a produit aucun document émanant d'un organisme agréé et attestant que les trois armoires louées depuis le 7 novembre 2012 avaient été conformément branchées et utilisées.
Aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur a l'obligation de délivrer la chose louée conforme à l'usage qui en est prévu et en bon état de réparation de toute espèce. Il engage par conséquent sa responsabilité contractuelle si le mauvais état de la chose louée a causé un dommage au preneur.
La cour constate que lors de sa première visite sur les lieux, [M] [P] a examiné les deux armoires électriques louées que l'incendie n'avait pas détruit. Dans la première (ref 021), une prise de courant comportait des traces de surchauffe sur les deux connectiques phase et neutre ainsi que sur les raccordements à l'intérieur. Dans la seconde armoire ( ref 0631), des traces de surchauffe apparaissaient sur deux prises de courant ainsi que de nombreuses traces d'oxydation et de corrosion. La barrette de terre était aussi particulièrement oxydée ( photos page 7 du rapport d'expertise).
Selon l'expert, l'incendie est précisément imputable à l'état défectueux des armoires électriques louées. Dans sa conclusion finale, [M] [P] expose en effet que les échauffements anormaux par effet Joule à l'intérieur de l'armoire électrique qui ont provoqué l'incendie sont en relation avec l'état anormal et non-conforme observé sur les deux autres armoires louées ( mauvaises connectiques, état dégradé des composants, câbles blessés, corrosions avancées, brûlures de parois, câbles et composants des prises de courant, étanchéités dégradées...).
Après avoir souligné par ailleurs que la section des conducteurs était essentielle pour l'écoulement des courants de fuite entre phase et neutre ( page 18), l'expert a constaté que le câblage interne de l'armoire, réalisée par des conducteurs de 1,5 mm², n'était pas en adéquation avec l'intensité admissible de la prise. En effet, avec une longueur de câble de plus de 33 m et une charge de 1.500 W, les abaques selon l'expert indiquent une section minimum supérieure à 1,5 mm² ( page 20). De plus, selon le paragraphe 7.4.3.1.7 de la norme NF EN-60439-4, « la section de chacun des conducteurs de protection situés à l'intérieur d'un EC...ne doit pas être inférieure à 2,5mm². »
Ainsi que l'a conclu l'expert, les matériels loués ne répondaient donc pas aux exigences de la norme EN 60439-4 de mars 2005 et de la norme NF C 15100 qui décrivent les ensembles d'appareillages de basse tension ( EC) destinés à équiper les chantiers, c'est-à-dire les lieux de travail temporaires et qui ne sont pas accessibles au public où sont réalisés des travaux. En effet, les détériorations des prises de courant et des composants à l'intérieur des armoires louées, le défaut d'étanchéité desdites armoires, la section insuffisante des conducteurs et l'absence de révision du matériel démontrent que le matériel loué n'était pas conforme à la norme applicable et qu'il était en mauvais état.
En sa qualité de bailleur, la société Electrika a donc manqué à son obligation de délivrance prévue par les articles 1719 et 1720 du code civil.
Le tribunal a jugé par ailleurs que la société Marine Monaco France, locataire de l'armoire électrique impliquée dans le sinistre, était responsable pour moitié de la réalisation du dommage pour avoir omis de faire contrôler l'installation électrique qu'elle avait réalisée sur le chantier avec le matériel loué.
La société Monaco Marine France conteste ce partage de responsabilité au motif que la faute retenue n'est pas fondée en l'absence de toute obligation, légale ou contractuelle, imposant au locataire de faire contrôler par un organisme agréé le matériel loué et ses modalités d'utilisation.
L'article 1728 du code civil dispose que le preneur a deux obligations, celle de payer le loyer et celle d'user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.
L'article R 4226-15 du code du travail, lequel exige la vérification initiale des installations électriques lors de leur mise en service afin de vérifier leur conformité aux prescriptions de sécurité applicables par un organisme accrédité à cet effet, n'est pas applicable aux installations électriques temporaires.
Les documents contractuels versés aux débats ne stipulent pas non plus que le preneur a l'obligation de faire contrôler par un organisme habilité l'installation électrique qu'il a mise en place sur le chantier où le matériel électrique loué est utilisé.
La faute de la locataire retenue par les premiers juges n'est donc pas établie.
Celle invoquée par l'expert en conclusion de son rapport ne l'est pas davantage. En effet, [M] [P] a fait grief à la société Monaco Marine France d'avoir accepté sans refus ni réserves le matériel loué dont l'état était pourtant défectueux. Il a précisé que les anomalies qu'il avait constatées en examinant les armoires étaient visibles de l'extérieur ( page 35 du rapport). Toutefois, les photographies jointes à son rapport comme les constatations de [T] [C], expert maritime mandaté par l'assureur de la société Monaco Marine France, donnent à voir des détériorations situées en grande partie à l'intérieur des armoires électriques et donc non apparentes. La cour relève par ailleurs que l'expert a souligné qu'en l'état des relations contractuelles suivies entre le bailleur et le preneur, une relation de confiance s'était instaurée entre eux, ce qui a conduit la société Monaco Marine France à utiliser les armoires sans les contrôler, le contrôle préalable de l'état des armoires incombant de toute façon avant même leur livraison à la société Electrika.
La société Albingia, assureur du bailleur, expose quant à elle que la société Monaco Marine France a commis une faute en mettant en service les installations électriques du chantier sans aucune vérification préalable conforme aux dispositions réglementaires qui s'imposaient à elle en sa double qualité d'installateur et d'exploitant.
La société Monaco Marine France réplique qu'elle a mis en oeuvre le processus de vérification spécifique prévu par l'article R 4226-21 du code du travail afin de s'assurer que les installations électriques temporaires sont réalisées en conformité avec les règles de santé et de sécurité applicables. Elle précise que cette vérification a été réalisée en interne par l'un de ses salariés. Toutefois, la société Albingia reproche à la locataire de ne pas avoir justifié de l'attestation de compétence de cet agent et de ne pas avoir produit son rapport de vérification.
La faute alléguée par la société Albingia, à la supposer avérée, n'a aucun lien de causalité avec l'incendie d'origine électrique survenu à l'intérieur d'une armoire électrique louée et provoqué par des échauffements anormaux imputables à l'état défectueux des conducteurs et composants de ladite armoire.
Toutes les investigations techniques confirment en effet que seul l'état défectueux du matériel loué est à l'origine de l'incendie: les modalités d'utilisation de ce matériel dans le cadre de l'installation électrique mise en place par la locataire sur le chantier concernant le yacht Latitude sont donc étrangères à la réalisation du dommage. Le lien de causalité entre la faute supposée de l'utilisateur du matériel loué et l'incendie n'est donc pas caractérisé.
La responsabilité de la société Monaco Marine France sera donc écartée et la société Electrika tenue à réparer la totalité du dommage causé à sa cocontractante.
Sur la garantie due par la compagnie d'assurances Albigia à son assurée la société Electrika:
Le 21 avril 2011, la sarl Groupe Electrika a souscrit auprès de la compagnie d'assurances Albingia une police d'assurances n°RC 1103961 couvrant sa responsabilité civile.
Les conditions personnelles du contrat contiennent une rubrique intitulée: « assurés additionnels » parmi lesquels figure la sarl Electrika 84 dont le siège se situe [Adresse 4] ainsi qu'une rubrique intitulée « activités de l'assuré » laquelle est ainsi rédigée: « location et installation ( limitée aux branchements) de matériel électrique ( câbles et transformateurs) pour des manifestations évènementielles, A L'EXCLUSION DE TOUTE INTERVENTION AU NIVEAU DES BATIMENTS ».
La société Albingia, après avoir rappelé que l'assureur n'est tenu à garantie que dans les limites du champ d'activité professionnelle déclaré par l'assuré, estime que le contrat de location de matériel électrique pour une durée de treize semaines souscrit par la société Monaco Marine France pour les besoins de son activité de chantier naval a été conclu en dehors de l'activité de location de matériel électrique pour des manifestations évènementielles telle que déclarée expressément dans la police d'assurances.
Elle en déduit que les garanties de la police d'assurances n°RC 1103961 ne sont pas mobilisables.
La société Electrika soutient au contraire qu'entre bien dans le champ de l'activité déclarée dans la police d'assurances le contrat de location conclu avec la société Monaco Marine France, lequel portait sur du matériel électrique très commun ( câbles et armoires électriques) mis à disposition ponctuellement et pour une durée déterminée entrant dans la notion d'évènementiel et non sur une installation définitive ou au niveau des bâtiments. Elle affirme que la notion de manifestation évènementielle n'a pas été définie par la police d'assurances et peut donc couvrir, outre des foires et des salons, la simple fourniture temporaire de matériel électrique ordinaire à une entreprise qui peut les utiliser pour des réaliser des travaux ou pour organiser une réception. Elle souligne enfin que le contrat litigieux n'entre pas dans la seule exclusion de garantie stipulée par l'assureur, à savoir une intervention au niveau des bâtiments.
Pour condamner la société Albingia à relever et garantir son assurée, les premiers juges se sont fondés sur les motifs suivants: « attendu que l'extrait Kbis de la sarl Electrika L'évènemential Electrique fait apparaître entre autres activités exercées: « tous travaux d'éclairage temporaire d'ambiance et de sécurité dans les chapiteaux », qu'une structure en échafaudages recouverte d'une peau en matériaux thermoformés s'apparente à un chapiteau dans
sa déclinaison contemporaine, que sur cette opération particulière, la société Electrika a loué coffrets électriques et du câble devant servir à un éclairage d'ambiance du confinement, que le terme de « manifestations évènementielles » n'est pas suffisamment précis et restrictif pour pouvoir exclure des garanties un éclairage d'ambiance dans le confinement provisoire d'un chantier ».
La cour relève que le matériel électrique loué était destiné à éclairer le chantier de peinture du yacht Latitude d'une longueur de cinquante-deux mètres et que la coque en plastique installée autour de l'échafaudage dont la seule fonction était de protéger le chantier ne saurait sérieusement être assimilée à un chapiteau, structure à revêtement souple destinée à accueillir du public lors de manifestations sportives, culturelles ou festives.
De même, l'éclairage d'ambiance évoqué par le tribunal est peu approprié en raison de son intensité modérée à un chantier dans lequel des ouvriers sont occupés à poncer puis à peindre les surfaces d'un navire.
Même si le terme de manifestation évènementielle n'a pas été expressément définie dans le contrat d'assurances, il reste qu'il s'agit d'une notion précise dont l'emploi fréquent de nos jours permet de dire qu'elle est communément admise. Si le mot évènementiel renvoie dans son sens originel à tout ce qui a trait à un événement, il désigne aujourd'hui un important secteur d'activité du tertiaire ' le secteur de l'évènementiel ' qui regroupe les professionnels organisant des évènements ( foires, salons, festivals,...) pour le compte d'entreprises, de particuliers ou d'institutions.
Les travaux de peinture d'un yacht par une entreprise de chantier naval ne peut donc être assimilée à une manifestation évènementielle et la location de matériel électrique pour les besoins de ce chantier n'est donc pas couverte par l'assurance susvisée qui ne garantit les dommages causés que dans le cadre de la location de matériel destinée à des manifestations évènementielles.
L'activité déclarée dans la police d'assurances participant à la délimitation de la garantie de l'assureur, la société Albingia oppose donc à bon droit son refus de garantie fondé sur le fait que le dommage ne s'est pas réalisé dans le cadre de l'activité déclarée.
L'argumentation de la société Monaco Marine France fondée sur les dispositions de l'article L 113-9 du code des assurances pour démontrer que la société Albingia est tenue de garantir le dommage qu'elle a subi est inopérante, la disposition invoquée concernant l'annulation du contrat d'assurances pour sanctionner la fausse déclaration de l'assuré ayant trompé l'assureur sur le risque à assurer et non le champ d'application de la garantie.
La société Albingia demande à la cour de condamner in solidum la société Monaco Marine France et son assureur à lui rembourser la somme de 165.251,32 euros qu'elle a payée en exécution du jugement frappé d'appel avec capitalisation des intérêts à compter du 26 janvier 2017, date à laquelle elle a exécuté le jugement.
La société Monaco Marine France s'y oppose à juste titre, car l'assureur qui s'acquitte pour le compte de son assuré du paiement d'une indemnité à laquelle la victime d'un dommage avait droit, ne peut, étant ensuite déclaré non tenu à garantie, obtenir le remboursement des sommes versées pour le compte de l'assuré.
En effet, les sommes dont la société Albingia réclame le remboursement sont dues par la société Electrika, son assurée à la société Monaco Marine France, laquelle n'a donc pas bénéficié d'un paiement indû. Le vrai bénéficiaire du paiement indû est la société Electrika, dont la dette a été acquittée par son assureur alors qu'il n'était pas tenu à garantie. ( Civ. 1ère, 23 septembre 2003 bull n°185;, Civ 2 ème 26 avril 2007 bull n° 106, Civ 3ème 29 Février 2012).
Sur l'indemnisation du préjudice:
La société Monaco Marine France expose que la combustion de l'armoire électrique louée à la société Electrika a répandu d'importantes quantités de fumées noire, de suie et de projections de plastique fondu sur toute la longueur du yacht dont les surfaces venaient d'être poncées avant d'être repeintes.
L'expert a estimé le préjudice total subi par le preneur à la somme de 283.224 euros.
Cette évaluation n'est contestée ni par le bailleur ni par son assureur.
La compagnie d'assurances Axa, assureur de la société Monaco Marine France, a réglé à son assurée la somme de 255.380,45 euros et, subrogée dans les droits de la société MMF, réclame le paiement de cette somme.
La société Monaco Marine France réclame le paiement de la somme de 27.843,55 euros restée à sa charge.
La société Electrika sera donc condamnée à payer à la compagnie Axa la somme de 90129,13 euros, différence entre l'indemnité de 255.380,45 euros que cette compagnie d'assurances a versée à la société Monaco Marine France, son assurée, et la somme de 165.251,32 euros réglée par la société Albingia en exécution du jugement frappé d'appel.
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts.
La société Electrika sera condamnée aussi à payer à la société Monaco Marine France la somme de 27.843,55 euros, représentant la différence entre le montant de son préjudice ( 283.224 euros) et celui de l'indemnité versée par son assureur, la compagnie Axa ( 255.380,45 euros).
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts.
Sur la demande reconventionnelle de la société Electrika:
La société Electrika sollicite le règlement de deux factures de location des 4 décembre 2012 et 19 Février 2013 d'un montant total de 5.651,10, ainsi que la somme de 43.715 euros au titre de la perte d'exploitation subie à la suite de la non restitution des armoires de 2013 à 2015 inclus.
La société Monaco Marine France conteste être redevable de ces sommes, au motif que la fourniture d'un matériel défectueux la délivre de son obligation de payer le prix de la location du matériel et de la destruction d'une des armoires électriques. Elle refuse de régler au titre la perte d'exploitation le prix de la location à compter de 2013 des trois armoires qui sont restées dans ses locaux sur le fondement de la clause du contrat stipulant que le bailleur s'engage à livrer et à reprendre le matériel loué ( cf page 2 et 3 du devis n°13279/12).
L'incendie étant entièrement imputable à la faute du bailleur qui a livré un matériel défectueux, le bailleur ne peut réclamer à la locataire la somme de 1.794 euros en remboursement de l'armoire électrique entièrement détériorée lors du sinistre.
L'état défectueux des armoires électriques louées s'est manifesté, un mois à peine après le début de la location, par la fonte d'un porte-fusible, puis deux mois plus tard par le déclenchement d'un incendie qui a causé un grave dommage à la société locataire. Il a ainsi représenté un danger indéniable pour la sécurité des biens et des personnes présents dans les locaux de l'entreprise locataire. Le manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'un matériel conforme aux normes de sécurité applicables et en bon état est suffisamment grave pour affranchir entièrement la locataire de son obligation de payer le prix de la location qui n'a duré que treize semaines.
Les termes clairs et dénués d'ambiguïté du devis n°13279/12 établi par la société Electrika mettent à sa charge la livraison mais aussi la reprise du matériel loué. Elle ne peut donc réclamer aucune perte d'exploitation découlant du fait que le matériel loué soit resté durant près de trois ans dans les locaux de la locataire. Elle ne peut pas davantage demander la condamnation de sa contractante à restituer sous astreinte le matériel loué.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
L'équité justifie de condamner la sarl Electrika à payer la somme de 3.000 euros à la société Albingia et celle de 4.000 euros chacune à la société Marine Monaco France et à la société Axa au titre de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS:
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement,
Déclare recevable l'exception de nullité de l'expertise soulevée par la société Electrika et la rejette,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la sarl Electrika est entièrement responsable du préjudice subi par la société Monaco Marine France,
La condamne à payer à la compagnie Axa en partie subrogée dans les droits de la société Monaco Marine France la somme de 90.129,13 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Condamne la sarl Electrika à payer à la société Monaco Marine France la somme de 27.843,55 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Déboute la sarl Electrika de sa demande tendant à condamner la société Albingia à la relever et garantir de ses condamnations ainsi que de sa demande reconventionnelle dirigée contre la société Monaco Marine France,
Déboute la société Monaco Marine France et la compagnie d'assurances Axa de leurs demandes dirigées contre la société Albingia,
Déboute la société Albingia de sa demande tendant au remboursement des sommes versées en exécution du jugement entrepris,
Condamne la sarl Electrika à payer la somme de 3.000 euros à la société Albingia et celle de 4.000 euros chacune à la société Marine Monaco France et à la compagnie d'assurances Axa Sur l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux entiers dépens.
LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE