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03/12/2020 | FRANCE | N°19/10538

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 03 décembre 2020, 19/10538


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 03 DECEMBRE 2020



N° 2020/ 318













Rôle N° RG 19/10538 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQUL







SCI PASSAGE DU PORT





C/



Me [C] [G]

[T] [V]

SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES

SCI SUFFREN



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :







Me Bernard

HAWADIER



Me Romain CHERFILS



Me Jean-Marc CABRESPINES





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 20 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03671.





APPELANTE



SCI PASSAGE DU PORT représentée par Me [E] [P] demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 03 DECEMBRE 2020

N° 2020/ 318

Rôle N° RG 19/10538 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQUL

SCI PASSAGE DU PORT

C/

Me [C] [G]

[T] [V]

SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES

SCI SUFFREN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Bernard HAWADIER

Me Romain CHERFILS

Me Jean-Marc CABRESPINES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 20 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03671.

APPELANTE

SCI PASSAGE DU PORT représentée par Me [E] [P] demeurant [Adresse 2] pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la SCI PASSAGE DU PORT, dont le siège social est [Adresse 7]

plaidant par Me Bernard HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Maître [C] [G] prise en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SCI PASSAGE DU PORT, domiciliée en cette qualité au [Adresse 5]

plaidant par Me Bernard HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Monsieur [T] [V]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6], demeurant [Adresse 8]

SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentés par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (postulant) et plaidant par Me Philippe BARTHELEMY de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

SCI SUFFREN prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 4]

représentée par Me Jean-Marc CABRESPINES, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pascal GUICHARD, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Monsieur Pascal GUICHARD, Conseiller

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anne-Marie MORETON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2020,

Signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Mme Anne-Marie MORETON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Agissant en qualité de propriétaire du lot 189 (ex 130) de la copropriété du [Adresse 3], la SCI PASSAGE DU PORT a conclu le 27 avril 1999 un bail commercial

avec Monsieur [T] [V] agissant pour le compte de l'agence immobilière des CHAMPS ELYSEES.

Le 2 novembre 2000, la SCI PASSAGE DU PORT a conclu avec la société IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES, représentée par le même Monsieur [V], un deuxième bail commercial indépendant portant sur un autre local situé au rez-de-chaussée de la même galerie commerçante du Passage du Port et constituant le lot numéro 164 (ex 125) de la copropriété du [Adresse 3].

La SCI SUFFREN a revendiqué la propriété du lot numéro 189 (ex 130) qualifié de terrasse.

Par un arrêt définitif rendu le 19 décembre 2006, qui confirmait un jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan du 7 septembre 2005, il a été jugé que ce lot constituait sa propriété. Cette même décision a condamné la SCI PASSAGE DU PORT à restituer ladite terrasse sous astreinte de 300 € par jour de retard.

Un très lourd contentieux a opposé la SCI PASSAGE DU PORT à la SCI SUFFREN concernant

l'exécution de cet arrêt.

Se considérant contrainte d'obtenir le départ de son locataire commercial du local constituant le lot 189 la SCI PASSAGE DU PORT a fait délivrer successivement deux congés avec refus de renouvellement et offre de paiement d'indemnité d'éviction les 13 juin 2008 à Monsieur [V] concernant le bail du 27 avril 1999 et le 20 janvier 2009 à la SARL IMMOBILIERE CHAMPS ELYSEES concernant le bail du 2 novembre 2000.

Un contentieux s'en est suivi devant le Tribunal de Grande Instance de Draguignan qui a fait l'objet d'un jugement du 11 mai 2010 par lequel les demandes de la société locataire ont été déclarées recevables, un expert ayant été désigné afin d'évaluer l'indemnité d'éviction.

Cet expert a déposé son rapport au vu duquel la société IMMOBILIERE CHAMPS ELYSEES a fait signifier des conclusions sollicitant la condamnation de la SCI PASSAGE DU PORT au paiement de l'indemnité d'éviction pour un montant de 646.510 €.

La SCI PASSAGE DU PORT a été placée sous l'administration provisoire de Maître [E] [P] en raison d'une mésentente entre associés. Son état de cessation des paiements entraînait l'ouverture de son redressement judiciaire par un jugement définitif du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 1er avril 2016.

A la suite de ce jugement :

' La société IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES a déclaré sa créance d'indemnité

d'éviction qui a fait l'objet d'une ordonnance de sursis à statuer de la part du juge-commissaire.

' La SCI SUFFREN a pour sa part déclaré l'ensemble des sommes qui lui étaient dues au titre

des astreintes liquidées ou en cours de liquidation ainsi que des dommages-intérêts.

La SCI PASSAGE DU PORT a obtenu du Tribunal de Grande Instance de Draguignan l'arrêté d'un plan de redressement par apurement de son passif selon jugement définitif en date du 31 mars 2017.

Dans le cadre de l'instance pendante relativement à la fixation de l'indemnité d'éviction, la SCI

PASSAGE DU PORT décida :

' D'appeler dans la cause la société propriétaire du local à savoir la SCI SUFFREN afin que la procédure se déroule à son contradictoire.

' De demander au Tribunal de lui donner acte de ce qu'elle renonçait à solliciter la validation du congé avec refus de renouvellement.

' A titre subsidiaire d'exercer son droit de repentir en ce qui concerne le lot 189 (ex 130) devenu la propriété de la SCI SUFFREN.

' D'exercer son droit de repentir en ce qui concerne le lot 164 (ex 125) du rez-de-chaussée dont elle est demeurée propriétaire.

Le juge de la mise en état statuant sur l'incident formé par la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES qui demandait de dire et juger que les loyers dûs par la SCI PASSAGE DU PORT seront consignés entre les mains de la CARPA, par ordonnance du 10 avril 2018 rejetait la demande de la SARLIMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES.

Le Tribunal de Grande Instance de Draguignan par jugement du 20 juin 2019, a :

DECLARÉ irrecevable les demandes de la SCI PASSAGE DU PORT à l'encontre de la SCI SUFFREN ;

REJETÉ la demande d'annulation du congé du 13 juin 2008 ;

CONDAMNÉ la SCI PASSAGE DU PORT à payer à la SARL DES CHAMPS ELYSEES la somme de six cent quarante-six mille cinq cent dix euros (646.510 euros) à titre d'indemnité d'éviction ;

CONSTATÉ que la demande de paiement de dommages-intérêts au titre de la garantie d'éviction de la SARL DES CHAMPS ELYSEES envers la SCI PASSAGE DU PORT est sans objet ;

REJETÉ les demandes de la SARL DES CHAMPS ELYSEES à l'encontre de la SCI SUFFREN ;

FIXÉ le montant de l'indemnité d'occupation dûe au titre de l'occupation du local du rez-de-chaussée objet du bail de 2000 à la somme de 10.969 euros par an HT et hors charges et

CONDAMNÉ en tant que de besoin la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES à la payer à la SCI PASSAGE DU PORT à compter du 31 octobre 2009 et jusqu'à la date du paiement de l'indemnité d'éviction ou jusqu'à sa libération des lieux ;

CONDAMNÉ la SCI PASSAGE DU PORT à payer à la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNÉ la SCI PASSAGE DU PORT à payer à la SCI SUFFREN la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETÉ la demande de la SCI PASSAGE DU PORT au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ la SCI PASSAGE DU PORT aux dépens revouvrés directement par les avocats de la cause qui en ont fait la demande et l'avance.

La SCI PASSAGE DU PORT représentée par Maître [E] [P] pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SCI PASSAGE DU PORT a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 1er juillet 2019.

Suivant ses dernières conclusions notifiées le 3 août 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens la SCI PASSAGE DU PORT assistée de Maître [E] [P] administrateur à son redressement judiciaire et Maître [C] [G] en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SCI PASSAGE DU PORT demandent de :

Réformer l'ordonnance du 10 avril 2018 et le jugement du 20 juin 2019 sauf en ce qu'il a dit et jugé le bail du 27 avril 1999 opposable à la SCI SUFFREN.

Voir la SCI SUFFREN prendre toutes conclusions qu'elle jugera utiles et s'entendre déclarer commun l'arrêt à intervenir.

Dire et juger que M. [V] ne peut se prévaloir du droit au renouvellement du bail du 27 avril 2009.

Dire et juger que la SARL IMMOBILIERE CHAMPS ELYSES à qui ce bail du 27 avril 2009 n'a pas été cédé ne peut se prévaloir du droit au renouvellement et percevoir l'indemnité d'éviction.

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la SCI PASSAGE DU PORT a valablement exercé son droit de repentir concernant le congé du 13 juin 2008 et en tirer toutes conséquences de droit.

A titre encore plus subsidiaire, dire et juger nul et de nul effet le congé délivré le 13 juin 2008.

A titre infiniment subsidiaire,

' Dire et juger que la SCI PASSAGE DU PORT a valablement exercé son droit de repentir concernant le congé du 29 septembre 2009 (bail du lot 125) et en tirer toutes conséquences de droit moyennant un loyer mensuel à fixer à dire d'expert qui sera désigné par le Tribunal avec la mission habituelle.

' Désigner un nouvel expert pour évaluer l'indemnité d'éviction du seul lot 189.

A titre infiniment plus subsidiaire, dire et juger que la créance d'indemnité d'éviction sera fixée au passif au montant proposé par l'expert [W] sauf pour la Cour à désigner un nouvel expert pour évaluer cette indemnité et ne pourra faire l'objet d'aucune condamnation en paiement.

Rejeter la demande subsidiaire de la SARL IMMOBILIERE CHAMPS ELYSES de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1719 du Code Civil en l'absence de déclaration entre les mains de Me [G] dans le cadre du RJ de la SCI PASSAGE DU PORT et en l'absence de préjudice indemnisable.

Dire et juger à titre infiniment subsidiaire que dans l'hypothèse où il serait jugé que la SCI PASSAGE DU PORT serait débitrice de l'indemnité d'éviction elle serait créancière de l'ensemble des loyers et des indemnités d'occupation dûes jusqu'au départ effectif des lieux, lesquelles indemnités d'occupations devront être fixées sur la base des conclusions du rapport d'expertise à 25.500 € et subsidiairement 17.000 € réévaluée à la date de l'arrêt à intervenir pour le lot 158 et 10.969 € à réévaluer à la date de l'arrêt à intervenir pour le lot 125.

Condamner la SARL IMMOBILIERE CHAMPS ELYSES au paiement de 10.000 € par application de l'article 700 du CPC et aux dépens.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens Monsieur [T] [V] et la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEEES demandent de :

Dire et juger que l'appel de la SCI PASSAGE DU PORT sera rejeté.

Réformer partiellement le jugement frappé d'appel.

Dire et juger que les deux baux passés entre les parties intéressaient la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES, dans le premier bail Monsieur [V]

agissant en tant que Gérant de la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES.

En tout état de cause dire et juger que la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES étant dans les lieux depuis l'année 2009, la propriété commerciale sur les locaux litigieux serait acquise à la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES.

Dire et juger que la SCI PASSAGE DU PORT ne saurait valablement exercer son droit de repentir concernant le congé du 13.06.2008 dans la mesure où la proposition d'un nouveau bail n'est pas possible à mettre en 'uvre.

Dire et juger en conséquence que le congé délivré le 13.08.2008 ne saurait être annulé ainsi que celui du 29.09.2009.

Dire et juger sur l'argument subsidiaire que la SCI PASSAGE DU PORT n'a sûrement pas exercé son droit de repentir concernant le congé du 29.09.2009, les baux étant indivisibles.

Dire et juger n'y avoir lieu à nouvel Expert pour évaluer l'indemnité d'éviction.

Dire et juger que Maître [G] et la SCI PASSAGE DU PORT devront être condamnées solidairement à régler cette indemnité d'éviction et dire subsidiairement qu'elle sera fixée au passif du redressement judiciaire pour une somme de 646.510 € augmentée des intérêts au taux légal devant courir au jour de l'assignation.

Voir homologuer en ce sens le rapport de Madame [K] comme étant fondé et avaliser la somme de 646.510 € comme indemnité globale portant sur les deux lots indivisibles.

Dire et juger subsidiairement, si la Cour considérait que le droit de repentir pouvait être exercé par la SCI PASSAGE DU PORT que cette dernière devra être condamnée in solidum avec la SCI SUFFREN au paiement de la somme de 646.510 € à titre de dommages et intérêts en vertu de la violation du principe de la garantie d'éviction avec intérêts au taux légal à compter du 23.07.2013 faisant application ainsi de l'article 1719 du Code Civil.

Dire et juger que par les décisions de Justice rendues entre la SCI PASSAGE DU PORT et la SCI SUFFREN, la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES se voit dépouillée de tout son outil de travail sans toucher le moindre centime.

Dire et juger que la SCI SUFFREN n'a pas fait valoir son positionnement définitif dans ce dossier et prendre connaissance de la signification d'un acte de conversion délivré le 07.10.2019 à la SCI PASSAGE DU PORT.

Dire juger subsidiairement, si la SCI PASSAGE DU PORT était exonérée de condamnations, que la SCI SUFFREN sera condamnée à régler une somme de 646.510 € à titre de dommages et intérêts et au paiement de la garantie d'éviction en vertu de l'article 1719 du Code Civil étant tenu par le bail passé par son mandataire apparent la SCI PASSAGE DU PORT.

Condamner solidairement la SCI PASSAGE DU PORT et Maître [G] à régler une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner la SCI PASSAGE DU PORT, et Maître [P] es-qualité aux entiers

dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocats associés, aux offres de droit.

Suivant ses dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens la SCI SUFFREN demande de :

DEBOUTER la SCI PASSAGE DU PORT des fins de son appel,

CONFIRMER le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

CONDAMNER la SCI PASSAGE DU PORT à régler à la SCI SUFFREN la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER la SCI PASSAGE DU PORT aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction intervenait le 22 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions des articles 561 à 567 du code de procédure civile l'appel remet la chose jugée en question devant la cour devant laquelle est déférée la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Pour justifier en appel les prétentions qu'ils avaient soumises au premier juge les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. À peine d'irrecevabilité soulevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Sur la propriété commerciale de la SARL IMMOBILIÈRE DES CHAMPS ÉLYSÉES

La SCI PASSAGE DU PORT soutient que ni Monsieur [V], ni la SARL IMMOBILIÈRE DES CHAMPS ÉLYSÉES ne peuvent se prévaloir de la propriété commerciale sur le lot 189 faute d'avoir été régulièrement immatriculés au registre du commerce à la date pour laquelle le congé a été délivré alors que les deux baux du local du premier étage et de celui du rez-de-chaussée ont été successivement délivrés au profit de deux locataires distincts, à savoir pour le bail du 27 avril 1999 portant sur le lot numéro 189, au profit de Monsieur [V], gérant de l'agence immobilière des CHAMPS-ÉLYSÉES et pour le bail commercial du 2 novembre 2000 portant sur le lot numéro 125, au profit de la SARL IMMOBILIÈRE CHAMPS ÉLYSÉES.

Cette prétention de la SCI PASSAGE DU PORT se heurte cependant à l'autorité de la chose jugée par le Tribunal de grande instance de Draguignan lequel, par jugement du 11 mai 2010, avait déclaré recevable les demandes de la SARL IMMOBILIÈRE DES CHAMPS ÉLYSÉES aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction suite aux congés délivrés, le tribunal ayant dit que le locataire était en droit d'obtenir une indemnité d'eviction et désigné un expert.

Sur la nullité du congé délivré le 13 juin 2008

La SCI PASSAGE DU PORT soutient que le congé avec refus de renouvellement délivré le 13 juin 2008 serait nul pour avoir été délivré par erreur à la requête d'une société qui n'était plus propriétaire des murs.

Il est répondu à juste titre à cette prétention que le congé a bien été délivré par le propriétaire apparent qui avait la jouissance paisible des lieux et qu'il n'a jamais été porté à la connaissance du locataire que la SCI PASSAGE DU PORT n'était plus propriétaire.

Il a été au surplus expressément validé par le Tribunal de grande instance de Draguignan par le dispositif de son jugement du 11 mai 2010.

Il n'y a pas lieu dans ces conditions de faire droit à cette demande.

Sur le droit de repentir de la SCI PASSAGE DU PORT concernant le congé du 29 septembre 2009 (bail du lot 125, devenu 164)

La SCI PASSAGE DU PORT soutient avoir consenti deux baux distincts pour le local du premier étage de la galerie commerçante et pour le local du rez-de-chaussée. Elle reconnaît que le tribunal a considéré que l'indemnité d'éviction ne pouvait pas être calculée individuellement pour chaque local au motif que l'activité exercée de manière globale dans les deux locaux, le petit local vitrine du rez-de-chaussée éant considéré comme uniquement destiné à attirer la clientèle et à l'informer de l'existence du bureau du premier étage. Elle affirme que cela ne signifie pas que l'exercice d'une activité soit impossible dans le local du rez-de-chaussée et que l'indivisibilité qui rendrait sans objet l'exercice du droit de repentir et donc le renouvellement du local du rez-de-chaussée doit être caractérisée par l'impossibilité d'exercer l'activité envisagée dans ce local. Elle critique par ailleurs l'indemnité d'éviction, fixée par l'expert judiciaire au motif qu'elle serait d'un montant totalement disproportionné avec la réalité alors que Madame [W], désignée par le juge-commissaire dans le cadre du redressement judiciaire de la SCI PASSAGE DU PORT, l'évalue à 56'000 €.

L'expert a cependant fixé l'indemnité d'occupation à juste titre en fonction des deux baux qui s'avéraient indivisibles alors qu'aucune activité ne peut décemment et humainement être exercée dans un local de 4 , voire 7 m², compte tenu de la configuration des lieux qui apparaissent bien, contrairement aux prétentions de l'appelante, indivisibles pour l'exercice d'une activité commerciale.

Madame [W] elle-même en page 37 et 38 de son rapport précise que s'agissant du lot 164 il s'agit d'un petit local commercial sis au rez-de-chaussée du centre commercial au nord-est, qu'il est dans le passage permettant de rejoindre la rue [Adresse 9] et bénéficie donc d'une bonne visibilité, qu'il est de forme trapézoïdale et possède de belles vitrines permettant ainsi à l'agence immobilière d'exposer partie de ces produits... que ce local permet à l'agence immobilière de générer de nombreux contacts et ne permet pas d'exploiter l'activité commerciale... la surface utile du local étant d'environ 4 m² arrondis.

Il y a lieu en conséquence, au regard du caractère indivisible des deux baux, de débouter la SCI PASSAGE DU PORT de sa demande relative au droit de repentir et en désignation d'un nouvel expert.

Sur l'indemnité d'éviction

L'indemnité d'éviction fixée par l'expert Madame [K] selon rapport du 23 juillet 2013 à la somme de 646.510 € n'a fait l'objet selon les termes du jugement dont appel d'aucune contestation par la bailleresse devant le premier juge. Devant la cour la SCI PASSAGE DU PORT évoque l'expertise réalisée par Madame [W] le 1er décembre 2016 suggérant une indemnité d'éviction un montant 10 fois inférieure pour solliciter l'organisation d'une nouvelle mesure d'instruction.

Il convient cependant d'observer que le rapport d'expertise de Madame [W] a été établi hors la présence de Monsieur [V] et de la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES en se fondant sur des résultats d'exploitation de cette dernière société au cours des années 2013 2014 et 2015 et d'autre part qu'il ne porte que sur l'évaluation de l'indemnité d'éviction liée à la résiliation du bail portant sur le lot numéro 164 à hauteur de 56.000 €.

Le rapport du premier expert n'est pas dans ces conditions sérieusement contesté et il ne saurait être en conséquence ordonné dans ces conditions une nouvelle mesure d'instruction.

Sur l'indemnité d'occupation

Le premier juge a justement fixé l'indemnité d'occupation au titre du local du rez-de-chaussée à la somme de 10.969 € par an sur le fondement du rapport d'expertise il convient en conséquence de confirmer également cette disposition du jugement sans qu'il y ait lieu à réévaluation.

Sur les autres demandes

Il convient conformémément aux dispositions des articles L 622-17 et suivants du code de commerce d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle condamne la SCI PASSAGE DU PORT à payer à la SARL DES CHAMPS ELYSEES la somme de 646.510 € à titre d'indemnité d'éviction et de dire que cette indemnité sera fixée au passif du redressement judiciaire de la SCI PASSAGE DU PORT avec intérêts aux taux légal à compter de l'assignation introductive d'intance.

Il convient de faire droit, tout en la réduisant de plus justes proportions, aux demandes de Monsieur [V], de la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES et de la SCI SUFFREN au titre des frais irrépétibls qu'il apparaît inéquitable de laisser à leur charge.

La SCI PASSAGE DU PORT partie succombante supportera les entiers dépens avec distraction au profit des avocats de la cause sur leur affirmation de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle condamne la SCI PASSAGE DU PORT à payer à la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES la somme DE SIX CENT QUARANTE SIX MILLE CINQ CENT DIX EUROS (646.510 euros) à titre d'indemnité d'éviction ;

Statuant à nouveau,

Fixe au passif de la SCI PASSAGE DU PORT la somme de SIX CENT QUARANTE SIX MILLE CINQ CENT DIX EUROS (646.510 euros) à titre d'indemnité d'éviction avec intérêts aux taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance ;

Confirme la décision déférée en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que les baux passés entre les parties sont indivisibles ;

Condamne la SCI PASSAGE DU PORT à payer à Monsieur [T] [V] et à la SARL IMMOBILIERE DES CHAMPS ELYSEES la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédute civile ;

Condamne la SCI PASSAGE DU PORT à payer à la SCI SUFFREN la somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédute civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SCI PASSAGE DU PORT au entiers dépens avec distraction au profit des avocats de la cause sur leur affirmation de droit.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/10538
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°19/10538 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;19.10538 ?
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