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26/11/2020 | FRANCE | N°18/14867

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 26 novembre 2020, 18/14867


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 26 NOVEMBRE 2020



N° 2020/298













Rôle N° RG 18/14867 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDB6N







Société BIENTINA SRL EN LIQUIDATION





C/



SAS ONE OFFICE NICOIS DE L'EMBALLAGE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jérôme ZUCCARELLI

Me Alexandra MASSON BETTATIr>












Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 13 Avril 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2017004046.





APPELANTE



Société BIENTINA SRL, agissant par son représentant légal Monsieur [O] [S], ès qualités de ma...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 26 NOVEMBRE 2020

N° 2020/298

Rôle N° RG 18/14867 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDB6N

Société BIENTINA SRL EN LIQUIDATION

C/

SAS ONE OFFICE NICOIS DE L'EMBALLAGE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jérôme ZUCCARELLI

Me Alexandra MASSON BETTATI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 13 Avril 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2017004046.

APPELANTE

Société BIENTINA SRL, agissant par son représentant légal Monsieur [O] [S], ès qualités de mandataire liquidateur,

dont le siège social est sis [Adresse 2] (ITALIE)

représentée par Me Jérôme ZUCCARELLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SAS ONE, OFFICE NICOIS EMBALLAGE, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Alexandra MASSON BETTATI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2020 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller, magistrat rapporteur

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2020,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La Bientina SRL est une société à responsabilité limitée de droit italien spécialisée dans la vente en gros d'emballages en carton.

En liquidation selon procédure ouverte par jugement du tribunal de Lucca du 12 avril 2011, elle a, par courrier de son conseil du 28 octobre 2011, sollicité de la SAS Office Niçois de l'Emballage, sise à [Localité 3], le paiement de la somme en principal de 59.281,32 euros en règlement de treize factures s'échelonnant du 18 décembre 2008 au 25 mars 2011.

Par courrier recommandé du 20 février 2017, la société de droit italien Bientina SRL a, par son conseil, mis en demeure la SAS Office Niçois de l'Emballage de lui régler lesdites factures impayées pour un montant de 59.281,32 euros.

Le 2 mai 2017, M. [O] [S], en sa qualité de liquidateur représentant la société Bientina SRL en liquidation, a déclaré que cette dernière disposait à l'encontre de la SAS Office Niçois de l'Emballage d'une créance de 58.498,63 euros au titre de dix factures s'échelonnant du 3 février 2011 au 25 mars 2011.

Par acte du 3 juillet 2017, la société de droit italien Bientina SRL a fait assigner la SAS Office Niçois Emballage en paiement devant le tribunal de commerce d'Antibes.

Par jugement du 13 avril 2018, ce tribunal a :

' dit que la société Bientina SRL est à l'origine de la rupture brutale des relations contractuelles,

' dit que la loi française trouve à s'appliquer,

' prononcé l'application de la prescription quinquennale résultant de la loi du 17 juin 2008 en son article L 110-4 du code de commerce,

' dit que l'action de la société Bientina SRL est mal fondée comme prescrite,

' débouté la société Bientina SRL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' condamné la société Bientina SRL à payer à la SAS ONE Office Niçois Emballage la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société Bientina SRL aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 17 septembre 2018, la société Bientina SRL, représentée par M. [O] [S], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Bientina SRL, a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées et déposées le 13 décembre 2018, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :

- déclarer recevable sa demande,

en conséquence,

- réformer le jugement de première instance,

in limine litis :

' constater et déclarer l'application de la loi italienne aux termes de l'article 4 du Règlement Rome I du 17 juin 2008,

' constater et déclarer applicable en l'espèce la prescription ordinaire décennale selon l'article 2946 du code civil italien,

en principal :

' constater et déclarer l'obligation de la société ONE Office Niçois Emballage au paiement du prix indiqué dans les factures produites,

en conséquence,

' condamner la société ONE Office Niçois Emballage au paiement de la somme de 58.498,63 euros, correspondant aux factures s'échelonnant du 3 février 2011 au 25 mars 2011, en sa faveur,

' la condamner également au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts en sa faveur,

' condamner la société ONE Office Niçois Emballage au paiement d'une somme de 33.213,59 euros au titre d'intérêts moratoires pour le retard en sa faveur outre les intérêts successifs au 12 décembre 2018 à calculer jusqu'au paiement de la somme en principal,

' condamner la société ONE Office Niçois de l'Emballage au paiement de 5.000 euros au terme de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur et aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 12 mars 2019, la SAS ONE, Office Niçois Emballage, demande à la cour de :

à titre principal :

' constater que la demanderesse n'a pas capacité à agir,

' constater que la SRL Bientina a elle-même saisi un avocat français et une juridiction française,

' constater que les conditions générales de ses contrats ont été appliquées et acceptées par les parties sur une période de douze ans,

' constater que les parties ont au minimum choisi tacitement la loi française comme la loi applicable à leur relations contractuelles,

' constater que seule la loi française trouve à s'appliquer,

' constater l'application de la prescription quinquennale résultant de la loi du 17 juin 2008 en son article L 110-4 du code de commerce,

' dire que l'action de la SRL Bientina est mal fondée comme prescrite,

' confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

' débouter la société SRL Bientina de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

à titre subsidiaire :

' constater que la société SRL Bientina est à l'origine de la rupture brutale des relations contractuelles,

' constater l'existence d'un préjudice pour elle qui a dû trouver dans l'urgence de nouveaux fabricants,

' ordonner la compensation des sommes réclamées par la SRL Bientina avec le montant de son préjudice évalué à 60.156,61 euros,

' condamner la société SRL Bientina représentée par son liquidateur [O] [S] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il doit être constaté que, malgré rappel opéré notamment lors de l'avis de fixation des plaidoiries du 23 juin 2020, la SAS Office Niçois de l'Emballage ne justifie pas de l'acquittement du droit prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts.

Dès lors, en application des dispositions de l'article 963 du code de procédure civile, elle ne peut, d'office, qu'être déclarée irrecevable en sa défense.

***

L'appelante fait grief au tribunal d'avoir retenu l'application de la loi française, alors que selon elle l'application de la loi italienne est, au regard de l'article 4 du Règlement Rome I du 17 juin 2008, certaine dans le cas présent.

S'agissant d'un litige dérivant des relations commerciales entre deux sociétés régies par des droits différents, il convient effectivement d'appliquer la loi désignée par les dispositions du Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 dit Rome I, lequel prévoit en son article 3 que les parties ont la liberté de choisir la loi régissant leur contrat, mais dont l'article 4 définit la « loi applicable à défaut de choix ».

Or, il ne résulte d'aucun élément aux débats que les parties auraient opéré un quelconque choix quant à la loi applicable, la compétence du tribunal n'ayant pas d'effet à cet égard.

Et, aux termes de l'article 4 précité, il est notamment prévu :

« 1. A défaut de choix ('), la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit :

a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ;

b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ;

(...)

f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ;

(')

2. Lorsque le contrat n'est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.

(...) ».

Etant en outre rappelé que, selon l'article 19, aux fins dudit règlement, la résidence habituelle d'une société est le lieu où elle a établi son administration centrale, il apparaît, n'étant pas contesté et par ailleurs établi au vu d'un extrait de la chambre de commerce de Lucca que le siège social de la société à responsabilité limitée Bientina se situe en Italie, que la loi applicable en l'espèce est, conformément à ce qu'elle soutient, la loi italienne.

En conséquence, dès lors que les créances commerciales résultant de la vente de biens sont, en droit italien, soumises à un délai de prescription de dix ans, l'action engagée par l'appelante suivant assignation du 3 juillet 2017, pour paiement de dix factures établies en février et mars 2011 au titre de marchandises dont il n'a jamais été contesté qu'elles ont alors été livrées, ne saurait, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, être prescrite.

Au vu des factures n°18A, n°22A, n°24A, n°25A, n°26A, n°29A, respectivement des 3, 9, 10, 15, 18 et 24 février 2011, n°32A, n°36A, n°37A et n°38A, respectivement des 4, 10, 16 et 25 mars 2011, et des courriers de mise en demeure adressés à la SAS Office Niçois de l'Emballage, il y a lieu de condamner cette dernière à payer à la société Bientina la somme totale de 58.498,63 euros.

Invoquant les dispositions, notamment les articles 2, 3 et 5, du décret législatif n°231/2002 modifié par le décret législatif n°192/2012, l'appelante, qui rappelle que la loi française prévoit également l'application d'intérêts de retard dans le cadre des transactions commerciales, sollicite la condamnation de la société débitrice au paiement des dits intérêts, soit la somme de 33.213,59 euros au 12 décembre 2018, outre les successifs jusqu'au règlement définitif de la somme en principal.

En vertu du décret législatif susmentionné, adopté par le législateur italien pour l'application de la directive 2000/35/CE concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, quiconque, dans le cadre d'une telle transaction, subit, de manière injustifiée, un retard de paiement, a droit à la production automatique d'intérêts de retard exigibles le jour suivant l'expiration du délai de paiement, sans qu'une mise en demeure formelle soit nécessaire, à moins que le débiteur ne soit en mesure de prouver que ce retard résulte de causes qui ne lui sont pas imputables.

En application de ce texte, et au vu du décompte arrêté à la date du 12 décembre 2018 qu'elle produit, la société à responsabilité limitée Bientina apparaît bien fondée en sa demande de paiement de la somme de 33.213,59 euros, outre intérêts ultérieurs.

L'appelante sollicite également la condamnation de la SAS Office Niçois de l'Emballage à lui payer un montant forfaitaire de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 2043 du code civil italien.

Elle fait valoir à cet égard que le défaut de règlement de la marchandise fournie en 2011 pour le montant total de 58.498,63 euros a entraîné pour elle un manque de liquidités et des difficultés conséquentes, que sa mise en liquidation ainsi que l'ouverture d'une procédure collective à son encontre confirment les difficultés dues à la perte de liquidités.

Cependant, outre qu'elle ne justifie pas d'un préjudice indépendant du retard dans le paiement des sommes qui lui sont dues, ni le lien qu'il y aurait entre le défaut de règlement des factures en cause et l'ouverture de la procédure collective dont elle a fait l'objet dès le 12 avril 2011, la SRL Bientina n'établit pas le comportement dolosif ou fautif, au sens de l'article 2043 précité, de l'intimée, de telle sorte que sa demande tendant à voir engager la responsabilité de cette dernière sur le fondement de ce texte est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare la SAS Office Niçois de l'Emballage irrecevable en sa défense,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS Office Niçois de l'Emballage à payer à la société de droit italien Bientina SRL, représentée par son mandataire liquidateur, la somme de 58.498,63 euros, au titre des dix factures émises entre le 3 février et le 25 mars 2011,

Condamne la SAS Office Niçois de l'Emballage à payer à la société de droit italien Bientina SRL, représentée par son mandataire liquidateur, la somme de 33.213,59 euros, au titre des intérêts de retard selon décompte arrêté au 12 décembre 2018, outre intérêts ultérieurs à calculer jusqu'au paiement de la somme en principal,

Déboute la société de droit italien Bientina SRL, représentée par son mandataire liquidateur, de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

Condamne la SAS Office Niçois de l'Emballage à payer à la société de droit italien Bientina SRL, représentée par son mandataire liquidateur, la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 18/14867
Date de la décision : 26/11/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°18/14867 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-26;18.14867 ?
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