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19/11/2020 | FRANCE | N°18/07591

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 19 novembre 2020, 18/07591


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2020



N° 2020/

MA











Rôle N° RG 18/07591 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCL7W







Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE





C/



[B] [Z]

[M] [S]

SARL KANUMERA

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]















Copie exécutoire délivrée

le : 19/11/20

à :

- Me

Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

- Me Marie FAVRE-PICARD, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE

- Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2020

N° 2020/

MA

Rôle N° RG 18/07591 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCL7W

Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

C/

[B] [Z]

[M] [S]

SARL KANUMERA

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

Copie exécutoire délivrée

le : 19/11/20

à :

- Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

- Me Marie FAVRE-PICARD, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE

- Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NICE en date du 29 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00157.

APPELANTE

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Maxime SENETERRE, avocat au barreau de LYON, Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [B] [Z], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Marie FAVRE-PICARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [M] [S] membre de la SCP BTSG2, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL KANUMERA, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE

SARL KANUMERA, représentée par la SCP BSTG2, prise en la personne de Me [M] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sylvain MOSQUERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mariane ALVARADE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2020.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2020

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société par actions simplifiée Distribution Casino France (CASINO) expose que le 1er août 2008, elle a signé un contrat de franchise avec la société à responsabilité limitée (SARL) KANUMERA, représentée par son gérant, M. [Z], permettant à cette dernière d'exploiter pour son propre compte un commerce de distribution alimentaire sous l'enseigne 'SPAR' à [Localité 7], dans des locaux appartenant à la mairie de la même ville,

que Mme [B] [Z], épouse du gérant et également associée de la société, a été engagée par la SARL KANUMERA en qualité de comptable, à compter du 1er août 2008, suivant contrat à durée indéterminée,

que courant 2011, la société CASINO a remporté un appel d'offres lancé par la mairie le 29 mars 2011,

que c'est dans ces conditions que les sociétés KANUMERA et CASINO se sont rapprochées courant 2012 aux fins de négocier une cession du droit au bail, laquelle était régularisée suivant acte du 26 avril 1013,

que la société CASINO ouvrait le 27 avril 2013 un magasin sous l'enseigne 'Casino shopping' dans des locaux distincts du magasin SPAR, la gestion étant confiée aux époux [A] selon contrat de cogérance du 27 avril 2013,

que le 3 mai 2013, la société CASINO a reçu un courrier de Mme [Z] lui demandant de l'informer de la position qu'elle entendait prendre concernant le transfert et la poursuite de son contrat de travail et par courrier du 15 mai 2013, elle a invité la SARL KANUMERA à régulariser la situation de Mme [Z] précisant à l'intéressée qu'elle n'assurerait pas le transfert des salariés de la société franchisée, les conditions d'application de l'article L 1224-1 du code du travail n'étant pas remplies.

C'est dans ces circonstances que Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir dire que son contrat de travail a été transféré à la société CASINO à compter du 26 avril 2013 sur le fondement de l'article L1224-1 du code du travail, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamner la société CASINO au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité, de dommages et intérêts et de rappel de salaires.

La société CASINO a soulevé in limine litis l'exception d'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de DRAGUIGNAN au profit du conseil de prud'hommes de NICE en application de l'article R. 1412-1 du code du travail.

Par jugement du 2 février 2017, le conseil de prud'hommes de DRAGUIGNAN s'est déclaré territorialement incompétent.

Mme [Z] a ainsi saisi le 16 février 2017 le conseil de prud'hommes de NICE des mêmes demandes.

Suivant jugement du 29 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Nice, en sa formation de départage, a :

'dit n'y avoir lieu de statuer sur l'exception d'incompétence ;

dit que le contrat de travail existant entre la société KANUMERA et Mme [B] [Z] a été transféré de plein droit le 26 avril 2013 au profit de la société DISTRIBUTION CASINO France ;

ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société DISTRIBUTION CASINO France ;

condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Mme [B] [Z] les sommes suivantes :

- salaires du 26 avril 2013 au 29 mars 2018 : 76 265,11 euros

- congés payés sur rappel de salaire : 7626,51 euros

- indemnité de préavis : 2557,28 euros

- congés payés sur préavis : 255,72 euros

- indemnité de licenciement : 1150,79 euros

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 000 euros

ordonné à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de remettre les documents sociaux rectifiés en conséquence de la décision ;

ordonné l'exécution provisoire des dispositions qui précèdent ;

indiqué que pour l'application de l'article R. 1454-28 du code du travail que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'établit à 1337,73 euros ;

condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme [B] [Z] 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à la société KANUMERA 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens.'

La SARL KANUMERA a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 25 janvier 2019, la SARL LODEL, appelante, fait valoir :

que l'application conjuguée des articles 122 du code de procédure civile et L. 1411-1 du code du travail conduit à rendre irrecevable pour défaut de qualité à agir toute demande de condamnation dirigée à l'encontre d'une personne physique ou morale qui n'a pas la qualité d'employeur,

que dès lors qu'elle n'a pas été l'employeur de Mme [Z], l'acquisition du droit au bail de la société n'a nullement entraîné l'application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail,

que les conditions d'application de l'article précité ne sont pas réunies, Mme [Z] ne démontrant pas que le magasin « SPAR » au sein duquel elle travaillait constituait une entité économique autonome, que cette entité aurait été transférée, le repreneur poursuivant son activité en reprenant des éléments corporels ou incorporels nécessaires et significatifs et que cette entité aurait conservé son identité au sein de la société CASINO,

alors que cette dernière exploite son commerce dans d'autres locaux, avec un personnel distinct,

alors encore que la cession des biens corporels a été exclue par le tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE par jugement du 7 janvier 2016 au motif que les marchandises faisant l'objet d'une réserve de propriété, ont été reprises par la société Distribution Casino France en l'absence de règlement de la société KANUMERA

et que ledit jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon rendu le 23 novembre 2017 qui a rejeté la requalification de la cession de droit au bail en cession de fonds de commerce, une petite quantité de stocks et de matériel ayant été rachetée et la reprise des éléments incorporels ayant été exclue,

qu'un transfert « de fait » de clientèle ne saurait à lui seul suffire à caractériser le transfert d'une entité économique autonome,

que dans l'hypothèse où le transfert du contrat de travail serait reconnu, le refus de l'employeur de reprendre les salariés de l'entité économique dont il poursuit l'activité s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts, de sorte que le conseil de prud'hommes ne pouvait retenir que Mme [Z] était fondée à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts et le paiement de salaires,

que ce moyen constitue une défense au fond et non une demande nouvelle dont la recevabilité ne peut être contestée au regard des dispositions transitoires de la loi 1er août 2016, l'instance ayant été introduite le 17 décembre 2013, de sorte que les règles relatives à l'unicité de l'instance et à la recevabilité des demandes nouvelles sont applicables

Elle demande en conséquence

'A titre principal :

Vu les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail

- dire et juger que le contrat de travail de Mme [Z] n'a pas été transféré à la société CASINO ;

- dire et juger que les demandes de Mme [Z] sont irrecevables, à défaut de qualité d'employeur de la société CASINO ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que Mme [Z] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- fixer la date de la rupture du contrat de travail au 17 juillet 2013 ;

- débouter Mme [Z] de sa demande au titre des rappels de salaire ;

- faire application du barème indicatif codifié à l'article R. 1235-22 l'article L. 1235-3 du code du travail, tel qu'applicable au moment des faits, à charge, en tout état de cause, pour Mme [Z] de justifier de son préjudice.

En tout état de cause :

- condamner Mme [Z] au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 29 octobre 2018, Mme [Z], intimée, fait valoir :

que le fonds de commerce d'alimentation générale exploitée sous l'enseigne SPAR par la SARL KANUMERA au moyen d'un contrat de franchise constitue une entité économique autonome qui poursuivait un objectif propre,

que la cession dudit fonds a concerné tant les éléments corporels que les éléments incorporels,

que l'entité économique autonome constituée par ce fonds a été transférée à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en ce compris son contrat de travail, et ce à compter du 26 avril 2013, date de la cession,

qu'en refusant de la reprendre dans ses effectifs, de lui fournir un travail et lui régler le salaire correspondant, la société CASINO a manqué à ses obligations contractuelles, de sorte qu'elle est fondée à demander la confirmation du jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur,

que la demande tendant à voir dire qu'en cas de reconnaissance du transfert de plein droit de son contrat de travail, la sanction du refus de l'employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu le 17 juillet 2013, est irrecevable pour être présentée pour la première fois en cause d'appel,

que subsidiairement, en l'absence de transfert, la SARL KANUMERA était tenue de lui régler ses salaires à compter de mai 2013 et elle est fondée à demander le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail à ses torts exclusifs,

qu'en tout état de cause, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit au paiement d'indemnités et de dommages et intérêts subséquents.

Mme [Z] demande en conséquence de :

'A titre principal :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 29 mars 2018 sauf en ce qui concerne le montant des indemnités de licenciement et de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger irrecevable la demande formulée à titre subsidiaire pour la première fois en cause d'appel par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

- confirmer le jugement du 29 mars 2018 en ce qu'il a dit et jugé que son contrat de travail a été transféré à compter du 26 avril 2013 à la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

- dire et juger qu'à compter du 26 avril 2013, la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE est devenue son employeur,

En conséquence,

- confirmer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

- condamner en conséquence la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

' 76.265,11 euros à titre de rappel de salaires du 26 avril 2013 au 29 mars 2018,

' 7626,51 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

' 2675,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 267, 54 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

' 2563,98 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 16.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' les entiers dépens

- ordonne la remise des bulletins de salaires d'avril 2013 jusqu'au jour de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et documents sociaux afférents à la rupture de son contrat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire, dans le cas où la Cour devait considérer que son contrat de travail n'a pas été transféré à la SA DISTRIBUTION CASINO FRANCE :

- dire et juger que la SARL KANUMERA a manqué à ses obligations en ne réglant plus les salaires de Mme [B] [Z] à compter du 26 avril 2013,

En conséquence,

- dire et juger qu'elle est bien fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SARL KANUMERA,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL KANUMERA les sommes suivantes :

' 76.265,11 euros à titre de rappel de salaires du 26 avril 2013 au 29 mars 2018,

' 7626,51 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

' 2675,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 267, 54 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

' 2563,98 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 16.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' les entiers dépens,

- ordonner la remise des bulletins de salaires d'Avril 2013 jusqu'au jour de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et documents sociaux afférents à la rupture de son contrat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir,

- dire et juger que la décision à intervenir sera opposable au CGEA AGS.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 3 septembre 2018, la SARL KANUMERA, représentée par la SCP BSTG2, représentée par Maître [M] [S] en qualité de liquidateur judiciaire, et Maître [S], en qualité de liquidateur judiciaire font valoir :

que dans une affaire similaire opposant une ancienne salariée de la SARL KANUMERA, Mme [D], à la société CASINO, la cour d'appel d'Aix-en-Provence infirmant en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nice en date du 14 avril 2014, a constaté le transfert de son contrat de travail à la société CASINO,

que le pourvoi en cassation formé par cette dernière a été rejeté suivant arrêt du 22 février 2017,

qu'il n'est pas contestable que le fonds de commerce qu'exploitait la SARL KANUMERA constituait une entité économique autonome poursuivant un objectif propre,

que l'acte d'acquisition du droit au bail concernait l'ensemble des éléments composant le fonds, entraînant le transfert de l'entité économique,

que compte tenu de la qualité d'employeur de la société CASINO, les demandes formulées par Mme [Z] devant la juridiction prud'homale sont parfaitement recevables et la SARL KANUMERA devra être mise hors de cause.

Ils demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nice en date du 29 mars 2018,

En conséquence,

- dire que le contrat de travail de Mme [Z] a été transféré à compter du 26 avril 2013 à la société distribution Casino France,

- dire qu'à compter du 26 avril 2013, la société distribution Casino France est devenue l'employeur de Mme [Z],

En conséquence,

- débouter Mme [Z] de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la SARL KANUMERA,

- condamner tous succombants à payer à la SARL KANUMERA une somme de 4000 € au titre des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 17 octobre 2018, l'UNEDIC AGS CGEA, délégation de [Localité 6], partie intervenante, rappelle les conditions de mise en jeu de sa garantie. Elle développe les mêmes arguments que les intimés et précise que les demandes formulées par Mme [Z] ne peuvent être dirigées contre le CGEA de [Localité 6] agissant dans le cadre de la procédure collective de la société KANUMERA.

A titre subsidiaire, elle indique que la rupture des relations contractuelles est intervenue le 26 avril 2013 date à laquelle le magasin a été définitivement fermé et compte tenu de l'ancienneté de Mme [Z], soit moins de cinq ans, il conviendra de la débouter de sa demande d'indemnité de licenciement calculée sur une ancienneté de plus de 5 années et de ramener sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions, Mme [Z] devant rapporter la preuve de son préjudice. Elle ajoute qu'elle ne peut prétendre au paiement de salaire postérieurement à la fermeture de l'entreprise.

Elle demande à la cour de :

'- constater l'intervention forcée du concluant et l'y dire bien fondée.

A titre principal :

Vu l'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE le 23 juin 2015 et l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 février 2017 :

- confirmer le jugement dont appel ;

- dire et juger que le contrat de travail de Mme [Z] a été transféré à compter du 26 avril 2013 à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ;

- dire et juger qu'à compter de cette date la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE est devenue l'employeur de Mme [Z] ;

- mettre hors de cause l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 6] intervenant dans le cadre de la liquidation Judiciaire de la société KANUMERA ;

A titre subsidiaire si la Cour considère qu'il n'y a pas transfert du contrat de travail de Mme [Z] :

- constater que la rupture des relations contractuelles est intervenue le 26 avril 2013 date à laquelle le magasin a été définitivement fermé et la société dissoute ;

- donner acte au concluant de ce qu'il s'en rapporte à justice concernant la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-débouter Mme [Z] de sa demande d'indemnité de licenciement ;

Vu l'article L 1235-5 du Code du travail :

- débouter Mme [Z] de sa demande d'indemnité égale à 12 mois de salaire et réduire l'indemnité réclamée à de plus faibles proportions ;

- débouter Mme [Z] de sa demande de rappel de salaire pour la période allant du 26 avril 2013 à janvier 2016 ;

En tout état de cause,

- dire et juger que les rappels de salaire réclamés pour les périodes postérieures au 18/12/2014 date de la liquidation judiciaire ne seront pas garantis par le CGEA ;

- dire et juger que la somme réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'entre pas dans le cadre de la garantie du CGEA ;

- dire et juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou quittances ;

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

- dire et juger que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de la garantie et que le CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L 3253-18, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21 et L.3253-17 et D 3253-5 du code du travail ;

- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2020.

L'affaire a été appelée à l'audience du 17 mars 2020 et renvoyée à l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle elle a été évoquée en raison de l'état d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de covid 19.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L1224-1 (ancien article L.122-12 alinéa 2) du code du travail prescrit au repreneur d'une activité de reprendre les emplois qui y sont attachés : 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.'

Dès lors que les conditions de l'article L.1224-1 du code du travail sont remplies, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit et par le seul effet de la loi, avec le nouvel employeur. Ces dispositions, d'ordre public, s'imposent tant aux employeurs qu'aux salariés.

Il est constant que lesdites dispositions s'appliquent au cas de transfert d'une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie.

La seule poursuite de la même activité par une autre entreprise ne suffit pas à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, lequel s'opère lorsque des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

Il résulte des pièces du dossier que la SARL KANUMERA exploitait dans le cadre d'un contrat de franchise conclu avec la SAS CASINO un commerce d'alimentation à l'enseigne SPAR, que Mme [Z] a été engagée par la SARL KANUMERA en qualité de comptable suivant contrat à durée indéterminée à effet au 1er août 2008, la SARL KANUMERA comptait alors deux salariés, que par acte du 26 avril 2013, la SAS CASINO a acquis le droit au bail de la SARL KANUMERA.

Au motif qu'elle n'a acquis que le droit au bail de la SARL KANUMERA, et non son fonds de commerce, la SAS CASINO conteste le transfert du contrat de travail de Mme [Z].

La cour observe que s'il est rappelé aux termes d'un courrier daté du 27 mars 2013, adressé à la SARL KANUMERA antérieurement à la signature de l'acte de cession que 'sont exclus de la présente cession, la clientèle, l'enseigne, le nom commercial, le matériel, ainsi que tout contrat d'exploitation de l'activité (Leasing, personnel') cité dans l'acte d'acquisition du droit au bail' et que le cessionnaire 'fera son affaire des éventuels contrats de travail existants pour l'exploitation actuelle', ce dernier admet avoir repris le stock de marchandises, hors certains produits (frais, périmés...), pour une valeur de 4232,32 €, ainsi que du matériel (caisses enregistreuses, terminaux de paiement électronique, matériel informatique ) nonobstant les clauses du contrat, la circonstance que ces biens n'aient finalement pas été utilisés par le nouvel exploitant apparaissant indifférente, le cessionnaire ne pouvant non plus soutenir, sans en rapporter la preuve, que ces biens n'ont pu valablement être transférés, en l'absence de titre de propriété détenu par la SARL KANUMERA, du fait de l'existence d'une clause de réserve de propriété ou d'un contrat de location,

qu'il n'est pas discutable que la cession a entraîné la cessation d'activité de la SARL KANUMERA, dès lors qu'il était fait interdiction à son gérant 'de créer ou d'exploiter pendant un délai de cinq ans un fonds de commerce d'alimentation générale analogue à celui exploité par le cessionnaire dans un rayon de 5 km à vol d'oiseau du siège du fonds vendu', en application de la clause de non-concurrence insérée à l'acte de cession,

qu'il n'est pas non discutable que la SAS CASINO a implanté à une trentaine de mètres une activité similaire avec une clientèle ciblée, à l'enseigne Casino shopping, ainsi que cela ressort du procès-verbal d'huissier dressé le 15 février 2013, l'ouverture de ce commerce étant concomitante de la fermeture de celui exercé sous l'enseigne SPAR, alors même qu'en application de la clause de non-concurrence, le premier exploitant se trouvait privé de son ancienne clientèle,

que s'il est par ailleurs constant qu'un transfert de la clientèle ne résulte pas nécessairement d'un acte de cession, au cas particulier, le dispositif mis en place entre les deux sociétés aboutit de fait à un transfert de la clientèle du commerce de proximité de l'une vers l'autre, alors même qu'il n'est pas démontré que leurs activités étaient différentes, ce, nonobstant le changement d'enseigne, étant rappelé que le contrat de franchise conférait au franchisé le droit d'exploiter des produits référencés par DISTRIBUTION CASINO FRANCE, selon les méthodes et le savoir-faire DISTRIBUTION CASINO FRANCE,

qu'est donc caractérisé le transfert d'éléments essentiels d'une entité économique autonome, poursuivant un objectif économique propre, qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie,

qu'il en résulte que le contrat de travail de Mme [Z] a bien été transféré à compter du 26 avril 2013 à la SAS CASINO.

Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur la qualité à agir de la SAS CASINO.

Sur les conséquences de l'absence de transfert du contrat de travail

Pour s'opposer à la demande de résiliation et aux demandes subséquentes formulées par Mme [Z], la SAS CASINO fait valoir qu'il convient d'appliquer une jurisprudence constante affirmant que le refus du nouvel employeur de reprendre les salariés de l'entité économique dont il poursuit l'activité s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [Z] réplique qu'il s'agit d'une demande nouvelle présentée pour la première fois en appel, et dès lors irrecevable.

La cour considère que cette demande, qui a pour but de faire écarter les prétentions adverses, est recevable.

Elle n'apparaît toutefois pas fondée.

Il n'est en effet pas interdit, d'une manière générale, au salarié victime d'un manquement de l'employeur à ses obligations de demander au juge prud'homal à la fois de condamner cet employeur au paiement des sommes qui lui sont dues en vertu du contrat de travail et de prononcer par ailleurs, en raison de cette carence, la résiliation du contrat de travail à ses torts, ladite résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par application de l'article 1184 du code civil, recodifié aux articles 1227 et 1228 du code civil et des articles 1231-1 et 1222-1 du code du travail, le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur des obligations découlant du contrat.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, il n'est pas contestable que le refus opposé par la SAS CASINO de reprendre Mme [Z] dans ses effectifs en dépit de deux courriers adressés les 3 mai et 12 juin 2013, caractérise un manquement de l'employeur à ses obligations découlant du contrat de travail dont la gravité justifie le prononcé de la résiliation à ses torts à la date du 29 mars 2018. Le jugement sera en conséquence confirmé.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat de travail

En application des articles L 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l'espèce Mme [Z] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soit 2675,46 euros, outre une somme de 267,54 euros au titre des congés payés y afférents. Il conviendra d'infirmer le jugement qui avait limité les sommes allouées aux montants demandés.

En application de l'article L1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a limité la somme allouée à celle demandée et il sera accordé à Mme [Z] une somme de 2563,98 euros de ce chef.

Au moment de la rupture de son contrat de travail Mme [Z] comptait au moins deux années d'ancienneté et la SARL KANUMERA employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [Z] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant la rupture de la relation de travail, soit en l'espèce un salaire de 1337,73 euros.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, comme étant né en 1965, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice matériel et moral qu'il a subi en lui allouant la somme de 8000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les rappels de salaire

Les demandes présentées à hauteur de 76 265,11 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 26 avril 2013 au 29 mars 2018, jour du jugement et de 7 626,51 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents sont justifiées.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

La cour confirme le jugement qui a ordonné à la SAS CASINO de remettre à Mme [Z] les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de salaire conformes à la présente décision, sauf à préciser que cette clause concerne la période du 26 avril 2013 à la date de la résiliation du contrat de travail.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais non-répétibles

La SAS CASINO qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à Mme [Z] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.

La SARL KANUMERA, à l'encontre de laquelle la partie succombante n'a formulé aucune demande, sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,

Statuant à nouveau

Condamne la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme [B] [Z] les sommes de :

- 2675,46 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre une somme de 267,54 euros au titre des congés payés y afférents,

- 2563,98 euros à titre d'indemnité de licenciement,

Ordonne à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE de remettre à Mme [B] [Z] ses bulletins de salaire à compter du 26 avril 2013 jusqu'à la date de résiliation du contrat de travail, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Y ajoutant,

Condamne la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme [B] [Z] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux dépens,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 18/07591
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°18/07591 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;18.07591 ?
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