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19/11/2020 | FRANCE | N°17/11507

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 19 novembre 2020, 17/11507


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2020

N° 2020/292











N° RG 17/11507



N° Portalis DBVB-V-B7B-BAXFG







[D] [F]

[P] [I]

SA LA MEDICALE DE FRANCE





C/



[B] [L]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ



-Me Elie MUSACCHIA<

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Mai 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/01230.



APPELANTS



Monsieur [D] [F]

né le [Date naissance 1] 1966,

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]



représenté par Me M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2020

N° 2020/292

N° RG 17/11507

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAXFG

[D] [F]

[P] [I]

SA LA MEDICALE DE FRANCE

C/

[B] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

-Me Elie MUSACCHIA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Mai 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/01230.

APPELANTS

Monsieur [D] [F]

né le [Date naissance 1] 1966,

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE, plaidant.

Monsieur [P] [I]

né le [Date naissance 5] 1947 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE, plaidant.

SA LA MEDICALE DE FRANCE,

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE, plaidant.

INTIME

Monsieur [B] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/9274 du 29/09/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 2] 1934,

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Patrice ROMEO, avocat au barreau de NICE, plaidant.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseiller

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2020, prorogé au 19 Novembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2020,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 4 juillet 2005, M. [B] [L], âgé de 71 ans, a consulté son médecin traitant, M. [Y], pour des douleurs abdominales. Le docteur [Y] a diagnostiqué un ictère des voies biliaires intra et extra-hépatique, communément appelé jaunisse. Il a dirigé M. [L] vers M. [P] [I], gastro-entérologue.

Le 7 juillet 2005, M. [I] a fait réaliser une bili-IRM caractérisant une dilatation modérée des voies biliaires intra-hépatique de façon diffuse sans mise en évidence d'obstacles ni d'anomalie de calibre.

Sur la base de cet examen, M. [I] a envisagé une seconde étiologie par ordre de fréquence pour rechercher d'éventuels ictères obstructifs de type tumoral et a fait hospitaliser M. [L], à compter du 8 juillet 2005, à la clinique [13] à [Localité 10].

Au vu d'examens endoscopiques réalisés dès l'hospitalisation du patient, M. [I], gastro-entérologue, a diagnostiqué le 8 juillet 2015 une sténose du canal hépatique pouvant faire évoquer un cholangio-carcinome (cancer de la voie biliaire).

C'est donc de façon très affirmative que, ce même 8 juillet 2005, M. [I] écrit au docteur [Y], médecin traitant de M. [L], fait état d'« une sténose'suspecte de canal hépatique, correspondant certainement à un cholangio-carcinome'».

Sur demande de M. [I], M. [F], radiologue, a réalisé le 11 juillet 2005 une échographie abdominale caractérisant une dilatation diffuse des voies biliaires intra-hépatique et de la portion proximale du cholédoque. Le jour même, M. [F] a conclu que « l'aspect échographique rencontré est celui d'un syndrome de Merizzi ; jusqu'à preuve du contraire (cholangiographie ou coelioscopie), ceci doit être considéré comme un cholangio-carcinome'».

Le 12 juillet 2005, M. [F] a réalisé une cholangiographie montrant une sténose d'allure tumorale avant de réaliser un drainage biliaire sous anesthésie générale à l'occasion duquel il a positionné une prothèse (métallique) courte sur ladite sténose.

Le 18 juillet 2005, M. [L] a regagné son domicile.

Sur le conseil de son médecin traitant, M. [Y], M. [L] a été examiné le 10 août 2005 par le professeur [W], ce dernier étant d'avis qu'il ne lui paraissait pas raisonnable de mettre en route un traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie sur une simple suspicion de sténose biliaire alors qu'une prothèse venait d'être mise en place sans qu'une histologie ait été antérieurement effectuée, de telle sorte qu'il a préconisé un simple suivi médical.

Les divers examens ultérieurs réalisés sur M. [L] n'ont pu confirmer l'existence d'un cholangio-carcinome en raison de la présence de la prothèse métallique empêchant toute investigation médicale complémentaire.

M. [L] est resé asymptomatique de 2005 à 2011. Il a toutefois consulté M. [I] le 15 janvier 2007, lequel a évoqué une forme de cholangio-carcinome à évolution lente.

C'est le 2 mai 2011 que sont apparues les premières complications (angiocholite) liées à la présence de l'endoprothèse biliaire métallique'dans l'organisme de M. [L] (obstruction de la prothèse par des calculs intra-hépatiques).

À l'occasion d'un examen médical réalisé le 8 octobre 2011, le docteur [X], gastro-entérologue, a conclu que M. [L] présentait une histoire biliaire compliquée manifestée par une sténose inflammatoire bénigne ayant simulé du point de vue de l'imagerie un cholangio-carcinome. Ce médecin a ajouté qu'il était extrêmement dangereux d'extraire la prothèse métallique posée sur le patient, et a préconisé son nettoyage biannuel pour prévenir toute septicémie ou angiocholite.

Le suivi et les soins prodigués ont permis de stabiliser la situation jusqu'au 10 juillet 2015, date à laquelle une seconde angiocholite s'est produite. M. [L] a été admis au centre hospitalier de [Localité 9] du 11 aui 13 juillet 2015.

Un troisième épisode d'angiocholite s'est déclenché du 5 au 9 août 2016. Le docteur [G] exerçant au service de gastro-entérologie du centre hospitalier [12] a fait état d'un début d'encrassement des canaux biliaires, traité de façon satisfaisante par voie médicamenteuse ([M]) ' l'attention de M. [L] étant expressément attirée sur la nécessité d'une antibiothérapie à la première alerte.

* * *

Par actes d'huissier des 12, 14 et 28 juin 2012, M. [L] a fait citer en référé MM. [I] et [F] ainsi que leur assureur, la SA La Médicale de France, aux fins d'expertise judiciaire en vue de déterminer si une erreur de diagnostic avait été commise et, dans l'affirmative, pour en évaluer les conséquences.

Par ordonnance du 4 octobre 2012, le président du TGI de Nice a désigné à cette fin le docteur [R] [K] ultérieurement remplacé par le docteur [H].

L'expert a déposé son rapport le 15 août 2013, concluant que les deux praticiens avaient commis des négligences médicales':

- en ne présentant pas le dossier de M. [L] à une réunion chirurgicale,

- en retenant à tort un diagnostic de cholangio-carcinome tout en le considérant au-dessus de toute possibilité curative et

- en procédant à la mise en place d'une prothèse biliaire métallique non couverte ' laquelle a été la cause certaine d'une obstruction biliaire apparue en 2011. Un défaut d'information a en outre été retenu à l'encontre des deux médecins.

Par actes d'huissier en date du 17 février 2014, M. [L] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nice MM. [I] et [F] ainsi que la SA La Médicale de France pour obtenir la réparation de son préjudice corporel et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 mai 2017, le TGI de Nice a :

- condamné in solidum M. [I], M. [F] et la SA La Médicale de France à payer à M. [L] la somme de 66700 €,

- débouté MM. [F] et [I] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné in solidum M. [I], M. [F] et la SA La Médicale de France à verser à M. [L] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum MM. [I] et [F] et la SA La Médicale de France aux dépens dont les frais d'expertise.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que :

- l'expert avait répondu globalement à sa mission et aux dires des parties,

- après l'hospitalisation, M. [I] n'a pas donné de rendez-vous de consultation à M. [L], en contravention avec la bonne pratique médicale après un acte invasif': il ne peut donc reprocher à ce dernier de ne plus l'avoir contacté,

- MM. [I] et [F] ne justifient pas avoir été dans l'impossibilité de réaliser à bref délai un bilan histologique pour déterminer la cause exacte maligne ou bénigne de l'ictère et ont commis une imprudence fautive au regard des données acquises de la science médicale, en posant de manière précipitée un diagnostic alarmant de cancer qui a entraîné la pose d'une prothèse métallique justifiée en cas de tumeur cancéreuse, ce diagnostic certes fréquent mais pas automatique ayant été ultérieurement infirmé par l'évolution positive de la santé du patient, la pose de ladite prothèse empêchant en outre toute exploration complémentaire quant aux conséquences de l'ictère litigieux et étant au surplus définitive et donc irréversible,

- M. [I] et M. [F] n'ont pas respecté l'obligation d'information qui leur incombait en omettant d'informer M. [L] du caractère alors supposé cancéreux de la sténose biliaire et du choix de procéder à la pose d'une prothèse métallique et de ses conséquences et de la possibilité d'autres options thérapeutiques.

Le TGI de Nice a évalué ainsi qu'il suit le préjudice corporel de M. [L] :

- déficit fonctionnel temporaire : 19200 €, sur une base de 800 € par mois soit 26,65 € par jour

- souffrances endurées : 30000 €

- préjudice lié aux pathologies évolutives : 5000 €

- préjudices de santé futurs : rejet de la demande ce préjudice étant hypothétique

- déficit fonctionnel permanent : 11000 €

- préjudice d'agrément : rejet de la demande les troubles psychologiques allégués étant déjà indemnisés au titre des souffrances endurées pour la période antérieure à la consolidation et de la perte de chance de conserver sa santé pour la période postérieure à celle-ci

- préjudice sexuel : 1500 €.

Par déclaration du 16 juin 2017 M. [F], M. [I] et la SA Médicale de France ont interjeté appel général de cette décision, motif tiré'de l'absence de toute faute au sens de l'article L.1142-1 du code de la santé publique, et de ce que l'expert judiciaire désigné n'aurait pas répondu à tous les chefs de mission et aurait ignoré deux dires.

Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du TGI d'Aix-en-Provence du 29 septembre 2017, M. [L] a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par arrêt du 19 avril 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant avant dire droit a':

' estimé que l'expert judiciaire s'était référé aux «'recommandations actuelles'» sans préciser si, à la date à laquelle M. [I] et M. [F] étaient intervenus, soit en juillet 2005, les actes réalisés étaient indiqués, si le diagnostic pouvait être posé avec certitude, quels étaient les moyens d'y parvenir et les investigations restant à accomplir, notamment en précisant si d'autres alternatives, tels notamment la biopsie ou le brossage auraient dû être envisagés, et si les soins ou actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale';

' estimé qu'il importait de déterminer si la pathologie de M. [L] aurait ou non, en l'absence de mise en place de la prothèse biliaire métallique, conduit inéluctablement à un mécanisme d'empierrement';

' commis le docteur [P] [J] aux fins de nouvelle expertise judiciaire, notamment aux fins d'avis sur le respect par MM. [I] et [F] de leur obligation d'information.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 8 avril 2019.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions en réponse complémentaires et récapitulatives notifiées par RPVA le 20 mai 2020, M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France demandent à la cour de bien vouloir :

- admettre l'appel interjeté par MM. [I] et [F] et la SA La Médicale, en la forme,

- au fond, le dire fondé,

- faire droit à l'argumentation développée par les appelants,

- faire droit à leur appel principal partiel,

- réformer le jugement déféré à la censure de la Cour, en sa plus grande partie,

À titre principal, juger que :

- M. [L] ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe de ce que MM. [I] et [F] auraient pu se rendre responsables d'une faute au sens des dispositions de l'article L.1142-1 § I du code de la santé publique,

- le rapport de l'expert [H] n'établit pas l'existence d'une faute pouvant être imputée aux concluants,

- que le rapport postérieur, déposé par l'expert judiciaire [J] ne rapporte pas davantage la preuve de ce que les docteurs [I] et [F] ont pu commettre une faute au sens des dispositions du code de la santé publique,

- pour cette seule raison admettre et réformer la décision déférée dans sa quasi-totalité :

en outre, juger qu'il s'évince de l'ensemble du dossier :

* qu'au début du mois de juillet 2005, 1'état de santé de M. [L] exigeait la mise en oeuvre de soins immédiats, en raison du très grand risque létal qui existait,

* que MM. [I] et [F] ont mis en place et réalisé les soins qui s'imposaient, en faisant prendre à M. [L] le moins de risques possibles,

* qu'ils n'ont commis strictement aucune faute au sens des dispositions du code de la santé publique lors de la réalisation des soins entre le 5 et le 12 juillet 2005,

* qu'ils n'ont jamais affirmé que M. [L] était atteint d'un cholangio-carcinome,

* que cela se trouve corroboré par la lettre de sortie remise à M. [L], le 18 juillet 2005, ainsi que par la lettre postérieure adressée le 15 janvier 2007 par M. [I] au docteur [Y],

- que M. [L] n'a plus repris contact avec M. [I], contrairement aux recommandations qui lui avaient été faites et que l'expert [H] lui-même, reprend dans le corps de son rapport, en rappelant les préconisations de M. [I],

- en conséquence, que M. [L] s'est rendu coupable d'une rupture de contrat de soins, préférant consulter le docteur [N], le professeur [W] du CHU Saint-Antoine de Paris et le professeur [T] de l'université de [Localité 10],

- qu'aucun des médecins n'a effectivement pratiqué d'intervention à visée chirurgicale,

- que M. [L] n'a pas suivi à ce moment, la préconisation émise par le professeur [T],

- constater que les soins mis en place par MM. [I] et [F], en réalité ont permis le retrait de l'obstacle qui eût été mortel à très bref délai,

- que par la suite, l'état de santé de M. [L] a été reconnu comme étant «'très satisfaisant'» par le docteur [G] du centre hospitalier [12] de [Localité 9],

- que 1'expert [H] vise des « recommandations actuelles » sur lesquelles il n'a fourni strictement aucune précision bibliographique, ni donnée scientifique,

- que l'expert [H] n'a pas du tout apporté de réponse aux explications fournies par les docteurs [I] et [F], ce dernier précisant que la mise en place d'une prothèse en plastique était impossible, compte tenu de la situation particulière de M. [L],

- que le rapport déposé par l'expert judiciaire [J], 13 ans après les soins, ne prend pas en considération la réalité de la situation en juillet 2005, les difficultés qui se présentaient à MM. [I] et [F], se fonde sur im raisonnement théorique établi a posteriori,

- rejeter également les demandes, fins et conclusions de M. [L], qui prétend qu'il n'aurait pas reçu une information adéquate,

- rappeler à cet égard que les dispositions du code de la santé publique prévoient essentiellement, par l'article L.1111-2 du code de la santé publique, que l'information est déiivrée au cours d'un entretien individuel, et que la preuve de cette information peut être rapportée par tout moyen,

- juger qu'il s'évince de l'ensemble du dossier que M. [L] a reçu une information complète, lors de la visite dans le cabinet du docteur [I], le 5 juillet 2005'; que M. [I] ce jour-là, a établi un schéma qu'il a remis à M. [L], celui-ci ayant indiqué, lors de l'expertise « l'avoir brûlé '',

- que cette information a été corroborée, lors des différents examens pratiqués,

- que le docteur [I] et le docteur [Y], médecin traitant de M. [L], ont été en contact téléphonique permanent,

- qu'il a été expliqué de la manière la plus claire possible, ce que le docteur [I] entendait réaliser, à la date du 8 juillet 2005,

- que par la suite, il fut expliqué que l'intervention du docteur [F] était nécessaire,

- que toutes explications ont été réitérées les 11 et 12 juillet 2005, dates auxquelles M. [F] est intervenu,

- que la lettre adressée au docteur [Y], le 15 janvier 2007 (soit 5 ans avant l'introduction de la procédure) apporte des précisions qui n'ont jamais été contestées,

- juger qu'il apparaît de l'ensemble du dossier qu'une information totale a été délivrée à M. [L],

- de plus fort, juger que le docteur [I] n'ont commis strictement aucune faute ni aucun manquement, et que cela se trouve corroboré, si besoin était, par l'attestation du docteur [Z], ainsi que celle du docteur [O], chef de service au sein de l'hôpital [12] à [Localité 9],

- que cela est également corroboré par l'étude que le professeur [S], expert honoraire près la cour d'appel, a effectuée, que cette étude démontre que les docteurs [I] et [F] n'ont commis strictement aucune faute, au sens des dispositions de l'article L.1142-1 § I du code de la santé publique,

- admettre l'appel interjeté par les docteurs [I] et [F], ainsi que par leur assureur, la SA La Médicale de France,

- rejeter dès lors les demandes, fins et conclusions de M. [L],

- constater si besoin était qu'à 83 ans, M. [L] est reconnu comme étant en parfaite santé, qu'il est a ce jour âgé de 86 ans,

- juger également qu'il n'existe aucune relation directe, certaine et exclusive entre les soins prodigués par les docteurs [I] et [F] et le prétendu dommage dont M. [L] entend demander réparation,

- qu'il apparaît en effet :

* que les désagréments dont M. [L] se plaint ne sont en réalité que la conséquence de la gravité de la maladie dont il était et demeure atteint, et

* qu'il existe donc dans le cas présent, un état antérieur d'une particulière importance,

- que M. [L] a préféré rompre le contrat de soins avec M. [I] et n'a plus repris contact avec lui, avant 2007, ce qui a empêché M. [I] de prendre les éventuelles décisions qui auraient pu être possibles après la sortie de M. [L] de la clinique [13], soit le l8 juillet 2005,

- débouter de plus fort M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dans la mesure où il apparaît que le risque d'empierrement est le même pour une prothèse en plastique que pour une prothèse métallique,

- que M. [I] a également toujours indiqué que le cas clinique de M. [L] empêchait la mise en place d'une prothèse en plastique,

- qu'il n'a pas été répondu, de manière scientifique, à cette question, pour tenter de la contredire,

- que le professeur [S] a établi que la mise en place, dans le contexte qui était celui du mois de juillet 2005, d'une prothèse métallique n'est pas constitutive d'une faute. que le retrait d'une prothèse, qu'elle soit métallique ou qu'elle soit en plastique, est susceptible de par l'intervention indispensable, de provoquer les mêmes désagréments,

- qu'en réalité, l'éventuelle intervention chirurgicale, la mise en place d'une prothèse en plastique était susceptible, au-delà de l'augmentation très importante des risques, d'occasionner ultérieurement des difficultés similaires ou mêmes supérieures à celles que M. [L] a rencontrées,

- que le lien de causalité indispensable fait défaut,

- rejeter intégralement les demandes, fins et conclusions de M. [L],

- le débouter intégralement de l'ensemble de ses demandes, fns et conclusions,

- faire droit à l'appel principal partiel,

- rejeter l'appel incident de M. [L],

- le débouter intégralement,

- réformer également le jugement, en ce qu'il a rejeté la demande reconvenjtionnelle des concluants,

- constater que M. [L] se permet de porter des accusations particulièrement graves à l'égard de MM. [I] et [F],

- que ces accusations infondées mettent en cause leur compétence professionnelle, leur intégrité, leur éthique, et portent une atteinte certaine à leur réputation professionnelle,

- qu'elles occasionnent également un préjudice moral aux concluants,

- juger que ces accusations sont la cause d'un préjudice qu'il convient d'indemniser,

- condamner M. [L] à payer à M. [I] la somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner M. [L] à payer à M. [F] la somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts,

- juger qu'en réalité la procédure initiée par M. [L] est particulièrement abusive,

- condamner également M. [L] à payer les sommes sollicitées en première instance'; dire qu'il devra payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à chacun des intimés,

En cause d'appel, condaamner M. [L] à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des intimés,

- juger que M. [L] devra supporter les entiers dépens de première instance, ces derniers devant comprendre les dépens de ia procédure de référé et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Maud Daval-Guedj, sous sa due affirmation,

Confirmer la partie du jugement qui a rejeté':

- la demande d'octroi d'une somme de 4000 € au titre d'un prétendu préjudice de santé futur,

- la demande d'octroi d'une somme de 30000 € au titre d'un prétendu préjudice d 'agrément,

- la somme sollicitée au titre d'un prétendu préjudice sexuel pour le compte de Mme [V], non partie à la procédure.

Sur l'appel incident :

À titre subsidiaire sur les demandes :

- constater que M. [L] a majoré dans des proportions particulièrement importantes, la plupart de ces demandes, par rapport au montant qui figurait dans ses avant-dernières écritures, qu'il invoque désormais également, la théorie de la « perte éventuelle d 'une chance'»,

- rejeter en premier lieu radicalement, les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel, les déclarer irrecevables, confonnément aux dispositions de particle 564 du code de procédure civile,

- juger que si par impossible certaines demandes de M. [L] étaient accueillies par la cour, l'éventuelle indemnité ne saurait représenter un pourcentage supérieur à 30% des sommes qui pourraient être évaluées et non des sommes demandées par M. [L] ' ce en raison d'un état antérieur de santé de M. [L] et de l'évolution naturelle de sa maladie, ainsi que de la rupture du contrat de soins, dont il est responsable

- si la cour devait considérer que la théorie de « perte d 'une chance'» venait à s'appliquer, les éventuelles sommes attribuées à M. [L] ne sauraient être évaluées au-delà de 10% des postes retenus,

Dès lors :

- concernant le déficit fonctionnel temporaire total et partiel. :

1. déficit fonctionnel temporaire total :

- juger qu'au maximum les 9 jours de déficit fonctionnel temporaire total retenus par l'expert [J] ne sauraient représenter une somme supérieure à 800 € / 30 x 9 = 240 € et non 1000 €,

2. déficit fonctionnel temporaire partiel :

- juger qu'au maximum ce poste ne saurait excéder':

* période du 18 juillet 2005 au 19 septembre 2005': 167,99 €

* période du 2 mai 2011 au 22 mai 2011': 106,00 €

* pour la période entrele 26 mai 2011 et le 11 juillet 2015 : 159,99 € (classe II)

- rejeter toute somme demandée pour la période excédant un mois,

- juger que M. [L] est resté asymptomatique pendant quatre ans,

- rejeter la demande de M. [L] de ce chef qui ne saurait représenter une somme supérieure à 3935,99 €

- le débouter de cette demande,

- pour la période du 13 juillet 2015 et le 15 août 2007 :

- juger qu'au maximum ce poste peut représenter : 1 mois sur la base de la classe II : 128 €

- le surplus en classe I (358 jours soit 11 mois et 23 jours) : 954 €

Pour la période du 9 août 2016 au 9 octobre 2016 :

Au maximum cela représenterait :

classe II : 160 €

classe I': 80 €

Juger que la totalité des sommes pouvant être admises de ce chef représente 133,99 €,

qu'au maximum il reviendrait à M. [L] 30% de cette somme soit 160,19 €,

Si la « perte de chance » était retenue, juger qu'il reviendrait de ce chef à M. [L] : 53.39 €

Réformer le jugement qui a attribué de ce chef, la somme de 19200 €

Concernant la consolidation :

- rejeter de ce chef les demandes de M. [L],

- constater au surplus que trois dates de consolidation différentes ont été mentionnées par trois experts différents (le docteur [H], le professeur [S] et l'expert judiciaire [J])

Concernant le déficit fonctionnel permanent :

- rejeter les demandes de M. [L] de ce chef,

- juger que ie suivi médical nécessaire n'est dû qu'à la spécificité de la maladie dont souffre M. [L],

- rejeter la demande de M. [L] de voir porter le taux de 10 à 15 %,

- rejeter de plus fort, sa dernière demande de voir porter ce taux à 20 %,

Subsidiairement sur ce point :

- juger que le taux ne saurait excéder 10% sur la base de 800 € du point, compte tenu de l'âge de M. [L],

- déclarer irrecevable la différence entre 25000 € sollicités en première instance et la somme de 60000 € que M. [L] demande en cause d'appel, soit la somme de 35.000 €,

- juger qu'au grand maximum, M. [L] ne peut solliciter une somme supérieure à 30 % de 8.000 €, soit la somme de 2400 €, encore plus sulisidiairement sur ce point, si la « perte de chance'» est retenue,

- juger que M. [L] ne peut solliciter que 10% de cette somme, soit 1 800 €,

Sur la prétendue incidence professionnelle':

- rejeter intégralement ce chef de demande présenté pour la premièrefois en cause d'appel,

- le déclarer irrecevable, constater qu'en première instance, M. [L] avait inclus cette réclamation au titre

de «'l'incapacité temporaire totale'», qu'il demande maintenant l'octroi d'une somme de 50000 €,

- déclarer cette demande irrecevable, comme correspondant à une demande nouvelle en cause d'appel,

- rejeter dans tous les cas de figure cette réclamation qui n'est nullementjustifiée et encore moins fondée,

- débouter intégralement M. [L],

Sur les souffrances endurées :

- déclarer en premier lieu, totalement irrecevable la différence existant entre 30000 € réclamés en première instance et 120000 € et 150000 € et maintenant 200000 € qui sont sollicités en cause d'appel,

- déclarer donc par principe irrecevable, la demande à hauteur de 170000 €

- juger que l'évaluation de ce poste ne saurait excéder 2/7,

- juger qu'au grand maximum l'évaluation des souffrances endurées ne saurait excéder la somme de 10000 €,

- qu'au maximum, M. [L] ne pourrait prétendre à une somme supérieure à 4000 € et à une somme supérieure à 1000 €, si la théorie de la « perte de chance'»'était retenue,

Sur le préjudice d'agrément :

- déclarer irrecevable la différence entre 30000 €, la somme ultérieurement demandée, à hauteur de 120000 € et celle de 150000 € sollicitée dans les dernières conclusions, en toute hypothèse déclarer irrecevable, la demande portant sur 120000 €,

- confirmer de ce chef la décision rendue par le tribunal,

- rejeter ce poste de réclamation intégralement, juger qu'il n'est pas démontré, établi, ni documenté,

Sur le préjudice sexuel :

- déclarer en premier lieu irrecevable la différence entre 10000 € sollicités en première instance et 100000 € sollicités en cause d'appel, soit la somme de 90000 €,

- ne pas faire droit non plus à 1'appel incident de M. [L],

- rejeter ses demandes, dire et juger que le préjudice sexuel invoqué n'est pas du tout établi,

- que le professeur [S] avait parfaitement expliqué qu'il ne pouvait exister de préjudice sexuel.

- très subsidiairement, juger que ce poste ne saurait être évalué au-delà de 1500 €, comme le tribunal l'a fait,

- confirmer dans cette hypothèse le jugement déféré,

- juger qu'au maximum M. [L] pourrait obtenir la somme de 450 €, soit la somme de 150 € si la théorie de la « perte de chance'» était retenue,

Sur le préjudice lié aux pathologies évolutives et frais et de soins futurs :

- sur les soins futurs : déclarer irrecevable la différence entre 4000 € demandés au TGI et la somme de 30000 € sollicitée devant la cour, soit 26000 €'; confirmer de ce chef, la décision déférée, en ce que ce poste a été rejeté par le TGI de Nice,

- sur le préjudice lié aux pathologies évolutives : déclarer irrecevable la différence entre la somme de 20000 €, demandée devant le TGI et celle de 30000 € demandée à la cour, soit 10000 €, juger que ce prétendu préjudice n'est pas établi'; réformer cette partie du jugement qui avait octroyé 5000 €'; subsidiairement, dire et juger qu'au maximum ce poste ne saurait être évalué au-delà de 2000 €'; juger qu'au maximum, M. [L] ne saurait obtenir plus de 30% de la somme de 2000 €, soit 600 €'; qu'il ne saurait obtenir une somme au-delà de 200 €, si la théorie de « perte d'une chance'» était retenue';

Sur le « préjudice moral d'impréparation »':

- déclarer irrecevable cette demande comme étant totalement nouvelle en cause d'appel, ce sur le fondement des dispositions de particle 564 du code de procédure civile,

- juger au surplus que ne saurait exister ici, aucun préjudice d'impréparation'; entoute hypothèse, la déclarer totalement infondée';

- juger qu'au grand maximum si ce poste venait à être admis, M. [L] ne saurait se voir reconnaître une somme supérieure à 10% de la somme que la cour pourrait évaluer,

Sur la demande au titre de la tierce personne':

- rejeter cette demande exorbitante, formulée pour la première fois en cause d'appel, la déclarer par principe irrecevable, rejeter dans tous les cas de figure les demandes de M. [L]'; rejeter la demande d'octroi de la somme de 171360 € au titre de « tierce personne de surveillance'»'; rejeter la demande d'octroi de la somme de 226368 €, au titre de « tierce personne viagère'»'; juger que M. [L] de ce chef n'apporte aucun élément de preuve sérieux, concernant une demande supérieure à 400000 €'; constater que cette demande n'a jamais été sollicitée, par personne, au cours des deux expertises qui se sont déroulées'; que M. [L] a été reconnu, comme étant en « bonne santé'»'; le débouter de plus fort, de cette réclamation,

Sur la demande au titre du « préjudice d'angoisse de mort'»':

- déclarer irrecevable cette demande, comme nouvelle,

- juger que cette demande n'est fondée en aucune manière, la rejeter intégralement,

Sur la demande relative à des « dommages-intérêts distincts'» :

- M. [L] avait sollicité la somme de 1000000 €, il demandait ensuite de lui attribuer la somme de 150000 €, il demande maintenant 100000 €'; déclarer cette demande irrecevable comme étant une demande nouvelle en cause d'appel,

- juger en toute hypothèse que ce poste sera intégralement rejeté car ne reposant sur aucun fondement, rejeter toutes autres demandes intégralement, rejeter la demande d'octroi de la somme de 30000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- rejeter la demande de condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leurs demandes, M. [I], M. [F] et la SA La Médicale de France font valoir notamment les points suivants':

' Sur l'appréciation de la faute':

- de façon générale, le rapport d'expertise du docteur [H] est lacunaire, éminemment contestable, et ne saurait permettre de retenir la responsabilité de M. [F] et de M. [I]';

- l'intervention de M. [F] et de M. [I] en juillet 2005 a été placée sous le signe de l'urgence, et l'existence d'un cholangio-carcinome était statistiquement vraisemblable'; le docteur [G] confirme d'ailleurs que 95'% des ténoses au niveau où se situait celle de M. [L] sont d'origine maligne';

- le diagnostic de sortie effectué le 18 juillet 2005 mentionne un cholangio-carcinome hépatique, mais avec une restriction lourde de sens': «'jusqu'à preuve histologique'»';

- ni M. [L] ni les experts [H] et [J] ne démontrent en réalité la faute des praticiens [F] et [I] intervenus en juillet 2005';

- M. [L] a cru devoir consulter d'autres médecins à [Localité 11] et à [Localité 10] mais n'a repris contact avec M. [I] pour une visite de contrôle qu'en janvier 2007';

- la pose d'une prothèse métallique est conforme aux données de la science médicale de 2005 et adaptée à l'état de M. [L], ainsi qu'en a convenu le professeur [S]'; en effet, la pose d'une prothèse plastique n'est possible que par endoscopie, et le professeur [S] a souligné que c'est l'impossibilité de recourir à l'endoscopie dans le cas de M. [L] qui a déterminé la mise en place par voie percutanée trans-hépatique d'une prothèse métallique non ouverte';

- par ailleurs, le docteur [G] a expressément admis, aux termes d'un courrier du 26 juillet 2011, la possibilité d'une extraction de la prothèse métallique':'« l'exérèse de la prothèse n'est pas impossible'»';

- le rapport d'expertise du docteur [J] est lacunaire en ce qu'il ne décrit pas l'état antérieur qui a nécessairement déterminé M. [L] à consulter en juillet 2005 et à être pris en charge par M. [F] et M. [I]';

' Sur le chiffrage des préjudices':

- M. [L] majore au delà du raisonnable le montant des demandes qu'il a exprimées en première instance'concernant différents chefs de demande ;

- il demande réparation concernant des postes tels que la tierce personne pour près de 400000 € alors qu'un tel poste n'a été ni retenu ni même évoquée au cours des opérations d'expertise';

- il formule des demandes au titre des préjudices professionnels malgré son âge avancé et alors qu'il est en retraite depuis plusieurs années': il évoque en effet des velléités de reprise d'activité professionnelle sans percevoir la contradiction manifeste au regard des sommes très élevées qu'il demande simultanément au titre du poste tierce personne';

* * *

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 du 12 août 2020 après dépôt du rapport d'expertise, M. [L] demande à la cour de bien vouloir':

- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'admettre aux débats les présentes écritures qui sont la nécessaire réplique aux conclusions notifiées par RPVA le 20 mai 2020 pour le compte des appelants,

- débouter M. [I], M. [F] et la SA La Médicale de France de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement déféré en sa forme,

- réformer la réparation des préjudices estimés bien en deçà d'une juste appréciatíon,

- juger en conséquence qu`i1 ne résulte pas du dossier que M. [L] ait reçu une information complète,

- juger qu'il n'apparaît pas du dossier que l'information partielle ou totale ait été délivrée à M. [L],

- juger que M. [F] et M. [I] ont commis manifestement des fautes médicales graves : défaut de diagnostic, pose d`une prothèse inadaptée destinée aux personnes inopérables en fin de vie auxquelles s'ajoutent un manque total d'information et de RCP,

- constater que M. [L] est dans un état de santé d'aggravation résultant de la conséquence de la mise en place par défaut de la prothèse métallique avec risque létal,

- rejeter par voie de conséquence, les demandes, ñns et conclusions des agpelants,

- juger qu'existe bien une relation directe, certaine et indiscutable, entre la pose de la prothèse métallique mise en place par défaut de diagnostic, les soins prodigués par les docteurs [I] et [F], le dommage et la réparation des préjudices que requiert M. [L],

- que les désagréments, les contrôles armés fréquents, l'anxiété et l`état dépressif dus aux risques de complications cliniques sévères pouvant être létales auxquels M. [L] est exposé sont la conséquence directe des fautes médicales des docteurs [I] et [F],

- que l'état de santé gravissime de M. [L] est directement lié aux conséquences de la pose de la prothèse mise en place par défaut de diagnostic qui occasionne des obstructions à répétition et sepsis sévères et un encrassement de l'arbre biliaire gauche pouvant entraîner de lourdes interventions hasardeuses, étant rappelé que M. [L] est octogénaire,

Faire droit à l'appel reconventionnel,

- juger, devant les fautes médicales graves des docteurs [I] et [F], et les soins thérapeutiques apportés contraires aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale, bien fondées les prétentions portées par M. [L],

- juger que les fautes médicales manifestes des docteurs [I] et [F] sont la conséquence directe, depuis 2005, de l'état de santé critique de M. [L], comme la mise en place de la prothèse métallique par défaut de diagnostic est la conséquence de son aggravation, depuis 2015 et 2016, l'exposant à des risques de complications cliniques sévères, de manière brutale, pouvant être létaux et qu'il convient d'indemniser à une juste appréciation,

Ce faisant,

Reconventionnellement,

- condamner les requis solidairement à payer à M. [L] les sommes de :

- déficit fonctionnel temporaire total pendant 9 jours : 1000 €

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe I : 1927 jours : 5000 €

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe II : 133 jours : 3000 €

- déficit fonctionnel permanent de 20% : 60000 €

- incidence professionnelle : 50000 €

- souffrances endurées 4/7': 150000 €

- préjudice d'agrément : 150000 €

- préjudice sexuel : 100000 €

- préjudices liés aux pathologies évolutives : 30000 €

- préjudice moral d'impréparation : 150000 €

- assistance par tierce personne de surveillance : 171360 €

- assistance par tierce personne viagère': 226368 €

- préjudice d'angoisse de mort imminente : 100000 €

- préjudices de santé futurs : 30000 €

- dommages-intérêts, distincts des postes d'indemnisation précédents pour répercussions psychologiques, morales et physiques non évaluables : 100000 €

- condamner les requis solidairement à payer à M. [L] une somme de 30000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette demande étant plus que fondée du fait des frais exposés par le concluant et du fait de la résistance abusive des appelants (référé, première expertise, plaidoirie au fond, appel, premier président, arrêt avant dire droit, seconde expertise à Toulouse, médecin-conseil et avocat, plaidoirie en cour d'appel au fond, etc'),

- condamner les requis solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris tous frais d'expertise.

Au soutien de ses prétentions, M. [L] développe en particulier les points suivants':

' Sur l'appréciation de la faute':

- alors que M. [L] ne présentait en réalité qu'un ictère nu en rapport avec une pathologie obstructive bénigne des voies biliaires, M. [I] a méconnu les règles de l'art et les données acquises de la science médicale en fondant un diagnostic de cholangio-carcinome sur un mode probabiliste, sans prendre la peine de procéder à une réunion de concertation pluridisciplinaire et sans qu'il ait été procédé à une analyse histologique';

- la mise en place d'une prothèse biliaire à visée palliative, dans un contexte présumé de cancer, constitue le fait dommageable. D'après MM. [I] et [F], le dossier médical de M. [L] a fait l'objet d'une discussion pluridisciplinaire en présence d'un chirurgien. Mais cette évaluation collégiale, réalisée pour dé'nir le projet thérapeutique, n'était pas formalisée à l'époque, ni retranscrite dans le dossier médical. Mais la réflexion médicale sur l'éventualité d'un traitement curatif ne pouvait avoir lieu sans la réalisation au préalable d'un scanner thoraco-abdomíno-pelvien et en l'absence de bilan d'opérabilité, ce qui sous-entend que le traitement palliatif a été décidé de facto. M. [F] a concouru à ce diagnostic erroné, et a participé à la demande de M. [I] à la réalisation d'un drainage biliaire palliatif faisant le choix de la mise en place dé'nitive d'une endoprothèse biliaire métallique expansive, non couverte, plutôt qu'un simple drainage par drain biliaire externe en plastique';

- s'en est suivie une longue période d'anxiété, liée à l'annonce d'un cancer au pronostic défavorable et qui a constitué une premiére période de préjudice. Par la suite, l'absence d'évolution péjorative sur six années a permis d'in'rmer le diagnostic initialement erroné de cancer, concluant à une pathologie bénigne des voies biliaires';

- en'n, la présence de la prothèse biliaire en place, sans limite de temps, a entrainé 1'apparition inévitable de complications biliaires infectieuses, constituant de nouvelles conséquences donnnageables auxquelles se sont ajoutés des phénomènes d'anxiété compréhensibles';

- conformément aux préconisations expertales, M. [F] et M. [I] sont co-responsables de l'anxiété de M. [L] liée à l'annonce erronée d'un cancer des voies biliaires et de la pose inappropriée d'une prothèse ainsi que, subséquemmet, de la menace permanente d'une récidive infectieuse (angiocholites)': ils doivent supporter une responsabilité partagée à hauteur de 50'% chacun, sauf la garantie de la SA La Médicale de France.

' Sur l'évaluation des préjudices':

- l'argument selon lequel la concertation médicale n'était pas encore obligatoire en 2005 est irrecevable car dès 2003, un des objectifs du plan cancer était de « pouvoir faire béné'cier pour 100% des nouveaux patients atteints de cancer d'une réunion de concertation autour de leur dossier médical'»';

- retenir deux dates de consolidation et en déduire deux taux de déficit fonctionnel permanent comporte une contradiction dans les termes puisque la consolidation et la fixation subséquente d'un taux de déficit fonctionnel permanent signifie par que l'état de santé du patient n'est plus susceptible d'évolution.

' L'imputabilité est directe, certaine et exclusive.

* * *

La clôture a été prononcée le 12 mai 2020, puis révoquée à deux reprises et reportée au 26 mai 2020 et au 22 septembre 2020, afin de pouvoir ' aucune des parties ne s'y opposant ' recevoir les dernières conclusions de MM. [F] et [I] et de la SA La Médicale de France, ainsi que de M. [L], respectivement en date des 20 mai 2020 et 12 août 2020.

Le dossier a été plaidé le 22 septembre 2020 et mis en délibéré au 5 novembre 2020, prorogé au 19 novembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

Sur les textes fondant le droit à indemnisation':

Deux types de fautes sont invoquées par M. [L], à savoir un manquement à leur obligation de soins par M. [F] et M. [I], et un défaut d'information.

En vertu de l'article L.1142-1 § I du code de la santé publique, le professionnel de santé n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute de sa part. es conséquences de l'acte médical sont dommageables pour le patient lorsqu'elles sont anormales au regard de son état initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

La première de cette responsabilité légale qui pèse sur le médecin est une responsabilité pour faute prouvée, dont la charge incombe à celui qui s'en prévaut.

La faute est caractérisée lorsque le comportement n'est pas celui attendu d'un médecin diligent, c'est-à-dire lorsqu'il n'a pas donné au patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à la date à laquelle les soins ont été prodigués. Cette obligation légale de moyens concerne également le diagnostic du médecin, ses investigations ou mesures préalables, le traitement et le suivi du traitement.

La responsabilité du médecin peut être engagée pour une faute simple. Lorsque la faute du praticien est admise et qu'il est déclaré responsable du dommage corporel directement imputable à cette faute, la victime ne peut prétendre à une indemnisation au titre d'un manquement à l'obligation d'information.

Par application des articles L.1111-2 et R.4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée. La charge de la preuve de son exécution pèse sur le praticien, même si elle peut être rapportée par tous moyens.

La charge de la preuve de l'exécution de l'obligation légale d'informer incombe au médecin. Elle implique que le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte de soin ou de traitement ait fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques en refusant qu'il soit pratiqué.

Les articles 16 et 16-3 alinéa 2 du code civil posent les principes de respect de la dignité d'une personne humaine et de l'intégrité du corps humain. L'article 1240 du même code dispose quant à lui que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitement ou actions de prévention proposée, des risques inhérents à ceux-ci et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir et que le non respect du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information était légalement due un préjudice moral, détaché des atteintes corporelles, résultant d'un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle, qui ne peut être laissé sans réparation.

Sur la prise en charge médicale au cours de l'été 2005':

En accédant à la demande d'expertise judiciaire de M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France, la cour a déjà admis au moins en partie la pertinence de certains griefs articulés par les intimés à l'encontre du premier rapport d'expertise judiciaire du docteur [H]. Il s'ensuit que les responsabilités encourues devront surtout s'apprécier à l'aune des conclusions du rapport d'expertise du docteur [J].

Ce rapport n'est pas un complément d'expertise mais bien une nouvelle expertise au cours de laquelle le docteur [J] a répondu à toutes les questions initialement posées au docteur [H] ainsi qu'aux questions supplémentaires posées par la cour concernant en particulier la conformité des actes de soins réalisés aux données acquises de la science médicale en juillet 2005, l'inéluctabilité du mécanisme d'empierrement'en l'absence de mise en place d'une prothèse biliaire métallique, et le respect par MM. [I] et [F] de leur obligation d'information.

Ce rapport, qui répond de façon circonstanciée aux arguments des parties et de leurs conseils, établit que M. [L], souffrant d'une complication aiguë d'une maladie lithiase vésiculaire avec migration de calculs dans la voie biliaire principale et d'une obstruction biliaire par un syndrome de Mirizzi, a été pris en charge au mois de juillet 2005 par MM. [F] et [I], à l'encontre desquels quatre séries de griefs peuvent être retenus.

1. Un diagnostic erroné de cholangio-carcinome posé en 2005 sur un mode moins scientifique que probabiliste

Le docteur [J] considère qu'il était indiqué de procéder d'abord à une simple échographie pour confirmer l'existence d'un obstacle biliaire, sauf à la confirmer ultérieurement par le recours à une bili-IRM avec produit de contraste. Pour autant, il peut être fait grief à M. [F] et M. [I] d'avoir justifié rétrospectivement leur diagnostic de cholangio-carcinome par le fait que la probabilité d'une pathologie bénigne était selon eux très faible, c'est-à-dire inférieure à 10'%. Outre que ce taux estimé est en réalité très élevé (la note du docteur [E] situe même le taux de bénignité à 20'%), l'analyse préalable sur laquelle M. [F] et M. [I] ont fondé leur diagnostic est d'autant moins acceptable que la bili-IRM avait été effectuée sans produit de contrôle ' ce qui en rendait la lecture moins facile ' et surtout que la bili-IRM n'avait pas été relayée par un scanner abdominal, jugé indispensable par les experts en ce qu'il constitue l'examen de référence en matière de cancérologie digestive, en particulier pour apprécier le niveau d'obstruction biliaire. Le scanner de contrôle qui a été réalisé le 25 juillet 2005 (après intervention du 12 juillet 2005) n'a d'ailleurs pas révélé de cholangio-carcinome.

La démarche de MM. [F] et [I] est donc plus probabiliste que scientifique ' ce qui transparaît d'ailleurs dans un courrier du 15 janvier 2007 de M. [I] au docteur [Y], aux termes duquel':

- il évoque'«'la forte probabilité d'une tumeur bénigne ou maligne de la voie biliaire principale'»,

- et précise'avoir demandé « au docteur [F] de réaliser la mise en place d'une prothèse métallique par voie percutanée'».

En outre, le diagnostic de cholangio-carcinome a été posé sans aucune preuve histologique de l'existence d'un cancer ' ce qui a d'ailleurs suscité des réserves rétrospectives de la part du docteur [W] que M. [L] a consulté le 10 août 2005. Certes, l'expert judiciaire précise que le frottis biliaire aurait démontré l'existence d'un cancer ' s'il avait été réalisé et s'était avéré positif le cas échéant ' mais que l'inverse n'est pas vrai : un frottis biliaire négatif n'aurait pas permis d'écarter la possibilité d'un cancer. Certes, la découverte en 2011 de l'absence de tout cholangio-carcinome prouve rétrospectivement que l'omission de procéder au frottis bililaire en 2005 n'a pas porté préjudice à M. [L]. En tout état de cause, cette omission démontre que M. [F] et M. [I] n'ont pas essayé en 2005 de croiser leur diagnostic de cholangio-carcinome à évolution rapide, avec la certitude d'un processus tumoral qu'aurait signifié un frottis biliaire positif. Ces manquements peuvent être reprochés à M. [F] et à M. [I]. Concernant ce dernier, il sera relevé qu'il a persisté dans son erreur lorsque M. [L] l'a consulté pour la dernière fois le 15 janvier 2007': M. [I] a en effet maintenu son diagnostic de cholangio-carcinome, sauf à concéder que l'évolution s'avérait moins rapide que prévu.

Sur demande de M. [I], M. [F], radiologue, a réalisé le 11 juillet 2005 une échographie abdominale caractérisant une dilatation diffuse des voies biliaires intra-hépatique et de la portion proximale du cholédoque. Certes, lorsqu'il a conclu que « l'aspect échographique rencontré est celui d'un syndrome de Merizzi ; jusqu'à preuve du contraire (cholangiographie ou coelioscopie), ceci doit être considéré comme un cholangio-carcinome'», M. [F] a assorti son propos d'une restriction formulée en ces termes': «'attention, de fausses images de ce type peuvent parfois être rencontrées après le URCP. Une confrontation aux images de la procédure serait utile'». En tout état de cause, le diagnostic de cholangio-carcinome qui précède cette restriction n'est pas exprimé au conditionnel mais bien au présent de l'indicatif, et le docteur [F] a bien procédé le lendemain, 12 juillet 2005, à la pose de l'endoprothèse métallique, acte de soins irréversible et aux conséquences possiblement dangereuses.

2. Une méthode de travail contraire aux bonnes pratiques préconisées par le plan cancer de 2003

Le plan cancer de 2003 a introduit l'obligation de procéder à des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) entre les différents spécialistes de santé (gastro-entérologues, radiologues, chirurgiens, oncologues, oncogériatres) afin de leur permettre d'interagir et, dans l'intérêt du patient susceptible de développer un cancer, de définir un traitement approprié en fonction des données actuelles de la science, de procéder à une analyse bénéfice / risque du traitement envisagé et enfin d'évaluer la qualité de vie susceptible de résulter pour le patient du traitement mis en place. L'expert relève que M. [F] et M. [I] n'avaient pas intégré cette pluridisciplinarité en 2005, à une époque où le principe du recours aux RCP était acquis.

De façon significative, l'expert judiciaire souligne que, la concertation pluridisciplinaire (RCP) n'ayant de sens qu'au vu d'un scanner thoraco-abdomino-pelvien, l'éviction simultanée de l'une et de l'autre démontre que le traitement palliatif a été décidé d'emblée par M. [F] et M. [I].

3. Un manquement au devoir de suivi

Après l'opération, M. [F] aurait dû contacter M. [L] pour lui proposer un rendez-vous de consultation comme il est d'usage après la réalisation d'un acte invasif ' ce qu'il n'a pas fait, et il ne saurait reprocher à son patient de ne pas l'avoir contacté.

4. Une thérapeutique inappropriée qui n'était cohérente qu'au regard d'un diagnostic erroné

L'indication de traitement palliatif avec la mise en place d'une prothèse biliaire métallique, c'est-à-dire définitive, n'était pas justifiée au regard des lacunes du bilan d'évaluation pré-thérapeutique, lesquelles n'ont précisément pas permis d'éliminer scientifiquement l'hypothèse d'un cholangio-carcinome. La pose d'une endoprothèse plastique aurait permis la réversibilité du traitement en cas de guérison de M. [L] de sa pathologie obstructive bénigne des voies biliaires.

C'est bien la mise en place d'une prothèse biliaire à visée palliative, dans un contexte présumé de cancer, qui constitue le fait dommageable, conséquence d'une erreur de diagnostic qui a entretenu M. [L] pendant deux ans dans la croyance fausse qu'il allait mourir à brève échéance ' puis, pendant quatre ans, de 2007 à 2011, qu'il allait mourir des suites d'une pathologie à évolution lente. Jusqu'à ce qu'il apprenne, ce premier chef de préjudice ayant pris fin en mai 2011, l'existence d'un second chef de préjudice, en l'occurrence une angiocholite.

* * *

Répondant à différents dires du conseil de MM [F] et [I] et de la SA La Médicale de France, le docteur [J] a fait état de son expérience de près de vingt ans en chirugie hépato-biliaire pour écarter l'objection tirée de ce que les moyens techniques et les connaissances médicales de l'année 2005 n'étaient pas au niveau de ceux de l'année 2019.

Sans remettre en cause le principe du drainage biliaire, le docteur [J] maintient de façon formelle que le choix d'un drain en plastique était en 2005 la méthode la plus adaptée à l'état réel de M. [L]': M. [L] n'étant atteint que d'une pathologie bénigne, une prothèse plastique aurait pu être retirée avant trois ou quatre mois et avant toute infection.

Le docteur [J] réfute catégoriquement l'affirmation de M. [I] selon laquelle la bili-IRM sans produit de contraste était très suffisante pour procéder à l'évaluation pré-thérapeutique. De même, il conteste la propension de MM. [F] et [I] à omettre la valeur ajoutée du scanner avant toute projet curatif.

Sur la prise en charge médicale entre le printemps 2011 et l'automne 2016 :

La prothèse métallique posée par M. [F] en juillet 2005 à la demande de M. [I] a conduit à un phénomène d'empierrement du canal hépatique gauche. Le risque d'infection (angiocholites) s'est réalisé pour la première fois du 2 mai 2011, du fait de la migration de calculs dans la voie biliaire principale. Une intervention chirurgicale a été nécessaire du 11 au 13 juillet 2011. Le caractère erroné du diagnostic de cholangio-carcinome est apparu à cette époque, le docteur [G] indiquant dans un courrier du 26 juillet 2011 que «'le diagnostic de cholangio-carcinome a été posé en 2005 devant une sténose de la voie biliaire sur un mode probabiliste puisqu'en effet plus de 95'% des ténoses à ce niveau sont d'origine maligne. [']. L'évolution a démenti ce diagnostic de malignité puisque M. [L] est en bon état général, en bonne santé six ans après, et je pense que l'on peut exclure ce diagnostic, il s'agissait plus vraisemblablement d'une sténose bénigne de la voie biliaire'».

Le docteur [J] ne relève aucun manquement médical dans la prise en charge de M. [L] au cours des trois épisodes d'angiocholite survenus les 2 mai 2011, 10 juillet 2015 et du 5 au 9 août 2016. Le docteur [X], gastro-entérologue, a estimé le 8 octobre 2011 qu'extraire la prothèse métallique posée sur le patient comportait de réels dangers, et que mieux valait procéder à son nettoyage biannuel pour prévenir toute septicémie ou nouvelle angiocholite. Le docteur [G], gastro-entérologue à [Localité 9], a constaté un début d'encrassement des canaux biliaires, a prescrit un traitement médicamenteux et a attiré l'attention de M. [L] sur la nécessité d'une antibiothérapie à la première alerte. Les actes de soins postérieurs à intervenus de 2011 à 2016 (c'est-à-dire à compter de l'apparition le 2 mai 2011 de la première angiocholite) sont expressément décrits par le professeur [J] comme ayant été bien exécutés': «'la gestion des complications survenues depuis 2011 et des soins prodigués à des fins curatives et de restauration ont été réalisés conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale'».

Sur l'appréciation de l'anormalité du dommage subséquent':

Les conséquences de l'acte médical sont dommageables pour le patient lorsqu'elles sont anormales au regard de son état initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

Le docteur [J] tient pour acquis depuis juillet 2011 que M. [L] ne présentait en définitive en juillet 2005 qu'une complication aiguë d'une maladie lithiase vésiculaire avec migration de calculs dans la voie biliaire principale et une obstruction biliaire par un syndrome de Mirizzi. Le docteur [J] ajoute, s'agissant de l'évolution attendue de la maladie initiale, que «'la forme clinique du syndrome de Mirizzi est le plus souvent favorable après drainage transitoire des voies biliaires et un traitement médical'». Et l'expert d'ajouter que la prothèse plastique sera retirée facilement une fois l'état de santé du patient revenu à la normale, la prothèse métallique étant par hypothèse réservée aux situations cancéreuses palliatives.

L'expert judiciaire ' qui souligne expressément qu'aucun état antérieur de M. [L] ne le destinait à une évolution péjorative ' retient que la mise en place l'acte médical ayant consisté à poser une prothèse biliaire métallique a eu pour M. [L] des conséquences anormales au regard de son état initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci, puisque la pathologie lithiasique vésiculaire ayant motivé sa prise en charge initiale ne le destinait en rien à la survenue d'une pathologie biliaire chronique.

L'expert considère :

- que les manifestations anxieuses de 2005 à 2011 sont imputables à l'erreur de diagnostic de 2005,

- que les complications biliaires chroniques différées et leurs répercussions psychologiques sont imputables à la pose d'une endoprothèse métallique, et

- que dans un cas comme dans l'autre, cette imputabilité est directe, certaine et exclusive.

Sur l'appréciation du manquement au devoir d'information au cours de l'été 2005 :

Le docteur [J] considère que l'information délivrée en juillet 2005 à M. [L] n'a été ni claire ni loyale ni appropriée'- et ce ni dans la forme ni dans le contenu. Il valide ce faisant les griefs articulés par M. [L] concernant le déficit d'information dans lequel l'ont maintenu MM. [F] et [I], concernant en particulier': i) l'absence d'information initiale sur l'éventualité cancéreuse de sa sténose biliaire, ii) les inconvénients d'une prothèse biliaire définitive plutôt que transitoire (risque infectieux, obstruction) à moyen terme (c'est-à-dire au-delà des perspectives offertes à un patient en phase terminale) et iii) toute alternative thérapeutique au projet proposé.

L'expert judiciaire estime en effet qu'aucune urgence particulière ne justifiait qu'il soit procédé à un drainage biliaire, et que la nature et les conséquences de l'acte invitaient au contraire à la réflexion et à la discussion. Le docteur [J] ajoute que M. [L] n'a pas davantage donné son plein accord sur le traitement réalisé au cours de l'intervention biliaire de radiologie interventionnelle. L'attention de M. [L] n'a pas été explicitement attirée par M. [F] et M. [I] sur les enjeux du choix du type d'endoprothèse, pas plus que sur la possibilité de mettre en oeuvre d'autres options thérapeutiques.

M. [F] et M. [I] à qui incombe la charge de la preuve de l'exécution de cette obligation d'information se bornent à contester avoir méconnu leur devoir d'information. L'enjeu du débat est limité en réalité dans la mesure où, la faute des deux praticiens étant admise par la cour, ils sont déclarés responsables du dommage corporel directement imputable à cette faute. Par suite, M. [L] ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre d'un manquement à l'obligation d'information puisqu'il n'aurait pu dans cette hypothèse que demander réparation de la perte d'une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques en refusant qu'il soit couru.

Toute personne ayant cependant le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitement ou actions de prévention proposée, des risques inhérents à ceux-ci, le non-respect du devoir d'information cause à celui auquel l'information était légalement due un préjudice moral, détaché des atteintes corporelles, qui résulte d'un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle. Ce préjudice doit être réparé sur le fondement des articles 16, 16-3 et 1240 du code civil.

Distinct du préjudice résultant de la perte de chance éventuelle liée à un défaut d'information, ce préjudice d'impréparation psychologique doit être réparé. M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France seront condamnés in solidum à payer de ce chef une somme de 3000 € de dommages-intérêts à M. [L].

Sur la contribution à la dette de MM. [F] et [I]':

En l'état de ces manquements caractérisés qui ' de façon directe, certaine et exclusive ' ont exposé M. [L] à faire face à l'idée d'une mort à brève échéance pendant six ans, puis à subir trois angiocholites en cinq ans, puis enfin à devoir accepter en 2016 l'idée de la permanence du risque infectieux, M. [L] ne saurait se voir contester son droit à une réparation intégrale de son préjudice corporel, et il ne saurait être recouru à la notion de perte de chance d'obtenir une issue plus favorable pour minorer l'étendue de son droit à indemnisation.

M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France seront condamnés in solidum à réparer le préjudice corporel subi par M. [L]. MM. [F] et [I] portent la responsabilité partagée de ces manquements, dans des proportions que la cour estime à hauteur de la moitié chacun': ils seront tenus de la moitié des condamnations prononcées dans leurs rapports entre eux.

Sur l'indemnisation du préjudice corporel':

La cour retient le rapport d'expertise médicale du docteur [J] comme base valable d'évaluation du préjudice corporel subi.

Données médico-légales':

L'expert séquence les préjudices avant et après la première angiocholite du 2 mai 2011, retenue comme date d'aggravation du préjudice, ce qui conduit à l'adoption'de deux dates de consolidation et de deux taux successifs de déficit fonctionnel permanent :

- la période antérieure à l'aggravation du 2 mai 2011 correspond aux manifestations anxieuses induites par l'annonce d'un diagnostic erroné';

- le drainage biliaire ayant stabilisé assez rapidement l'état de M. [L], le 19 septembre 2005 a été retenu comme date de première consolidation';

- l'aggravation de l'état de santé le 2 mai 2011 (empierrement de l'endoprothèse métallique, obstruction subséquente de la voie biliaire) ouvre une période placée sous le signe de l'angiocholite (trois en cinq ans)';

- Aucune angiocholite n'étant survenue depuis le 9 octobre 2016, cette date a été retenue comme date de seconde consolidation de l'état de santé de M. [L].

La dualité des préjudices et l'aggravation apparue le 2 mai 2011 entraîne par ailleurs l'admission de':

' deux taux de déficit fonctionnel permanent :

- l'expert judiciaire reconnaît un déficit fonctionnel permanent de 5'% après le 19 septembre 2005 (1ère consolidation),

- l'expert judiciaire majore ce déficit fonctionnel permanent de 10 points et le porte à 15'% à compter du 9 octobre 2016.

' deux niveaux de souffrances endurées :

- souffrances endurées avant aggravation': 1/7

- souffrances endurées après aggravation': 3/7

- souffrances endurées sur les deux périodes': 4/7

' déficit fonctionnel temporaire':

- déficit fonctionnel temporaire total': 9 jours (22-26 mai 2011, 11-13 juillet 2015, 5-9 août 2016),

- déficit fonctionnel temporaire partiel'(classe 2)': 113 jours (18 juillet-19 septembre 2005),

- déficit fonctionnel temporaire partiel'(classe 1)': 1927 jours (2-22 mai 2011, 26 mai 2011-11 juillet 2015, 13 juillet 2015-5 août 2016, 9 août 2016-9 octobre 2016),

' autres postes de préjudice':

- préjudice esthétique temporaire : sans objet

- préjudice esthétique permanent': sans objet

- préjudice sexuel : M. [L] dit avoir perdu toute libido pendant treize ans

- préjudice d'agrément': admis (voyages, activités sportives non précisées)

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident ainsi que de l'aggravation, de son activité (retraité), des deux dates de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

La victime a subi un dommage corporel : elle doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Le juge ne se prononce que sur ce qui est demandé. Il ne peut allouer à la victime une somme supérieure au montant demandé, ou inférieure au montant admis par le responsable.

Données chronologiques :

Date de naissance':08/01/1934

Date du fait générateur':12/07/2005

Date de la première consolidation':19/09/2005

Date d'aggravation':02/05/2011

Date de la seconde consolidation':09/10/2016

Date de la liquidation':19/11/2020

Durée en années de la période avant la première consolidation :0,189 année

Durée en années de la période première consolidation / aggravation :5,615 années

Durée en années de la période aggravation / seconde consolidation :5,440 années

Durée en années de la période seconde consolidation / liquidation':4,112 années

Age'lors du fait générateur :71 ans

Age'lors de la première consolidation :71 ans

Age lors de l'aggravation77 ans

Age lors de la seconde consolidation':82 ans

Age'lors de la liquidation :86 ans

Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M. [L] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)': 9222,37 €

Ce poste est constitué des frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, actes de radiologie et divers pris en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie du Var, soit la somme de 9222,37 €, M. [L] n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

Assistance par tierce personne temporaire': rejet

Il est constant que les frais de tierce personne temporaire constituent un poste distinct du poste frais divers de la nomenclature Dintilhac.

Ce poste correspond à l'aide périodique nécessaire pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie.

M. [L] sollicite une somme de 171360 € au titre de la tierce personne temporaire. M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France s'opposent à cette demande.

Le rapport de M. [J] ne retient pas ce poste de préjudice. Aucune somme ne sera allouée à M. [L] de ce chef.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Dépenses de santé futures (DSF)': 2599,91 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué des frais futurs prévus par l'organisme social à hauteur de 2599,91 €, aucune somme ne restant à la charge personnelle de M. [L] ' dont la demande non justifiée de 30000 € ne peut qu'être rejetée.

Assistance par tierce personne permanente (ATP)': rejet

Ce poste correspond à l'aide périodique nécessaire après consolidation pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie.

M. [L] sollicite une somme de 226368 € au titre de la tierce personne permanente. M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France s'opposent à cette demande.

Le rapport de M. [J] ne retient pas ce poste de préjudice. Aucune somme ne sera allouée à M. [L] de ce chef.

Incidence professionnelle (IP)': rejet

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, ou enfin de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap.

L'incidence professionnelle est indemnisée selon une somme fixée globalement même si différents éléments sont pris en considération, et non à partir d'une perte annuelle de gains professionnels déterminée puis capitalisée selon un barème choisi.

Âgé de 71 ans en juillet 2005, M. [L] était déjà admis au bénéfice de la retraite depuis plusieurs années. Sa vie professionnelle est derrière lui. Le docteur [J] considère donc ce poste de préjudice comme étant sans objet. La cour souscrit à cette analyse': les quelques attestations faisant état de projets de reprise d'activité professionnelle de M. [L] n'emportent guère la conviction. Aucune somme ne sera allouée de ce chef.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 6208,65 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 810 € par mois de déficit fonctionnel temporaire total, soit 27 € par jour, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie, sauf à réduire à due concurrence pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel.

Au regard des durées arrêtées par l'expert et non contestées par les parties, le montant de l'indemnisation revenant à M. [L] au titre de déficit fonctionnel temporaire est de 6208,65 €, ventilée comme suit':

- déficit fonctionnel temporaire total': 9 jours x 27 € x 1,00 = 243 €

- déficit fonctionnel temporaire partiel'classe 2 : 113 jours x 27 € x 0,25 = 762,75 €

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe 1': 1927 jours x 27 € x 0,10 = 5202,90 €

Souffrances endurées (SE)': 30000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime pendant les deux périodes avant consolidation du 12 juillet au 19 septembre 2005 puis du 2 mai 2011 au 9 octobre 2016, respectivement évaluées à 1/7 et 3/7, soit un total retenu de 4/7.

Ce poste inclut le préjudice de mort imminente que M. [L] a enduré, et au titre duquel il sollicite une somme distincte de 100000 €.

Le premier juge avait accordé une somme de 30000 €. M. [L] sollicite à présent une somme de 200000 € alors qu'il avait obtenu l'intégralité de la somme demandée en première instance, soit 30000 €. M. [L] est donc irrecevable à solliciter une somme supérieure.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 16500 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

Au regard des deux taux de déficit fonctionnel permanent successivement retenus par le docteur [J] (5'% puis 10'%) et de l'âge de la victime à la date de la première et de la seconde consolidation (71 ans, puis 82 ans), ce poste de préjudice corporel sera évalué à la somme de 16500 €.

Préjudice d'agrément (PA)': 3000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant et dont elle a été privée des suites de celui-ci.

Il est constant que le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

M. [L] sollicite une somme de 150000 €. Il indique qu'il pratiquait le jogging, le ski, le ski nautique, la planche à voile. Il produit à cet égard plusieurs photos de vacances légendées ayant été prises à Corfou, à Val D'Isère et en Sardaigne, entre 1995 et 2000, soit de cinq à dix ans avant l'été 2005. Il produit une attestation de Mme [A] [C] qui confirme sa sportivité.

L'anxiété qui habite M. [L] depuis l'été 2005 et la crainte du risque infectieux réel existant depuis 2011 ne sont compatibles avec l'insouciance qui caractérise la pratique des activités sportives et de loisirs que M. [L] affectionnait. Ce poste sera évalué à la somme de 3000 €.

Préjudice sexuel (PS)': 2500 €

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

M. [L] sollicite une indemnité de 100000 € de ce chef.

Le docteur [J] retient expressément un préjudice sexuel par atteinte de la libido ' ce que corrobore en tous points le certificat médical établi le 30 novembre 2018 par le docteur [U], médecin psychiatre, qui évoque un trouble anxieux généralisé associé à des attaques de panique, des troubles du sommeil et une disparition de toute activité sexuelle.

Ce poste sera intégralement réparé par l'octroi d'une indemnité de 2500 €.

c) préjudices extra-patrimoniaux évolutifs (hors consolidation)

Préjudices liés à des pathologies évolutives (PEV)': 12000 €

Les pathologies dites évolutives visent notamment les maladies incurables susceptibles d'évoluer. Leur degré d'avancement constitue par lui-même un chef de préjudice distinct devant être indemnisé tel quel. Le préjudice extra-patrimonial évolutif indemnise le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène quelle qu'en soit la nature ' biologique, physique ou chimique ' qui comporte le risque d'apparition à plus ou moins brève échéance, d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital.

Le préjudice extra-patrimonial évolutif est résolument hors consolidation. Il se manifeste en effet avant même la première consolidation du 19 septembre 2005, il inclut en effet l'annonce de la condamnation par le cholangio-carcinome (peu importe que le diagnostice soit erroné dès lors qu'il est crédible et qu'il est cru). Ses effets se poursuivent au-delà de la seconde consolidation du 9 octobre 2016, puisque M. [L] est fondé à éprouver quelque angoisse concernant son avenir en raison des risques soulignés par le médecin traitant, et de la nécessité de se soumettre pendant une durée indéterminée à des examens médicaux.

M. [L] sollicite la somme de 30000 € de ce chef.

Le docteur [J] note que si, actuellement, M. [L] ne présente aucune plainte fonctionnelle depuis son dernier épisode d'angiocholite. Il est parfaitement conscient du risque de récidive infectieuse et des inonvénients à long terme de sa prohtèse métallique, ce qui génère chez lui une anxiété persistante et permanente à laquelle il tente de faire face seul, sans soutien psychologique.

Il sera alloué à M. [L] une somme de 12000 €.

* * *

Le préjudice corporel global subi par M. [L] s'établit ainsi à la somme de 82590,93 € soit, après imputation des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie du Var, une somme de 70708,65 € lui revenant, provisions éventuelles non déduites, qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 16 mai 2017 à hauteur de 66700 € et du prononcé du présent arrêt soit le 19 novembre 2020 pour le surplus des sommes dues.

Sur la demande de M. [L] relative à des préjudices hors nomenclature Dintilhac :

M. [L] sollicite la somme de 100000 € de dommages-intérêts «'distincts des postes d'indemnisation précédents pour répercussions psychologiques, morales et physiques non évaluables'».

M. [I] et la SA La Médicale de France concluent à l'irrecevabilité de cette demande en tant qu'elle serait nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile

Cette demande ne constitue pas une prétention nouvelle,'prohibée en tant que telle devant la cour, car elle tend aux mêmes fins que celle soumises au premier juge': obtenir l'indemnisation intégrale de l'ensemble du préjudice corporel subi. La demande est donc recevable. Sur le fond, elle est particulièrement floue quant au préjudice hors nomenclature qu'elle viendrait réparer et sera rejetée.

Sur les demandes de dommages-intérêts de MM. [F] et [I] pour procédure abusive':

MM. [F] et [I] font grief à M. [L] d'avoir porté à leur encontre des accusations portant atteinte à leur honorabilité professionnelle. Ils sollicitent l'un et l'autre la condamnation de M. [L] à leur payer la somme de 15000 € de dommages et intérêts à chacun.

Le jugement du TGI de Nice étant confirmé sur l'appréciation des responsabilités encorues, les demandes indemnitaires de MM. [F] et [I] ne sauraient prospérer.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d'appel et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [L] une indemnité de 4000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Fixe le préjudice corporel global de M. [L] à la somme de 79590,93 € (soixante dix neuf mille cinq cent quatre vingt dix euros et quatre vingt treize cents).

Dit que l'indemnité revenant à M. [L] s'établit à la somme de 82590,93 € (quatre vingt deux mille cinq cent quatre vingt dix euros et quatre vingt treize cents), soit, après imputation des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie du Var, une somme de 70708,65 € (soixante dix mille sept cent huit euros et soixante cinq cents) lui revenant, provisions éventuelles non déduites.

Condamne in solidum M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France à payer à M. [L] la somme de 70708,65 € (soixante dix mille sept cent huit euros et soixante cinq cents) au titre du préjudice corporel subi.

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du 16 mai 2017 à hauteur de 66700 € (soixante six mille sept cents euros) et du 19 novembre 2020 pour le surplus des sommes dues.

Condamne in solidum M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France à payer à M. [L] la somme de 3000 € (trois mille euros) au titre du préjudice d'impréparation subi.

Dit que dans leurs rapports entre eux M. [F] et M. [I] seront tenus à hauteur de 50 % (cinquante pour cent) chacun des condamnations prononcées.

Déboute toutes les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

Déclare l'arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var.

Condamne in solidum M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France à payer à M. [L] la somme de 4000 € (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M. [F], M. [I] et la SA La Médicale de France aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 17/11507
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°17/11507 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;17.11507 ?
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