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17/11/2020 | FRANCE | N°16/10041

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 17 novembre 2020, 16/10041


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2020

O.B.

N° 2020/ 254













Rôle N° RG 16/10041 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6WKS







SAS CENTRE DE GESTION IMMOBILIERE





C/



[I] [O]

SA [Y] ASSURANCES

Société [Y]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :







Me Isabelle LACOMBE

-BRISOU





Me Caroline DE FORESTA







Me Jean-françois JOURDAN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 25 Avril 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/04841.





APPELANTE



SAS CENTRE DE GESTION IMMOBILIERE

immatriculée...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2020

O.B.

N° 2020/ 254

Rôle N° RG 16/10041 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6WKS

SAS CENTRE DE GESTION IMMOBILIERE

C/

[I] [O]

SA [Y] ASSURANCES

Société [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle LACOMBE-BRISOU

Me Caroline DE FORESTA

Me Jean-françois JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 25 Avril 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/04841.

APPELANTE

SAS CENTRE DE GESTION IMMOBILIERE

immatriculée au RCS de TOULON 326 700 648 vient aux droits de la SARL [O] IMMOBILIER immatriculée au RCS de FREJUS N° 431 907 005 suite à une fusion, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Isabelle LACOMBE-BRISOU de l'AARPI CABINET LACOMBE-BRISOU-CAMUSO, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [I] [O]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 10] ([Localité 10]), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Caroline DE FORESTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Bruno BENEIX-CHRISTOPHE, avocat au barreau de PARIS

SA [Y] ASSURANCES

venant aux droits de la SA [Y] agissant en la personne de son représentant légal domicilié audit siège [Adresse 6]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me François BLANGY, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Clément PIALOUX, avocat au barreau de PARIS

Société [Y]

société de caution mutuelle Immatriculée au RCS de PARIS sous le N°662028471 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me François BLANGY, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Clément PIALOUX, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier BRUE, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2020,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et M. Rudy LESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier du 18 février 2014, la Sarl [O] Immobilier a fait assigner M. [I] [O] devant le tribunal de grande instance de Toulon pour obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à la suite de détournements de fonds qu'elle affirmait devoir rembourser aux copropriétés victimes :

- 140 099,65 euros en remboursement des sommes détournées identifiées,

- 68 731 euros en indemnisation de la perte de 8 copropriétés dans son portefeuille de gestion,

- 50 000 euros en réparation du préjudice d'image,

outre 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [Y] Assurances est intervenue volontairement à la procédure aux côtés de la Sarl [O] Immobilier en indiquant être subrogée dans les droits et actions de celle-ci et des syndicats des copropriétaires lésés et en demandant au tribunal de condamner M. [I] [O] à lui payer la somme de 127 066 euros et de dire qu'elle est subrogée dans les droits de la Sarl [O] Immobilier au titre de l'hypothèque provisoire prise sur les immeubles appartenant à M. [I] [O].

Par jugement contradictoire du 11 juin 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a :

- au visa des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, déclaré l'action initiée par la Sarl [O] Immobilier à l'encontre de M. [I] [O] irrecevable,

- au visa des articles 329 et 330 du code de procédure civile, déclaré l'intervention volontaire de la SA [Y] Assurances irrecevable

- au visa de l'article 70 du code de procédure civile, déclaré recevables les demandes reconventionnelles de M. [I] [O],

- débouté M. [I] [O] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la SA [Y] Assurances la charge de ses propres dépens,

- condamné la Sarl [O] Immobilier aux dépens de l'instance.

Il a retenu, pour l'essentiel, que la Sarl [O] Immobilier ne présentait pas un préjudice personnel et ne représentait pas les syndicats spoliés et que la SA [Y] Assurances ne justifiait pas en quoi elle était intéressée à l'instance dans ses seules conclusions recevables, celles du 06 février 2015.

La SAS Centre de Gestion Immobilière, venant aux droits de la Sarl [O] Immobilier, a interjeté appel de ce jugement suivant déclaration en date du 20 juillet 2016. Cet appel a été enrôlé sous le numéro 16/13629.

Par requête déposée le 26 août 2015, la SAS Centre de Gestion Immobilière a saisi le tribunal de grande instance de Toulon d'une requête en omission de statuer affectant le jugement rendu le 11 juin 2015 en ce que le tribunal aurait omis de statuer sur ses demandes au titre du préjudice économique de l'entreprise, de la surcharge de travail induite par les malversations de M. [I] [O] et de son préjudice d'image.

Par requête déposée le 27 août 2015, la SA [Y] a également saisi le tribunal d'une omission de statuer, soutenant que le tribunal avait omis de statuer sur l'ensemble des demandes présentées dans ses conclusions du 13 mars 2015.

Par jugement du 25 avril 2016, le tribunal de grande instance de Toulon a :

- rejeté la requête de la SAS Centre de Gestion Immobilière,

- déclaré la requête de la SA [Y] recevable,

- ordonné la réouverture des débats et invité M. [I] [O] à conclure au fond sur cette requête,

- invité la SA [Y] à préciser si elle opte pour l'action en omission de statuer ou pour l'action tendant aux mêmes fins par voie de nouvelle assignation,

- renvoyé l'affaire à la mise en état et réservé les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Centre de Gestion Immobilière a interjeté appel total de cette décision suivant déclaration en date du 20 juillet 2016. Cet appel a été enrôlé sous le n°16/10041.

Par arrêt avant dire droit n° 2018/414 du 19 juin 2018 auquel il convient de se référer pour connaître les moyens et les demandes présentées par les parties, la cour a ordonné la jonction de ces deux procédures et a renvoyé l'affaire sine die afin qu'elle soit évoquée à la même audience que le dossier 17/14775 ouvert sur l'appel formé par la SA [Y] à l'encontre d'un jugement rendu le 7 avril 2017 dans les suites du jugement du 25 avril 2016.

Cette affaire a reçu fixation à l'audience du 16 mars 2020 et vient devant la cour dans le même état procédural que lors de l'audience précédente.

La SAS Centre de Gestion Immobilière, suivant conclusions identiques signifiées le 20 juillet 2016 dans l'instance 16/10041 et le 1er septembre 2016 dans l'instance 16/13629, demande à la cour, au visa des articles 1382, 1154 et suivants du code civil et des articles 515, 696 et 700 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 11 juin 2015 et le jugement du 25 avril 2016,

- joindre les deux procédures pendantes devant la cour,

- dire que la responsabilité de M. [I] [O] est engagée,

- condamner M. [I] [O] à lui payer le montant de son préjudice propre, soit :

la somme de 81 922 euros au titre de la perte de 11 copropriétés,

la somme de 20 000 euros en indemnisation des frais de personnel mobilisé pour l'identification des anomalies de gestion,

la somme de 50 000 euros en indemnisation du préjudice lié à l'altération de l'image commerciale de la requérante,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis la date de l'assignation sur le fondement de l'article 1154 du code civil,

- condamner M. [I] [O] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que M. [I] [O] a commis de multiples détournements de fonds en établissant des chèques à son ordre, en encaissant pour son propre compte des fonds remis à la Sarl [O] Immobilier et en établissant de fausses factures fournisseurs ; certes, les copropriétés sinistrées ont été indemnisées par la SA [Y], de sorte qu'elle ne formule plus aucune demande au titre des détournements eux-mêmes ; mais il est résulté des agissements de M. [I] [O] un préjudice propre pour la SAS Centre de Gestion Immobilière, venant aux droits de la Sarl [O] Immobilier, dès lors que :

- 8 copropriétés ont, dès 2013, retiré leur confiance à la Sarl [O] Immobilier, soit une perte sèche en 2013 de 68 731 euros et 3 mandats supplémentaires ont été perdus en 2014 au regard des manoeuvres de déstabilisation menées par M. [I] [O], soit un total de 81 922 euros ;

- elle a subi une surcharge de travail pour identifier les malversations,

- l'image commerciale de l'entreprise a été gravement altérée.

Elle ajoute qu'elle a saisi le tribunal de grande instance de Toulon d'une requête en omission de statuer en ce que le tribunal n'a statué que sur la demande en indemnisation des détournements mais a omis de statuer sur les autres demandes de la Sarl [O] Immobilier concernant son préjudice économique propre, mais que sa requête a été rejetée par jugement du 25 avril 2016. Elle indique que la SA [Y] a également saisi le tribunal d'une requête en rectification d'erreur matérielle en ce qu'elle avait déposé d'autres conclusions que celles du 06 février 2015 avant la clôture, requête qui a été admise par le jugement du 25 avril 2016.

La SA [Y] Assurances, venant aux droits de la la SA [Y], aux termes de ses conclusions n°2 notifiées dans le dossier 16/13629 le 16 avril 2018, demande à la cour, au visa des articles 1251, 1382 et 2306 et suivants du code civil et de l'article L 223-22 du code de commerce, de :

- ordonner la jonction des instances pendantes devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence sous les numéros 16/10041 et 1613629,

- surseoir à statuer dans l'attente du jugement à intervenir dans la procédure enrôlée devant le tribunal de grande instance de Toulon sous le n°16/00803,

- infirmer le jugement du 11 juin 2015 en ce qu'il déclare irrecevable l'intervention volontaire de la société de caution mutuelle [Y] Assurances ainsi que ses écritures régularisées le 13 mars 2015,

En tous cas,

- dire recevable l'action de la SA [Y] à l'encontre de M. [I] [O] aux côtés de la Sarl [O] Immobilier,

- dire que la responsabilité de M. [I] [O] est engagée,

- dire que la SA [Y] est subrogée dans les droits et actions de la Sarl [O] Immobilier et dans les droits et actions des syndicats des copropriétaires lésés,

- dire au surplus la SA [Y] Assurances bien fondée à agir en responsabilité à l'encontre de M. [I] [O],

- condamner M. [I] [O] à lui verser la somme de 127 066 euros,

- dire la SA [Y] Assurances subrogée dans les droits, actions et hypothèques de la Sarl [O] Immobilier et notamment dans l'hypothèque provisoire prise sur les parts et portions appartenant à M. [I] [O] dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 9], dénommé les Cyclades, cadastré section BP n°[Cadastre 3], section BP n°[Cadastre 4], à hauteur de la somme de 127 066 eruos,

- ordonner la publication de la décision à intervenir au service de la publicité foncière compétent,

En tout état de cause,

- condamner tout succombant à verser à la SA [Y] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans les conclusions notifiées le 16 avril 2018 dans le dossier 16/10041, elle demande à la cour d'ordonner la jonction des deux instances et de confirmer le jugement du 25 avril 2016 en ce qu'il a déclaré sa requête recevable et ordonné la réouverture des débats, présentant pour le surplus les mêmes réclamations au fond que dans ses écritures dans le dossier 16/13629.

Elle explique qu'elle offre sa garantie financière à des professionnels de l'immobilier, qu'elle était le garant de la Sarl [O] Immobilier et qu'elle a, à ce titre, indemnisé les mandants des détournements opérés par M. [I] [O] à hauteur de la somme de 127 066 euros en exécution d'un protocole transactionnel conclu le 21 février 2014 avec la Sarl [O] Immobilier, cette somme étant versée pour le compte des syndicats des copropriétaires ayant subi des détournements de fonds, moyennant quoi elle a été subrogée dans tous les droits et actions de la Sarl [O] Immobilier, y compris l'hypothèque prise contre M. [I] [O]. Elle fait état à cet effet d'une quittance subrogative et de la liste des mandants désintéressés. Elle invoque les dispositions des articles 1251 et 2306 du code civil pour dire qu'elle a droit à la subrogation légale, outre la subrogation conventionnelle précitée. Elle ajoute que la Sarl [O] Immobilier a été autorisée par ordonnance du 20 février 2015, à prendre une hypothèque provisoire pour garantie de 278 830 euros et qu'en raison de la subrogation, elle est subrogée dans l'hypothèque à hauteur de 127 066 euros.

M. [I] [O], en l'état de ses dernières écritures notifiées le 09 avril 2018 de manière identique dans le dossier 16/13629 et dans le dossier 16/10041, demande à la cour de :

Sur l'appel principal de la SAS Centre de Gestion Immobilière,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

- la déclarer irrecevable en ses demandes pour défaut d'intérêt à agir, voire l'en débouter au fond, faute de jugement statuant sur les détournements allégués et qui constituent la cause des prétentions personnelles de l'appelante,

- la condamner à verser à M. [I] [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

- surseoir à statuer en l'attente de l'issue de la procédure opposant la SA [Y] à M. [I] [O] et telle que pendante devant le tribunal de grande instance de Toulon,

Sur l'appel incident de la SA [Y],

Vu l'article 568 du code de procédure civile,

- Débouter la SA [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Il soutient que les demandes de la SA [Y] sont incompréhensibles :

M. [I] [O] n'a pas fait appel du jugement du 25 avril 2016 faisant droit à la requête de la SA [Y] et la SAS Centre de Gestion Immobilière ne conteste pas ce jugement de ce chef, de sorte que la cour ne peut confirmer le jugement d'un chef qui n'est contesté par personne ;

la SA [Y] ne peut demander devant la cour à ce qu'il soit statué sur le fond alors que l'affaire a été renvoyée pour plaider devant le tribunal de grande instance de Toulon 'le 7 novembre prochain', sauf à demander, sans le motiver, une évocation du litige par la cour, alors que les conditions de l'évocation de l'article 568 du code de procédure civile ne sont pas réunies.

Il défend le jugement du 25 avril 2016 qui a refusé la requête en omission de statuer de la SAS Centre de Gestion Immobilière, le tribunal ayant vidé sa saisine dans son jugement du 11 juin 2015. Il ajoute, d'une part, que les préjudices personnels allégués par la SAS Centre de Gestion Immobilière comme étant la conséquence des détournements opérés par lui ne sont pas recevables dans leur principe, la matérialité desdits détournements n'ayant pas été jugée puisque la cause est devant le tribunal de grande instance de Toulon sur les demandes de la SA [Y], d'autre part que la SAS Centre de Gestion Immobilière n'apporte aucun élément justifiant d'un lien de causalité entre la perte de 8 copropriétés et les agissements de M. [I] [O], comme entre ceux-ci et le préjudice d'image.

Il termine en indiquant que, par jugement du 14 mars 2018, il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Draguignan des chefs d'altération frauduleuse de la vérité d'un écrit, de falsification et détournements de fonds et que le juge pénal a retenu qu'il n'avait commis aucun détournement au détriment de la Sarl [O] Immobilier devenue la SAS Centre de Gestion Immobilière, d'où le rejet de la constitution de partie civile de celle-ci.

Par jugement du 7 avril 2017, le tribunal de grande instance de Toulon, statuant sur les demandes en intervention volontaire de la SA [Y], dans les suites du jugement du 25 avril 2016, a :

- déclaré l'intervention volontaire de la SA [Y] recevable,

- rejeté l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de l'Etat.

La SA [Y] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 28 juillet 2017. Cet appel a été enrôlé sous le n° 17/14775.

Par arrêt avant dire droit n° 208/416 du 19 juin 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 17 avril 2018, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la question de l'irrecevabilité de l'appel soulevé par Monsieur [I] [O] et renvoyé le dossier à la mise en état pour que cette question soit soumise au conseiller de la mise en état.

Par ordonnance d'incident rendue le 17 septembre 2019, le magistrat de la mise en état a débouté Monsieur [I] [O] de son incident, déclarer l'appel interjeté par la SA [Y], le 27 juillet 2017 recevable, débouté Monsieur [I] [O] de sa demande tendant à voir dire que les demandes de la société [Y] Assurances, venant aux droits de la SA [Y] seraient irrecevables par voie de conséquence de l'irrecevabilité de l'appel est dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA [Y] Assurances, venant aux droits de la SA [Y], suivant conclusions d'appelant n°4 notifiées le 16 avril 2018, demande à la cour de joindre cette procédure aux deux instances enrôlées sous les n°16/13629 et 16/10041 et sollicite la confirmation du jugement du 7 avril 2017 en ce qu'il a déclaré son intervention volontaire recevable comme venant aux droits de la Sarl [O] Immobilier contre M. [I] [O] mais de l'infirmer en ce qu'il rejette ses demandes au fond, et statuant à nouveau, conformément à ce qui est demandé dans ses conclusions notifiées dans les deux autres procédures, de :

- dire qu'elle est subrogée dans les droits et actions de la Sarl [O] Immobilier et des syndicats des copropriétaires lésés, et qu'elle est bien fondée à agir en responsabilité contre M. [I] [O],

- condamner M. [I] [O] à lui payer la somme de 127 066 euros,

- dire qu'elle est subrogée dans le bénéfice de l'hypothèque provisoire prise par la Sarl [O] Immobilier sur le bien immobilier de M. [I] [O] et ordonner la publication de la décision au bureau des hypothèques,

- condamner M. [I] [O] à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle reprend l'ensemble des explications données dans les deux autres procédures concernant sa subrogation dans les droits de la Sarl [O] Immobilier et des syndicats des copropriétaires en exécution du protocole et de la quittance subrogatoire.

Elle indique sur le fond qu'il n'est pas contesté que M. [I] [O] s'est rendu coupable de détournements de fonds pour un montant de 140 099,65 euros, ainsi qu'il résulte de la production aux débats des chèques qu'il établissait lui-même à son attention et des reçus en espèces qui ont été saisis sur ordinateur (pièce n°5 tableau récapitulatif des détournements + pièces justificatives). Elle invoque l'article L 223-22 du code de commerce selon lequel les gérants sont responsables individuellement ou solidairement envers la société ou envers les tiers des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion et l'article 55 du décret du 20 juillet 1972 qui impose aux gestionnaires d'ouvrir des comptes distincts et indépendants de la gestion courante affectés exclusivement aux opérations de gestion immobilière, et elle soutient que la faute commise par M. [I] [O] est une faute intentionnelle contraire à l'intérêt social qui lui a causé un préjudice personnel.

Elle ajoute, en réponse aux arguments développés par M. [I] [O] :

- en sa qualité de syndic, la Sarl [O] Immobilier disposait d'un mandat apparent pour signer le protocole d'accord au nom des syndicats des copropriétaires, de sorte que la SA [Y] est fondée à agir au nom de ces syndicats pour le compte desquels le protocole a été signé, étant précisé qu'il est établi que la Sarl [O] Immobilier était bien le syndic des copropriétés listées au moment de la signature du protocole, le 21 février 2014 ;

- M. [I] [O] a été relaxé au seul motif qu'il n'a pas commis les détournements au préjudice de la Sarl [O] Immobilier mais des syndicats des copropriétaires alors que le tribunal correctionnel n'était saisi que d'une infraction au préjudice de la Sarl [O] Immobilier ; par contre, le tribunal retient bien que les copropriétés ont été victimes des agissements de M. [I] [O] et précise qu'elles ont été indemnisées par la SA [Y].

La SAS Centre de Gestion Immobilière, aux termes de ses conclusions notifiées le 11 septembre 2017, demande à la cour de prononcer la jonction des trois procédures et en toute hypothèse de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la décision de la cour sur le bien fondé des prétentions de la SA [Y] et de condamner tout succombant aux dépens.

M. [I] [O], par conclusions n°4 notifiées le16 avril 2018, demande à la cour de statuer ce que de droit sur la jonction des procédures demandée par la SA [Y] mais, sur le fond de :

- débouter la SA [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement du 7 avril 2017 de ce chef,

- condamner la SA [Y] à verser à M. [I] [O] la somme de 3 000 euros, outre les entiers dépens.

Il sollicite la confirmation du jugement du 07 avril 2017 en ce qu'il a jugé que la SA [Y] ne pouvait, au titre de la subrogation dans les droits de la SAS Centre de Gestion Immobilière, se prévaloir de plus de droits que celle-ci contre lui alors que, par jugement du 11 juin 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a déclaré cette société irrecevable en ses demandes. Il ajoute qu'en tout état de cause, la preuve de la validité de la créance de la SAS Centre de Gestion Immobilière contre lui n'est pas rapportée et qu'en outre, la SA [Y] ne démontre pas, par le seul versement de la somme de 127 066 euros à la SAS Centre de Gestion Immobilière, qu'elle est ipso facto subrogée dans les droits des copropriétés soit-disant lésées.

Il réclame le rejet des demandes présentées par la SA [Y] au titre d'un préjudice personnnel en soutenant qu'elles se heurtent au fait qu'elle ne démontre pas que les soit-disant copropriétés lésées auraient été indemnisées et que les fonds versés ont rejoint lesdites copropriétés.

Il ajoute qu'il a été relaxé par jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 14 mars 2018 et qu'il n'a pas été relevé appel de cette décision. Il conteste les allégations de la SA [Y] sur les dispositions de ce jugement en soulignant que la SA [Y] n'était pas partie civile et que c'est la SAS Centre de Gestion Immobilière, partie civile, qui a soutenu, sans aucun justificatif, que les copropriétés avaient été indemnisées par la SA [Y].

La procédure a été clôturée dans les trois procédures par ordonnance en date du 5 mars 2020.

Dans le dossier 17/14775, les deux parties ont déposé des conclusions après clôture :

- M. [I] [O], le 3 mai 2018, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu les conclusions n°4 de la SA [Y] régularisées la veille de la clôture et les pièces nouvelles 18 et 19 adverses,

Vu les articles 444, 122 et 914 du Code de Procédure Civile,

- dire irrecevable en ses demandes la SA [Y] du fait de l'irrecevabilité de l'appel diligenté par la société de caution mutuelle [Y] le 28 juillet 2017 ;

- voir, subsidiairement, relever d'office l'irrégularité précitée et statuer dans les mêmes termes à l'irrecevabilité des prétentions de la SA [Y],

- voir encore, ordonner la réouverture des débats et le rabat de l'ordonnance de clôture et le renvoi devant le conseiller de la mise en état afin qu'il soit statué sur l'irrecevabilité de la déclaration d'appel notifiée par la société de caution mutuelle [Y] le 28 juillet 2017,

sollicitant à titre subsidiaire le bénéfice des prétentions formulées dans ses précédentes écritures ;

- La SA [Y] Assurances, le 4 mai 2018, par lesquelles elle demande à la cour de :

VU les articles 15, 16 et suivants code de procédure civile

- Révoquer l'ordonnance de clôture du 17 avril 2018.

A DEFAUT, ordonner le rejet des conclusionos de M. [O] du 3 mai 2018

VU les articles 463 et 914 du code de procédure civile,

VU le jugement du 25 avril 2016 qui a réouvert les débats au bénéfice de [Y],

- SE DECLARER incompétent pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel qui relève de la seule compétence du Conseiller de la mise en état qui n'en a pas été saisi ;

- DIRE qu'il n'y a pas lieu à soulever un quelconque moyen d'office alors que surabondamment l'appel interjeté par [Y] est recevable ;

- DIRE recevable l'appel interjeté par [Y],

et pour le surplus, elle reprend le dispositif de ses précédentes écritures.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture du 17 avril 2018 intervenue dans le dossier n°17/14775 sur l'appel de la SA [Y] :

Attendu qu'il apparait, en lecture des dernières conclusions déposées par les deux parties que celles-ci sollicitent la révocation de la clôture afin de s'expliquer sur la question de la recevabililté de l'appel formé par la SA [Y] au regard des pièces communiquées par la SA [Y] Assurances la veille de la clôture ;

Qu'il convient d'y faire droit dès lors que l'échange d'écritures permet de respecter le contradictoire ;

Sur la recevabilité de l'appel de la SA [Y] :

Attendu que M. [I] [O] invoque les dispositions de l'article 914 du code de procédure civile en ce qu'elles prévoient que 'les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.';

Que toutefois, ces dispositions, en ce qu'elles sont issues de l'article 28 du décret du 6 mai 2017 dont l'entrée en application a été fixée, aux termes de l'article 53 II bis de ce décret modifié le 4 août 2017, 'aux appels formés à compter du 1er septembre 2017", ne trouvent pas application à la présente procédure ouverte sur un appel formé le 28 juillet 2017 ;

Qu'aux termes des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige : 'le conseiller de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement seul compétent pour (...) déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel';

Qu'en l'espèce, M. [I] [O] a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture mais n'a pas déposé de conclusions saisissant le conseiller de la mise en état, seul compétent jusqu'à son dessaisissement, c'est à dire jusqu'à l'ouverture des débats, de l'irrecevabilité prétendue de l'appel ; que la cour n'est pas compétente pour statuer sur une telle demande ;

Qu'au demeurant, il ressort de la pièce n°20 communiquée par la SA [Y] Assurances en même temps que ses conclusions du 4 mai 2018, constituée par le traité d'apport partiel d'actif conclu le 30 mars 2017 entre la SA [Y], société de caution mutuelle, et la SA [Y] Assurances, que l'appel interjeté par la SA [Y] le 28 juillet 2017 est recevable ; qu'en effet, le transfert de l'ensemble des activités relatives aux opérations de garanties financières offertes aux professionnels de l'immobilier ne s'est opéré en jouissance, entre la SA [Y] et la SA [Y] Assurances, qu'à effet du 31 décembre 2017 (article 3), de sorte qu'à la date de l'appel, le 28 juillet 2017, la SA [Y] avait bien qualité pour interjeter appel de la décision rendue à son encontre ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de déclarer l'appel de la SA [Y] Assurances irrecevable ;

Sur la jonction des procédures :

Attendu qu'il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et les trois jugements déférés à la cour étant complémentaires, d'ordonner la jonction des trois instances enrôlées :

- sous le n°16/13629 sur l'appel de la SAS Centre de Gestion Immobilière contre le jugement du 11 juin 2015,

- sous le n°16/10041 sur l'appel de la SAS Centre de Gestion Immobilière contre le jugement du 25 avril 2016,

- sous le n°17/14775 sur l'appel de la SA [Y] contre le jugement du 07 avril 2017 ;

Au Fond

Attendu que M. [I] [O], gérant et associé de la Sarl [O] Immobilier, syndic de copropriétés à [Localité 7], a, suivant acte sous seing privé du 27 mai 2011, cédé ses parts sociales à la société BILLON Immobilier qui en est devenue l'associée unique ; qu'il a cessé ses fonctions de gérant au 31 décembre 2012 ;

Qu'à la suite d'investigations menées par les services internes de la société BILLON Immobilier, une plainte pénale a été déposée contre M. [I] [O] pour des détournements opérés au préjudice des syndicats des copropriétaires entre 2008 et 2011 ;

Attendu que la SAS Centre de Gestion Immobilière, venant aux droits de la Sarl [O] Immobilier à la suite d'une opération de fusion absorption, a fait assigner M. [I] [O] devant le tribunal de grande instance de Toulon pour obtenir sa condamnation à l'indemniser des différents préjudices résultant des agissements frauduleux qui lui étaient reprochés, en ce compris le montant des détournements ;

Que la SA [Y], société de caution mutuelle apportant une garantie aux opérations menées par la société de gestion [O] Immbilier, est intervenue à l'instance pour réclamer le paiement par M. [I] [O] de la somme de 127 066 euros versée par elle à la Sarl [O] Immobilier , au titre de cette garantie financière, à raison des détournements des fonds mandants opérés au préjudice des syndicats des copropriétaires gérés par cette société ; que c'est la SA [Y] Assurances, ainsi qu'il a été vu plus haut, qui vient en ses lieu et place à la suite du traité d'apport partiel d'actif du 30 mars 2017 ;

Sur la recevabilité des demandes de la SAS Centre de Gestion Immobilière et de la SA [Y] Assurances :

Attendu que, dans son jugement du 11 juin 2015, le tribunal a déclaré la Sarl [O] Immobilier, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS Centre de Gestion Immobilière, irrecevable en toutes ses demandes en considérant que seuls les syndicats des copropriétaires étaient les victimes des détournements de fonds opérés par M. [I] [O] et non la Sarl [O] Immobilier ;

Qu'il est certain que la Sarl [O] Immobilier ne pouvait effectivement se prévaloir d'un préjudice propre à hauteur des détournements opérés, non seulement en raison du fait qu'elle n'était pas la victime directe de M. [I] [O] et qu'elle n'avait pas intérêt à agir, mais également en raison du fait que la SA [Y] lui avait reversé les fonds détournés en application de la garantie financière souscrite ; mais qu'elle présentait, outre une demande de remboursement des détournements, des demandes au titre de préjudices propres découlant des agissements de M. [I] [O] et ayant eu un impact sur son activité commerciale ; que c'est donc à tort que le tribunal a déclaré la Sarl [O] Immobilier irrecevable en toutes ses demandes et qu'il sera statué plus loin sur le bien fondé des prétentions de la SAS Centre de Gestion Immobilière, venant aux droits de la Sarl [O] Immobilier, en réparation de son préjudice commercial et de son préjudice d'image ;

Attendu que, dans ses jugements du 25 avril 2016 et du 07 avril 2017, le tribunal a, après avoir constaté qu'il avait omis par erreur les conclusions au fond de la SA [Y], société de caution mutuelle, en date du 13 mars 2015 par lesquelles elle fondait sa demande indemnitaire contre M. [I] [O], déclaré l'intervention volontaire de cette société recevable ;

Que la recevabilité de l'intervention volontaire de la SA [Y] devant le tribunal n'est pas discutée par M. [I] [O] ;

Sur le bien fondé des demandes de la SA [Y] Assurances au titre des détournements reprochés à M. [I] [O] :

Attendu que la cour est saisie de cette question par l'effet de l'appel du jugement du 07 avril 2017 qui a statué au fond et a débouté la SA [Y] en considérant qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une subrogation dans les droits de la Sarl [O] Immobilier contre M. [I] [O] alors que les demandes de celle-ci avaient été déclarées irrecevables par le jugement du 11 juin 2015 ; qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer ;

Attendu que la SA [Y] se prévaut d'un protocole d'accord conclu le 21 février 2014 avec la Sarl [O] Immobilier aux termes duquel elle lui a versé une somme de 127 066 euros ; qu'il y est précisé, en article 1er et dans le préambule, que [Y], société de caution mutuelle, procède au versement de cette somme dans le cadre de la mise en jeu de sa garantie financière par la Sarl [O] Immobilier à la suite de la découverte par celle-ci de la falsification et du détournement de nombreux chèques mandants au bénéfice de M. [I] [O] ; que la somme de 127 066 euros résulte du décompte de ces chèques repris et détaillés en annexe au protocole;

Qu'elle se prévaut également d'une quittance subrogative émise par la Sarl [O] Immobilier par laquelle celle-ci la subroge légalement dans ses droits, actions, privilèges et hypothèques contre le ou les auteurs des non représentations de fonds ayant donné lieu à l'application du contrat de garantie financière ;

Qu'elle donne copie du chèque de 127 066 euros remis à la Sarl [O] Immobilier le 04 mars 2014 en exécution de ce protocole ;

Attendu que M. [I] [O] oppose, ce qui a été retenu par le tribunal, que la SA [Y] ne peut se prévaloir, au titre de la subrogation, de plus de droits que ceux dont dispose la Sarl [O] Immobilier subrogée et que celle-ci n'a pas subi de préjudice personnel du fait des détournements, les seules victimes étant les syndicats des copropriétaires ;

Mais qu'en application de l'article 2306 du code civil, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ; que l'article 1250 prévoit en outre que la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions ou hypothèques contre le débiteur, cette subrogation devant être expresse et faite en même temps que le paiement ;

Qu'en l'espèce, il doit être retenu que la SA [Y] a versé les fonds en sa qualité de caution de la représentation des fonds par la Sarl [O] Immobilier aux copropriétés dont elle assurait la gestion ; qu'il ressort du protocole et de la quittance subrogative, tous deux en date du 21 février 2014 :

- que le protocole mentionne expressément que la Sarl [O] Immobilier a sollicité sa garantie en qualité de syndic de copropriétés et que le règlement opéré est fait 'pour le compte des syndicats des copropriétaires ayant désigné syndic la Sarl [O] Immobilier et subi les détournements de fonds' (souligné par la cour )

- qu'il y est précisé que la Sarl [O] Immobilier se porte fort de l'accord de chacun des syndicats des copropriétaires concernés ;

- que l'article 2 du protocole indique que [Y] est 'subrogé légalement en application des articles 1251 3°) et 2306 du code civil et conventionnellement dans les droits et actions des mandants du Cabinet [O] Immobilier à l'encontre du Cabinet [O] Immobilier' (souligné par la cour) ;

- que la quittance subrogative, si elle est faite uniquement par la Sarl [O] Immobilier, réitère que le paiement fait par la SA [Y] intervient pour solde de tout compte 'pour le compte des copropriétés dont les noms et le montant leur revenant figurent en annexe de la présente quittance' (souligné par la cour ) ;

Que les conditions, tant de la subrogation légale de la SA [Y] en qualité de caution, que de sa subrogation conventionnelle, à raison de la quittance subrogative du 21 février 2014, dans les droits et actions des syndicats des copropriétaires victimes des non représentations de fonds résultant des détournements reprochés à M. [I] [O]se trouvent donc remplies ;

Attendu que M. [I] [O] soutient vainement que la matérialité des détournements ne serait pas établie en se prévalant du jugement de relaxe rendu par le tribunal correctionnel ; qu'en effet, M. [I] [O], renvoyé par le ministère public devant le tribunal correctionnel de Draguignan pour faux et détournements de fonds au préjudice de la Sarl [O] Immobilier, a fait l'objet, suivant jugement du 14 mars 2018, d'une relaxe , le tribunal retenant que les détournements et faux reprochés n'avaient pas été commis au préjudice de la Sarl [O] Immobilier mais des syndicats des copropriétaires des immeubles gérés par cette société ;

Mais que ce jugement n'a pas d'autorité de la chose jugée à l'égard des faits de détournements de fonds au préjudice des syndicats des copropriétaires qui constituent le fondement des demandes de la SA [Y] ; que celle-ci produit aux débats la photocopie des chèques tirés sur les comptes bancaires des syndicats des copropriétaires portant la signature de M. [I] [O] et libellés à son bénéfice, bien que destinés à régler des factures d'entreprises ou des appels de fonds de travaux desdites copropriétés, ce dont il ressort suffisamment que M. [I] [O] a ainsi encaissé à titre personnel des fonds tirés sur les comptes des mandants de la Sarl [O] Immobilier ; que le total des chèques ainsi détournés s'élève à la somme de 116 769,40 euros ; que la preuve du détournement par M. [I] [O] des fonds remis en espèces n'est par contre pas suffisamment établie ;

Que la demande en paiement de la SA [Y] contre M. [I] [O] sera donc accueillie pour une somme de 116 769,40 euros ;

Attendu que la SA [Y] demande à être subrogée dans le bénéfice de l'hypothèque judiciaire prise par la SAS Centre de Gestion Immobilière sur un bien immobilier appartenant à M. [I] [O] ; mais qu'il a été vu plus haut que la SA [Y] n'était pas subrogée, pour la somme de 127 066 euros versée au titre de la garantie des détournements opérés par M. [I] [O], dans les droits et actions de la SAS Centre de Gestion Immobilière mais dans ceux des copropriétés victimes, de sorte qu'elle ne peut invoquer une subrogation dans le bénéfice de l'hypothèque souscrite par la Sarl [O] Immobilier en garantie de sa créance indemnitaire ;

Sur les demandes indemnitaires de la SAS Centre de Gestion Immobilière venant aux droits de la SARL [O] Immobilier :

Attendu que la SAS Centre de Gestion Immobilière sollicite réparation du préjudice commercial qui résulte, dit-elle, de la perte de onze syndicats des copropriétaires à la suite de la découverte des malversations commises par M. [I] [O] ; qu'elle justifie de la perte de ces onze copropriétés, soit par la production du PV d'assemblée générale, soit par la production de l'attestation de remise des documents de la copropriété à son successeur ;

Que la cour note que, sur la liste des onze copropriétés versée aux débats par la SAS Centre de Gestion Immobilière, seuls ont été victimes de détournements reprochés à M. [I] [O] les deux syndicats suivants : le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] et le syndicat des copropriétaires Le Val des Chênes ;

Que les malversations commises à leur préjudice par leur syndic sont en lien de causalité direct avec la décision qu'ils ont prise de ne pas renouveler son mandat en raison de la perte de confiance en résultant, même si les procès verbaux d'assemblée générale - rédigés par la Sarl [O] Immobilier - n'explicitent pas expressément, pour des raisons fort compréhensibles, les raisons du changement de syndic ; qu'il sera retenu que les malversations commises par M. [I] [O] sont à l'origine d'une perte de chance sérieuse pour la Sarl [O] Immobilier de conserver le bénéfice du mandat qui lui avait été confié, étant rappelé que les coprorpriétaires étaient en tout état de cause parfaitement libres, indépendamment de ces faits, de choisir un nouveau syndic ; qu'il est justifié que la gestion des deux copropriétés [Adresse 8] générait des honoraires d'un montant annuel de 14 548 euros pour la première et de 8 916 euros pour la seconde, soit après déduction des frais de gestion, une perte de bénéfice de 17 114 euros ; que le préjudice de perte de chance sera donc évalué à la somme de 15 000 euros ;

Que pour les neuf autres copropriétés, il n'est produit aucun élément permettant de connaître les raisons pour lesquelles les copropriétaires ont choisi un nouveau syndic, la SAS Centre de Gestion Immobilière ne communiquant aucun article de presse ou aucune autre pièce permettant de considérer que les copropriétaires des syndicats en question avaient connaissance des malversations reprochées à l'ancien gérant de la Sarl [O] Immobilier ; que la demande sera donc rejetée pour ces neuf autres syndicats des copropriétaires ;

Attendu que la SAS Centre de Gestion Immobilière réclame également une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice tenant aux frais de personnel mobilisé pour l'idendification des anomalies de gestion ; qu'elle ne produit pas de pièces particulières permettant de chiffrer le temps passé par son personnel et le coût des heures de travail ; mais qu'il résulte suffisamment de la lecture du PV d'audition de M. [Z], gérant de la Sarl [O] Immobilier, qu'il a fallu à cette société d'administration et de syndic procéder à la vérification des comptes des 57 copropriétés dont elle avait la charge, vérifier les chèques qui avaient été émis auprès des entreprises ayant exécuté des travaux dans ces copropriétés et faire le point de ceux qui avaient pu être détournés pour en demander une copie à la banque ; qu'un audit a ensuite été réalisé en septembre 2017 par la SA [Y] auquel le personnel de la Sarl [O] Immobilier a dû contribuer ; que la Sarl [O] Immobilier a dû également convaincre les copropriétaires qui avaient été les victimes des agissements de M. [I] [O] de lui maintenir leur confiance, puisque, pour l'essentiel, ceux-ci l'ont renouvelée dans le mandat suivant ; qu'il sera en conséquence retenu que la SAS Centre de Gestion Immobilière est bien fondée à réclamer réparation du préjudice résultant de ces recherches et diligences en lien de causalité directe avec le comportement fautif de M. [I] [O] à hauteur d'une somme de 10 000 euros ;

Attendu que la SAS Centre de Gestion Immobilière demande enfin l'allocation d'une somme de 50 000 euros en réparation de l'atteinte portée à son image commerciale ; mais qu'à défaut de tout élément établissant la publicité donnée à cette affaire dans la petite ville de Cavalaire, cette demande sera rejetée ;

Vu l'article 1153-1 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 696 de ce même code,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 17 avril 2018 dans le dossier n° 17/14775 et déclare en conséquence les conclusions notifiées par M. [I] [O] et par la SA [Y] Assurances respectivement les 3 et 4 mai 2018 recevables ;

Dit n'y avoir lieu à déclarer l'appel interjeté par la SA [Y] le 28 juillet 2017 dans ce dossier irrecevable ;

Ordonne la jonction des trois appels enrôlés sous les numéros 16/13629, 16/10041 et 17/14775;

Confirme le jugement du 11 juin 2015 en ce qu'il a déclaré la demande de la Sarl [O] Immobilier contre M. [I] [O] irrecevable, mais seulement en ce que cette demande porte sur le remboursement des détournements opérés par celui-ci ;

Le réforme pour le surplus de ses dispositions ;

Confirme ensemble le jugement du 25 avril 2016 et le jugement du 7 avril 2017 en ce qu'ils ont retenu que le tribunal avait omis de statuer sur les demandes de la SA [Y] et que l'intervention volontaire de cette société à l'instance était recevable ;

Infirme le jugement du 7 avril 2017 pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes de la SAS Centre de Gestion Immobilière, venant aux droits de la Sarl [O] Immobilier, concernant ses éléments de préjudice propre, à savoir le préjudice économique résultant de la perte de onze syndicats des copropriétaires, le préjudice financier résultant des frais de personnel et le préjudice d'image commerciale ;

Condamne M. [I] [O] à payer à la SAS Centre de Gestion Immobilière les sommes de 15 000 euros au titre de son préjudice économique et de 10 000 euros au titre de son préjudice financier ;

Déboute la SAS Centre de Gestion Immobilière de sa demande au titre de l'atteinte à l'image commerciale ;

Déclare la demande en paiement de la SA [Y] Assurances, venant aux droits de la SA [Y], bien fondée à raison de sa subrogation dans les droits et actions des syndicats des copropriétaires victimes des détournements commis par M. [I] [O] ;

Condamne en conséquence M. [I] [O] à lui verser la somme de 116 769,40 euros;

Dit que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision et que la capitalisation ne s'opérera que pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil ;

Déboute la SA [Y] Assurances de sa demande visant à être subrogée dans le bénéfice de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise par la Sarl [O] Immobilier sur le bien immobilier de M. [I] [O] ;

Condamne M. [I] [O] à payer à la SAS Centre de Gestion Immobilière d'une part et à la SA [Y] Assurances d'autre part une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens de première instance dans les trois dossiers soumis au tribunal de grande instance de Toulon et aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 16/10041
Date de la décision : 17/11/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°16/10041 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-17;16.10041 ?
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