COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 05 NOVEMBRE 2020
N° 2020/151
Rôle N° RG 17/09768 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BASOV
[G] [U] [V] divorcée [K]
C/
[E] [K]
[N] [S]
Société [Adresse 9]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me FICI
Me BADIE
Me SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 15 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 11/4814.
APPELANTE
Madame [G] [U] [V] divorcée [K]
née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 10] ([Localité 10]),
demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Dominique ROMEO, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [E] [K]
né le [Date naissance 5] 1947 à [Localité 10],
Demeurant [Adresse 4]
[Adresse 11]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Isabelle GORTINA, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [N] [S],
Demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté Me Pascal NEVEU, avocat au barreau de NICE
S.C.I. [Adresse 9]
Pris en la personne de son représentant légal en exercice
Dont le siège est sis [Adresse 8]
représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée Me Pascal NEVEU, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2020 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2020,
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Faits, procédure, prétentions et moyens de parties
Monsieur [K] [E] et Madame [V] [G], mariés le [Date mariage 2] 1972 sous le régime de la séparation de biens, ont divorcé selon arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 21 février 2013.
Le 21 mars 1986, la SCI Ronsard a été constituée et le 29 août 1986, est devenue la SCI [Adresse 9] avec pour associés : la société Locamur pour 20 parts, la société FAC expertise comptable pour 670 parts, Monsieur [K] pour 160 parts et Madame [V] pour 150 parts.
Le 4 septembre 1986, la SCI [Adresse 9] a acquis des locaux professionnels situés [Adresse 7] pour y installer la société d'expertise comptable FAC et a souscrit à cette fin deux prêts l'un de 3 050 000 francs et un autre de 1 420 250 francs.
Suivant acte du 29 août 1986 et du 16 octobre 1986, la SCI [Adresse 9] donnait en location sous la forme d'un crédit bail immobilier les locaux acquis à la société d'expertise comptable FAC. Le crédit bail était conclu pour une somme de 1 743 733,89€ et une durée de 15 ans ;
A l'expiration du crédit bail, la société FAC expertise a renoncé à lever l'option au profit de la SCI [Adresse 9] et a sollicité son retrait de la dite SCI, les 670 parts qu'elle détenait au sein de la SCI [Adresse 9] ont été annulées contre versement d'une somme de 412 340€ et le remboursement de son compte courant de 98 363,44€.
Le 14 janvier 2003, Madame [V] a cédé ses parts dans la SCI Fac Verdun à Monsieur [S] [N] à la valeur nominale.
Par acte authentique du 27 février 2003, la SCI [Adresse 9] a contracté un prêt d'un montant de 3 000 000€ auprès de la Société Générale pour une durée de 10 ans dans le but de rembourser un compte courant d'associé
Par ce même acte, Monsieur [K] et Monsieur [S] se sont portés caution solidaire auprès de la Société Générale et ont procédé entre autre au nantissement à son profit de deux contrats d'assurance vie conclus sur leur tête pour un montant de 1 900 000€.
Par acte délivré le 4, 5 et 10 août 2011, Madame [V] a assigné devant le Tribunal de grande instance de Nice, Monsieur [K], Monsieur [N] [S] et la SCI [Adresse 9].
Par conclusions du 31 mars 2016, elle a demandé au tribunal de constater qu'elle avait découvert au cours de la procédure de divorce et notamment dans les conclusions signifiées le 17 mars 2009 par son époux, la fraude et les manoeuvres dolosives dont elle avait été victime préalablement à la cession de ses parts de la SCI [Adresse 9] et que son action n'était donc pas prescrite, de retenir l'existence de manoeuvres dolosives pour l'évincer de la SCI [Adresse 9] ayant généré un vice du consentement, qu'elle renonce à solliciter la nullité de l'acte de cession au regard du temps écoulé mais sollicite la condamnation solidaire de Messieurs [K] et Monsieur [S] à lui payer la somme de 2 346 774 € à titre de dommages et intérêts, 638 320 € correspondant à son préjudice financier résultant de l'absence de versement de dividendes pour les exercices 2003 à 2010, 10 000€ au titre de son préjudice moral et 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 15 mars 2017, le tribunal de grande instance de Nice a dit prescrite l'action de Madame [V] et l'a condamnée à payer à Messieurs [K] et [S] la somme de 2 000€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La juridiction a estimé que l'acte de cession des parts du 14 janvier 2013 portant mention de l'existence du prêt accordé par la Société Générale en décembre 2002, Madame [V] ne pouvait l'ignorer et que si elle pensait qu'il avait été contracté pour une somme moindre, elle avait nécessairement connaissance d'une disproportion entre la valeur et le prix de cession.
Le 22 mai 2017, Madame [V] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 17 octobre 2019, elle demande à la cour au visa des articles:
- 1111, 1112,1116 anciens du code civil, 1134 ancien du code civil et 1304 ancien du code civil de:
*infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
*accueillir Madame [V] en son action et la déclarer recevable,
*constater l'existence de manoeuvres frauduleuses utilisées par Messieurs [K] et [S] pour l'évincer de la SCI [Adresse 9],
*constater le vice du consentement découlant des contraintes économiques et des manoeuvres dolosives subies par elle lors de la cession le 14 janvier 2003 de ses 150 parts sociales de la SCI [Adresse 9] sur les 310 parts sociales composant l'intégralité du capital social et la signature de garantie de passif du 10 juin 1991,
En conséquence :
* lui donner acte qu'elle renonce à solliciter la nullité de l'acte de cession du 14 janvier 2003 par pragmatisme sans pour autant que cet abandon ne consacre une reconnaissance de régularité de l'acte,
*condamner solidairement et conjointement Monsieur [K] et Monsieur [S] à lui payer la somme de 2 346 774€ à titre de dommages et intérêts correspondant à la valeur des parts sociales de la SCI [Adresse 9] qu'elle a cédées et dont elle a été spoliée depuis le 14 janvier 2003, date de la cession,
*constater que depuis la cession, elle a été privée des dividendes lui revenant,
*condamner solidairement et conjointement Monsieur [K] et Monsieur [S] et la SCI [Adresse 9] à lui payer 638 320€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier correspondant aux dividendes des exercices 2003 à 2010 dont elle a été privée,
*condamner solidairement et conjointement Monsieur [K] et Monsieur [S] et la SCI [Adresse 9] à lui payer 100 000€ au titre de son préjudice moral et 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur la prescription de son action, elle soutient que le délai ne court qu'à compter du jour où l'erreur ou le dol ont été découverts, qu'elle n'a connu les manoeuvres dolosives de son époux et de son associé que dans des conclusions déposées en 2009 dans le cadre de la procédure de divorce, en vue d'une audience du 17 mars 2009, que son action introduite les 4, 5 et 10 août 2011 ne peut être considérée comme prescrite, qu'auparavant, elle ignorait la teneur du prêt consenti à la SCI [Adresse 9], que l'acte de cession de ses parts sociales lui a caché la réalité de la situation comptable de la SCI [Adresse 9] et notamment l'étendue de son passif, que de surcroît, elle était dans un état de dépendance économique et morale vis à vis de Monsieur [K] et en proie à une profonde dépression.
Elle souligne que le prêt n'avait pas été formellement contracté lors de l'acte de cession et qu'il a été souscrit dans le seul intérêt de Messieurs [K] et [S], mais qu'il était contraire à l'objet social puisqu'il n'a été conclu que dans le seul but de créer un passif imaginaire justifiant la cession à vil prix de ses parts sociales et de permettre à la société Immo Verdun dont Monsieur [K] est seul associé de racheter les locaux dont la SCI [Adresse 9] était propriétaire.
Elle indique enfin qu'au moment de la signature de la cession, le prêt n'était pas encore contracté et que l'allusion à ce prêt n'avait pour but que de lui faire croire à un endettement imaginaire, qu'ignorant la teneur exacte du prêt contracté par la SCI [Adresse 9], elle a donc été trompée sur l'étendue véritable du passif de la société, que de surcroît, elle était dans une situation d'inégalité économique vis à vis des intimés qui de par leur formation et leur activité professionnelle maîtrisaient les questions de valorisations des parts sociales ce qui n'était pas son cas, qu'enfin elle était dans une situation de dépendance morale vis à vis de son époux.
Elle soutient que la dépendance économique s'apprécie comme la cause d'un vice de violence sans que la preuve de l'exploitation illégitime de cette situation de contrainte ne soit rapportée, qu'il suffit que soit établie une situation de détresse économique qui se traduit par une impossibilité de négocier librement d'une part et d'autre part un contractant dominant qui a abusé de sa situation pour en tirer un avantage excessif.
Elle soutient que Monsieur [K] a sciemment entretenu une inégalité en ne lui communiquant aucune information sur la société et en profitant de sa faiblesse économique et psychologique pour lui imposer une cession défavorable, que cette opération s'apparente à un dol.
Elle fait valoir qu'elle a cédé ses parts moyennant un prix de 225€ alors qu'au cours de l'assemblée générale de la SCI du 28 décembre 2001, Monsieur [K] a considéré que 69% du capital social était valorisé à 412 320€, qu'ainsi, les 48% des parts qu'elle détenait ne pouvait être valorisé à 225€ le 14 janvier 2003, sachant que la SCI Immo Verdun crée par Monsieur [K] et dont il détient 99% des parts, a racheter le bien immobilier de la SCI [Adresse 9] pour la somme de 884 205€.
Elle soutient qu'elle est fondée à obtenir la somme de 1 173 387,10€ représentant la valeur réelle des parts sociales cédées, ainsi que les dividendes qu'elle n'a pas perçus pendant 8 ans.
Par conclusions du 26 février 2018, Monsieur [E] [K] demande à la cour au visa de l'article 1304 du code civil, de:
*constater que l'action est prescrite,
*confirmer le jugement sur ce point,
A titre subsidiaire : constater que Madame [V] ne rapporte pas la preuve d'une fraude, violence ou dol commis par Monsieur [K] lors de la cession de parts sociales le 14 janvier 2003,
*constater que Madame [V] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice,
*la débouter de ses demandes,
*infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [K] de sa demande de dommages et intérêts,
*condamner Madame [V] à lui verser la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts et 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Badie, avocat.
Il soutient que lors de la cession du 14 janvier 2003, eu égard à l'emprunt réalisé par la SCI [Adresse 9] le 28 novembre 2002 pour un montant de 3 000 000 €, Madame [V] ne pouvait céder ses parts qu'à leur valeur nominale dans la mesure où l'endettement de la société se trouvait largement supérieur à la valeur de son actif fixé à 1 353 904€ selon un expert immobilier, que lui -même et Monsieur [S] se sont portés caution solidaire du dit emprunt auprès de la Société Générale et ont procédé au nantissement au profit de la banque de deux contrats d'assurance vie conclus pour un montant total de 1 900 000€, ce que Madame [V] ne souhaitait pas faire, préférant se retirer de la dite SCI, que l'acte de cession fait expressément référence à ce prêt en cours de régularisation.
Il fait valoir que la présente procédure a été initiée dans le cadre d'une procédure de divorce l'opposant à Madame [V].
Il soutient que l'action est prescrite depuis le 14 janvier 2008, le prêt étant mentionné dans l'acte de cession, ses conclusions transmises dans le cadre de la procédure de divorce ne faisant qu'y faire expressément référence mais sans ajout de mention supplémentaire.
Sur le fond, il indique que Madame [V] fait état d'une fraude mais sans rapporter la preuve d'une quelconque fraude, pas plus que d'une violence, qu'elle laisse croire à l'existence d'une contrainte économique mais tel n'était pas le cas, que les époux [K] étaient séparés de fait depuis octobre 2002 et qu'elle a reconnu dans le cadre de la procédure de divorce que son époux ne l'avait pas laissée dans l'embarras financier.
Il conteste l'existence d'un dol en précisant que Madame [V] a participé à l'ensemble des assemblées générales dont elle a approuvé les procès verbaux, qu'elle ne justifie d'aucune manoeuvre dolosive, que l'opération litigieuse n'était pas contraire à l'objet social de la SCI [Adresse 9] qui est l'acquisition de locaux, qu'un crédit bail a été souscrit au profit de la société FAC expertise comptable qui bénéficiait seule de l'option d'achat en fin de crédit, cette dernière préférant renoncer à lever l'option, à charge pour la SCI de lui rembourser ses parts et son compte courant, décision approuvée lors de l'assemblée générale du 28 décembre 2001 durant laquelle Madame [V] était présente, qu'elle était consciente de la nécessité d'obtenir un prêt pour ce faire , que Madame [V], qui n'a pas souhaité prendre ce risque, tente aujourd'hui de tirer profit d'une situation qui l'aurait amenée à une perte d'argent si elle était restée associée.
Sur le préjudice, il fait valoir que le 14 janvier 2003, il a également cédé une partie de ses parts sociales à Monsieur [S] à la valeur nominale, ainsi qu'en 2008, que les valeurs revendiquées par Madame [V] sont aberrantes car elle se fonde sur la rentabilité de l'immeuble et non pas sur le rapport de l'actif et du passif de la société, qu'enfin, de 2008 à 2013, les associés ont perdu 762 612€ soit 247 000€ de perte de loyer et 515 612€ de solde de prêt, qu'elle ne peut donc revendiquer une perte de revenus.
Par conclusions déposées et notifiées le 19 octobre 2017, Monsieur [S] [N] et la SCI [Adresse 9] demandent à la cour au visa des articles 1304 et 1844-14 du code civil de :
*constater que la demande est prescrite,
*confirmer le jugement sur ce point,
A titre subsidiaire : *constater que Madame [V] ne rapporte pas la preuve d'une fraude, violence ou réticence dolosive ou préjudice émanant de Monsieur [S] de nature à affecter son consentement à l'acte du 14 janvier 2013,
* la débouter de ses demandes,
*infirmer le jugement sur le rejet des concluants au titre des dommages et intérêts et frais irrépétibles,
*condamner Madame [V] à payer à Monsieur [S] la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer à la SCI Fac Verdun la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur la prescription, ils font valoir que l'acte de cession mentionnait l'existence du prêt et que Madame [V] ne rapporte pas la preuve d'une dissimulation qui l'aurait empêchée d'agir.
Ils soutiennent que la valeur des parts sociales au 14 janvier 2003 ne pouvait être fixée qu'à la valeur nominale dans la mesure où l'endettement de la société, 3 millions d'euros, dépassait la valeur de son actif évalué par expert à 1 353 904€, que Madame [V] a alors souhaité se retirer de la SCI ne voulant pas être caution personnelle et solidaire du prêt.
Ils soulignent que l'acte de cession rappelle l'existence du prêt et que la situation comptable au 31 décembre 2002 a été communiqué à Madame [V], que l'acte de cession a été régulièrement enregistré et que toutes les formalités légales ont été effectuées, que la preuve d'une violence que Monsieur [S] aurait commise à l'encontre de Madame [V] n'est pas rapportée , pas plus que d'un dol, alors que Madame [V], associée depuis 17 ans dans la société, était présente à toutes les assemblées générales.
Ils précisent que Madame [V] prétend que le prix de la cession serait largement inférieur à la valeur réelle des actions cédées mais même à la suivre dans son argumentation, qu'il s'agirait alors d'une erreur sur la valeur qui ne constitue pas une cause de nullité de la convention de cession d'action, le prix étant librement consenti par les parties, que le 7 mars 2008, Monsieur [K] a cédé des parts à Monsieur [S] sur la même base confirmant la véracité de cette valeur.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 novembre 2019.
Motifs
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de "dire et juger" qui ne sont, en l'espèce, pas des prétentions mais des moyens.
Sur la prescription :
Le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que sans lui l'une de partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté dans des conditions substantiellement différentes. Madame [V] argue d'un dol constitué par une rétention d'information sur la réalité financière de la SCI [Adresse 9] lors de la cession de ses parts sociales dans le SCI [Adresse 9] intervenue le 14 janvier 2003 et notamment sur le montant de l'emprunt consenti par la Société Générale à la dite société.
Le dol se définit comme le fait de surprendre, sous l'influence d'une erreur provoquée par des man'uvres, le consentement d'une personne et de l'amener à conclure un acte juridique, ces man'uvres pouvant consister en des artifices ou des ruses ou en un simple silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un élément qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter. Cependant le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui s'en prévaut.
Il est constant qu'une partie est recevable à invoquer un dol, sans que ne puisse être invoquée la prescription quinquennale à compter de la signature de l'acte critiqué, le point de départ de l'action en nullité pour dol étant la date à laquelle elle a découvert l'existence de ce vice.
En l'espèce, Madame [V] date la découverte du dol, caractérisé par le silence de ses cocontractants sur l'existence d'un engagement financier de la SCI [Adresse 9], à la communication des conclusions rédigées, au nom de Monsieur [K] dans le cadre de la procédure en divorce les opposant, pour une audience fixée au 17 mars 2009 qui en page 6 énoncent que Monsieur [K] doit faire face à 'un emprunt in fine de 3 000 000 € sur l'immeuble à usage de locaux professionnel '.
Toutefois, Madame [V] ne peut valablement soutenir qu'elle n'aurait nullement contracté si un tel engagement financier lui avait été exposé puisque l'acte de cession des parts sociales entre Monsieur [K] et Madame [V] d'une part et Monsieur [S] d'autre part comporte en page 3 un paragraphe stipulant ' Ce prix a été fixé, compte tenu du passif existant au jour de la cession et notamment d'un prêt accordé par la société Générale en décembre 2002 en cours de régularisation dont Madame [G] [K] est totalement libérée par Monsieur [N] [S] et par Monsieur [E] [K]'. Il convient de constater par simple lecture de l'acte qu'à la date de la cession, Madame [V] était dûment avisée de l'existence de ce prêt, l'acte approuvé sans réserve rapportant la preuve de cette connaissance.
Madame [V] se prévaut également d'un silence concernant le montant du prêt sollicité dont elle n'aurait eu connaissance que lors de l'échange de conclusions sus visées du 17 mars 2009 et constitutif d'une réticence dolosive selon elle, de sorte que son assignation délivrée le 10 août 2011 aurait été délivrée en temps utile.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que le montant du prêt ait été porté à la connaissance de l'appelante avant la date du 17 mars 2009. Ainsi, la prescription n'a commencé à courir qu'à compter de cette date et son action à ce titre n'est pas prescrite.
Toutefois, il convient de relever que si dès le 31 décembre 2002, la société Générale a formulé une offre de prêt adressée à la SCI [Adresse 9] énumérant les garanties exigées, il est acquis que ce n'est que le 27 février 2003, que la dite SCI a contracté auprès de l'établissement bancaire le prêt de 3 000 000€ soit postérieurement à l'acte de cession du 14 janvier 2003. Il n'est donc nullement démontré qu'à la date de la signature du dit acte de cession, le montant du prêt était déterminé et fixé par les intimés qui l'auraient alors sciemment dissimulé à Madame [V] afin de la convaincre d'accepter la cession à vil prix. Faute de preuve d'une intention dolosive, la réticence ne peut être retenue, sachant que Madame [V] ne fonde pas son action sur une prétendue vileté du prix.
De surcroît et de façon surabondante, Madame [V] n'établit nullement que l'éventuel défaut d'information sur l'ampleur du prêt, a eu pour effet de vicier son consentement, puisque à supposer qu'elle pensait le prêt d'un montant de moindre importance, il lui appartenait de revendiquer un prix de cession plus élevé, l'erreur sur la valeur en raison d'une appréciation économique inexacte n'étant pas une cause de nullité, sauf à prouver une erreur sur les qualités substantielles des parts sociales et que tel n'est pas le cas en l'espèce. Elle défaille donc à démontrer en quoi l'absence de mention sur le montant du prêt a été de nature à l'induire en erreur sur la substance de la chose, sachant que le prix de la cession, lequel ne se confond pas nécessairement avec la valeur vénale des parts sociales s'agissant d'un prix librement fixé par les parties, présentait un caractère réel et sérieux.
Enfin, l'existence d'un passif plus important au bilan de la SCI [Adresse 9] que celui révélé par les intimés lors de la cession litigieuse ne pouvait pas générer un prix de cession accru.
Il convient de débouter Madame [V] qui défaille à démontrer l'existence d'un dol.
Le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.
En l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par Madame [V] n'est pas constitutive d'une faute .S'estimant lésée dans ses droits, elle a pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur sa demande . La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 1 500€ chacun au profit des intimés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR par arrêt contradictoire rendu publiquement:
Infirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ,
Statuant à nouveau sur les points réformés :
Déclare recevable l'action de Madame [V] ,
Déboute Madame [G] [V] de ses demandes,
Condamne Madame [G] [V] à payer à Monsieur [E] [K] la somme de 1 500€ à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [G] [V] à payer à Monsieur [N] [S] la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [G] [V] à payer à la société [Adresse 9] la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT