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22/10/2020 | FRANCE | N°19/05788

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 22 octobre 2020, 19/05788


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 22 OCTOBRE 2020



N° 2020/229













N° RG 19/05788



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEC3D







SA AXA FRANCE IARD





C/



[J] [H] épouse [W]

[E] [W]

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE



-SCP PIETRA

& ASSOCIES



-Me Thimothée JOLY



- SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/13432.



APPELANTE



SA AXA FRANCE IARD...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 22 OCTOBRE 2020

N° 2020/229

N° RG 19/05788

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEC3D

SA AXA FRANCE IARD

C/

[J] [H] épouse [W]

[E] [W]

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

-SCP PIETRA & ASSOCIES

-Me Thimothée JOLY

- SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/13432.

APPELANTE

SA AXA FRANCE IARD,

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

INTIMES

Madame [J] [H] épouse [W]

Immatriculée à la sécurité sociale [XXXXXXXXXXX03].

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 13] (TUNISIE),

demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Xavier PIETRA de la SCP PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Silvio ROSSI-ARNAUD de la SELARL SOPHIE BOTTAI & SILVIO ROSSI-ARNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

Monsieur [E] [W]

né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 9] (Tunisie),

demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Thimothée JOLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ayant pour mandataire de gestion la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE MARNE (CPAM), dont le siège social est service RCT- [Adresse 2] (France),

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Jean-Raphaël FERNANDEZ de la SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, et assistée par Me Nicolas ROGNERUD, avocat au barreau de LYON.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseiller

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2020,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

En vacances en Tunisie, le 20 juillet 2014 à [Localité 13], M. et Mme [W] s'apprêtaient à regagner leur véhicule BMW en stationnement, lorsqu'un poids lourd effectuant une marche arrière à vive allure a embouti le véhicule de M. [W]. L'onde de choc a provoqué le déplacement dudit véhicule qui a écrasé la jambe gauche de Mme [W]. Cette dernière a été médicalisée au centre hospitalier [8] de [Localité 13], où elle a été amputée du membre inférieur gauche sous le genou.

Le poids lourd que conduisait M. [U] était la propriété de son employeur, M. [T], et était assuré auprès de la compagnie tunisienne MAE. Le véhicule de M. [W] était assuré auprès de la SA AXA France IARD.

Par ordonnance du 7 mars 2015, le juge des référés du TGI de Marseille a commis le docteur [O] aux fins d'expertise médicale, et condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] une provision de 70000 € à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel ' montant porté à 110000 € par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 novembre 2016 statuant sur appel de la SA AXA France IARD. Le docteur [O] a déposé son rapport d'expertise le 16 avril 2018.

Par assignation à jour fixe du 30 novembre 2018 délivrée conformément à une autorisation du 13 novembre 2018 du président du TGI de Marseille, Mme [W] a saisi cette juridiction aux fins de réparation du préjudice corporel subi, en l'espèce la condamnation de la SA AXA France IARD à lui payer une somme de 1061760,10 € assortie du doublement des intérêts au taux légal sur le fondement de l'article L.211-9 du code des assurances, la somme de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'exécution provisoire et la condamnation de la SA AXA France IARD aux dépens de l'instance.

Par jugement du 26 mars 2019, le TGI de Marseille a':

- dit que le présent litige est soumis à la loi française,

- dit que la SA AXA France IARD doit garantir Mme [W] des conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014,

- évalué le préjudice corporel de Mme [W], hors perte de retraite, frais logement adapté et frais de véhicule adapté, après déduction des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, à la somme de 439839,76 €,

- dit que la somme de 439839,76 € sera versée à concurrence de 219105,28 € sous forme de capital et à concurrence de 220734,48 € sous la forme d'une rente annuelle viagère de 8790 €,

- condamné la SA AXA France IARD à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à Mme [W] la somme en capital de 109105,28 € en réparation de son préjudice corporel, et ce déduction faite de la provision de 110000 € précédemment allouée,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] une rente annuelle viagère de 8790 € payable trimestriellement à hauteur de la somme de 2197,50 € terme échu, révisable chaque année conformément aux dispositions des articles 1et 2 de la loi 74-1118 du 27 décembre 1974 modifiées par la loi du 29 décembre 2012, étant précisé que la rente sera suspendue en cas d'hospitalisation d'une durée de plus d'un mois pendant la seule durée de cette dernière,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- dit que la somme de 723852,32 € portera intérêt au double du taux légal entre le 20 mars 2015 et le 6 octobre 2018,

- sursis à statuer sur les pertes de gains au titre de la pension de retraite dans l'attente de la production des justificatifs suivants permettant de connaître leur montant : i) documents mentionnant le montant de la retraite à laquelle Mme [W] pourra prétendre à l'âge de 62 ans, ii) documents mentionnant le montant de la retraite à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait continué à travailler jusqu'à cet âge ;

- sursis à statuer sur les frais d'aménagement du logement dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) documents attestant du refus opposé par le bailleur social de relogement dans un appartement en rez de chaussée comportant une douche à l'italienne, ii) dans cette hypothèse, documents permettant de chiffrer le surcoût de loyer pour un appartement en rez-de-chaussée sur le marché locatif et, si nécessaire, le coût des travaux d'aménagement d'une douche à l'italienne,

- sursis à statuer sur les frais d'aménagement du véhicule dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) permis de conduire de Mme [W] régularisé compte tenu de son handicap, ii) documents chiffrant le surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule automatique par rapport à un véhicule à boîte de vitesse manuelle de même catégorie,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] la somme de 1300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, avec intérêts au taux légal à compter de la demande : i) la somme de 55836,27 € en remboursement des prestations versées à la victime, ii) les frais futurs au fur et à mesure de leur exposition sur justificatifs des débours réglés dans la limite du capital représentatif de 281992,15 €, iii) la somme de 1080 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, iv) la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné la SA AXA France IARD aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Silvio Rossi-Arnaud, avocat, sur son affirmation de droit.

Pour statuer ainsi, le TGI de Marseille a développé a retenu sur certains points l'argumentation suivante':

' sur la loi applicable': bien que l'article 3 de la convention de La Haye du 4 mai 1971 relatif à la responsabilité extra-contractuelle en matière d'accidents de la circulation routière prévoie l'application de la loi du lieu de l'accident, la loi applicable au contrat d'assurance reste la loi française': le lieu de survenance de l'accident ne saurait justifier une réduction de la couverture souscrite par M. [W] auprès de l'assureur.

' sur la liquidation du préjudice':

- la perte de gains professionnels actuels est résiduelle dans la mesure où Mme [W] a fait l'objet d'une mesure de licenciement pour faute, en l'espèce un abandon de poste antérieur à l'accident,

- la perte de gains professionnels futurs est calculée sur la base de deux salaires mensuels de 370,31 € (agent à domicile pour le compte d'une association ADMR) et de 272,73 € (agent d'entretien au sein d'un cabinet d'avocats), de l'âge de 56 ans à la consolidation jusqu'à l'âge de 62 ans, âge présumé de son départ en retraite (prix de l'euro de rente temporaire 5,71),

- frais de logement adapté': il revient à Mme [W] de prouver qu'elle n'a pas pu obtenir de son bailleur social la mise à disposition d'un logement en rez-de-chaussée avec douche italienne, et le cas échéant de chiffrer le coût d'aménagement d'une douche italienne (sursis à statuer dans l'attente),

- frais de véhicule adapté': quoique l'expertise n'en fasse pas état, un véhicule à boîte automatique est nécessaire eu égard à la nature du handicap subi.

' sur le doublement de l'intérêt au taux légal':

L'article L.211-9 du code des assurances est impératif, de sorte que la SA AXA France IARD ne peut pas invoquer l'incertitude initiale concernant l'applicabilité de la française au litige, pour se dérober à l'obligation de notifier':

- une offre provisionnelle dans les huit mois de l'accident du 20 juillet 2014, soit le 20 mars 2015, et

- une offre de règlement dans les cinq mois du dépôt du rapport d'expertise du docteur [O], soit le 6 octobre 2018 (l'offre de règlement ayant été faite en l'occurrence par conclusions notifiées le 21 janvier 2019).

' sur la demande de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône':

- si la caisse ne dispose effectivement d'un recours que contre le tiers responsable ou son assureur tunisien, la compagnie MAE, le contrat d'assurance souscrit par M. [W] fait obligation à la SA AXA France IARD d'indemniser les conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014, en ce compris les débours de la CPAM.

- au vu de l'attestation d'imputabilité délivrée par le docteur [N], non contestée, la demande de la CPAM en remboursement de 337828,42 € est fondée, sauf à prévoir ' à la demande de droit de la SA AXA France IARD ' que le poste dépenses de santé futures de 281992,15 € donnera lieu à des remboursements au fur et à mesure de leur engagement.

* * *

Par déclaration du 9 avril 2019, la SA AXA France IARD a interjeté appel du jugement du TGI de Marseille du 26 mars 2019 en ce qu'il a':

- dit que le présent litige est soumis à la loi française,

- dit que la SA AXA France IARD doit garantir Mme [W] des conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014,

- évalué le préjudice corporel de Mme [W], hors perte de retraite, frais logement adapté et frais de véhicule adapté, après déduction des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, à la somme de 439839,76 €,

- dit que la somme de 439839,76 € sera versée à concurrence de 219105,28 € sous forme de capital et à concurrence de 220734,48 € sous la forme d'une rente annuelle viagère de 8790 €,

- condamné la SA AXA France IARD à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à Mme [W] la somme en capital de 109105,28 € en réparation de son préjudice corporel, et ce déduction faite de la provision de 110000 € précédemment allouée,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] une rente annuelle viagère de 8790 € payable trimestriellement à hauteur de la somme de 2197,50 € terme échu, révisable chaque année conformément aux dispositions des articles 1 et 2 de la loi 74-1118 du 27 décembre 1974 modifiées par la loi du 29 décembre 2012, étant précisé que la rente sera suspendue en cas d'hospitalisation d'une durée de plus d'un mois pendant la seule durée de cette dernière,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- dit que la somme de 723852,32 € portera intérêt au double du taux légal entre le 20 mars 2015 et le 6 octobre 2018,

- sursis à statuer sur les pertes de gains au titre de la pension de retraite dans l'attente de la production des justificatifs suivants permettant de connaître leur montant : i) documents mentionnant le montant de la retraite à laquelle Mme [W] pourra prétendre à l'âge de 62 ans, ii) documents mentionnant le montant de la retraite à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait continué à travailler jusqu'à cet âge ;

- sursis à statuer sur les frais d'aménagement du logement dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) documents attestant du refus opposé par le bailleur social de relogement dans un appartement en rez de chaussée comportant une douche à l'italienne, ii) dans cette hypothèse, documents permettant de chiffrer le surcoût de loyer pour un appartement en rez-de-chaussée sur le marché locatif et, si nécessaire, le coût des travaux d'aménagement d'une douche à l'italienne,

- sursis à statuer sur les frais d'aménagement du véhicule dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) permis de conduire de Mme [W] régularisé compte tenu de son handicap, ii) documents chiffrant le surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule automatique par rapport à un véhicule à boîte de vitesse manuelle de même catégorie,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] la somme de 1300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, avec intérêts au taux légal à compter de la demande : i) la somme de 55836,27 € en remboursement des prestations versées à la victime, ii) les frais futurs au fur et à mesure de leur exposition sur justificatifs des débours réglés dans la limite du capital représentatif de 281992,15 €, iii) la somme de 1080 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, iv) la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Mme [W] a déposé des conclusions d'appel incident aux fins de voir infirmer le sursis à statuer partiel ordonné par le TGI de Marseille, concernant les frais de logement adapté et les frais de véhicule adapté.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions n°4 notifiées par RPVA le 10 mars 2020, la SA AXA France IARD demande à la cour de'réformer le jugement du TGI de Marseille du 26 mars 2019 en ce qu'il a':

- dit que le présent litige est soumis à la loi française,

- dit que la SA AXA France IARD doit garantir Mme [W] des conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014,

- évalué le préjudice corporel de Mme [W], hors perte de retraite, frais logement adapté et frais de véhicule adapté, après déduction des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, à la somme de 439839,76 €,

- dit que la somme de 439839,76 € sera versée à concurrence de 219105,28 € sous forme de capital et à concurrence de 220734,48 € sous la forme d'une rente annuelle viagère de 8790 €,

- condamné la SA AXA France IARD à payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à Mme [W] la somme en capital de 109105,28 € en réparation de son préjudice corporel, et ce déduction faite de la provision de 110000 € précédemment allouée,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] une rente annuelle viagère de 8790 € payable trimestriellement à hauteur de la somme de 2197,50 € terme échu, révisable chaque année conformément aux dispositions des articles 1 et 2 de la loi 74-1118 du 27 décembre 1974 modifiées par la loi du 29 décembre 2012, étant précisé que la rente sera suspendue en cas d'hospitalisation d'une durée de plus d'un mois pendant la seule durée de cette dernière,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- dit que la somme de 723852,32 € portera intérêt au double du taux légal entre le 20 mars 2015 et le 6 octobre 2018,

- sursis à statuer sur les pertes de gains au titre de la pension de retraite dans l'attente de la production des justificatifs suivants permettant de connaître leur montant : i) documents mentionnant le montant de la retraite à laquelle Mme [W] pourra prétendre à l'âge de 62 ans, ii) documents mentionnant le montant de la retraite à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait continué à travailler jusqu'à cet âge ;

- sursis à statuer sur les frais d'aménagement du logement dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) documents attestant du refus opposé par le bailleur social de relogement dans un appartement en rez de chaussée comportant une douche à l'italienne, ii) dans cette hypothèse, documents permettant de chiffrer le surcoût de loyer pour un appartement en rez-de-chaussée sur le marché locatif et, si nécessaire, le coût des travaux d'aménagement d'une douche à l'italienne,

- sursis à statuer sur les frais d'aménagement du véhicule dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) permis de conduire de Mme [W] régularisé compte tenu de son handicap, ii) documents chiffrant le surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule automatique par rapport à un véhicule à boîte de vitesse manuelle de même catégorie,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] la somme de 1300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, avec intérêts au taux légal à compter de la demande : i) la somme de 55836,27 € en remboursement des prestations versées à la victime, ii) les frais futurs au fur et à mesure de leur exposition sur justificatifs des débours réglés dans la limite du capital représentatif de 281992,15 €, iii) la somme de 1080 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, iv) la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Statuant à nouveau,

À titre liminaire , sur la détermination de la loi applicable :

- juger que seule la loi tunisienne est applicable aux éléments de l'espèce,

À titre principal :

- rejeter les demandes de Mme [W] au regard de la loi tunisienne, seule applicable,

- juger qu'en application du droit tunisien, l'action de Mme [W] est prescrite,

- déclarer Mme [W] irrecevable en sa demande d'indemnisation,

- juger que la loi du 5 juillet 1985 n'est pas applicable à l'accident litigieux,

- juger qu'une telle demande d'indemnisation devra être effectuée au regard des règles du droit tunisien,

- juger que la garantie de la SA AXA France IARD n'est pas mobilisable,

- débouter Mme [W] de ses fins et demandes,

- débouter M. [W] de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- juger que l'appel incident interjeté par Mme [W] et portant sur des chefs de jugement ayant fait l'objet d'un sursis à statuer est irrecevable,

À titre subsidiaire :

- réduire le montant des demandes de Mme [W] au regard des règles d'indemnisation du droit tunisien,

- juger que le rapport d'expertise du 16 avril 2018 du docteur [O] ne saurait servir de base à l'indemnisation des préjudices subis par Mme [W],

- juger que le rapport d'expertise du docteur [E] [C] du 10 janvier 2019 pourrait servir de base à l'indemnisation des préjudices subis par Mme [W],

- juger que l'indemnisation des préjudices subis par Madame [W] se fera comme suit :

* frais de soins : surseoir à statuer dans l'attente de la créance des organismes sociaux,

* incapacité temporaire de travail : 6 mois, la somme de 3370,95 € pourrait être allouée,

- incapacité partielle permanente : 40%, la somme de 7209,60 € pourrait être allouée,

- préjudice moral et esthétique : important, la somme de 2253,01 € pourrait être allouée,

- préjudice professionnel': 5ème degré, la somme de 2247,33 € pourrait être allouée,

- aide d'une tierce personne : aucune somme ne sera allouée à la victime de ce chef,

- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions au titre des postes frais d'aménagement du logement, frais de véhicule adapté, préjudice d'agrément et préjudice sexuel qui ne sont pas indemnisables en application du droit tunisien,

À titre infiniment subsidiaire :

- évaluer le préjudice de Mme [W] au regard des règles du droit français,

- dire que les demandes de sursis à statuer soulevées par la concluante comme étant des demandes et non comme des moyens de défense ne sont pas soumis au régime des exceptions de procédure de sorte qu'il n'y a pas lieu de les soulever in limine litis.

Par conséquent,

- débouter Mme [W] de sa demande de ce chef,

- dire que les demandes de sursis à statuer formulées par la concluante sont recevables,

- dire que la demande d'indemnisation de Mme [W] devrait alors être liquidée comme suit :

1) préjudices patrimoniaux':

a. avant consolidation':

- dépenses de santé actuelles : 1146,40 €

- assistance tierce personne (base taux horaire 14 €) : 29603 €

- perte de gains professionnels actuels : 1643,38 €

b. après consolidation :

- dépenses de santé futures : sursis à statuer (en attente des justificatifs permettant d'évaluer le coût de l'appareillage et de l'étendue de la prise en charge par les organismes sociaux obligatoires et complémentaires),

- Frais d'aménagement du logement : sursis à statuer (en attente de communication des pièces justificatives permettant d'apprécier la nécessité d'indemniser ce chef de préjudice),

- frais d'aménagement du véhicule : rejet

- assistance par tierce personne viagère : 1 heure 30 par jour : confirmation du jugement entrepris, en particulier en ce qu'il a précisé que l'indemnisation de ce poste interviendra sous forme de rente,

- perte de gains professionnels futurs : sursis à statuer (en attente de ces éléments),

À titre infiniment subsidiaire, la somme de 19144,94 € pourrait être allouée à Mme [W].

2/ Préjudices extra-patrimoniaux :

a. avant consolidation :

- déficit fonctionnel temporaire : 15076,50 €

- souffrances endurées 5/7 : 22000 €

- préjudice esthétique temporaire 4/7 : 5000 €

a. après consolidation :

- préjudice esthétique permanent 4/7 : 10000 €

- préjudice d'agrément : rejet

- préjudice sexuel : rejet

- déficit fonctionnel permanent 40% : 75000 €, sous réserve de la créance définitive de la CPAM,

- déduire des sommes qui seraient allouée à Mme [W] la provision déjà versée à hauteur de 110000 €,

- débouter Mme [W] de sa demande de doublement du taux d'intérêt légal,

Sur le recours de la CPAM des Bouches du Rhône :

- juger que la CPAM ne dispose d'un recours qu'à l'encontre du tiers responsable, à savoir M. [U] et son assureur tunisien la compagnie MAE,

- débouter la CPAM de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la concluante qui n'a pas la qualité de tiers responsable,

À titre infiniment plus subsidiaire,

- confirmer le jugement du 26 mars 2019 en ce qui concerne les modalités de remboursement des frais futurs à la CPAM (au fur et à mesure de leur exposition et sur justificatifs des débours réglés mais seulement dans la limite de l'indemnité allouée à la victime à cet effet': principe du poste par poste),

Sur la demande de Mme [W] au titre de la procédure abusive et de l'appel dilatoire,

- dire qu'il ne peut y avoir d'abus de procédure dans l'exercice d'une voie de recours qu'en cas de comportement fautif,

- débouter Mme [W] de sa demande de ce chef,

En tout état de cause,

- débouter M. [W] de sa demande tendant à voir la SA AXA France IARD condamnée à lui payer la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [W] de sa demande tendant à voir la SA AXA France IARD condamnée au titre des dépens,

- débouter Mme [W] de sa demande tendant à voir la SA AXA France IARD condamnée à lui payer la somme de 50000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [W] de sa demande tendant à voir la SA AXA France IARD condamnée au titre des dépens,

- condamner in solidum M. [W] et Mme [W] à payer à la SA AXA France IARD la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser à la charge de Mme [W] les entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise Boulan, membre de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats associés, aux offres de droit.

La SA AXA France IARD fait valoir les arguments suivants au soutien de ses demandes :

' La règle selon laquelle la loi applicable est celle du lieu de l'accident est un principe de droit international privé consacré par la cour de cassation (Civ. 1, 30 mai 1967). L'accident ayant eu lieu en dehors du territoire national, Mme [W] ne saurait revendiquer l'application de la loi du 5 juillet 1985, ce que l'article 706-3 du code de procédure pénale rappelle expressément.

Par ailleurs, les articles 8 et 9 de la convention de La Haye précisent utilement que les dommages réparables et la possibilité d'une action directe contre l'assureur sont déterminés par la même loi. La responsabilité de la SA AXA France IARD ne saurait être retenue dans la mesure où': i) M. [U], chauffeur du poids lourd impliqué, a été condamné en première instance puis en appel par la juridiction répressive tunisienne, et ii) l'assureur MAE a dédommagé Mme [W] du préjudice matériel qu'elle a subi.

' Le juge français doit constater, par application de l'article 125 du code des assurances tunisien, la prescription de l'action en justice engagée par Mme [W], au regard du délai triennal courant à compter de la date de l'accident, et déclarer Mme [W] irrecevable en ses demandes.

' Dans son ordonnance du 7 mars 2015, le juge des référés de Marseille, en relevant que la Tunisie ne faisait pas partie des États qu'AXA excluait du périmètre de la garantie, a confondu le champ territorial de la garantie due par AXA et son champ matériel, c'est-à-dire les conditions de mobilisation de la garantie. En l'espèce, elles ne sont pas satisfaites, faute d'applicabilité de la loi du 5 juillet 1985 et faute de démonstration de la responsabilité civile de son assuré.

' Une indemnisation de Mme [W] pourrait être envisagée sur le fondement des articles 128, 130, 133, 134 et 136 du code des assurances tunisien, sauf à exploiter le cas échéant le rapport d'expertise judiciaire du docteur [O]. La SA AXA France IARD produit en tout état de cause un rapport d'expertise médico-légale établi le 10 janvier 2019 par le docteur [C], expert judiciaire à la cour d'appel de Tunis.

' À titre subsidiaire, l'évaluation du préjudice de Mme [W] pourrait intervenir au regard des principes de réparation du préjudice corporel du droit français. La société AXA considère que ses demandes de sursis à statuer sont parfaitement recevables'' la demande de sursis à statuer ne constituant une exception de procédure à soulever in limine litis que si elle est invoquée comme un moyen de défense, ce qui n'est pas le cas.

La SA AXA France IARD conclut en effet au sursis à statuer en ce qui concerne les postes suivants':

- dépenses de santé futures': en attente de justificatifs concernant le coût de la prothèse de marche et de la prothèse de bains,

- frais de logement adapté': en attente de justificatifs de la nécessité d'une indemnisation de ce poste, conformément à la décision du premier juge,

- perte de gains professionnels futurs': en attente de justificatifs de sa situation actuelle, notamment au regard du statut RQTH.

' Le doublement du taux de l'intérêt légal auquel a procédé le premier juge est contestable compte tenu de l'applicabilité très incertaine du droit français.

' Le recours subrogatoire que la caisse primaire d'assurance-maladie tient de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ne peut être exercé que contre le tiers responsable et son assureur, c'est-à-dire M. [U] et la compagnie MAE. M. [W] et la SA AXA France IARD ne sauraient être actionnés.

' La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n'est adossée à aucune faute démontrée de la SA AXA France IARD dans l'exercice d'une voie de droit, et doit être rejetée.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé n°2 notifiées par RPVA le 2 mars 2020, Mme [W] demande à la cour de':

- confirmer le jugement du TGI de Marseille du 26 mars 2019, hormis en ce qu'il a'sursis à statuer':

* sur les frais d'aménagement du logement dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) document attestant du refus opposé par le bailleur social de relogement dans un appartement en rez-de-chaussée comportant une douche à l'italienne, ii) dans cette hypothèse, document permettant de chiffrer le surcoût de loyer pour un appartement en rez-de-chaussée sur le marché locatif et, si nécessaire, le coût des travaux d'aménagement d'une douche à l'italienne,

* sur les frais d'aménagement du véhicule dans l'attente de la production des justificatifs suivants : i) permis de conduire de Madame [J] [H] épouse [W] régularisé compte-tenu de son handicap, ii) document chiffrant le surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule automatique par rapport à un véhicule à boîte de vitesse manuelle de même catégorie,

- infirmer sur ces deux derniers points le jugement déféré,

- débouter la SA AXA France IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, infondées, comme en partie irrecevables,

Statuant à nouveau sur appel incident partiel,

- condamner la SA AXA France IARD à verser à Mme [W] une somme de :

* 343900 € au titre des frais de logement adapté et de déménagement (338900 € + 5000 €),

* 14490 € au titre des frais de véhicule adapté,

* 110000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs,

- juger que la SA AXA France IARD ne conclut pas, ni ne demande, dans le dispositif de ses dernières conclusions d'appel (signifiées le 27 décembre 2019) au rejet de l'appel incident de Mme [W], relativement au versement des frais de logement adapté et de déménagement, comme de véhicule adapté,

En tout état de cause,

- condamner la SA AXA France IARD à verser à Mme [W] une somme de 50000 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés,

- condamner la SA AXA France IARD à supporter les entiers dépens de l'instance, induits et nécessités par la cause, de première instance et d'appel, avec distraction de ces derniers au profit de Maître Xavier Pietra de la SCP Pietra & Associés, sous son affirmation de droit.

Mme [W] souligne en particulier les points suivants':

' Son dommage corporel est directement lié à l'implication du véhicule BMW assuré par la SA AXA France IARD. Elle est tiers au contrat d'assurance conclu par son conjoint. Elle est fondée à demander à demander à la SA AXA France IARD la prise en charge de son dommage corporel et ce, sous l'empire de la loi française, la loi tunisienne désignée par la convention de La Haye de 1971 n'étant applicable qu'en matière de responsabilité civile délictuelle. Précision étant faite que la Tunisie n'a pas été exclue par AXA du champ d'application territorial de la garantie contractuelle.

' S'agissant de la liquidation du préjudice, Mme [W] précise que ses salaires étaient supérieurs à ceux qu'a retenus le premier juge, soit 486,75 € au titre de son activité d'agent à domicile chez ADMR et 262,36 € au titre de son activité comme agent d'entretien dans un cabinet d'avocats.

' En ce qui concerne son appel incident, elle observe que la demande de sursis à statuer de la SA AXA France IARD exprimée par la SA AXA France IARD est un moyen de défense qui, en tant que tel, constitue une exception de procédure qui aurait dû être invoquée in limine litis, soit avant toute conclusion au fond.

L'importance du handicap est telle que Mme [W] est fondée à demander le financement':

- de l'acquisition d'un nouveau logement adapté et prise en charge des frais de déménagement, compte tenu du refus opposé par le bailleur social de son logement d'engager la moindre dépense destinée à adapter son logement actuel à son handicap (réalisation d'une douche à l'italienne, installation d'un ascenseur, élargissement de l'encadrement des portes du logement). Elle souligne l'abence d'ascenseur et la largeur insuffisante des portes pour laisser passer un fauteuil roulant. Elle produit un devis de 338900 € correspondant au coût d'acquisition d'un terrain avec construction d'une maison de 80 m², habitable de plain-pied, et chiffre à 5000 € ses frais de déménagement';

- des frais de véhicule adapté, compte tenu de ce que la perte de la jambe gauche rend par définition impossible l'utilisation d'un véhicule à boîte de vitesses mécanique. Elle conteste en particulier la demande du premier juge de la voir produire un permis de conduire régularisé compte tenu de son handicap.

' L'évidence du bien-fondé de ses demandes a justifié l'autorisation de la procédure d'assignation à jour fixe. La SA AXA France IARD a tenté de substituer la loi tunisienne à la loi française au mépris de la jurisprudence très claire de la cour de Cassation. L'appel de la SA AXA France IARD est donc une faute équipollente au dol et caractérise une réelle intention de nuire. La demande de 110000 € de dommages-intérêts est donc justifiée.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé notifiées par RPVA le 7 octobre 2019, M. [W] demande à la cour de'confirmer le jugement du TGI de Marseille du 26 mars 2019 en ce qu'il a':

- dit que le présent litige est soumis à la loi française,

- dit que la SA AXA France IARD doit garantir Mme [W] des conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014,

- statuer ce que de droit sur la réparation intégrale des conséquences dommageables de l'accident de la circulation du 20 juillet 2014,

À titre subsidiaire,

- condamner la SA AXA France IARD à garantir M. [W], son assuré et, dès lors, avec toutes conséquences légales et contractuelles, à réparer et indemniser auprès de qui de droit l'intégralité des préjudices résultant de l'implication de son véhicule dans l'accident du 20 juillet 2014,

En toute hypothèse,

- débouter la SA AXA France IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SA AXA France IARD à verser à M. [W] une somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles qu'i1 a dû exposer,

- condamner la SA AXA France IARD à supporter les dépens de l'instance, induits et nécessités par la cause, de première instance et d'appel.

M. [W] fait valoir qu'il a souscrit en France un contrat avec AXA, assureur français': la garantie contractuelle est mobilisable pour réparer les dommages corporels et/ou matériels consécutifs à un accident survenu à l'étranger dans lequel son véhicule est impliqué. L'applicabilité de la loi française au contrat d'assurance a été admise par le juge des référés, par la cour d'appel statuant sur ordonnance du juge des référés, et enfin par le TGI de Marseille statuant au fond ' ces décisions s'inscrivant dans la continuité d'une jurisprudence de la cour de cassation (Civ. 1, 4 juillet 2012) selon laquelle l'application de la loi marocaine à l'accident ne pouvait avoir pour effet de réduire le champ de la garantie contractuellement prévue et due par AXA.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé notifiées par RPVA le 2 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône demande à la cour de':

- confirmer le jugement du TGI de Marseille du 26 mars 2019 en toutes ses dispositions,

- débouter la SA AXA France IARD de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SA AXA France IARD à verser à la CPAM la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la SA AXA France IARD aux entiers dépens.

La caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône fait valoir en particulier, s'agissant de la garantie due par la SA AXA France IARD, que M. [W] est le seul assuré de sorte que la qualité de tiers de Mme [W] est acquise. Le dommage corporel de cette dernière est consécutif à la projection du véhicule BMW, mu par une poussée violente exercée par le camion de M. [U]. L'implication du véhicule BMW est certaine. La survenance de l'accident en territoire étranger ne rend pas applicable la loi tunisienne au contrat d'assurance car la convention de La Haye de 1971 est centrée sur la responsabilité civile en matière d'accidents de la route, et ne trouve pas à s'appliquer en matière de contrat d'assurance. S'agissant de l'exercice de son recours, la CPAM considère que ses débours définitifs incombent nécessairement à la SA AXA France IARD, contractuellement tenue de dédommager Mme [W] des conséquences corporelles de l'accident du 20 juillet 2014.

* * *

La clôture a été prononcée le 18 mai 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

Sur la loi applicable au litige':

Le dommage corporel dont Mme [W] demande réparation trouve son origine dans un accident de la circulation survenu à l'étranger au préjudice d'un ressortissant français, et impliquant deux véhicules immatriculés dans des États différents.

L'article 3 de la convention de la Haye du 4 mai 1971 applicable en matière d'accidents de la circulation routière dispose que « la loi applicable est la loi interne de l'État sur le territoire duquel l'accident est survenu ». La loi tunisienne est donc applicable en ce qui concerne la mise en oeuvre de la responsabilité civile délictuelle liée à l'accident du 20 juillet 2014 à [Localité 13]. Il est constant cependant que, le lieu de survenance de l'accident ne pouvant modifier l'étendue de la garantie contractuellement prévue, sauf stipulation contraire, la convention de La Haye n'a pas vocation à régir la loi applicable au contrat d'assurance conclu sous l'empire de la loi française.

En l'occurrence, M. [W] a souscrit le 18 juillet 2014 à [Localité 11] un contrat d'assurance AXA pour se prémunir des conséquences civiles d'un dommage corporel et/ou matériel consécutif à un accident de circulation dans lequel son véhicule BMW X6 immatriculé [Immatriculation 7] immatriculé en France viendrait à être impliqué. Les conditions générales de la SA AXA France IARD ne stipulent nulle part que la loi tunisienne (ou, de façon générale, la loi étrangère) puisse limiter ou exclure le bénéfice de la loi française dont le tiers lésé entend se prévaloir lorsqu'il exerce contre l'assureur l'action directe qu'il tient de l'article L.124-3 du code des assurances': « le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré'».

Cette action directe ouverte à Mme [W] est par ailleurs reprise en page 11 des conditions générales du contrat conclu entre la SA AXA France IARD': «'Responsabilité civile automobile. Cette garantie est imposée par la loi. C'est l'assurance automobile minimale. Nous garantissons votre responsabilité civile et celle des personnes assurées, lorsque des dommages matériels et/ou corporels sont subis par un tiers à l'occasion d'un accident dans lequel le véhicule assuré est impliqué'».

La référence permanente des conditions générales AXA au droit français ' au code des assurances, en particulier, mais également au code de la route, au code pénal et au code de la sécurité sociale ' démontrent que les parties se sont placés sous la protection de la loi française qu'elles connaissent, quel que soit le lieu de survenance du risque garanti. Il sera fait observer également que l'article L.112-3 du code des assurances, quoiqu'il n'interdise ni le choix d'une autre langue ni celui d'une autre loi lors de la conclusion du contrat d'assurance, tend néanmoins à déduire de l'emploi de la langue française par les parties au contrat qu'elles ont souhaité lui appliquer la loi française.

La mobilisation de la garantie AXA au bénéfice de Mme [W] est donc soumise à la loi française, comme décidé par le premier juge. Par suite, sont sans objet les développements de la SA AXA France IARD concernant la prescription de l'action en réparation et les principes d'indemnisation du préjudice corporel en droit tunisien.

Sur la qualité de tiers de Mme [W]':

Les conditions générales de la SA AXA France IARD définissent l'assuré en page 9': «'Qui est assuré'' Au titre de la garantie responsabilité civile, il s'agit du souscripteur du présent contrat, du propriétaire du véhicule assuré, de toute personne ayant la garde ou la conduite de ce véhicule, des passagers transportés'[...] ». La qualité d'assuré s'apprécie uniquement sur la tête du signataire du contrat, M. [W].

Le contrat AXA définissant le tiers comme «'toute personne n'ayant pas la qualité d'assuré au sens du présent contrat'» en page 48 de ses conditions générales, Mme [W] a indiscutablement la qualité de tiers lésé, fût-elle le conjoint de l'assuré. Le dernier alinéa de l'article L.211-1 du code des assurances dispose d'ailleurs que «'les membres de la famille du conducteur ou de l'assuré sont considérés comme des tiers au sens du premier alinéa du présent article'».

Sur le champ d'application du contrat d'assurance AXA':

Les conditions générales d'assurance du contrat AXA comportent une rubrique en forme de question': «'Où les garanties s'exercent-elles'''» à laquelle il est répondu que «'le contrat s'applique en France métropolitaine, dans les DROM-COM, à [Localité 12], ainsi que pour les séjours n'excédant pas trois mois consécutifs': dans les autres États mentionnés sur la carte verte et non rayés, Andorre, Gibraltar, Liechtenstein, Saint-Marin, Saint-Siège'».

La consultation de la carte verte d'assurance fait apparaître que la Tunisie (siglée TN) ne relève pas des États qu'AXA aurait pu expressément écarter du champ d'application terriorial de la garantie, en les barrant.

Sur le droit à indemnisation'de Mme [W] :

Aux termes de l'article 3 alinéa 1er de la loi 85-677 du 5 juillet 1985, les victimes n'ayant pas la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.

Percuté à vive allure par un camion poids lourd conduit en marche arrière par M. [U], le véhicule BMW de M. [W] a été projeté avec violence contre Mme [W]. Un dommage corporel grave en est immédiatement résulté pour Mme [W], qui a dû être amputée peu après du bas de la jambe gauche. Du seul fait de son contact avec Mme [W], l'implication du véhicule BMW de M. [W] dans la réalisation du dommage est certaine.

Mme [W] a un droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice.

Sur la liquidation du préjudice :

Le rapport d'expertise médicale du docteur [O] du 16 avril 2018 contre lequel aucune critique médicalement fondée n'est formulée constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi. Ses conclusions médico-légales sont les suivantes':

- déficit fonctionnel temporaire total': 20 juillet au 14 octobre 2014,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 75'%': 15 octobre 2014 au 17 mars 2015 (assistance par tierce personne temporaire': 3 heures par jour),

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 60'% du 18 mars 2015 au 18 septembre 2015 (assistance par tierce personne temporaire': 2 heures par jour),

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 40'% du 19 septembre 2015 au 20 janvier 2018 (assistance par tierce personne temporaire': 1 heure 30 par jour),

- consolidation': 20 janvier 2018,

- souffrances endurées': 5/7,

- préjudice esthétique temporaire 4/7,

- préjudice esthétique permanent': 4/7,

- dépenses de santé futures': prothèse de marche, prothèse de bain, bas de contention, domotique (nécessité d'un logement en rez-de-chaussée, douche italienne, portes extra-larges laissant passer un fauteuil pour PMR),

- incidence professionnelle': Mme [W] ne pourra plus exercer les professions antérieurement pratiquées d'aide à domicile et d'aide ménagère et toutes professions impliquant une station debout prolongée, des déplacements fréquents, des ports de charges lourdes)

- préjudice sexuel': atteinte du schéma corporel retentissant sur la libido,

- préjudice d'agrément': limitation des sports ou de loisirs nécessitant une station debout prolongée, des déplacements fréquents, des ports de charges lourdes,

- déficit fonctionnel permanent': 40 %,

- assistance par tierce personne définitive': 1 heure 30 par jour pour effectuer les actes de la vie courante

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident, de son activité (aide à domicile, et agent d'entretien), de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

La victime a subi un dommage corporel : elle doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Le barème de capitalisation employé sera celui publié par la Gazette du Palais le 28 novembre 2017 qui est le plus approprié au regard des données démographiques, économiques et monétaires les plus récentes.

Le juge ne se prononce que sur ce qui est demandé. Il ne peut allouer à la victime une somme supérieure au montant demandé, ou inférieure au montant admis par le responsable.

Données chronologiques :

Date de naissance':11/12/1961

Date du fait générateur :20/07/2014

Date de la consolidation':20/01/2018

Date de la liquidation':22/10/2020

Date du départ en retraite':11/12/2023

Durée en années de la période avant consolidation :3,504

Durée en années de la période consolidation / liquidation':2,754

Age'lors du fait générateur :52

Age'lors de la consolidation :56

Age'lors de la liquidation :58

Age'lors du départ en retraite :62

Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [W] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)': 1146,40 €

Par ce poste il s'agit d'indemniser l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques et paramédicaux ainsi qu'aux frais d'appareillage exposés par l'organisme de sécurité et sociale et ceux éventuellement restés à la charge de la victime durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique, jusqu'à la date de consolidation.

Il résulte de l'état des débours définitifs communiqué que la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône a supporté le règlement d'une somme de 55836,27 €. Aucune des parties ne conteste que la somme de 1146,40 € allouée par le premier juge à Mme [W] correspond aux dépenses de santé actuelles restées à sa charge personnelle et définitive.

Frais divers, frais de médecin-conseil (FD) : 960 €

La réparation du préjudice doit être intégrale et cette dépense, née directement et exclusivement de l'accident, n'a pas été prise en charge par les organismes sociaux et a été supportée par la victime. Elle est par là-même indemnisable par le débiteur de l'indemnisation. La victime a pu valablement se faire assister devant l'expert par le docteur [V], médecin de son choix, afin que la discussion s'engage sur un terrain médico-légal pour lequel elle ne dispose d'aucune compétence technique ' ce d'autant plus qu'en l'espèce la SA AXA France IARD était elle-même représentée par le docteur [F]. La présence du docteur [V] a donc garanti l'instauration d'un débat réellement contradictoire.

La note d'honoraires du docteur [V] du 21 février 2018 atteste de ce que les frais de médecin-conseil exposés par Mme [W] se montent à la somme de 960 €, montant alloué par le premier juge et non expressément contesté par la SA AXA France IARD.

Assistance par tierce personne temporaire': 31717,50 €

Il est constant que les frais de tierce personne temporaire constituent un poste distinct du poste frais divers de la nomenclature Dintilhac.

Ce poste correspond à l'aide périodique nécessaire pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie.

Les dépenses de tierce personne temporaire qu'a supportées la victime sont nées directement et exclusivement de l'accident. En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

En l'occurrence, la nécessité de la présence auprès de Mme [W] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L'expert précise que Mme [W] a besoin d'une aide pour une durée, non contestée par les parties, de':

- 3 heures par jour du 15 octobre 2014 au 17 mars 2015, soit 154 jours,

- 2 heures par jour du 18 mars 2015 au 18 septembre 2015, soit 185 jours, et

- 1 heure 30 par jour du 19 septembre 2015 au 20 janvier 2018, soit 855 jours.

Seul le chiffrage du taux horaire fait l'objet d'une contestation par la SA AXA France IARD, qui conclut à un chiffrage global de 29603 € sur la base d'un taux horaire de 14 €.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base du taux horaire moyen sollicité par Mme [W], soit 15 €.

L'indemnité de tierce personne s'établit à (15 € x 154 x 3 = 6930 €) + (15 € x 185 x 2 = 5550 €) + (15 € x 855 x 1,5 = 19237,50 €) = 31717,50 €, montant alloué par le premier juge et dont Mme [W] demande la confirmation.

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)': 7961,37 €

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation. Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

En l'occurrence, le docteur [O] conclut à l'impossibilité pour Mme [W] d'exercer ses activités professionnelles antérieures (aide à domicile, et d'aide-ménagère). Mme [W] indique en effet avoir travaillé comme agent à domicile chez ADMR pour un salaire mensuel net de 486,75 €, et comme agent d'entretien dans un cabinet d'avocats pour un salaire mensuel net de 262,36 €.

Une attestation de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône du 14 novembre 2014 indique que Mme [W] n'a perçu aucune indemnité journalière depuis le 1er octobre 2013 et, partant, depuis le 20 juillet 2014.

Mme [W] fait état':

- d'un contrat de prévoyance souscrit par le cabinet d'avocats qui l'employait, en vertu duquel elle a perçu 4 mois de salaire, soit 272,23 € x 4 = 1090,92 €.

- des allocations d'aide au retour à l'emploi (Pôle Emploi)'du 5 juin 2015 au 3 avril 2017': 22 mois x 396,38 € = 8720,36 €.

Elle a été admise au bénéfice de l'AAH à compter du 1er décembre 2016, dont le montant n'est pas imputable sur ce poste.

Elle soutient avoir perdu une somme totale de 19249,05 €, après imputation des sommes qu'elle a perçues sur les sommes qu'elle aurait dû percevoir':

- 01/08/14 ' 31/12/14, soit 5 mois': 3745,55 € - 1536,19 € = 2209,36 €

- 01/01/15 ' 31/12/15, soit 12 mois :8989,36 € - 2973,08 € = 6016,28 €

- 01/01/16 ' 31/12/16, soit 12 mois':8989,36 € - 5991,02 € = 2998,34 €

- 01/01/17 ' 30/04/17, soit 4 mois :2996,44 € - 1713,36 € = 1283,08 €

- 01/05/17 ' 20/01/18, soit 9 mois :6741,99 € - 0 € = 6741,99 €

TOTAL42 mois31462,70 € - 12213,65 € =19249,05 €

S'agissant de son emploi chez ADMR, elle ne produit cependant aucun bulletin de paie au titre du premier semestre 2014 mais les pièces auxquelles le premier juge se réfère font état d'une absence pour maladie du 1er février au 30 juin 2014. Le fait de ne pas s'être présentée à son poste de travail le 1er juillet 2014 sans s'en expliquer auprès de l'employeur a déterminé une mesure de licenciement pour faute grave notifiée en septembre 2014, c'est-à-dire après l'accident du 20 juillet 2014, mais pour des faits antérieurs. Le courrier de licenciement joint au rapport d'expertise judiciaire indique expressément que la mesure ne comporte ni préavis ni indemnité de rupture. L'absence d'imputabilité à l'accident de la perte de l'emploi ADMR conduit, à l'instar du premier juge, à écarter le salaire ADMR de l'assiette de calcul de la perte de gains professionnels actuels.

S'agissant de son emploi au sein d'un cabinet d'avocats, Mme [W] produit les bulletins de paie faisant état d'un salaire net annuel de 3272,78 €, soit un montant net mensualisé de 272,73 €. Le premier juge s'étonne à juste titre que les bulletins du premier semestre 2014 ne mentionnent aucun arrêt-maladie.

Le montant brut de la perte de gains professionnels actuels est donc est de 272,73 € x 42 mois = 11454,66 €.

Le premier juge a procédé à l'imputation des sommes que Mme [W] a perçues avant d'être consolidée':

- contrat de prévoyance employeur': 4 mois de salaire x 272,23 € = 1090,92 €,

- allocations d'aide au retour à l'emploi 5 juin 2015 au 3 avril 2017': 22 mois x 396,38 € = 8720,36 €.

Il en a déduit un solde de 1643,38 €. La SA AXA France IARD conclut à la confirmation de ce chiffrage.

Mme [W] soutient avoir perdu une somme totale de 19249,05 €, après imputation des sommes qu'elle a perçues sur les sommes qu'elle aurait dû percevoir':

- 01/08/14 ' 31/12/14, soit 5 mois': 3745,55 € - 1536,19 € = 2209,36 €

- 01/01/15 ' 31/12/15, soit 12 mois :8989,36 € - 2973,08 € = 6016,28 €

- 01/01/16 ' 31/12/16, soit 12 mois':8989,36 € - 5991,02 € = 2998,34 €

- 01/01/17 ' 30/04/17, soit 4 mois :2996,44 € - 1713,36 € = 1283,08 €

- 01/05/17 ' 20/01/18, soit 9 mois :6741,99 € - 0 € = 6741,99 €

TOTAL42 mois31462,70 € - 12213,65 € =19249,05 €

Il convient en réalité d'exclure le montant des salaires ADMR des montants qu'elle aurait dû percevoir':

- 01/08/14 ' 31/12/14, soit 5 mois': 1363,65 € - 1536,19 € = (172,54 €)

- 01/01/15 ' 31/12/15, soit 12 mois :3272,76 € - 2973,08 € = 299,68 €

- 01/01/16 ' 31/12/16, soit 12 mois':3272,76 € - 5991,02 € = (2718,26 €)

- 01/01/17 ' 30/04/17, soit 4 mois': 1090,92 € - 1713,36 € = (622,44 €)

- 01/05/17 ' 20/01/18, soit 9 mois':2454,57 € - 0 € = 2454,57 €

TOTAL42 mois31462,70 € - 12213,65 € =(758,99 €)

Le solde met en évidence que Mme [W] a perçu 758,99 € de plus que le montant des gains dont elle a été privée. Cependant, les aides au retour à l'emploi ne revêtent pas de caractère indemnitaire et n'ont pas à être déduites du préjudice subi par Mme [W]. Le montant de la perte de gains professionnels actuels subie par Mme [W] est donc de -758,99 € + (22 mois x 396,38 € = 8720,36 €) = 7961,37 €.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Dépenses de santé futures (DSF)': 0 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué des frais futurs prévus par l'organisme social à hauteur de 281992,15 € et correspond pour l'essentiel au capital représentatif des frais d'appareillage de 278064,95 €. La caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône produit une attestation d'imputabilité du docteur [N] du 17 mai 2018.

Le rapport du docteur [O] évoque à cet égard la nécessité de prothèses de marche, de prothèses de bain, de bas de contention, d'un aménagement domotique (nécessité d'un logement en rez-de-chaussée, d'une douche italienne et également de portes extra-larges laissant passer un fauteuil pour personne à mobilité réduite),

Aucune somme ne reste à la charge personnelle et définitive de Mme [W].

Assistance par tierce personne (ATP)': 295260 €

L'expert judiciaire retient la nécessité d'une aide humaine viagère à concurrence d'une heure et demie par jour ' ce que ne conteste pas la SA AXA France IARD qui conclut à la confirmation du jugement entrepris tant en ce qui concerne le tarif horaire de 16 € que l'indemnisation de ce poste sous forme de rente.

Mme [W] conclut pour sa part à un taux horaire de 20 € et à l'allocation d'une somme de 295260 € sur la base d'une espérance de vie de 83 ans pour une femme née en 1961.

La gravité des séquelles et la compétence attendue de tierce personne justifient de faire droit à la demande de Mme [W] concernant le tarif horaire, qui sera ainsi porté à 20 €, soit un coût quotidien de 30 €.

Le montant des arrérages échus's'élève à la somme de 30 € x 365,25 jours x 2,754 années (de la consolidation à la liquidation du préjudice) = 30176,96 €.

Le montant des arrérages à échoir s'élève à la somme de (30 € x 365,25 = 10957,50 €) x 26,291 (prix de l'euro de rente viagère pour une femme âgée de 58 ans à la liquidation) = 288083,63 €.

Soit une somme totale de 30176,96 € + 288083,63 € = 318260,59 €, réduite à 295260 € pour rester dans la limite de la demande de Mme [W]. Le jugement entrepris sera infirmé sur le montant.

Dans l'intérêt de Mme [W] dont il convient de protéger l'avenir, l'indemnité de tierce personne sera réglée selon les modalités suivantes':

- versement d'un capital de 30176,96 €, correspondant au montant des arrérages échus';

- versement du solde, soit la somme de 295260 € - 30176,96 € = 265083,04 €, sous forme d'une rente viagère annuelle de 10082,65 € sur la base d'un prix de l'euro de rente viagère de 26,291 pour une femme âgée de 58 ans à la liquidation), payable par trimestrialités de 2520,66 € ' étant précisé que cette rente sera suspendue en cas d'hospitalisation de plus de trente jours consécutifs.

Perte de gains professionnels futurs (PGPF)': 38051,97 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Adossé au montant du revenu antérieur à l'accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre':

- le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu'à la décision fixant l'indemnisation du préjudice, et,

- le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l'âge de la victime.

De ce poste de préjudice devront être déduites les prestations servies à la victime par les organismes de sécurité sociale (pensions d'invalidité et rentes accidents du travail), les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assureurs (prestations longue durée d'invalidité et accidents du travail), de même que par les employeurs publics (allocations temporaires d'invalidité, pensions et rentes viagères d'invalidité) qui tendent à indemniser, le plus souvent de manière forfaitaire, partant de manière partielle l'incapacité invalidante permanente subie par la victime afin d'éviter soit que celle-ci ne bénéficie d'une double indemnisation de son préjudice sur ce point, soit que le recours exercé par l'organisme tiers payeur ne réduise les sommes dues à la victime.

La SA AXA France IARD conclut au sursis à statuer au titre de l'ensemble de ce poste, sauf Mme [W] à justifier de ce qu'elle bénéficie ou non du statut RQTH. À titre subsidiaire, la SA AXA France IARD relève que le licenciement pour faute de Mme [W] trouve sa cause dans des circonstances étrangères et antérieures à l'accident, de sorte que seul la somme de 272,73 € par mois peut être retenue pour le calcul de la perte de gains. Elle propose à à titre infiniment subsidiaire une somme de 19144,94 € calculée sur la base du barème BCRIV 2018.

Le montant des gains professionnels de Mme [W] servant d'assiette au calcul de la perte de gains professionnels futurs est de 272,73 € mensuel net (salaire versé par le cabinet d'avocats). Le salaire mensuel net moyen résultant du contrat ADMR est, au vu du bulletin de paie du 30 novembre 2013, de 4468,38 € / 11 = 406,22 €.

Toutefois, ainsi que souligné à juste titre par la SA AXA France IARD, ce montant ne peut être retenu puisque les causes du licenciement pour faute de Mme [W] sont antérieures à l'accident du 20 juillet 2014. Mme [W] peut en tout état de cause être indemnisée au titre de la perte de chance de retrouver un emploi comparable au même niveau de rémunération. Cette perte de chance sera évaluée à 50'%, soit 203,11 € par mois.

Le montant des arrérages échus est donc de'(272,73 € + 203,11 € = 475,84 €) x 12 x 2,754 années (consolidation / liquidation) = 15725,56 €.

Le premier juge ayant prononcé un sursis à statuer pour la partie de la perte de gains professionnels futurs courant à compter du 62ème anniversaire de Mme [W], le montant des arrérages à échoir est de 475,84 € x 12 x 3,910 (prix de l'euro de rente temporaire pour une femme âgée de 58 ans lors de la liquidation jusqu'à l'âge de 62 ans) = 22326,41 €.

Soit un total des arrérages dus de 15725,56 € + 22326,41 € = 38051,97 €, compte arrêté au 11 décembre 2023.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, l'état des débours définitifs produit par la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône ne mentionne aucune pension d'invalidité susceptible de s'imputer sur la perte de gains professionnels futurs.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 15076,50 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

En l'occurrence, l'expert judiciaire a retenu les périodes de déficit fonctionnel temporaire suivantes':

- déficit fonctionnel temporaire total': 20 juillet au 14 octobre 2014, soit 87 jours,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 75'%': 15 octobre 2014 au 17 mars 2015, soit 154 jours,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 60'% du 18 mars 2015 au 18 septembre 2015, soit 185 jours,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 40'% du 19 septembre 2015 au 20 janvier 2018, soit 855 jours.

Il doit être réparé sur la base d'environ 23 € par jour de déficit fonctionnel temporaire total, soit 690 € par mois ' ce montant est sollicité par Mme [W], la SA AXA France IARD ne s'y oppose pas ' eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie, sauf à proratiser pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel.

Ce poste de préjudice sera évalué à la somme de (23 € x 87 x 1,00 = 2001 €) + (23 € x 154 x 0,75 = 2656,50 €) + (23 € x 0,60 x 185 = 2553 €) + (23 € x 855 x 0,40 = 7866 €) = 15076,50 €, montant alloué par le premier juge et dont Mme [W] demande la confirmation.

Souffrances endurées (SE)': 22000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. Estimé à 5 / 7 par (assez important) l'expert judiciaire, il justifie l'octroi d'une indemnité de 22000 €, montant alloué par le premier juge et sur lequel s'accordent Mme [W] et la SA AXA France IARD.

Préjudice esthétique temporaire (PET)': 5000 €

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation pour la victime de se présenter temporairement au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures. Il a été évalué à 4 / 7 (moyen) par l'expert judiciaire.

Mme [W] sollicite une somme de 10000 € de ce chef. La SA AXA France IARD propose de maintenir le chiffrage à la somme de 5000 € allouée par le premier juge. Ce chef de préjudice justifie l'octroi d'une indemnisation de 5000 €.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 75000 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent. Ce poste de préjudice a été évalué à la somme de 75000 € par le premier juge': Mme [W] et la SA AXA France IARD s'accordent sur ce montant.

Préjudice esthétique permanent (PEP)': 10000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique. En l'occurrence, Mme [W] a subi une amputation du tiers supérieur de la jambe gauche. Estimé à 4 / 7 (moyen), il a été chiffré à la somme de 10000 € par le premier juge. Mme [W] et la SA AXA France IARD s'acccordent sur ce montant.

Préjudice d'agrément (PA)': 0 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.

L'expert judiciaire retient une limitation au titre des sports ou des loisirs impliquant une station debout prolongée, des déplacements fréquents ainsi que des ports de charges lourdes. Mme [W] sollicite la somme de 15000 € et invoque l'impossibilité de se promener dorénavant avec ses enfants ou ses petits-enfants. La SA AXA France IARD conclut au rejet de cette demande, à l'instar du premier juge. Mme [W] ne prouve pas l'exercice d'une activité sportive ou de loisir spécifique, antérieurement à l'accident. Sa demande ne saurait prospérer.

Préjudice sexuel (PS)': 10000 €

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel. L'expert retient chez Mme [W] une atteinte de son schéma corporel consécutif à l'amputation du membre inférieur gauche, avec retentissement sur la libido.

Mme [W] formule une demande de 15000 € de ce chef. La SA AXA France IARD s'y oppose au motif que les éléments de ce préjudice que l'expert a retenus correspondent au préjudice esthétique déjà indemnisé par ailleurs. Le préjudice esthétique se distingue du préjudice sexuel tant par son objet que par ses manifestations': la perte de la libido n'est pas par elle-même une composante du préjudice esthétique. Ce poste de préjudice sera retenu et réparé par l'allocation à Mme [W] d'une somme de 10000 €, montant retenu par le premier juge.

* * *

Le préjudice corporel global subi par Mme [W] s'établit ainsi à la somme de 849402,16 € soit, après imputation des 337828,42 € de débours de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, une somme de 511573,74 € lui revenant, réduite à 401573,74 € après retranchement des 110000 € perçus à titre provisionnel.

La SA AXA France IARD sera condamnée au règlement de cette somme de 401573,74 € à Mme [W] :

- à hauteur de 136490,70 €, sous forme d'un capital, et

- à hauteur de 265083,04 €, sous forme d'une rente viagère annuelle de 10822,65 €, payable par trimestrialités de 2520,66 € ' étant précisé que cette rente sera suspendue en cas d'hospitalisation de plus de trente jours consécutifs.

Cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2019 à hauteur de 329839,76 € et du prononcé du présent arrêt soit le 22 octobre 2020 pour le surplus des sommes dues.

Sur la demande de doublement du taux de l'intérêt légal':

Il résulte de l'article L.211-9 du code des assurances qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

Le premier juge a constaté à juste titre que la SA AXA France IARD':

- n'a soumis aucune offre provisionnelle à Mme [W] dans les huit mois de l'accident du 20 juillet 2014, c'est-à-dire à la date du 20 mars 2015, et

- n'a notifié une offre définitive de règlement à Mme [W] que par conclusions notifiées le 21 janvier 2019, soit postérieurement au 6 octobre 2018, date à laquelle expirait le délai de cinq mois courant à compter du dépôt du rapport d'expertise du docteur [O] du 16 avril 2018 (en tenant compte d'une majoration de vingt jours, délai prévu par l'article R.211-44 du code des assurances pour la transmission du rapport médical à l'assureur).

Le principe du doublement de l'intérêt au taux légal est inspiré par un ordre public de protection des victimes d'accidents de la circulation routière. La SA AXA France IARD ne pouvait s'y soustraire au prétexte qu'elle concluait à la prescription de l'action de Mme [W] par suite de l'applicabilité de la loi tunisienne.

Les modalités de sa mise en oeuvre par le premier juge ne sont contestées par les parties ni au regard du délai (du 20 mars 2015 au 6 octobre 2018) ni au regard de l'assiette (723852,32 €, cette somme inclant la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie de 337828,42 €). Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'appel incident'portant sur les chefs de sursis à statuer :

Le premier juge a sursis à statuer sur les postes suivants':

- pertes de gains au titre de la pension de retraite (en attente des justificatifs du montant de la retraite à laquelle Mme [W] pourra prétendre à l'âge de 62 ans, ou à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait continué à travailler jusqu'à cet âge) ;

- frais d'aménagement du logement (en attente des documents attestant du refus opposé par le bailleur social de relogement dans un appartement en rez de chaussée comportant une douche à l'italienne'; le cas échéant, des documents permettant de chiffrer le surcoût de loyer pour un appartement en rez-de-chaussée sur le marché locatif et, si nécessaire, le coût des travaux d'aménagement d'une douche à l'italienne),

- frais d'aménagement du véhicule (en attente de la production du permis de conduire de Mme [W] régularisé compte tenu de son handicap, du chiffrage du surcoût lié à l'acquisition d'un véhicule à boîte automatique par rapport à un véhicule à boîte de vitesses manuelles de même catégorie).

Il résulte des articles 379 à 381 du code de procédure civile que la décision de sursis à statuer, qui suspend seulement le cours de l'instance, ne dessaisit nullement le juge l'ayant ordonné. De sorte que, sauf à saisir le premier président en justifiant d'un motif grave et légitime, l'appel ordinaire de Mme [W] concernant la partie du jugement ordonnant le sursis à statuer est irrecevable.

Sur le recours subrogatoire de la CPAM des Bouches-du-Rhône :

Conformément à l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par la loi, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

La SA AXA France IARD soutient que la CPAM ne peut exercer son recours subrogatoire que contre le chauffeur du camion impliqué, M. [U], et son assureur MAE.

Pour autant, l'attestation d'imputabilité établie par le docteur [N], médecin-conseil de la CPAM, établit que les débours définitifs de 337828,42 € (frais hospitaliers, frais médicaux, frais pharmaceutiques, frais d'appareillage, frais de transport et capital représentatif des frais futurs) correspondent à des prestations de santé directement nées de l'accident du 20 juillet 2014 advenu à Mme [W].

Tiers au contrat d'assurance au même titre que Mme [W], la CPAM s'est substituée à la SA AXA pour régler à la victime des prestations dont la charge finale incombe à l'assureur. La SA AXA France IARD doit par conséquent garantir la CPAM des prestations qu'elle a réglées pour le compte de Mme [W].

La SA AXA France IARD est donc redevable à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône de la somme de 337828,42 € ' étant précisé toutefois que le responsable ou l'assureur peuvent décider de ne régler les frais futurs (capital représentatif 281992,15 € dont frais d'appareillage 278064,95 €) qu'au fur et à mesure de leur engagement. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnité forfaitaire de gestion de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale':

L'article L.376-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité pour la caisse primaire d'assurance-maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident de recouvrer contre le tiers responsable une indemnité forfaitaire de gestion dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, sans pouvoir excéder un montant fixé par arrêté pris conjointement par les ministres des affaires sociales et du budget.

Ledit montant est actuellement fixé par voie réglementaire à la somme de 1080 €. Il est constant que cette indemnité se distingue de l'article 700 du code de procédure civile, tant par sa finalité que par ses modalités d'application. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA AXA France IARD à payer la somme de 1080 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive':

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Fût-elle infondée, la contestation par la SA AXA France IARD de l'applicabilité de la loi française ne constitue pas en soi une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice. Le fait d'avoir interjeté appel du jugement du 26 mars 2019 est l'exercice d'un droit et ne caractérise pas une faute civile imputable à la SA SAXA France IARD. Mme [W] sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

La SA AXA France IARD qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer':

- une indemnité de 3000 € à Mme [W] au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- une indemnisation de 2000 € à la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit la SA AXA France IARD en son appel principal,

Déclare irrecevable l'appel incident de Mme [W] concernant les postes de préjudice sur lesquels le premier juge a sursis à statuer':

- perte de gains professionnels futurs au titre de la pension de retraite,

- frais d'aménagement du logement,

- frais d'aménagement du véhicule.

Confirme le jugement entrepris,

Hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.

Dit que le préjudice corporel global subi par Mme [W] s'établit à la somme de 849402,16 € (huit cent quarane neuf mille quatre cent deux euros et seize cents), soit, après imputation des débours de la caisse primaire d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône, une somme de 511573,74 € (cinq cent onze mille cinq cent soixante treize euros et soixante quatorze cents) lui revenant, réduite à 401573,74 € (quatre cent un mille cinq cent soixante treize euros et soixante quatorze cents) après retranchement des 110000 € perçus à titre provisionnel.

Dit que cette somme de 401573,74 € (quatre cent un mille cinq cent soixante treize euros et soixante quatorze cents) portera intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2019 à hauteur de 329839,76 € (trois cent vingt neuf mille huit entrepris trente neuf euros et soixante seize cents) et du prononcé du présent arrêt soit le 22 octobre 2020 pour le surplus des sommes dues.

Dit que cette somme de 401573,74 € (quatre cent un mille cinq cent soixante treize euros et soixante quatorze cents) sera réglée':

- à hauteur de 136490,70 € (cent trente six mille quatre cent quatre vingt dix euros et soixante dix cents), sous forme d'un capital, et

- à hauteur de 265083,04 € (deux cent soixante cinq mille quatre vingt trois euros et quatre cents), sous forme d'une rente viagère annuelle de 10822,65 € (dix mille huit cent vingt deux euros et soixante cinq cents), payable par trimestrialités de 2520,66 € (deux mille cinq cent vingt euros et soixante six cents) le 1er jour ouvrable de chaque trimestre ' étant précisé que cette rente sera suspendue en cas d'hospitalisation de plus de trente jours consécutifs.

Déboute Mme [W] sera de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Condamne la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] la somme de 3000 € (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel.

Condamne la SA AXA France IARD à payer à Mme [W] la somme de 2000 € (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel.

Condamne la SA AXA France IARD aux entiers dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/05788
Date de la décision : 22/10/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°19/05788 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-22;19.05788 ?
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