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20/10/2020 | FRANCE | N°18/06936

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 20 octobre 2020, 18/06936


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2020

AD

N° 2020/ 199













Rôle N° RG 18/06936 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKJ3







[W] [R]

SARL DÉPARTEMENT IMMOBILIER AZUR NEGOCIATION SOUS ENSEI GNE DIANE ET AGENCE MOLIERE





C/



[B] [A]

[Z] [A]

[Y] [P] épouse [R]

[E] [O]

[I] [X]

[C] [L] épouse [X]

Société GUYOT DE LA POMMERAYE- CHARBONNIER-[O]



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Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Jérôme PAVESI

Me Sophie HEBERT

Me Paul GUEDJ

Me Massimo LOMBARDI





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 29 Janvier 2018 enregistrée ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2020

AD

N° 2020/ 199

Rôle N° RG 18/06936 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKJ3

[W] [R]

SARL DÉPARTEMENT IMMOBILIER AZUR NEGOCIATION SOUS ENSEI GNE DIANE ET AGENCE MOLIERE

C/

[B] [A]

[Z] [A]

[Y] [P] épouse [R]

[E] [O]

[I] [X]

[C] [L] épouse [X]

Société GUYOT DE LA POMMERAYE- CHARBONNIER-[O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jérôme PAVESI

Me Sophie HEBERT

Me Paul GUEDJ

Me Massimo LOMBARDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 29 Janvier 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 12/01480.

APPELANTS

Monsieur [W] [R]

né le [Date naissance 9] 1974 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française, demeurant C° Agence Molière [Adresse 10] - [Localité 5]

représenté par Me Jérôme PAVESI, avocat au barreau de NICE

SARL DÉPARTEMENT IMMOBILIER AZUR NEGOCIATION SOUS ENSEIGNE DIANE ET AGENCE MOLIERE, demeurant [Adresse 10] - [Localité 5]

représentée par Me Jérôme PAVESI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [B] [A]

née le [Date naissance 11] 1943 à [Localité 14] (SO), demeurant [Adresse 20] SO / ITALIE

défaillante

Monsieur [Z] [A]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 19] (SO), demeurant [Adresse 20]/ ITALIE

défaillant

Madame [Y] [P] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 3] ([Localité 3]), demeurant [Adresse 13] - [Localité 5]

représentée par Me Sophie HEBERT, avocat au barreau de NICE

Maître [E] [O] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 12] - [Localité 6]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE

Monsieur [I] [X]

né le [Date naissance 7] 1934 à [Localité 17] (SUISSE), demeurant [Adresse 16] - [Localité 5]

représenté par Me Massimo LOMBARDI de la SELARL RICHARD & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de NICE

Madame [C] [L] épouse [X]

née le [Date naissance 8] 1935 à GRANDVILLARD (SUISSE), demeurant [Adresse 16] - [Localité 5]

représentée par Me Massimo LOMBARDI de la SELARL RICHARD & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de NICE

S.C.P. GUYOT DE LA POMMERAYE- CHARBONNIER-[O] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 12] - [Localité 6]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2020.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2020,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé :

Par jugement, contradictoire, du 29 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Nice a statué ainsi qu'il suit :

- condamne in solidum M. [R], Mme [R], la société Département immobilier Azur négociations exerçant sous l'enseigne Diane à payer à monsieur et madame [A] la somme de 183'198 € avec intérêts au taux légal à compter des versements des 2 octobre 2002 et 22 décembre 2003,

- condamne in solidum monsieur et madame [X] à payer aux consorts [A] sur la somme totale ci-dessus visée celle de 113'099 € et in solidum avec M et Mme [R] et la société Diane,

- condamne in solidum Me Grégory et la société civile professionnelle de Notaires à payer aux consorts [A] la somme de 183'198 € et celle de 70'000 €,

- condamne in solidum M et Mme [R] et la société Diane à relever et garantir les notaires,

- déboute les notaires de leur action en garantie contre les époux [X],

- rejette toutes les demandes de M et Mme [R], et celle de la société Diane

- condamne in solidum M et Mme [R] et la société Diane à payer aux époux [X] la somme de 113'099 €

- condamne Me Grégory et la société de notaires in solidum à payer avec M et Mme [R] et la société Diane, aux époux [X] la somme de 70'000 €,

- condamne in solidum M. [R], Mme [R], la société Diane, le notaire et la société civile de notaires et les époux [X] à payer à monsieur et madame [A] la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne in solidum M. [R], Mme [R], la société Diane, le notaire et la société de notaires à relever les époux [X] de cette condamnation et les condamne in solidum à payer aux époux [X] la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette la demande d'exécution provisoire,

- condamne in solidum M. [R], Mme [R], la société Diane, le notaire et la société de Notaires aux entiers dépens.

M. [R] et la société Département immobilier Azur négociations, exerçant sous l'ancienne Diane, ont relevé appel de cette décision.

Les appelants ont conclu le 3 juillet 2018 en demandant de :

Sur les condamnations contre M [R] :

- dire que les demandes de monsieur et madame [A] sont irrecevables comme prescrites,

- à titre subsidiaire,

- constater l'absence de créances des consorts [A] contre [W] [R], l'absence de solidarité entre [W] [R], la société Diane, et elle-même, l'absence de faute de [W] [R] ayant concouru à réaliser l'entier dommage, l'absence de mise en cause de [W] [R], les mesures prises par [W] [R] contre sa mère,

- et rejeter toutes les demandes de monsieur et madame [A],

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de condamnation in solidum, dire que M. [W] [R] ne devra supporter que 5 % des condamnations,

- à titre reconventionnel, condamner monsieur et madame [A] à verser à [W] [R] 15'000€ pour procédure abusive,

- en tout état de cause, condamner Monsieur et madame [A] à verser à [W] [R] la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur les condamnations prononcées contre la société Diane,

- à titre principal, juger les demandes irrecevables comme prescrites,

- à titre subsidiaire, constater l'absence de solidarité, l'absence de faute de la société Diane et constater que Mme [R] ne fait plus partie de ses effectifs depuis 2004,

- en conséquence, rejeter les demandes de monsieur et madame [A],

- en tout état de cause, condamner monsieur et madame [A] à verser à la société Diane la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Mme [R] a conclu le 19 septembre 2018, demandant de :

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- vu la mise sous curatelle de [Y] [R] le 19 juin 2012, constater l'absence de mise en cause de son curateur devant les premiers juges et en conséquence déclarer nulles l'assignation délivrée à [N] [R] et à son fils les 7 et le 8 mars 2014 ainsi que la procédure subséquente,

- dire que le jugement est nul et rejeter toutes les demandes de monsieur et madame [A],

- à titre subsidiaire, dire que les demandes de monsieur et madame [A] sont prescrites,

- à titre très subsidiaire, constater le caractère erroné de la créance revendiquée par monsieur et madame [A], et fixer leur créance à 131'198 € à son encontre et rejeter l'application des intérêts au taux légal antérieurement à la date de l'assignation,

- à titre infiniment subsidiaire, constater la faute du notaire qui a encaissé un chèque de 113'099 € sans procéder à la vérification de l'origine des fonds et condamner le notaire et la société civile professionnelle de notaires à la relever de toute condamnation à rembourser la somme de 113'099 € ,

- en tout état de cause, condamner Monsieur et madame [A] à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur et madame [X] ont conclu le 18 décembre 2018 en demandant de :

- dire que sont prescrits les demandes en restitution des époux [A] et l'appel en garantie des notaires à leur encontre,

- en conséquence infirmer le jugement en déclarant irrecevables les demandes des époux [A] et l'appel en garantie des notaires et en rejetant toutes les demandes formées à leur encontre,

- confirmer le jugement sur l'article 700 à leur bénéfice,

- si l'action n'était pas jugée prescrite, constater que l'affectation de la somme de 113'099 € dans la comptabilité du notaire sur leur opération d'achat est une fraude, qu'ils ont payé le prix de vente, qu'ils n'ont pas bénéficié d'un indu de la somme de 113'099 €, celle-ci ayant profité à M. [R], Mme [R], et la société Diane,

- constater la faute du notaire qui a affecté les fonds de façon erronée, qui n'a pas vérifié leur provenance et en conséquence,

- dire que l'action en répétition de l'indu doit être rejetée,

- débouter les consorts [A], [R], la société Diane, et les notaires de toutes leurs demandes à leur encontre,

- condamner in solidum M. [R], Mme [R], la société Diane, et les notaires à payer à monsieur et madame [A] 183'198 € avec intérêts au taux légal à compter des 2 octobre 2002 et 22 décembre 2003 incluant la somme de 113'099 € dont les consorts [R] et la société Diane ont exclusivement bénéficié, la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- à titre subsidiaire si les condamnations étaient maintenues, constater la faute du notaire, le risque d'insolvabilité des consorts [R] et de l'agence Diane et dire qu'ils devront être relevés et garantis par le notaire et sa société pour la somme de 113'099 € et pour la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toutes les demandes des consorts [A], de M et Mme [R], de la société Diane, et des notaires,

- confirmer le jugement en ce quil a rejeté les actions récursoires à leur encontre et en son application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement,

- en tout état de cause, rejeter les appels incidents de Mme [R], ainsi que des notaires,

- constater le caractère certain de la créance des époux [A] à l'égard de M et Mme [R] et de la société Diane notamment concernant le chèque de 113'099 € dont le notaire a été le seul bénéficiaire,

- constater qu'en raison de sa qualité de co-gérant, puis gérant, et de ses liens familiaux avec Mme [R] de sa participation aux opérations, M. [R] ne peut s'exonérer de sa responsabilité, que la mise sous curatelle de Mme [R] est postérieure à la découverte de la réalité des détournements, que la participation de la gérance et de la société Diane aux dommages est établie, que l'absence de faute pénale n'exonère pas de la responsabilité civile,

- en tout état de cause, condamner la société Diane in solidum avec M. [R], Mme [R], le notaire et la société civile de notaires au paiement de la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Me Grégory et la société civile de notaires Guyot de la Pommeraye Charbonnier Grégory Deloupy ont conclu le 19 décembre 2019 et demandent de :

- dire que le notaire n'a pas commis de faute dans la vente Audoli - [X] le 7 octobre 2002 de nature à engager sa responsabilité envers les consorts [A], tiers à cet acte, que le manquement reproché n'a pas de lien de causalité avec le préjudice invoqué par ceux-ci et que le préjudice ne présente pas de caractère de certitude, la perte de leurs créances sur Mme [R] n'étant pas établie,

- en conséquence, rejeter toutes les demandes des consorts [A],

- si par impossible leur responsabilité était retenue, constater que la faute de la victime a contribué aux dommages et prononcer un partage de responsabilité à hauteur de moitié avec les consorts [A] qui ont fait preuve de la plus grande légèreté en remettant à Mme [R] un chèque de banque de 113'099 € établi à l'ordre d'un notaire censé être chargé de la vente dans la résidence [15] sans aucun justificatif et sans vérification auprès de ce dernier,

- condamner Mme [R], la société Diane, et M. [R] à relever les notaires de toute condamnation,

- toujours subsidiairement, dire que l'action contre les époux [X] n'est pas prescrite, le dommage n'ayant été révélé que par l'assignation des consorts [A],

- condamner les époux [X] à le relever et garantir de toute condamnation,

- rejeter les demandes de relevé et garantie de M. [R] et de la société Diane ainsi que de Mme [R],

- condamner les consorts [A] ou tout succombant à leur payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur et madame [A], ayant signé les lettres recommandées qui leur ont été adressées par l'huissier conformément à l'article 14 du réglement CE 1393-2007, n'ont cependant pas comparu.

L'arrêt sera rendu réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été prise le 7 Janvier 2020

MOTIFS

Attendu, en premier lieu, sur la demande de nullité de l'assignation formée par Mme [R] et celle subséquente de la procédure aux motifs que l'assignation est postérieure à la mise sous curatelle de celle-ci, prise le 19 juin 2012, qu'il doit être relevé :

- d'une part, que l'assignation qui lui a été délivrée en date des 7 et 8 mars 2012 (et non 2014 comme soutenu par Mme [R]) est antérieure à la curatelle, ce qui prive de pertinence le moyen ainsi soutenu,

-d'autre part, que Mme [R] a comparu devant le Tribunal de Grande Instance sans soulever aucun grief de ce chef et que le jugement de curatelle produit ne la dessaisit pas de sa capacité à agir en justice.

Attendu qu'il n'est en outre pas démontré que la curatelle prise pour une durée de 5 ans perdure à ce jour.

Attendu que toute demande de nullité de ce chef sera donc rejetée.

Attendu en deuxième lieu, sur le moyen tiré de la precription de l'action, qu'en application de l'article 2224 du Code Civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Qu'il résulte des éléments versés en l'espèce que les consorts [A] n'ont connu les détournements allégués qu'au cours de l'année 2011, notamment ainsi que la décision correctionnelle du 25 novembre 2016 ayant condamné Mme [R] l'a retenu, lorsque la SCP notariale Mottet qui avait été chargée de certains des actes de vente des programmes immobiliers a déposé plainte auprès du procureur de la république Nice le 30 septembre 2011.

Qu'aucun élément n'est versé par les demandeurs à la prescription, auxquels la charge de la preuve incombe, de nature à démontrer que M et Mme [A] auraient eu connaissance des faits leur permettant d'exercer l'action à une date qui aurait été couverte par la prescrition au jour de leur assignation.

Qu'il sera donc jugé que leur assignation a été utilement délivrée à la date des 7 et 8 mars 2012 contre les consorts [R] sans encourir ce grief et qu'il en est de même pour l'assignation qu'ils ont délivrée le 19 novembre 2015 à la société Diane.

Attendu par ailleurs que le moyen des époux [X] également tiré de la precription sera rejeté, tant pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus retenus, en ce qu'il concerne les réclamations faites à leur encontre par M et Mme [A], qu'en ce qui concerne les réclamations du notaire à leur encontre, celui-ci n'ayant été assigné en la cause par les consorts [A] que le 3 août 2012 dès lors qu'il a, lui-même, assigné les époux [X] le 1er octobre 2013, qu'en outre, s'il a pu connaître, en 2004, les détournements de Mme [R] il n'est pas démontré qu'il ait connu la situation propre dont M et Mme [A] se sont plaints à son encontre, lui permettant d'agir avant l'assignation qui lui a été délivrée par eux, de sorte que l'assignation qu'il a ensuite délivrée aux époux [X] ne peut, non plus, encourir de critique.

Attendu, en troisième lieu sur le fond et les faits constitutifs du litige, qu'au terme d'un contrat sous seing privé du 7 mars 2002, il a été vendu à Monsieur et Madame [X] un appartement et un parking dans un immeuble, à [Localité 18].

Attendu que la vente est alors passée par l'intermédiaire de l'agence immobilière, SARL Diane, animée par Mme [R].

Attendu que le notaire chargé de réitérer la vente était Me Grégory Deloupy et que l'acte authentique a donc été reçu le 7 octobre 2002 au prix de 152'449 €.

Attendu que le prix était payé comptant avec la remise à l'étude du notaire, par l'intermédiaire de Mme [R], de deux chèques de banque de la BNP Paribas, l'un de 34'806,10 euros, le 11 septembre 2002 et l'autre de 113'099 €, le 3 octobre 2002, ces deux chèques venant compléter un acompte de 15'244,90 euros précédemment reçu de l'agence immobilière par virement du 19 juin 2002.

Attendu que de son côté, au cours du mois d'août 2011, Madame [A] a interrogé le notaire sur le sort d'un chèque de 113'099 €, tiré sur son compte le 2 octobre 2002, remis à Mme [R], établi à l'ordre de la SCP notariale [O] et qui était un acompte sur un achat immobilier à réaliser à Roquebrune-Cap-Martin dont le même notaire était également chargé.

Attendu que Monsieur et Madame [A], qui n'avaient jamais signé de contrat préliminaire de réservation, ni de compromis de vente, prétendaient par ailleurs avoir versé entre les mains de Mme [R] entre 2002 et 2003 une somme totale de plus de 300 000€ destinée à financer l'acquisition de plusieurs appartements à Roquebrune-Cap-Martin notamment dans la résidence, dénommée 'résidence du [15]' et qu'ils expliquaient avoir finalement reçu de la part de Mme [R] une attestation notariée de la SCP Notariale Mottet en 2009 qui s'était avérée être un faux.

Que de son côté, le notaire Grégory affirme que deux ans après ce paiement de M et Mme [A], il a été alerté par plusieurs clients des agissements 'singuliers de l'agence Molière et de Mme [R]', ce qui l'a amené à en saisir le Procureur de la République de Nice en mars 2004.

Attendu que c'est dans ces conditions que les consorts [A] ont fait assigner Mme [R] et son fils, [W] [R], ainsi que l'agence immobilière Diane en répétition de l'indu, et par un exploit séparé, le notaire et la société de notaires au titre de leur responsabilité en leur réclamant le paiement de diverses sommes : 310 898€ aux consorts [R] et à la société Diane et 113'099€ à M et Mme [X] et au notaire Gregory Deloupy.

Attendu que le notaire a, lui-même, assigné en intervention forcée Monsieur et Madame [X] en relevé et garantie.

Que Mme [R] a reproché au notaire de ne pas avoir décelé ses propres malversations et lui a demandé garantie.

Que M. [R] et l'agence immobilière ont conclu qu'il ne pouvait leur être fait aucun reproche.

Attendu que dans le cadre de la procédure pénale à laquelle Mme [R] a par ailleurs été soumise, elle a fait l'objet, en 2016, d'une condamnation pour abus de confiance, faux en écriture et usage de faux.

Attendu sur les demandes en paiement arbitrées par le jugement contre les consort [R] et la société Diane au profit des époux [A], qu'il sera rappelé que la somme de 183 198€ y a été retenue au titre de la condamnation prononcée contre M [R], Mme [R] et l'agence immobilière et qu'il n'y a pas d'appel incident en l'absence de comparution des époux [A]; qu'il résulte notamment des termes de l'arrêt correctionnel que Mme [R] reconnaît avoir indûment perçu les dites sommes qui correspondent à trois versements respectifs de 113 099€, 84 700€ et 28 399€ et qu'elle réitère désormais cette reconnaissance en ses conclusions, page 7, en totalisant les sommes ainsi perçues indûment à 226 198€. Qu'elle prétend avoir effectué des réglements en remboursement dont elle ne justifie cependant que pour 43 000€ au lieu des 95 000€ allégués.

Qu'en l'absence d'appel incident de M et Mme [A], le jugement sera donc confirmé sur le montant de cette condamnation à l'égard de Mme [R], y compris sur le point de départ des intérêts au taux légal vu sa mauvaise foi .

Attendu que M [W] [R] conteste le bien fondé de sa condamnation de ce chef in solidum avec Mme [R], sa mère;

Qu'il sera sur ce point considéré :

- l'absence de tous documents émanant notamment de M et Mme [A] ,

- l'absence également de toutes données sur son rôle exact au sein de la société Diane entre 2002 et 2004,

- les déclarations de sa mère devant le tribunal correctionnel qui a expliqué que les fonds récupéraient correspondaient à la 'nécessité personnelle de rembourser des investisseurs italiens' pour l'achat d'une villa à Roquebrune Cap martin

- enfin, ses présentes écritures sur les sommes de 113 099€, 84 700€ et 28 399€, dont elle affirme qu'il s'agissait d'une part, d'un chèque de banque qu'elle a elle même adressé au notaire Gregory et d'autre part, de deux chèques qui lui ont été adressés par M et Mme [A],

de sorte que l'imputation des détournements de ce chef à son encontre ne peut être considérée comme suffisamment établi.

Attendu en outre, que la position de M et Mme [X] à ce sujet n'apporte pas non plus d'éléments utiles ; qu'ils se réfèrent, en effet, à la position des époux [A] en première instance pour affirmer que M [R] était gérant de la société Diane et au courant des agissements de sa mère, qu'ils affirment par ailleurs, de surcroît, au mode conditionnel, qu'un contrôle de comptabilité 'permettrait de comprendre que l'argent était détourné au profit de l'agence', que M [R] avait participé à de nombreuses réunions avec les époux [A]; que cependant aucune des pièces de leur dossier n'établit ces allégations.

Attendu enfin, qu'il en est de même en ce qui concerne la demande de condamnation de la SARL Diane au titre de l'imputation d'une faute, rien ne prouvant, non plus, à cet égard que le document invoqué par les consorts [A] comme un faux, établi au nom de l'agence Molière, lui soit imputable alors qu'elle conteste en être l'auteur.

Attendu que le jugement sera donc de ces chefs réformé.

Attendu sur les demandes des époux [A] contre M et Mme [X], que ceux-ci ont indument bénéficié de leur part du paiement de 113 099€, cette somme ayant été affectée au paiement de l'achat de leur bien immobilier; qu'il importe peu qu'elle n'ait pas été perçue directement par eux et qu'elle ait transité par les consorts [R], dès lors qu'elle est inscrite dans la comptabilité du notaire au titre de leur acquisition; qu'il n'est par ailleurs pas établi par l'attestation de la banque que la somme débitée de leur compte soit relative à l'opération de vente financée en partie par le chèque [A] et que la comptabilité du notaire démontre bien que ce chèque a été encaissé pour leur achat .

Attendu que le moyen tiré de leur absence de faute est inopérant s'agissant d'un paiement indû.

Attendu par suite que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum M et Mme [X] au profit de M et Mme [A] pour le paiement de la somme de 113 099€, mais que cette condamnation ne sera prononcée in solidum qu' avec Mme [R] et à concurrence de la somme de 113 099€.

Attendu sur les demandes contre le notaire que lorsque Me Gregory Deloupy a reçu de Mme [R], le 3 octobre 2002, un chèque de la banque BNP Paribas pour le paiement d'une partie du prix de l'acquisition des époux [X], la transaction s'emplaçint à une époque antérieure à la réforme des articles L 562 -1 et suivants du code monétaire et financier par la loi du 11 février 2004 mettant à la charge du notaire une obligation de déclaration de soupçon quant à l'origine des fonds dans certains types d'opérations et de financement et antérieure également à l'ordonnance du 30 janvier 2009 transposant en droit français la directive européenne du 26 octobre 2005; que le notaire n'avait par ailleurs aucun moyen d'imaginer que l'acte ainsi conclu était passé en violation des droits d'un tiers, ni de déceler que ces fonds transmis par chèque de banque, lequel par définition ne porte donc pas les références du compte du tiré, ne provenaient pas du compte des acquéreurs.

Qu'il n'avait pas non plus de raison particulière objective de rechercher plus spécifiquement l'origine de ces fonds et qu'il n'avait donc pas d'obligation de solliciter la banque pour connaître le nom du titulaire du compte sur lequel les fonds avaient été prélevés ; qu'il n'avait pas plus à cette époque de raison objective de suspecter l'honnêteté de Mme [R] ou de l'agence immobilière Molière, les faits mettant en cause Mme [R] ainsi que des ventes dont l'étude n'avait, en réalité, jamais été saisie et qui l'ont conduit à effectuer un signalement auprès des services du procureur de la République ne lui ayant été révélés qu'en 2004 .

Que par ailleurs, sa responsabilité doit être jugée au regard des obligations et des règles légales existantes à la date des faits, et qu'il ne peut lui être imputé la faute de ne pas avoir prévu l'évolution ultérieure du droit ainsi que de ne pas avoir effectué des diligences ou pris des précautions qui ne se sont donc imposées que postérieurement.

Qu'enfin, le fait que le notaire ait reçu pour le paiement de l'achat [X] un premier chèque d'une autre banque, la banque CFM de Monaco, ne pouvait suffire à éveiller un quelconque soupçon, l'acheteur pouvant, en effet, financer son achat par le recours à plusieurs banques sans que cela n'apparaisse suspect.

Attendu par suite, que les demandes formées par Mme [R] qui est à l'origine de ce paiement détourné et par les époux [A] contre le notaire à raison de l'encaissement du chèque de 113 099 € seront rejetées, le jugement étant également de ce chef confirmé.

Que la demande des époux [X] contre le notaire en relevé et garantie sera également rejetée.

Attendu que seule, la faute de Mme [R] étant retenue , M et Mme [X] seront jugés bien fondés en leur demande de paiement de la somme de 113 099€ à son encontre au titre d'un relevé et garantie, mais non à l'encontre de M [R] et de l'agence Diane, le jugement étant de ce chef réformé.

Attendu enfin, sur la critique du jugement en ce qu'il a alloué à M et Mme [A] au titre de la perte de chance une somme de 70 000€ en retenant de ce chef la responsabilité du notaire et en jugeant que les époux [A] avaient perdu une chance de connaître plus tôt les fraudes commises, que celles-ci concernent des versements effectués entre le 2 octobre 2002, les 19 décembre et 22 décembre 2003 pour respectivement 113 099€, 28 399€ et 84 700€ et une dernière somme de 84 700€. Qu'à ces dates, il n'est pas établi que le notaire connaissait l'organisation frauduleuse, ou à tout le moins suspecte, des ventes immobilières faites au profit d'italiens par l'agence Molière, le signalement au procureur pour ces faits ne datant, en effet, que du 12 mars 2004; que par suite, il ne peut être retenu que les époux [A] et [X] ont perdu une chance de ne pas s'engager dans les opérations immobilières initiées dans ses conditions; qu'en ce qui concerne la perte de chance d'agir conservatoirement pour la sauvegarde de leurs droits, ce préjudice ne peut être considéré comme établi dès lors qu'aucun élément n'est versé sur la consistance du patrimoine de Mme [R] et par suite sur les chances de succès de telles mesures;qu'en outre et ce qui concerne les époux [A], il y a lieu de relever qu'ils se sont engagés pour des sommes très importantes entre 2002 et 2003, qu'ils ne démontrent pas s'être, à un quelconque moment avant 2011 inquiétés du fait qu'ils n'étaient convoqués à aucune signature, cette carence dans le suivi de leurs affaires permettant de retenir que l'existence d'une chance, même minime, ne peut être prise en considération.

Attendu que le jugement sera donc réformé sur ce point et que la demande de M et Mme [A] sera rejetée.

Attendu également qu'il y lieu, pour les mêmes raisons, à la réformation du jugement qui de ce chef a condamné le notaire à relever M et Mme [X] à concurrence de 70 000 €.

Attendu que la responsabilité du notaire n'étant pas retenue, ses actions récursoires sont, par suite, sans objet.

Attendu également qu'au vu des éléments ci-dessus de la motivation, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes contre le notaire et la société de notaires émanant de la société Diane, de M. [R] et de Mme [R].

Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile .

Attendu que les condamnations au titre des frais irrépetibles prononcées par le jugement seront réformées quant au débiteur desdites condamnations, seule Mme [R] étant de ce chef condamnée envers M et Mme [A] et envers M et Mme [X], mais que les montants en seront, en revanche, confirmés.

Attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile devant la cour.

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Mme [R].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Rejette les demandes de nullité de la procédure et celle tenant à la prescription,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [R], Mme [R], la société Département immobilier Azur négociations, exerçant sous l'enseigne Diane, à payer à Monsieur et Madame [A] la somme de 183'198 € avec intérêts au taux légal à compter des versements des 2 octobre 2002 et 22 décembre 2003, et statuant à nouveau :

Condamne Madame [Y] [R], seule, au paiement desdites sommes,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur et Madame [X] à payer aux consorts [A], sur la somme totale ci-dessus visée, celle de 113'099 € et in solidum avec M et Mme [R] et la société Diane, et statuant à nouveau :

Condamne in solidum Monsieur et Madame [X] à payer aux consorts [A] sur la somme totale ci-dessus visée celle de 113'099 € et in solidum avec Mme [R], seule

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Maître Grégory et la société civile professionnelle de Notaires à payer aux consorts [A] la somme de 183'198 € et celle de 70'000 €, et statuant à nouveau :

Rejette toute demande de ce chef,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M et Mme [R] et la société Diane à relever et garantir les notaires, et statuant à nouveau :

Rejette toute demande de ce chef,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M et Mme [R] et la société Diane à payer aux époux [X] la somme de 113'099 € et statuant à nouveau :

Condamne Mme [Y] [R], seule, à payer ladite somme,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné Maître Grégory et la société de notaires in solidum à payer avec M et Mme [R] et la société Diane aux époux [X] la somme de 70'000 €, et statuant à nouveau :

Rejette toute demande de ce chef,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [R], Mme [R], la société Diane, le notaire, la société civile de notaires et les époux [X] à payer à Monsieur et Madame [A], la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau :

Condamne Mme [Y] [R], seule, à payer ladite somme,

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [R], Mme [R], la société Diane, le notaire et la société de notaires à relever les époux [X] de cette condamnation et les condamne in solidum à payer aux époux [X] la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à garantie des époux [X] et condamne Madame [Y] [R], seule, à payer la somme de 2000 euros par application de l'article 700 aux époux [X],

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [R], Mme [R], la société Diane, le notaire et la société de Notaires aux entiers dépens et statuant à nouveau :

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à une plus ample application de l'article 700 du Code de Procédure Civile devant la cour,

Condamne Madame [Y] [R] aux dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile .

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 18/06936
Date de la décision : 20/10/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°18/06936 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-20;18.06936 ?
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