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15/09/2020 | FRANCE | N°19/11283

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 15 septembre 2020, 19/11283


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2020

DD

N° 2020/ 151













Rôle N° RG 19/11283 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BES7P







[L] [Z]

[Y] [Z]





C/



[W] [E]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Laurence BOURDIER





Me Pierre-yves IMPERATORE


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/03103.





APPELANTS



Monsieur [L] [Z]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] représenté par Me Laurence BOURDIER, avocat au barreau de NICE

assisté p...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2020

DD

N° 2020/ 151

Rôle N° RG 19/11283 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BES7P

[L] [Z]

[Y] [Z]

C/

[W] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurence BOURDIER

Me Pierre-yves IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/03103.

APPELANTS

Monsieur [L] [Z]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] représenté par Me Laurence BOURDIER, avocat au barreau de NICE

assisté par Maître David MOTTE-SURANITI avocat au Barreau de PARIS

Madame [Y] [B] veuve [Z]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laurence BOURDIER, avocat au barreau de NICE

assisté par Maître David MOTTE-SURANITI avocat au Barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [W] [E] agissant en qualité de syndic de la procédure de liquidation de biens de la Société monégasque POLYSERVICES TMS

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Gilbert MANCEAU avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

Les parties ont indiqué expressément qu'elles acceptaient que l'affaire soit jugée selon la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2020.

COMPOSITION DE LA COUR

La Cour lors du délibéré était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2020,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseillère ayant participé au délibéré et en l'absence de la Présidente légitimement empêchée, et M. Rudy LESSI, greffier présent lors du prononcé.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement en date du 14 juin 2019 le tribunal de grande instance de Nice a ordonné l'exequatur en France des dispositions prononcées par le tribunal de première instance de Monaco le 14 janvier 2016 et par la cour d'appel de Monaco le 5 juillet 2016, débouté M. [L] et Mme [Y] [Z] (les consorts [Z]) de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les a condamnés aux dépens.

Le 12 juillet 2019 M. [L] [Z] et Mme [Y] [B] veuve [Z] (les consorts [Z]) ont relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 11 mai 2005 ils demandent à la cour :

' de dire que le tribunal de première instance de Monaco et la cour d'appel de Monaco n'avaient pas compétence internationale indirecte pour juger l'action en comblement de passif engagée à leur encontre ;

' de dire que les décisions de justice rendues sont contraires à l'ordre public international, faute de motivation sur le principe de la condamnation de Mme [Y] [Z] à combler le passif de la société Poly-service DNS et sur le montant des condamnations prononcées, outre le montant disproportionné de ces condamnations ;

' statuant à nouveau, de rejeter la demande d'exequatur ;

' et de condamner M. [E] en sa qualité de liquidateur de la société Poly-services TMS à leur payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par conclusions du 15 mai 2020 M. [W] [E], agissant en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société anonyme monégasque (Sam) Poly-service TMS demande à la cour :

' à titre principal, de déclarer les appelants irrecevables en leurs demandes ;

' à titre subsidiaire, de les débouter de toutes leurs demandes ;

' en tout état de cause, de dire n'y avoir lieu de statuer, de confirmer le jugement entrepris,

' et de condamner les appelants solidairement aux dépens et à lui payer, en sa qualité de syndic de la procédure de liquidation des biens de la société anonyme monégasque Poly-services TMS, la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Les avocats des parties ont déclaré accepter la procédure sans audience prévue par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020. Ils ont été avisés que l'affaire était mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 15 septembre 2020.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 juin 2020, sans que le ministère public, qui a reçu communication de la procédure le 17 janvier 2020, ait fait connaître son avis.

Motifs

Attendu qu'en application de l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire en date du 21 septembre 1949,« Les jugements et sentences arbitrales exécutoires dans l'un des deux pays seront déclarées exécutoires dans l'autre par le tribunal de première instance du lieu où l'exécution doit être poursuivie. Le tribunal vérifiera seulement :

1° Si, d'après la loi du pays où a été rendue la décision dont l'exécution doit être poursuivie, l'expédition qui en est produite réunit les conditions nécessaires à son authenticité ;

2° Si, d'après la même loi, cette décision émane d'une juridiction compétente ;

3° Si, d'après cette même loi, les parties ont été régulièrement citées ;

4° Si , d'après la même loi, le jugement est passé en force de chose jugée ;

5° Si les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'ont rien de contraire à l'ordre public ou aux principes de droit public du pays où l'exequatur est requis. » ;

Attendu qu'autorisé par une ordonnance du tribunal de première instance de Monaco du 27 mai 2014, M. [E] a assigné le 6 juin 2014 M. [L] [Z], administrateur délégué, et Mme [Y] [Z], administrateur de la société Poly-service TMS, sur le fondement de l'article 560 du code de commerce monégasque à l'effet d'obtenir leur condamnation solidaire à payer l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la Sam Poly-service TMS évaluée provisoirement à 3'500'000 € ;

Que la chambre du conseil du tribunal de première instance de Monaco, par jugement en date du 14 janvier 2016 a condamné les défendeurs, sans solidarité, à supporter les dettes de cette société, décision qui a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Monaco le 5 juillet 2016 à concurrence de 1'710'000 € pour M. [L] [Z] et 190'000 € pour Mme [Y] [Z] ;

Attendu que les consorts [Z] appelants font valoir que la société Poly-services TMS a son siège à [Localité 4] et son établissement principal à [Localité 1] ; que par jugement du 14 mai 2009 sa liquidation a été prononcée, et M. [W] [E] a été désigné en qualité de syndic, jugement exequaturé par le tribunal de grande instance de Paris le 12 avril 2012 ; que par le jugement du 14 janvier 2016 dont il est demandé l'exequatur la juridiction monégasque a condamné les consorts [Z] à supporter les dettes de la société Poly-services TMS ; que leur appel a été rejeté par l'arrêt du 5 juillet 2016 dont il est sollicité également l'exequatur, alors que les juridictions monégasques étaient incompétentes pour statuer sur l'action en comblement de passif ; que le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux ; que l'action en comblement de passif engagée contre eux est une action personnelle intentée contre les dirigeants, et non contre la personne morale ; que le seul lien de rattachement de l'action en comblement de passif dirigée contre les consorts [Z] avec les juridictions monégasques est la domiciliation de la société Poly-services TMS à [Localité 4], ce qui est insuffisant pour justifier leur compétence internationale indirecte ; que les décisions rendues ont été signifiées aux consorts [Z] à leurs domiciles respectifs à [Localité 5], lieu où ils encourent des mesures d'exécution forcée sur un bien dont M. [Z] est propriétaire à [Localité 5] si l'exequatur est confirmée ; et que le jugement et l'arrêt ont été donc rendus par des juridictions incompétentes ;

Mais attendu que l'action a été engagée sur le fondement de l'article 560 du code de commerce monégasque aux termes duquel « Lorsqu'à la suite d'un jugement constatant la cessation des paiements d'une personne morale, il apparaît que l'actif est insuffisant pour faire face au passif, le tribunal peut décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par les dirigeants, sauf pour ceux-ci à démontrer qu'ils ont apporté à la gestion toute l'activité et la diligence convenables. » ;

Attendu que l'article 2 de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 prévoit que le tribunal compétent en matière de faillite ou de liquidation judiciaire est, pour les personnes morales, celui du siège social ;

Que l'article 8 de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire dispose que toutes les décisions rendues en matière de faillite ou de liquidation judiciaire dans l'un des deux pays, notamment celles relatives au concordat et à la réhabilitation, auront autorité de chose jugée dans l'autre pays, dès qu'elles auront acquis cette autorité dans le pays où elles auront été rendues ;

Attendu que la société Poly-services TMS a son siège en principauté de [Localité 4] ;que la société anonyme monégasque Poly services TMS est nécessairement concernée par la procédure de comblement de passif dans la mesure où l'action du syndic tend à la reconstitution de l'actif social de cette société ; que l'action en comblement de passif est née de la procédure collective de Poly-services TMS et qu'elle a sa source dans le droit monégasque des procédures collectives ;

Attendu que le lien de rattachement de l'action en comblement de passif à la procédure collective ouverte à [Localité 4] à l'égard d'une société de droit monégasque est établi ; qu'aucune exception d'incompétence n'avait au demeurant été soulevée devant le tribunal ni devant la cour d'appel de Monaco par les appelants ; que le syndic plaide utilement que le moyen que ces derniers soulèvent tend à remettre en cause ce qu'ils ont laissé juger à [Localité 4] en leur présence;

Attendu que les juridictions monégasques avaient retenu à bon droit leur compétence, ce que les défendeurs n'avaient pas contesté ; et qu'aucune fraude dans le choix de la juridiction saisie n'est à déplorer, d'où il suit le rejet du moyen ;

Attendu que les appelants soutiennent ensuite que les décisions rendues heurtent l'ordre public en faisant valoir:

' en premier lieu que la décision de justice monégasque est dépourvue de motivation sur le principe de la condamnation de Mme [Y] [Z] puisqu'il y a eu défaut de réponse à leurs conclusions et donc un défaut de motivation concernant la condamnation à combler le passif de la société prononcée contre Mme [Z] qui n'était pas impliquée dans les affaires de la société et concernant le montant et la répartition des condamnations prononcées à l'encontre de M. et Mme [Z] ; que ni le jugement ni l'arrêt n'ont répondu aux conclusions des consorts [Z] sur ce point ;

' en second lieu que le juge qui exequature doit vérifier la conformité du montant d'une condamnation étrangère à l'ordre public international ; que dans le cadre du contrôle de proportionnalité de la condamnation étrangère avec le degré de la faute commise et le préjudice subi, le juge de l'exequatur vérifie la conformité de celle-ci avec le principe de la proportionnalité des peines et de la personnalité juridique distincte des personnes physiques et des personnes morales ; que la condamnation est disproportionnée par rapport à la dette de la société Poly services TMS fixée par le juge-commissaire à 3'609'245 € ; que les juges monégasques auraient dû prendre en compte la situation financière des consorts [Z] pour apprécier le montant de leurs condamnations, leurs revenus n'excédant pas 36'000 € chacun l'an, avant de les condamner à payer 50 % des dettes de la société ; qu'en prononçant une condamnation disproportionnée tant concernant le niveau de la dette à supporter personnellement, que vis-à-vis de leurs revenus modestes, les juridictions monégasques ont rendu des décisions contraires à l'ordre public ;

Mais attendu, sur le premier moyen tiré d'un prétendu défaut de motivation des décisions monégasques par insuffisance de réponse aux moyens qui étaient soulevés en défense,

que les consorts [Z] appelants n'avaient pas contesté le montant de l'insuffisance d'actif de la Sam Poly-service TMS, supérieur à 3'400'000 € ; que le montant cumulé des condamnations est nettement inférieur à cette insuffisance d'actif ; que le montant des condamnations frappant respectivement de M. [L] [Z] et de Mme [Y] [Z] a été motivé, selon les motifs retenus par les juges monégasques, par la gravité des fautes de gestion qu'ils ont chacun commises ayant contribué à l'importance de l'insuffisance d'actif, critère pertinent de détermination des quanta prononcés pour une action en comblement de passif ;

Attendu qu'en réalité le moyen tend à remettre en cause ce qui été jugé par le juge étranger, alors que le débat devant la présente cour, juge de l'exequatur, ne peut conduire à un réexamen au fond de la décision étrangère, et qu'il est circonscrit à la compatibilité des décisions monégasques à la conception française de l'ordre public international ;

Attendu sur le second moyen tiré d'une absence de proportionnalité aux revenus des administrateurs de la société Poly-service TMS, que M. [E], syndic, a justement répondu que la cour d'appel de Monaco n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation dès lors que les sommes mises à la charge des appelants n'excèdent pas l'insuffisance d'actif de la société Poly-services TMS, les dirigeants pouvant être condamnés à 70 % de cette insuffisance d'actif ; que le principe lui-même d'une condamnation à des dommages-intérêts punitifs n'est pas contraire à l'ordre public ; qu'il ne peut en aller autrement que lorsque le montant alloué est disproportionné au regard du préjudice subi et des manquements aux obligations contractuelles; que les condamnations du chef d'insuffisance d'actif sont largement inférieures au préjudice subi par la masse des créanciers correspondant à l'écart entre le passif de la société et l'actif recouvré ; qu'elles sont également proportionnées au regard des manquements des défendeurs à l'action en comblement de passif ; et que les consorts [Z] discutent ce qui a été jugé au fond par les juges monégasques ;

Attendu qu'en effet le moyen tiré d'une prétendue absence de proportionnalité tend encore à remettre en cause devant la juridiction française, saisie de la demande d'exequatur des décisions rendues, le pouvoir souverain d'appréciation des juridictions monégasques ; que l'appréciation de la proportionnalité de la sanction relève de l'office du juge étranger saisi du fond du litige ; qu'il n'y a pas lieu de s'immiscer dans ces questions pour les réexaminer sous couvert d'une atteinte prétendue à l'ordre public ;

Attendu par ailleurs que le tribunal a justement retenu que le certificat apposé par le greffier en chef le 26 octobre 2015 sur l'arrêt rendu le 5 juillet 2016 atteste qu'aucun pourvoi n'a été formé et que cette décision est définitive et irrévocable ; que les défendeurs avaient été régulièrement cités s'agissant d'un jugement et d'un arrêt contradictoires ; que l'authenticité des décisions rendues les 14 janvier 2016 et 5 juillet 2016 produites est démontrée ;

Attendu que les conditions posées par l'article 18 de la Convention franco-monégasque relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 étant réunies, le jugement du tribunal de grande instance de Grasse qui a prononcé l'exequatur de ces décisions doit être approuvé ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant

Condamne in solidum M. [L] [Z] et Mme [Y] [B] veuve [Z] aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [L] [Z] et Mme [Y] [B] veuve [Z] à payer à M. [W] [E], en sa qualité de syndic à la liquidation de la Sam Poly-service TMS, la somme de 3 000 € à ce titre.

LE GREFFIERPOUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

LA CONSEILLÈRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/11283
Date de la décision : 15/09/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°19/11283 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-15;19.11283 ?
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