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02/07/2020 | FRANCE | N°19/17450

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 02 juillet 2020, 19/17450


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 02 JUILLET 2020



N° 2020/78













Rôle N° RG 19/17450 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFE65







[M] [O]

SCI [A]





C/



[Y] [W]

[Z] [U]

SARL AGENCE MEDITERRANEE TRANSACTIONS





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me LAUGA

Me SIM

ON-THIBAUD













Décision déférée à la Cour :



Arrêt rendu le 16 mai 2019 par la chambre de la Cour de Cassation cassant et annulant partiellement un arrêt du 22 février 2018 de la Cour d'Appel d'Aix en Provence confirmant un jugement de première instance rendu le 13 décembre 2016 par le Trib...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 02 JUILLET 2020

N° 2020/78

Rôle N° RG 19/17450 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFE65

[M] [O]

SCI [A]

C/

[Y] [W]

[Z] [U]

SARL AGENCE MEDITERRANEE TRANSACTIONS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me LAUGA

Me SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Arrêt rendu le 16 mai 2019 par la chambre de la Cour de Cassation cassant et annulant partiellement un arrêt du 22 février 2018 de la Cour d'Appel d'Aix en Provence confirmant un jugement de première instance rendu le 13 décembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE enregistré au répertoire général sous le n° 10/01317.

DEMANDEURS A LA SAISINE

Madame [M] [O]

née le [Date naissance 5] 1937 à [Localité 18], de nationalité Française,

Demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Claude LAUGA, de la SELARL INTER-BARREAUX CLAUDE LAUGA ET ASSOCIES, avocat au barreau de Grasse.

SCI [A] prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Dont le siège est sis [Adresse 11]

représentée par Me Claude LAUGA, de la SELARL INTER-BARREAUX CLAUDE LAUGA ET ASSOCIES, avocat au barreau de Grasse.

DEFENDEURS A LA SAISINE

Madame [Y] [W]

née le [Date naissance 6] 1938 à [Localité 14],

demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Roseline SIMON-THIBAUD , de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

Monsieur [Z] [U]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 13],

Demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Roseline SIMON-THIBAUD , de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

SARL AGENCE MEDITERRANEE TRANSACTIONS

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

Dont le siège est sis [Adresse 10]

représentée par Me Roseline SIMON-THIBAUD , de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

Madame Laure BOURREL, Président- rapporteur

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

Mme Anne FARSSAC, Conseiller

qui en ont délibéré

Statuant selon la procédure sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, modifiée, sans opposition des parties, après avis adressé le 06 mai 2020 précisant que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2020,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 17] », cadastré section BS n° [Cadastre 4], la SCI [A] était propriétaire du lot n°[Cadastre 2] consistant en un appartement de 73,70 m² de 5 pièces et 3 balcons.

A la suite de difficultés financière et de santé, Mme [M] [O], la gérante de la SCI [A], a décidé de vendre ce bien, et a signé le 20 septembre 2006 avec la SARL Agence Méditerranée Transactions, à l'enseigne Action Immobilier, dont le gérant est M. [Z] [U], un mandat de vente au prix de 230 000 €, incluant les honoraires de 13 800 € de l'agence immobilière, soit un prix net vendeur de 216 200 €.

M. [K] [U] et son épouse, Mme [N] [W], parents de M. [Z] [U], se sont portés acquéreur pour la somme de 200 000 €, sans commission d'agence.

Le compromis de vente a été signé le 30 octobre 2006 et l'acte authentique réitératif le 15 janvier 2007.

L'appartement étant occupé par Mme [O] à titre professionnel, le même jour, M. et Mme [U] lui ont consenti un bail commercial au loyer annuel de 16 200 € sans taxe, avec autorisation de sous-louer.

Par exploits des 28 et 29 janvier et 9 février 2010, Mme [O] et la SCI [A] ont assigné M. [K] [U], Mme [N] [W] épouse [U], M. [Z] [U] et la SARL Agence Méditerranée Transactions, improprement nommée société Agence Action Immobilier, en nullité du compromis de vente du 30 octobre 2006 et de l'acte authentique du 15 janvier 2007 au visa de l'article 1596 du code civil, en nullité de la vente pour dol, à la remise en état des parties, et donc en nullité du bail commercial subséquent, et en paiement de la somme de 70 000 € par la SARL Agence Méditerranée Transactions pour le préjudice subi.

[K] [U] est décédé en cours d'instance le 1er février 2013. Ensuite du régime de la communauté universelle adopté par les époux [D], Mme [N] [W] est la seule héritière de [K] [U].

L'assignation du 9 février 2010 a été publiée le 6 février 2014 au service de la publicité foncière.

Les consorts [U] et la SARL Agence Méditerranée Transactions ont soulevé l'irrecevabilité des demandes de Mme [O] et la prescription, au fond, ont sollicité le débouté des demanderesses, et reconventionnellement, le paiement de la somme de 10 000 € pour procédure abusive. Par ailleurs, Mme [O] d'une part, et Mme [U] d'autre part, avaient initié devant le tribunal d'instance de Cannes deux autres procédures relatives aux bail commercial qui ont été renvoyées pour compétence au tribunal de grande instance. C'est ainsi que reconventionnellement les consorts [U] ont demandé que le congé avec refus de renouvellement du bail commercial délivré à Mme [O] soit validé, que l'expulsion de l'occupante soit ordonnée sous astreinte et que l'indemnité d'occupation soit fixée à 3000 € par mois, charges en sus.

Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a :

-ordonné la jonction des 3 procédures,

-ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 16 novembre 2015 et fixé la clôture de l'instruction au 25 octobre 2016,

-déclaré irrecevable la demande de nullité du bail commercial du 15 janvier 2007 comme couverte par la prescription,

-déclaré Mme [O] et la SCI [A] recevables en leurs autres demandes,

-débouté Mme [O] et la SCI [A] desdites demandes,

-débouté Mme [N] [W] veuve [U], M. [Z] [U] et la SARL Agence Méditerranée Transactions de leurs demandes,

-condamné Mme [O] à payer à Mme [N] [W] veuve [U], M. [Z] [U] et la SARL Agence Méditerranée Transactions une somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-laissé les dépens à la charge de la SCI [A] et de Mme [O].

Mme [M] [O] et la SCI [A] ont relevé appel de cette décision par déclaration du 2 février 2017.

Par arrêt du 22 février 2018, la cour d'appel d'Aix en Provence, autrement composée, a :

-confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Cannes du 13 décembre 2016 en toutes ses dispositions,

-débouté Mme [U] de sa demande de résiliation du bail comme nouvelle en cause d'appel,

-dit n'y avoir lieu à octroi de dommages et intérêts ou indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Mme [O] et la SCI [A].

Sur pourvoi de Mme [O] et de la SCI [A], par arrêt du 16 mai 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 22 février 2018 mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la vente pour violation de l'article 1596 du code civil et la demande de dommages et intérêts contre la société Agence Méditerranée Transactions, a remis les parties sur ces points dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.

Mme [O] et la SCI [A] ont saisi la cour de renvoi après cassation par déclaration du 14 novembre 2019.

Par conclusions du 10 janvier 2020, qui sont tenues pour entièrement reprises, Mme [M] [O] et la SCI [A] demandent à la cour de :

« Vu les articles 1596 et 1178 du code civil,

vu les articles 357, 586, 1352 à 1352-9 du code civil,

vu l'article 1231 du Code civil,

vu l'article 1240 du Code civil,

vu ensemble l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 22 février 2018 et l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 mai 2019,

Recevoir Madame [O] et la SCI [A] en leur appel et le dire bien fondé.

Confirmer les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 22 février 2018, non affectés par la cassation, en ce qu'elles ont prononcé :

-le rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande relative à la nullité de l'acte authentique de vente,

-le rejet des demandes reconventionnelles formées par Madame [W], Monsieur [Z] [U] et la SARL Méditerranée Transactions visant à voir condamner Madame [O] et la SCI [A] au paiement de la somme de 10 000 € chacun pour procédure abusive et dilatoire,

-le rejet de la demande de validation du congé délivré aux fins de résiliation du bail commercial consenti à Madame [O],

-le rejet de la demande par Madame [W] de résiliation du bail commercial s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel.

Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 13 décembre 2016 en ce qu'il a débouté Madame [O] et la SCI [A] de leurs demandes visant à voir constater la nullité de l'acte de vente immobilière et du bail commercial et à voir constater que la responsabilité contractuelle de l'agence immobilière était engagée, ouvrant droit à indemnisation du préjudice subi.

Et statuant à nouveau,

Constater la nullité de l'acte de vente en date du 15 janvier 2007 du bien immobilier situé à [Adresse 16], à savoir dans un ensemble immobilier cadastré section BS n° [Cadastre 4], lieu-dit '[Adresse 9]', le lot n° [Cadastre 2] consistant en un appartement composé de cinq pièces et de trois balcons d'une surface de 73,70 m².

Constater la nullité du bail commercial en date du 15 janvier 2007 consenti par Monsieur et Madame [U] à Madame [O] afférent à l'appartement situé à [Adresse 16].

Ordonner la restitution par Madame [U] née [W] à la SCI [A] du bien immobilier situé à [Adresse 16], à savoir, dans un ensemble immobilier cadastré section BS n° [Cadastre 3], lieu-dit '[Adresse 9]', le lot n° [Cadastre 2] consistant en un appartement composé de cinq pièces et de trois balcons d'une surface de 73,70 m².

Dire que cette restitution fera l'objet d'une publication au service de la publicité foncière conformément aux dispositions légales.

Ordonner la restitution par la SCI [A] à Madame [U] née [W] de la somme de 200 000 € correspondant au prix de vente.

Ordonner la restitution par Madame [U] née [W] à Madame [O] des loyers indûment perçus pour la somme totale de 241 709,63 euros arrêtés au 1er janvier 2020 somme à parfaire au jour du rendu de l'arrêt.

Condamner in solidum Monsieur [Z] [U], la société Méditerranée Transactions, et Madame [U] née [W] à payer à la SCI [A] la somme de 29 802,18 euros au titre de la perte de chance de pouvoir revendre le bien immobilier à sa valeur réelle au 15 janvier 2007.

Condamner Madame [U] née [W] à payer à la SCI [A] la somme de 20 000 € au titre de l'absence de rénovation du bien durant 14 années.

Condamner in solidum Monsieur [Z] [U], la société Méditerranée Transactions et Madame [U] née [W] à payer à Madame [O] la somme de 50 000 € au titre du préjudice moral subi.

Condamner in solidum Monsieur [Z] [U], la société Méditerranée Transactions et Madame [U] née [W] à payer à Madame [O] la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner in solidum Monsieur [Z] [U], la société Méditerranée Transactions et Madame [U] née [W] à payer à la SCI [A] la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC .

Condamner in solidum Monsieur [Z] [U], la société Méditerranée Transactions et Madame [U] née [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Claude Lauga, avocat. »

Par conclusions récapitulatives du 15 avril 2020, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SARL Agence Méditerranée Transactions, Madame [N] [W] et Monsieur [Z] [U] demandent à la cour de :

« Vu l'article 1596 et suivants du Code civil,

vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile,

vu les arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 22 février 2018 et de la Cour de Cassation du 16 mai 2019,

Réformer l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en ce qu'il n'a pas recherché si l'acquisition par Monsieur et Madame [U] veuve [W] correspondait à une interposition.

Débouter Madame [O] et la SCI [A] de leurs demandes visant à voir juger que l'interposition serait constituée et que la vente devrait être annulée au visa de l'article 1596 du Code civil.

Rejeter comme irrecevables car non formulées dans le délai imparti par l'article 905-2 du code de procédure civile les demandes suivantes :

-la restitution du prix de vente,

-la restitution des loyers perçus,

-des dommages-intérêts au titre d'une perte de chances de vendre le bien meilleur prix,

-des dommages-intérêts pour absence de rénovation du bien,

-de préjudice moral lié aux man'uvres dolosives,

-de dommages-intérêts au titre d'une perte de chances de vendre l'immeuble à un meilleur prix à l'encontre de la société AMT,

-de dommages-intérêts au titre du préjudice moral à l'encontre de la société MAT (sic).

Rejeter comme irrecevables car nouvelles en cause d'appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile les demandes suivantes :

-la restitution du prix de vente,

-la restitution des loyers perçus,

-des dommages-intérêts au titre d'une perte de chances de vendre le bien au meilleur prix,

-des dommages-intérêts pour absence de rénovation du bien,

-de préjudice moral lié aux man'uvres dolosives,

-de dommages-intérêts au titre d'une perte de chances de vendre l'immeuble à un meilleur prix à l'encontre de la société AMT,

-de dommages-intérêts au titre du préjudice moral à l'encontre de la société MAT (sic).

Débouter Madame [O] et la SCI [A] de leur demande de dommages-intérêts à défaut de rapporter la preuve de l'existence de tels préjudices.

Débouter Madame [O] et la SCI [A] de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

Condamner Madame [O] et la SCI [A] à payer chacune à Madame [U] veuve [W] (sic), à Monsieur [Z] [U] et à la société AMT la somme de 5000 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner Madame [O] et la SCI [A] à prendre en charge les entiers dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de Maître Sébastien Badie, membre de la SCP Badie Simon-Thibaud Juston, avocat au barreau d'Aix-en-Provence. »

Les parties ne se sont pas opposées à l'application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020. L'instruction de l'affaire a été close le 19 mai 2020 avec une date butoir pour déposer les dossiers fixée au 26 mai 2020.

MOTIFS

Sur la procédure

1.Aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Dans la présente instance, la cassation partielle prononcée porte sur l'application de l'article 1596 du code civil, et sur la responsabilité contractuelle de l'agence immobilière pour non-respect de son obligation de conseil. Dès lors, selon la solution adoptée, il pourrait y avoir annulation du bail commercial conclu par les époux [U] avec Mme [O].

2.Par application des dispositions de l'article 638 du code civil, la cour de renvoi ne statue pas sur les chefs de l'arrêt qui ne sont pas atteints par la cassation. Elle n'a donc pas à les confirmer.

3.Au regard des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile, l'article 905-2 du même code n'est pas applicable à la présente instance.

4.En matière de prétentions nouvelles, l'article 633 du code de procédure civile relatif à la procédure devant la juridiction de renvoi après cassation, indique qu'elle est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction de renvoi. Or, l'article 566 du même code, afférente à la procédure devant la cour d'appel, énonce que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Dès lors, les demandes de Mme [O] et de la SCI [A] de restitution du prix de vente, de restitution des loyers perçus, d'indemnisation au titre de la perte de chance de vendre à un meilleur prix, au titre de l'absence de rénovation du bien, et au titre du préjudice moral subi sont recevables.

Sur la nullité de la vente

L'article 1596 du code civil énonce que ne peuvent se rendre adjudicataire, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées :

- les mandataires, des biens qu'ils sont chargés de vendre,

L'interposition de nature à entraîner la nullité de la vente peut être constituée d'une chaine de personne physique ou morale.

Dans la présente espèce, [K] [U] et Mme [N] [W] veuve [U] ont acquis le bien immeuble vendu par la SCI [A] alors que celle-ci avait donné mandat de le vendre le 20 septembre 2006 à la SARL Agence Méditerranée Transactions dont le gérant est M. [Z] [U], leur fils.

Le lien de parenté entre les acheteurs et le gérant de la SARL Agence Méditerranée Transactions, figure dans le compromis de vente du 30 octobre 2006 en étant ainsi libellé :

« L'agence Action Immobilier intervient à titre purement gratuit dans cette transaction. Compte tenu du lien de parenté entre M. [U] le directeur de l'agence et M & Mme [U] [K] ses parents respectifs. »

Puis, lors de la signature de l'acte authentique le 15 janvier 2007, M. et Mme [U], absents, ont donné mandat à M. [Z] [U], leur fils, de les représenter.

Dans la mesure où le lien de parenté entre les acheteurs et le représentant de la mandataire est connu de la venderesse, la seule qualité d'héritier de M. [Z] [U], qui d'après un des courriers versés aux débats par les intimés, aurait d'autres frères et/ou s'urs, est insuffisante pour dire qu'il y a interposition de nature à entraîner la nullité de la vente. Il n'y a nullité que dans l'hypothèse où la vente devait profiter à la mandataire ou à son représentant légal.

Les consorts [U] expliquent et surtout justifient que Mme [N] [W] veuve [U] et [K] [U] souhaitaient se rapprocher de leur fils, qu'ils ont vendu plusieurs biens immeubles dans le Sud-Ouest pour acheter un autre appartement sur [Localité 15] à titre de résidence principale où ils ont déménagé, qu'ils ont acheté le bien objet du présent litige pour constituer un complément de retraite, et que les loyers ont été encaissés par eux. Il est aussi produit de nombreux courriers qui démontrent qu'ils ont géré eux-mêmes les difficultés innombrables qu'ils ont eu avec leur locataire, Mme [O], notamment les impayés répétitifs.

Il est donc démontré que la vente n'était faite au profit ni de la SARL Agence Méditerranée Transactions, ni de M. [Z] [U], mais uniquement pour les acheteurs désignés, [K] [U] et Mme [N] [W] veuve [U]. Il n'y a pas interposition.

En conséquence, la SCI [A] sera déboutée de sa demande de nullité de la vente sur le fondement de l'article 1596 du code civil, et subséquemment, Mme [O] sera déboutée de sa demande de nullité du bail commercial.

Sur la responsabilité de la SARL Agence Méditerranée Transactions

Au motif que le bien vendu aux époux [U] aurait été sous-évalué d'au moins 50 % de sa valeur, la SCI [A] reproche à la SARL Agence Méditerranée Transactions d'avoir failli à son obligation de conseil.

Selon le courrier du 20 septembre 2006, M. [Z] [U] avait évalué le bien objet de la vente à 203 000 €.

La SCI [A] produit l'avis de M. [S] [C], expert immobilier, que Mme [O] a mandaté. Celui-ci conclut qu'au 1er semestre 2007 la valeur de cet appartement transformé en bureaux était comprise entre 400 000 et 450 000 €. Cependant, M. [C] n'a pas mentionné que le mandat qui avait été donné était conditionné au maintien dans les lieux de Mme [O] avec la conclusion d'un bail commercial contenant une autorisation de sous-louer, ce qui réduisait notablement la valeur du bien, d'une part, et d'autre part, il a évalué ce bien par une analyse générale des données sur le marché immobilier de [Localité 15], sans justifier de ses sources, et en ne s'appuyant sur aucune vente comparative dans le quartier, à la même période.

La SCI [A] produit aussi des encarts publicitaires de vente de 2 appartements situés dans le même immeuble. Cependant, ces encarts ne portent pas mention de leur date de publication, qui serait 2011, et concernent des biens qui ne sont comparables ni par leur surface, ni leur état, ni leur destination.

Enfin, le mandat de vente n'était pas exclusif, et comme le souligne les intimés, la SCI [A] a nécessairement eu d'autres évaluations que celle de la SARL Agence Méditerranée Transactions. Elle n'en fait pas état, et a fortiori, elle ne les produit pas.

Il suit de là que les pièces produites par la SCI [A] sont insuffisantes pour retenir qu'il y a eu sous-évaluation de la valeur du bien vendu aux époux [U].

Au surplus, l'état de santé de Mme [O] n'est pas de nature à avoir amoindri sa vigilence. En effet, outre que le certificat médical produit est en date du 26 octobre 2004, elle s'est toujours présentée comme juriste, et avait pour activité à travers sa société Astri Consortium Affaires la domiciliation d'artisans, de commerçants et de sociétés. Or, les pièces produites par les intimés démontrent que 8 jours après la signature du bail commercial, Mme [O] a enjoint aux époux [U], bailleur, d'effectuer des travaux dans le dit appartement pour dégats des eaux, en occultant totalement qu'elle occupait ledit bien depuis 1999, et a refusé de payer la taxe d'habitation au prétexte que le retard de la signature de l'acte authentique n'était pas de son fait, ce qui démontre qu'elle avait toutes ses facultés intellectuelles pour défendre ses intérêts financiers.

Pour information sur la personnalité de Mme [O], il convient d'ajouter que par jugement correctionnel du 25 février 2020 du tribunal judiciaire de Grasse, elle a été condamnée des chefs de faux, usage de faux et abus de confiance commis à l'égard de 10 victimes, personnes physiques ou morales, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve pendant 3 ans, avec notamment obligation d'indemniser les victimes et interdiction d'entrer en relation avec elles, et avec interdiction définitive d'exercer des fonctions de domiciliation, de comptabilité et de conseil aux entreprise. Mme [O] a relevé appel de cette décision. Dans cette affaire pénale, ont été reçus et indemnisés en qualité de partie civile M. [Z] [U] et Mme [N] [W] veuve [U], au titre des attestations mensongéres établies par Mme [G] et M. [L] et produites dans la présente instance en première instance par Mme [O], pour faire croire qu'il y avait eu des propositions d'achat à un prix plus élevé que celui évalué par M. [Z] [U].

La SARL [A] échoue ainsi à démontrer que la SARL Agence Méditerranée Transactions a failli à son obligation de conseil. Elle est déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Sur les autres demandes

Eu égard aux solutions adoptées par la Cour, la SARL [A] et Mme [O] sont déboutées de toutes leurs demandes de restitution du prix de vente, de restitution des loyers perçus, d'indemnisation au titre de la perte de chance de vendre à un meilleur prix, au titre de l'absence de rénovation du bien, et au titre du préjudice moral subi.

L'équité commande de faire bénéficier Mme [N] [W] veuve [U], M. [Z] [U] et la SARL Agence Méditerranée Transactions des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] [O] et la SCI [A] qui succombent, sont condamnées aux entiers dépens et sont déboutées de leur demande au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2019,

Déclare recevables les demandes de Mme [O] et de la SCI [A] de restitution du prix de vente, de restitution des loyers perçus, d'indemnisation au titre de la perte de chance de vendre à un meilleur prix, au titre de l'absence de rénovation du bien, et au titre du préjudice moral subi,

Confirme le jugement du 13 décembre 2016 du tribunal de grande instance de Grasse en ce qu'il a débouté Mme [M] [O] et la SCI de leurs demandes de nullité de la vente du 15 janvier 2007 sur le fondement de l'article 1596 du code civil et d'indemnisation par la SARL Agence Méditerranée Transactions pour non-respect de son obligation de conseil,

Y ajoutant,

Déboute Mme [M] [O] et la SCI [A] de leurs demandes de restitution du prix de vente, de restitution des loyers perçus, d'indemnisation au titre de la perte de chance de vendre à un meilleur prix, au titre de l'absence de rénovation du bien, et au titre du préjudice moral subi,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum Mme [M] [O] et la SCI [A] à payer à Mme [N] [W] veuve [U], M. [Z] [U] et à la SARL Agence Méditerranée Transactions la somme de 5000 € à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée de ce chef par le premier juge,

Déboute Mme [M] [O] et la SCI [A] de leur demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [M] [O] et la SCI [A] aux dépens qui comprennent les dépens de l'arrêt cassé, les dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de précédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Cette nullité est relative, et peut donc être confirmée.

L'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, dispose que pour les obligations contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision, à défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 19/17450
Date de la décision : 02/07/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°19/17450 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-02;19.17450 ?
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