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02/07/2020 | FRANCE | N°18/19121

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Délég.premier président, 02 juillet 2020, 18/19121


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Délégation Premier Président



ORDONNANCE

DU 02 JUILLET 2020



N°2020 /0007















Rôles



N° RG 18/19121

RG 18/19122

RG 18/19123

RG 18/19124

RG18/19125

RG18/19127









SARL BLUE WATER FRANCE





C/



DIRECTION NATIONALE DES ENQUÊTES FISCALES
























>



Copie exécutoire délivrée





le :





à :



- Me Jean-Philippe MASLIN



-Me Jean DI FRANCESCO



Décisions déférées au Premier Président de la Cour d'Appel :



Ordonnance rendue le 21 Novembre 2018 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de GRASSE ;



Procès verbaux des...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Délégation Premier Président

ORDONNANCE

DU 02 JUILLET 2020

N°2020 /0007

Rôles

N° RG 18/19121

RG 18/19122

RG 18/19123

RG 18/19124

RG18/19125

RG18/19127

SARL BLUE WATER FRANCE

C/

DIRECTION NATIONALE DES ENQUÊTES FISCALES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Jean-Philippe MASLIN

-Me Jean DI FRANCESCO

Décisions déférées au Premier Président de la Cour d'Appel :

Ordonnance rendue le 21 Novembre 2018 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de GRASSE ;

Procès verbaux des opérations de visite et de saisie réalisées [Adresse 5], [Adresse 9], [Adresse 10] et [Adresse 4]

APPELANTS ET REQUERANTS

SARL BLUE WATER FRANCE,

domiciliée [Adresse 3]

ayant élu domicile au cabinet de Me [K] [Adresse 23]

Société BLUE WATER INTERNATIONAL (BWI) LIMITED, demeurant [Adresse 25] ayant élu domicile au cabinet de Me [Adresse 23]

Monsieur [F] [U], demeurant [Adresse 15] - Ayant élu domicile au cabinet de Me [Adresse 23]

représentés par Me Jean-Philippe MASLIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

DIRECTION NATIONALE DES ENQUÊTES FISCALES, demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Jean DI FRANCESCO, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2020 en audience publique devant

Madame Rachel ISABEY, Conseiller,

délégué par Ordonnance du Premier Président .

Greffier lors des débats : Mme Mélissa NAIR.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2020.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2020

Signée par Madame Rachel ISABEY, Conseiller et Mme Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par ordonnance en date du 21 novembre 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse a autorisé des agents de l'administration des finances publiques à procéder à des opérations de visite et de saisie domiciliaires à l'encontre de la société de droit hongkongais BLUE WATER INTERNATIONAL (BWI) LIMITED dans les locaux et dépendances situés :

- [Adresse 3] et/ou [Adresse 3] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BHW et/ou la société BWI,

- [Adresse 4] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWI et/ou la société civile CLAUDIA et/ou la société civile immobilière LOVSTAR et/ou la SARL DEL MAR YACHTS et/ou la SASU VERSILIA SUPPLY SERVICE FRANCE,

- [Adresse 13] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWI et/ou la SASU VBH FRANCE,

- [Adresse 14] et/ou [Adresse 3] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWI,

- [Adresse 9] et/ou [Adresse 3] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWI,

- [Adresse 27] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWI,

- [Adresse 11] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWIx,

- [Adresse 10] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWI,

- [Adresse 12] susceptibles d'être occupés par la société BLUE WATER FRANCE et/ou la société BWI,

- [Adresse 5] et/ou [Adresse 19] et/ou [Adresse 7] et/ou [Adresse 20] et/ou [Adresse 19] susceptibles d'être occupés par [F] [U] et/ou [S] [U] et/ou [I] [U] et/ou la société BWI.

Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 22 novembre 2018 et ont été relatées par procès-verbaux du même jour.

Par courrier recommandé expédié le 10 décembre 2018 et reçu le 13 décembre à la cour d'appel, la société BLUE WATER FRANCE a interjeté appel de cette ordonnance (instance enregistrée sous le numéro 18/19121).

Par courrier reçu le 3 décembre 2018 M. [F] [U] a interjeté appel de la même ordonnance (instance enregistrée sous le numéro 18/19123).

Par courrier reçu le 3 décembre 2018 la société BLUE WATER INTERNATIONAL LIMITED a interjeté appel de la même ordonnance (instance enregistrée sous le numéro 18/19125).

Par courrier du 3 décembre 2018 la société BLUE WATER FRANCE a également formé un recours contre les opérations de visite et de saisie s'étant déroulées [Adresse 5], [Adresse 9], [Adresse 10] et [Adresse 4] (instance enregistrée sous le numéro 18/19122).

Le même jour la société BLUE WATER INTERNATIONAL LIMITED a formé un recours contre les mêmes opérations de visite et de saisie (instance enregistrée sous le numéro 18/19127).

Le 3 décembre M. [F] [U] a formé un recours contre les opérations de visite et de saisie réalisées [Adresse 5] (instance enregistrée sous le numéro 18/19124).

A l'audience, la société BLUE WATER FRANCE, la société BLUE WATER INTERNATIONAL LIMITED et M. [F] [U] ont repris leurs conclusions reçues le 28 mai 2020 aux termes desquelles ils sollicitent :

- à titre principal l'annulation de l'ordonnance querellée et en conséquence de l'ensemble des procès verbaux de déroulement des opérations de visite et de saisie,

- à titre subsidiaire l'annulation de l'ensemble des procès verbaux de déroulement des opérations de visite et de saisie,

- à titre infiniment subsidiaire l'annulation de la saisie des pièces suivantes :

- pièces n° 50001 à 50038 et pièces n°50 039 à 50 042 saisies 73-[Adresse 16],

- pièces n°30468 à 30543, n°10002 à 11982, 11983à 12333 et 12234 à 12488 saisies [Adresse 3]

- pièces n° 60001 à 30240 saisies [Adresse 5],

- fichiers informatiques visés sous la référence BWI pt4

- en tout état de cause la condamnation du directeur général des finances publiques à leur verser à chacun la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En défense, le directeur général des finances publiques a sollicité le bénéfice de ses conclusions reçues le 19 mars tendant :

- à l'irrecevabilité des demandes relatives aux opérations effectuées dans les locaux situés [Adresse 3],

- à la confirmation de l'ordonnance déférée,

- au rejet des demandes des appelants,

- à la condamnation des appelants au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il est fait référence aux écritures susvisées des parties pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

I Sur la jonction :

Il y a lieu en application de l'article 367 du code de procédure civile d'ordonner la jonction des instances enregistrées sous les numéros 18/19121, 18/19122, 18/19123, 18/19124, 18/19125 et 18/19127 qui seront désormais suivies sous le numéro 18/19121.

II Sur les appels de l'ordonnance du 21 novembre 2018

Sur la recevabilité des appels :

La recevabilité des appels contre l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité. Les appels sont ainsi recevables.

Sur le bien fondé des appels

Aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire peut autoriser l'administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la TVA pour rechercher la preuve de ces agissements.

Sur le contrôle effectif du juge des libertés et de la détention

Les appelants soutiennent que le juge des libertés et de la détention n'a pas procédé à un contrôle concret des éléments apportés par l'administration fiscale, compte tenu du bref délai écoulé entre le dépôt de la requête et l'ordonnance rendue, qui ne lui a manifestement pas permis de prendre connaissance et de contrôler l'ensemble des documents produits par l'administration. Ils estiment que cette absence de contrôle effectif les a privés du droit à un procès équitable, en violation des dispositions de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Or selon une jurisprudence constante de la cour de cassation, les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée et si les motifs sont les mêmes que ceux figurant dans la requête de l'administration, cela signifie simplement que le juge se les est appropriés. Par ailleurs le fait qu'un projet d'ordonnance ait été soumis au magistrat, en accompagnement de la requête et des pièces jointes, n'a pas pour effet d'établir que le juge se serait limité à y apposer sa signature sans exercer personnellement et concrètement sa mission légale de contrôle du bien-fondé de la requête, le juge des libertés et de la détention pouvant modifier le modèle d'ordonnance qui lui est proposé par l'administration ou refuser de faire droit à la requête de l'administration, s'il estime non pertinents les éléments qui lui sont soumis.

La circonstance que le magistrat ait statué deux jours après le dépôt de la requête ne permet pas de contester la réalité et le sérieux du contrôle qu'il a réalisé, étant précisé que le dossier ne présentait pas une complexité insurmontable.

Enfin, l'existence d'un second contrôle, par la cour d'appel, des pièces produites par l'administration fiscale, garantit le droit à un procès équitable.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur la proportionnalité de la mesure autorisée

Les appelants reprochent au juge des libertés et de la détention de ne pas avoir vérifié que l'administration pouvait obtenir des informations notamment par une vérification de comptabilité plutôt que de se livrer à des opérations de visite et de saisie, portant atteinte à l'image de la société visitée.

Mais aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres modes de preuve. Pour permettre la mise en oeuvre d'une procédure de visite domiciliaire, l'article L. 16 B exige seulement l'existence de présomptions de fraude à l'impôt sur le revenu, sur les bénéfices où à la TVA, par l'un des agissements qu'il prévoit. L'article L16-B définit ainsi un cadre juridique proportionné qui limite les atteintes au principe d'inviolabilité du domicile à la stricte recherche des pièces en lien avec la présomption, dans le but légitime de lutte contre la fraude fiscale.

Il convient en conséquence d'écarter le moyen.

Sur les présomptions de fraude

Il convient de rappeler en préambule que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions, le juge de l'autorisation n'ayant pas à se substituer au juge de l'impôt dans l'appréciation de la réalité de la fraude alléguée ou des droits éludés mais seulement à examiner s'il existe à la date de l'autorisation des présomptions de fraude justifiant les opérations de visite et de saisie.

Les appelants soutiennent que l'administration fiscale a fait une présentation à charge de l'activité de la société BLUE WATER INTERNATIONAL sans caractériser des présomptions de fraude.

Le groupe BLUE WATER assure des services de location de gestion, de courtage de yachts et la formation et le placement de l'équipage. Il est dirigé par [F] [U].

La société BLUE WATER FRANCE a son siège social [Adresse 3] et dispose d'établissements secondaires à [Localité 17] et [Localité 18].

La société de droit américain BLUE WATER YACHTING USA a son siège social à [Localité 21].

La société de droit suisse BLUE WATER INTERNATIONAL LIMITED, qui avait son siège en Suisse à [Localité 28], a été dissoute le 22 décembre 2015. [V] [N] [E] était membre du conseil d'administration.

La société de droit hongkongais BLUE WATER INTERNATIONAL (BWI) a son siège social [Adresse 2]. Elle a également déclaré une adresse Office [Adresse 6] où elle développerait une partie des services'IT & Operations' du groupe BLUE WATER. Selon la base de données Dun & Bradstreet la société BLUE WATER INTERNATIONAL ne dispose pas de numéro de téléphone ni de fax.

Elle a pour objet social les activités de services administratifs et de soutien mais il ressort des éléments transmis par l'administration fiscale que ses activités ne se limitent pas à cela.

Ainsi la société BLUE WATER INTERNATIONAL, présente sur le salon nautique 'Cannes Yachting Club' en 2017, a promu ses activités de location et de vente de yachts et de recrutement et de formation d'équipage et de management.

Les yachts MIDNIGHT SUN et M/Y SANS ABRI ont été proposés à la vente sur le site www.bluewateryachtingcom et vendus fin 2017. La société BLUE WATER INTERNATIONAL a participé à ces ventes en position de courtier 1 avec la participation lors des opérations d'[Y] [A] (assistante de direction au sein du bureau d'[Localité 17] du groupe BLUE WATER, domiciliée [Localité 22]) et de [Z] [X] (courtier basé au même bureau), tous deux salariés de la SARL BLUE WATER FRANCE.

De même la société BLUE WATER INTERNATIONAL a proposé des yachts à la location par l'intermédiaire de [T] [R] et [B] [C], domiciliées en France, travaillant également dans les locaux d'[Localité 17] du groupe BLUE WATER et étant salariées de la société BLUE WATER FRANCE. Selon le site www.bluewateryachring.com le groupe BLUE WATER propose 304 yachts à la location dont 117 à destination de la 'French Riviera'.

Par ailleurs la société BLUE WATER INTERNATIONAL a acquis en 2016 la marque BLUE WATER déposée en France en 2014 par la société BLUE WATER FRANCE.

La société BLUE WATER INTERNATIONAL utilise pour son activité un numéro de téléphone fixe et un numéro de fax français qui ont pour titulaire la société BLUE WATER FRANCE.

Le site wwwbluewateryachting.com indique que le bureau de Hong Kong regroupe un service 'administration' composé de [O] [L]. M. [L], désigné comme Head of Blue Water Honk Kong, est joignable à un numéro de téléphone français, il réside à [Localité 24] et occupe un poste d'agent administratif comptable en tant que salarié de la SARL BLUE WATER FRANCE.

Les appelants font état de contrats de prestation de services conclus entre la société BLUE WATER INTERNATIONAL et la société BLUE WATER FRANCE, aux termes desquels [O] [L], [Z] [X], [B] [C] et [T] [R] fournissent des services à la société BLUE WATER INTERNATIONAL. Ils soutiennent que les sommes versées par BLUE WATER INTERNATIONAL en contrepartie de ces services sont mentionnées dans les comptes de la société BLUE WATER FRANCE et correspondent à des prix de transfert fixés au dessus du prix du marché.

Si l'autorisation de l'administration n'est pas requise en matière de prix de transfert ; pour éviter tout risque, l'administration a mis en place un instrument de sécurité juridique qui est l'accord préalable. Il permet de garantir que les prix pratiqués par la société dans ses relations commerciales intragroupes ne sont pas constitutifs d'un transfert de bénéfices. En l'espèce la société BLUE WATER INTERNATIONAL n'avait pas sollicité cet accord préalable et l'administration pouvait ainsi suspecter un transfert irrégulier de bénéfices.

En tout état de cause, il pouvait être présumé, au vu des éléments exposés, que la société BLUE WATER INTERNATIONAL exerçait directement son activité sur le territoire national.

La société BLUE WATER INTERNATIONAL est dirigée par [V] [N] [E]-[G], domiciliée en Suisse. Elle se présente sur le site professionnel Linkedin comme exerçant l'activité de thérapeute familiale. Les appelantes soutiennent qu'elle est cadre dirigeante et conseille de nombreuses entreprises, mais ne versent pour justifier de ces activités que des attestations d'emploi sans indication du poste occupé.

Par ailleurs si les appelants prétendent que Mme [E] [G] assure réellement la gestion de la société BLUE WATER INTERNATIONAL ils n'apportent pas d'élément pertinent à l'appui de cette allégation. En effet le seul fait que Mme [E] [G] ait participé à 3 conseils d'administration ou assemblées générales en 4 ans, au demeurant tenus en Suisse, est insuffisant à démontrer qu'elle exerce la direction effective de la société.

[F] [U], actionnaire unique de la société BLUE WATER INTERNATIONAL, est dirigeant du groupe BLUE WATER et actionnaire majoritaire et ancien co-gérant de la SARL BLUE WATER FRANCE.

Selon le site www.bluewateryachting.com [F] [U] travaille dans les services de vente de bateaux au sein du bureau monégasque du groupe BLUE WATER 'La belle classe by BLUE WATER'. Le numéro de téléphone du bureau correspond à une ligne fixe de la société BLUE WATER FRANCE. La structure BLUE WATER à Monaco n'est pas répertoriée dans les bases de données internationales ni auprès du registre du commerce et de l'industrie monégasque.

Il n'est pas contesté par l'administration fiscale que [F] [U] est résident fiscal monégasque depuis le 1° janvier 2015 mais il résidait fiscalement à [Localité 26] avant cette date. Il est par ailleurs toujours propriétaire d'une maison à [Localité 26], il y dispose d'un numéro de téléphone fixe. Il est actionnaire et cogérant de la SCI BHW qui est bailleur de la société BLUE WATER FRANCE. Sur le site www.bluewateryachting.com il communique un numéro de téléphone portable français dont le titulaire est la société BLUE WATER SCHOOL OF YACHTING, ancienne dénomination de la société BLUE WATER FRANCE.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et en se fondant sur la méthode du 'faisceau d'indices' le juge des libertés et de la détention a pu considérer que la société BLUE WATER INTERNATIONAL exerçait en France une activité commerciale, en utilisant notamment les moyens matériels et humains de la société BLUE WATER FRANCE.

La société BLUE WATER INTERNATIONAL est répertoriée par l'administration fiscale française mais n'a pas souscrit de déclarations de résultats et de TVA pour l'exercice d'une activité professionnelle en France.

Dans ces conditions il a pu être présumé qu'elle exerçait une activité de courtage dans la location et la vente de yachts, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et en omettant ainsi de passer en France les écritures comptables y afférentes.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise.

III Sur les recours formés contre les opérations de visite et de saisie

Sur la recevabilité des recours :

L'article L16 B du livre des procédures fiscales dispose que le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire, mentionnés au premier alinéa.

L'article L16 B faisant référence générale aux règles de la procédure civile, il doit être considéré qu'il appartient au requérant de préciser dans son recours, en application de l'article 933 du code de procédure civile, les opérations dont il conteste le déroulement en joignant notamment le procès verbal correspondant. En effet, dès lors que l'objet précis des opérations querellées détermine la saisine du conseiller délégué, la qualité à agir du requérant et le respect du délai pour agir, le recours doit viser les opérations contestées.

En l'espèce, si les requérants soutiennent que les déclarations au greffe de la cour d'appel ont visé l'intégralité des procès verbaux, l'examen des dites déclarations démontre qu'au contraire ils ont mentionné spécifiquement certains procès verbaux contestés. Ainsi la société BLUE WATER FRANCE et la société BLUE WATER INTERNATIONAL LIMITED ont formé un recours contre les opérations de visite et de saisie s'étant déroulées précisément [Adresse 5], [Adresse 9], [Adresse 10] et [Adresse 4] et M. [F] [U] a formé un recours contre les opérations de visite et de saisie réalisées [Adresse 5]. Les requérants ont seulement joint les procès verbaux correspondant. Les opérations de visite et de saisie effectuées [Adresse 3] n'ont pas été visées dans les recours et le procès verbal afférent à ces opérations n'a pas été annexé. En conséquence il doit être constaté qu'aucun recours n'a été formé dans le délai légal à l'encontre du déroulement des opérations pratiquées à cette adresse et d'écarter les moyens spécifiques à ces opérations.

Sur la saisie massive :

Les requérants soutiennent que l'administration fiscale a procédé à la saisie de plusieurs milliers de documents papiers et de 232 658 fichiers informatiques en quelques heures, sans vérifier leur éventuel lien avec la fraude présumée et sans que la méthode de sélection soit déterminée.

Le directeur général des finances publiques réplique que l'administration n'est pas tenue de communiquer les critères de recherche utilisés et que les appelants ne communiquent aucune pièce qui serait étrangère au périmètre de l'autorisation.

Il résulte de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, que les agents de l'administration des impôts peuvent, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, procéder à la saisie de documents papiers ou informatiques dans les lieux déterminés par l'ordonnance d'autorisation. Pour respecter le principe de proportionnalité découlant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, la saisie ne peut porter que sur des documents se rapportant aux agissements retenus par l'ordonnance d'autorisation. L'administration n'est toutefois pas tenue de communiquer les critères de sélection des données qu'elle saisit, ni de révéler les modalités techniques de saisie, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés.

Il ressort des quatre procès verbaux de visite et de saisie réalisés [Adresse 5], [Adresse 9], [Adresse 10] et [Adresse 4] que les agents de l'administration fiscale ont découverts des documents papiers en lien avec la fraude présumée et ont constaté à l'examen d'ordinateurs la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation.

Les requérants ne rapportent nullement la preuve qui leur incombe d'une saisie massive et indifférenciée des documents et fichiers informatiques, ne détaillant pas les fichiers ou éléments qui selon elle seraient insaisissables. Il lui appartenait en effet, étant en possession de l'inventaire des documents saisis depuis le jour des opérations d'identifier les pièces sujettes à contestation et de dire en quoi pour chacune des pièces la saisie est irrégulière comme ne rentrant pas dans le champ d'application de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention. Or elle conteste de façon générale la saisie d'un grand nombre de document et fichiers sans expliquer pour chaque pièce les raisons de l'irrégularité de la saisie. Dans ces conditions, le moyen sera rejeté.

Sur la saisie de documents couverts par le secret professionnel

Les appelants soutiennent que les agents de l'administration fiscale n'ont pas écarté de leurs saisies les messages privés ou couverts par le secret professionnel.

Le directeur général des finances publiques fait valoir que la présence, parmi les fichiers informatiques de pièces couvertes par le secret, n'a pas pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents.

Il appartient aux appelants de lister et de produire les pièces pour lesquelles ils sollicitent l'annulation de la saisie en indiquant les motifs de leurs demande, afin de permettre à la juridiction saisie d'exercer un contrôle effectif sur la nature des pièces saisies et le fait qu'elles soient couvertes par le secret professionnel.

Or, comme pour le précédent moyen, les requérants se contentent d'une demande générale d'annulation des visites. Il ne peut être fait droit à une telle demande en l'absence de toute indication précise et production de chaque pièce concernée.

Sur l'imprécision de l'inventaire :

Les requérants prétendent que les documents saisis ont été répertoriés sans précision permettant d'en identifier le contenu et le lien avec la fraude présumée.

Le directeur général des finances publiques soutient que ce moyen est mal fondé dès lors que les documents papiers ont été identifiés et inventoriés à l'aide d'un composteur.

L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière et exige seulement qu'il soit signé par les parties présentes aux opérations.

L'obligation de dresser un inventaire a pour but de permettre de contrôler la conformité des pièces saisies à celles représentées le cas échéant par la suite au fraudeur présumé dans le cadre de la procédure de redressement.

S'agissant des opérations réalisées au [Adresse 10], les requérants soutiennent que les pièces n°50 001 à 50 042 ont été saisies sans que l'inventaire précise leur contenu. Il résulte pourtant de l'examen du procès verbal de visite et de saisie que ces pièces ont été décrites (n°50 001 à 50 038 : documents d'assurance de la compagnie britannique STURGE pour le navire Lord Nelson Of Poole assuré au nom de BLUE WATER FRANCE SARL, pièces 50 039 à 50 042 : documents relatifs à la navigation et à une prestation d'entretien du navire Lord Nelson de la société BLEWATER) et que les 42 pages ont été inventoriées et identifiées individuellement.

Quant aux opérations réalisées au [Adresse 5], le carnet noir contenant des notes manuscrites a été saisi de la même façon avec identification et compostage de chaque feuillet (n°60 001 à 60 240). Il est indifférent que l'intitulé dans l'inventaire ne permette pas à la seule lecture du procès verbal, de connaître le contenu exact de ce carnet dès lors qu'il n'est même pas soutenu que les notes y figurant seraient étrangères au périmètre de l'autorisation de visite et de saisie.

Les dispositions de la loi ont donc respectées et les appelants ont été en mesure de connaître la nature des données appréhendées. Le moyen sera en conséquence rejeté.

Sur l'absence de restitution de certaines pièces :

Les appelants prétendent que sur le disque dur restitué, qui devait contenir l'intégralité des messageries électroniques et des documents saisis sous les parties BWI PT1 à BWI PT6, la partie BWI PT4 (messagerie de Mme [Y] [A]) est manquante.

Le directeur général des finances publiques réplique que la sanction du défaut de restitution n'est pas l'annulation des saisies effectuées mais la non opposabilité des pièce saisies. Il fait valoir à titre subsidiaire que le moyen est infondé dès lors que le fichier BWI PT4 est inexistant, le numéro de ce fichier étant attribué aux opérations prévues mais non réalisées dans les locaux situés [Adresse 14].

Les questions relatives aux opérations de restitution relèvent du contentieux de l'impôt et non de la compétence du premier président, saisi du recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie. Le moyen est donc inopérant.

Sur l'absence d'interprète :

Les requérantes font valoir que lors des opérations réalisées [Adresse 5], au domicile de M. [F] [U], ce dernier n'a pas été assisté par un interprète.

Comme le relève le directeur des finances publiques, il est constant qu'aucun texte, et notamment pas l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, n'impose la présence d'un interprète lors d'une visite domiciliaire.

Par ailleurs l'article 6 de la CEDH invoqué par les appelants n'a pas à s'appliquer en l'espèce, les visites domiciliaires en matière fiscale étant régies par les règles de la procédure civile et ne concernant pas des personnes accusées d'une infraction pénale, étant rappelé qu'en tout état de cause les occupants des lieux loués comme les sociétés visées par la fraude ont la faculté d'exercer un recours devant la cour d'appel, ce que les appelants ont fait en l'espèce.

Il résulte enfin des termes du procès verbal de visite et de saisie établi le 22 novembre 2018, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que toutes les précisions sollicitées par M. [F] [U] lui ont été apportées en anglais, soit par l'intermédiaire de sa fille [I] [U], soit par [W] [P], et qu'en présence de l'OPJ, M. [U] a confirmé sa bonne compréhension des événements et de la procédure, signant le procès verbal à la fin des opérations sans formuler la moindre observation.

Le moyen sera donc rejeté.

L'ensemble des moyens étant écarté, il y a lieu de rejeter les recours contre les opérations de visite et saisie.

IV Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les appelants qui succombent au litige seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l'administration fiscale les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour la présente procédure. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2 000 €.

Les appelants supporteront en outre les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement,

Ordonnons la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 18/19121, 18/19122, 18/19123, 18/19124, 18/19125 et 18/19127 qui seront désormais suivies 18/19121 ;

Déclarons recevables les appels formés par la société BLUE WATER FRANCE, par la société BLUE WATER INTERNATIONAL et par M. [F] [U] contre l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse en date du 21 novembre 2018;

Déclarons recevables les recours formés par la société BLUE WATER FRANCE, par la société BLUE WATER INTERNATIONAL et par M. [F] [U] contre les opérations de visite et de saisie [Adresse 5], [Adresse 9], [Adresse 10], [Adresse 4] ;

Constatons qu'il n'a pas été formé de recours dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisie [Adresse 3] ;

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse en date du 21 novembre 2018 ;

Rejetons les recours formés contre les opérations de visite et de saisie réalisées [Adresse 1], [Adresse 9], [Adresse 10] et [Adresse 4] et écartons toutes les demandes d'annulation afférentes à ces opérations ;

Déboutons la société BLUE WATER FRANCE, la société BLUE WATER INTERNATIONAL et M. [F] [U] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum la société BLUE WATER FRANCE, la société BLUE WATER INTERNATIONAL et M. [F] [U] à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamnons in solidum la société BLUE WATER FRANCE, la société BLUE WATER INTERNATIONAL et M. [F] [U] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Délég.premier président
Numéro d'arrêt : 18/19121
Date de la décision : 02/07/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence PP, arrêt n°18/19121 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-02;18.19121 ?
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