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25/06/2020 | FRANCE | N°19/03757

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 25 juin 2020, 19/03757


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 25 JUIN 2020



N° 2020/132













N° RG 19/03757



N° Portalis DBVB-V-B7D-BD4ZA







[K] [W]

[E] [Y] épouse [W]

[F] [W]

[G] [W]





C/



[X] [P]

Mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Société CPAM DES ALPES MARITIMES













Copie exécutoire délivrée

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-SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ



-SAS RAVOT PIERRE- ALAIN















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 30 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00116.





APPELANTS



Monsieur [K] [W]

né le [Date ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 25 JUIN 2020

N° 2020/132

N° RG 19/03757

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD4ZA

[K] [W]

[E] [Y] épouse [W]

[F] [W]

[G] [W]

C/

[X] [P]

Mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Société CPAM DES ALPES MARITIMES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

-SAS RAVOT PIERRE- ALAIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 30 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00116.

APPELANTS

Monsieur [K] [W]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 13],

demeurant [Adresse 10].

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et par Me Jean-jacques PETRACCINI, avocat au barreau de GRASSE.

Madame [E] [Y] épouse [W]

née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 10].

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et par Me Jean-jacques PETRACCINI, avocat au barreau de GRASSE

Mademoiselle [F] [W]

née le [Date naissance 4] 1988 à [Localité 14],

demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et par Me Jean-jacques PETRACCINI, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur [G] [W]

né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 14],

demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et par Me Jean-jacques PETRACCINI, avocat au barreau de GRASSE.

INTIMEES

Madame [X] [P]

née le [Date naissance 5] 1984 à [Localité 9],

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Pierre-alain RAVOT de la SAS RAVOT PIERRE- ALAIN, avocat au barreau de GRASSE, et par Me Alain BARBIER, avocat au barreau de PARIS.

Mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre-alain RAVOT de la SAS RAVOT PIERRE- ALAIN, avocat au barreau de GRASSE, et par Me Alain BARBIER, avocat au barreau de PARIS.

LA CPAM des ALPES MARITIMES

Assignée le 18/04/2019 à personne habilitée.assignée le 17/05/2019 à personne habilitée. Signification conclusions le 23/07/2019, à personne habilitée, assignée le 03/09/2019 à personne habilitée.Signification de conclusions en date du 31/12/2019 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 7]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2020.

A cette date, le prononcé de la décision a été prorogé à ce jour suite aux mesures gouvernementales prévues par la loi N°2020-290 du 23 mars 2020 relative à l'état d'urgence sanitaire.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2020,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 30 septembre 2009, alors qu'il était au guidon de son vélo, M. [K] [W] a été heurté par le véhicule conduit par Mme [X] [P], assuré auprès de la société MMA Iard.

M. [W] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 3 novembre 2010 a désigné le docteur [U] en qualité d'expert pour évaluer les conséquences médico-légales de l'accident et une provision de 6000€ à valoir sur la réparation de son préjudice corporel outre une provision de 2797€ à valoir sur la réparation de son préjudice matériel ont été alloués à la victime.

L'expert a déposé son rapport le 3 mai 2011.

Par ordonnance du 4 juillet 2012, le juge des référés a rejeté la demande de nouvelle expertise et il a alloué à M. [W] une provision complémentaire de 24'000€.

Par ordonnance du 30 novembre 2012, M. [W] a été autorisé à saisir la juridiction de la procédure du jour fixe pour le 14 janvier 2013.

Par actes des 10 et 19 décembre 2012, M. [W] a fait assigner Mme [P] et la société MMA devant le tribunal de grande instance de Grasse, pour les voir condamner à l'indemniser de ses préjudices corporels et ce, en présence de la Cpam des Alpes Maritimes.

Selon jugement du 11 juin 2013, le tribunal de grande instance de grasse a désigné le docteur [V] [S] pour évaluer les conséquences médico-légales de l'accident et plus particulièrement celles engendrées par le traumatisme crânien subi par la victime.

L'expert désigné a été remplacé par le docteur [I] qui a déposé son rapport le 30 novembre 2015.

Par conclusions d'incident, la société MMA a demandé au juge de la mise en état d'ordonner une nouvelle expertise.

Suivant ordonnance du 31 mars 2017, juge de la mise en état s'est déclaré incompétent au profit du juge du fond.

Par jugement du 30 janvier 2019, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a :

- reçu Mme [E] [Y], épouse [W], Mme [F] [W] et M [G] [W] en leur intervention volontaire ;

- débouté Mme [P] et la société MMA de leur demande de contre-expertise ;

- débouté Mme [P] et la société MMA de leur demande aux fins de sursis à statuer ;

- jugé que Mme [P] est entièrement responsable des préjudices subis par M. [W] à la suite de l'accident dont il a été victime le 30 septembre 2009 ;

- fixé la créance de la Cpam des Alpes Maritimes à l'égard de Mme [P] et de la société MMA la somme de 1295,14€ ;

- condamné in solidum Mme [P] et la société MMA à payer à M. [W] la somme de 636.024,09€ en réparation de son préjudice corporel ;

- condamné in solidum Mme [P] et la société MMA à payer en réparation de l'ensemble de leurs préjudices en qualité de victime indirecte à :

' Mme [E] [Y] épouse [W] la somme de 5000€,

' M. [G] [W] la somme de 5000€

' Mme [F] [W] la somme de 5000€

- fait droit à la demande de doublement des intérêts présentés par M. [W] ;

- débouté Mme [E] [Y], épouse [W], Mme [F] [W] et M [G] [W] de leur demande de doublement des intérêts ;

- dit que les condamnations mises à la charge de Mme [P] et la société MMA au profit de M. [W] produiront intérêt au double du taux légal du 1er juin 2010 au 12 juin 2017 ;

- dit que l'ensemble des autres condamnations mises à la charge de Mme [P] et de la société MMA produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- fait droit à la demande de capitalisation formée par M. [W], Mme [E] [Y], épouse [W], Mme [F] [W] et M [G] [W] pour les intérêts dus au moins pour une année entière ;

- condamné in solidum Mme [P] et la société MMA à payer à M. [W], Mme [E] [Y], épouse [W], Mme [F] [W] et M [G] [W] la somme totale de 5000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction.

Le tribunal a rejeté la demande de nouvelle expertise sollicitée par Mme [P] et la société MMA en retenant que :

- la désignation du docteur [I] ne procède pas d'un 3e choix, celui-ci justifiant de qualités et de compétences au même titre que les deux précédents experts désignés n'ayant pas accepté la mission,

- la spécialité de neurochirurgien et celle de neurologue ne présente pas de distinction fondamentale, celle de spécialité permettant de poser un diagnostic sur l'atteinte du système nerveux central et périphérique,

- la partialité de l'expert n'est pas démontrée, la juridiction s'attachant essentiellement aux considérations techniques et non pas à la formulation de celles-ci.

Il a rappelé que le droit à réparation de M. [W] n'est ni contestable ni contesté, et il a procédé à la liquidation du préjudice sur la base du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2016.

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

- dépenses de santé actuelles : 2779,14€, dont 1295,14€ pris en charge par la Cpam et une somme de 1484€, non contestée, revenant à la victime

- frais d'assistance à expertise : 4.270€

- assistance par tierce personne temporaire sur la base d'un coût horaire de 16€ : 1568€, au titre de 3 heures par jour sur 14 jours (672€) et de 2 heures par jour sur 28 jours (896€)

- perte de gains professionnels actuels : 58'146,37€, sur la base de revenus mensuels moyens perçus par la victime en 2004, réévalués à leur valeur en 2018 soit 10'767,84€ et en tenant compte d'une perte de chance de 15 %,

- dépenses de santé futures : 264€, somme non contestée par les tiers responsables

- assistance par tierce personne permanente : rejet

- perte de gains professionnels futurs : 522'567,59€, sur la base d'un revenu de 10'767,84€ et d'une perte de chance de 15 % avec capitalisation (temporaire ou viagère ')

- incidence professionnelle au titre d'une perte de chance professionnelle : rejet

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % de deux semaines sur une base mensuelle de 750€ : 280,25€

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % pendant quatre semaines : 375€

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % pendant 17,25 mois : 4258,13€

- souffrances endurées 4/7 : 13'000€

- préjudice esthétique temporaire 1/7 : 1000€

- déficit fonctionnel permanent 25 % : 54'540€

- préjudice d'agrément : 3000€ en référence à l'activité de cyclisme prépondérante sur les activités de ski, de randonnée et de course à pied

- préjudice esthétique permanent 1/7 : 1000€.

Sur les préjudices des victimes indirectes, le tribunal a :

- rejeté la demande de remboursement de frais de déplacement sollicité par Mme [E] [W] ;

- alloué à chacun des requérants, la somme de 2000€ au titre de leur préjudice d'affection, et celle de 3000€ à chacun au titre de leur préjudice extra patrimonial exceptionnel.

Il a condamné l'assureur au doublement des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2010 jusqu'au jour de la première offre suffisante du 12 juin 2017. Il a rejeté la demande d'indemnisation sur le même fondement présenté par les victimes indirectes.

L'ensemble des sommes allouées aussi bien à la victime directe que la victime indirecte ont été capitalisées pour les intérêts dus au moins pour une année entière.

Par acte du 5 mars 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [W], Mme [E] [Y], épouse [W], Mme [F] [W] et M [G] [W] ont interjeté appel de cette décision limité à l'indemnisation des postes de préjudices suivants : perte de gains professionnels actuels, assistance par tierce personne permanente, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle. Ils ont également relevé appel de la décision qui a fixé le terme de la condamnation au paiement du double du taux légal au 12 juin 2017. Mme [E] [W] demande l'indemnisation de ses frais de déplacement. L'ensemble des victimes indirectes demande la majoration de l'allocation au titre des préjudices extra patrimoniaux exceptionnels qu'ils ont subis.

Prétentions et moyens des parties

Dans leurs conclusions du 23 décembre 2019, M. [W], Mme [E] [Y], épouse [W], Mme [F] [W] et M [G] [W] demandent à la cour de :

' déclarer leur appel recevable et bien-fondé ;

' confirmer le jugement qui a retenu la responsabilité civile pleine et entière de Mme [P] et la garantie de son assureur la société MMA ;

' confirmer le jugement qui a fixé la créance de la Cpam des Alpes Maritimes à l'égard de Mme [P] et de la société MMA à la somme de 1295,14€ ;

' le confirmer en ce qu'il a condamné Mme [P] et la société MMA à verser à M. [W] les sommes suivantes :

- dépenses de santé actuelles : 1484€

- frais divers : 5838€

- dépenses de santé futures : 264€

- déficit fonctionnel temporaire : 5184,19€

- souffrances endurées : 13'000€

- préjudice esthétique temporaire : 1000€

- déficit fonctionnel permanent : 54'540€

- préjudice d'agrément : 3000€

- préjudice esthétique permanent : 1000€

' le confirmer en ce qu'il a condamné in solidum Mme [P] et la société MMA à payer à chacune des victimes indirectes la somme de 2000€ au titre de leurs préjudices d'affection ;

' le réformer en ce qu'il a totalement ou partiellement débouté M. [W] de ses demandes en réparation sur les postes de pertes de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et assistance par tierce personne permanente ;

' condamner in solidum Mme [P] et la société MMA à payer à M. [W] les sommes suivantes :

- perte de gains professionnels actuels : 961.476€

- perte de gains professionnels futurs : 11.316.720€

- incidence professionnelle : 12.929.777€, et à titre subsidiaire celle de 3.069.549€

- assistance par tierce personne : 1.076.124€

' réformer le jugement s'agissant de la réparation des préjudices subis par les victimes indirectes au titre des frais divers et des préjudices extra patrimoniaux exceptionnels et allouer les sommes suivantes :

- frais divers de Mme [E] [W] : 1114€

- préjudice extra patrimonial exceptionnel de Mme [E] [W], de M [G] [W] et de Mme [F] [W] : 50'000€ à chacun,

' réformer le jugement sur l'application de l'article L. 211-13 du code des assurances ;

' condamner in solidum Mme [P] et la société MMA au paiement sur l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre des intérêts de plein droit calculés au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er juin 2010, jusqu'au jour où la décision d'appel deviendra définitive, avec capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

' réformer le jugement sur l'actualisation des préjudices professionnels ;

' actualiser le montant des préjudices au titre de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs au jour de la décision d'appel à intervenir sur la base du rapport 274,2/2 167,2, (indice Syntec juin 2019/ indice Syntec avril 2018) soit + 2,62 % à la date de juin 2019, et condamner in solidum Mme [P] et la société MMA au paiement de cette actualisation ;

' condamner in solidum Mme [P] et la société MMA au paiement des intérêts au taux légal calculé sur la totalité des condamnations prononcées à compter du jour de la décision à intervenir avec capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, soit pour les intérêts dus au moins pour une année entière ;

' confirmer le jugement pour le surplus ;

' débouter Mme [P] et la société MMA de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

ajoutant au jugement

' condamner in solidum Mme [P] et la société MMA à payer à M. [W] la somme de 20.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris le coût des honoraires des experts judiciaires les docteurs [U] et [I], distraits au profit de leur conseil.

M. [W] explique avoir obtenu par ordonnance de référé du 3 novembre 2010, la désignation du docteur [U], chirurgien orthopédique à charge pour lui d'avoir recours à un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne si cela s'avérait nécessaire. L'expert a ouvert ses opérations le 21 mars 2011 en présence notamment du docteur [Z], médecin conseil de la victime. Il a déposé son rapport le 3 mai 2011 avec cette précision qu'il comporte une particularité puisqu'il a omis de rappeler les doléances exprimées par la victime.

Le docteur [Z] a indiqué dans un certificat la nécessité de faire appel à un neurologue afin qu'il donne son avis sur les séquelles en lien avec le traumatisme crânien subi par M. [W], déjà confirmées par d'autres spécialistes. L'expert n'a pas répondu à cette demande. C'est dans ces conditions que, par voie d'assignation devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse, les consorts [W] ont notamment sollicité la désignation d'un expert neurologue avec mission habituelle en la matière et notamment celle de définir très exactement les conséquences du traumatisme crânien sur la vie privée et la vie professionnelle de la victime. Par ordonnance du 4 juillet 2012 le juge des référés a dit n'y avoir lieu à une nouvelle expertise, renvoyant les requérants à formuler cette demande devant le juge du fond. Par jugement du 11 juin 2013, le tribunal statuant au fond a désigné le docteur [S] en qualité d'expert avec une mission spécifique en matière de traumatisés crâniens dite 'mission Vieux'. Par ordonnance du 4 novembre 2013, le docteur [S] a été remplacé par le docteur [T] puis par ordonnance du 2 décembre 2013, par le docteur [I], neurochirurgien, lequel a conduit ses opérations en désignant comme sapiteur en neuropsychologie, le docteur [C] et en psychiatrie le professeur [B].

Devant le juge du fond, les tiers responsables concluent à la demande de désignation d'un nouvel expert en soulevant l'absence de valeur probante de son rapport et la liquidation du préjudice de la victime directe sur la base du seul rapport d'expertise du docteur [U], l'objet s'inscrivant dans le déni systématique de la réalité de séquelles cérébrales pourtant approuvées par le sapiteur en neuropsychologie.

Les consorts [W] demandent à la cour de se reporter aux mentions de l'expert [I] relatives à la caractérisation d'un syndrome frontal avec séquelles chroniques et irréversibles, en relation directe et certaine avec l'accident mettant en évidence une incidence professionnelle sur la vie de la victime en raison de son inaptitude à l'activité professionnelle qu'il exerçait antérieurement l'accident, mais aussi à une incidence sur son inaptitude à la conduite automobile, sur sa vie sociale et familiale et encore sur l'évidence des préjudices subis par les proches.

Au titre de leur appel, ils font valoir que M. [W] présentait avant l'accident un haut potentiel professionnel, révélateur d'un excellent niveau intellectuel ce qui lui permettait de mener une vie professionnelle et personnelle très active. M. [W] rappelle qu'il disposait à niveau bac+5 dans le domaine de la promotion immobilière. Il a accompli un parcours professionnel en qualité de salarié, en tant que cadre dirigeant dans le secteur du développement immobilier entre 1978 et juin 2004, date à laquelle, il percevait un salaire revalorisé en avril 2018 d'un montant net de 8685,01€. Il a été en conflit avec son employeur et a dû saisir le conseil des prud'hommes, ce qui a abouti à une transaction en décembre 2005 portant sur une somme de 369.190€ au titre de commissions. Il indique donc que sur les douze derniers mois d'activité son revenu net annuel a été de 534'153€ en valeur réactualisée. Son salaire de référence doit donc tenir compte de la partie fixe mais également de la partie variable composée de ses commissions et participations à la valeur créée.

M. [W] soutient que dans la période comprise entre 2005 et 2009, il a initié ses propres projets. Il a été amené à proposer à des investisseurs internationaux prestigieux d'importants investissements et développement immobilier dans le domaine du golf sur la Côte d'Azur. À partir du mois d'octobre 2007, une collaboration s'est établi entre lui et plusieurs sociétés étrangères dans la perspective exclusive d'une acquisition par M. [L] de plusieurs golfs sur la Côte d'Azur ce qui devait lui procurer un commissionnement d'un million d'euros mais aussi des honoraires de gestion et de commercialisation des vastes développements immobiliers à venir outre un intéressement à la marge bénéficiaire. Il existait également un projet de golf en Polynésie française. C'est dans ce contexte qu'il a été victime de son accident de la circulation le contraignant à renoncer à ses activités professionnelles antérieures.

Il demande l'indemnisation intégrale de sa perte de gains professionnels actuels. S'agissant des préjudices professionnels d'une victime sans emploi au jour de l'accident, une perte de chance doit être intégralement indemnisée si l'inaptitude fait suite à l'accident. Dès lors l'impact de l'accident est déterminant à hauteur de 100 %. En conséquence sa perte ne saurait être évaluée à hauteur de 15 %. Il demande l'actualisation du revenu annuel de référence.

Il reproche au premier juge d'avoir procédé au lissage des commissions sur la durée du contrat de travail du 1er novembre 1991 au 28 juin 2004, alors que les commissions dont il a demandé le paiement ne s'étendait pas sur cette période mais sur une période bien plus courte qui ne peut avoir commencé avant le 28 juin 1999.

Il demande à la cour de retenir un revenu annuel net de référence actualisé à 534.153€, bien éloigné de la somme retenue par le premier juge à 129.214€, tout comme il demande de retenir un taux de perte de chance de percevoir les revenus professionnels revendiqués à hauteur de 80 % et non pas à hauteur de 15 %. Il fait valoir que c'est bien l'accident qui entraîné la fin de sa vie professionnelle et non pas sa période de chômage actif. L'expert retient qu'il n'est plus capable d'exercer son activité professionnelle antérieure comme auparavant, du fait des séquelles de son traumatisme crânien, alors qu'il était en cours de création de son entreprise professionnelle. Les sapiteurs ont caractérisé une atteinte à la pratique de la langue anglaise et une inaptitude à la conduite automobile. Il peut se prévaloir de 18 mois d'incapacité totale de travail jusqu'à l'expertise du docteur [U]. Sa perte de gains professionnels actuels devrait être calculée sur la base du revenu annuel net de référence actualisée, affectée d'un coefficient de perte de chance de 80 % du jour de l'accident le 30 septembre 2009 au jour de la consolidation fixée au 30 septembre 2012, soit sur trois années, mais il indique ne réclamer cette indemnisation que du 30 juin 2010 au 30 septembre 2012 soit la somme de 961'476€.

Sur les mêmes bases, il sollicite l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs de la consolidation du 30 septembre 2012 à la date de l'arrêt, puis à compter de son 60e anniversaire, il demande la capitalisation de sa perte de gains sur la base du barème d'indemnisation 2018 de la Gazette du Palais, soit un indice de rente viagère incluant l'indemnisation de l'incidence de l'accident sur les droits la retraite 20,628, et donc la somme de 11.316.720€.

Il demande par ailleurs l'indemnisation d'une incidence professionnelle au titre d'une perte de chance professionnelle qui est totalement indépendant de la perte de gains professionnels futurs. En effet le salaire retenu pour le calcul de cette perte ne prend en compte ni la progression des salaires ni l'avancement à l'ancienneté ou au choix. Par ailleurs le préjudice lié à l'état d'inactivité professionnelle totale, au dés'uvrement, facteur d'exclusion sociale, de dévalorisation personnelle et sociale est un préjudice en soi distinct. La renonciation à l'exercice de sa profession doit également être indemnisée. En l'espèce il a largement justifié de son statut de cadre dirigeant, de ses qualités professionnelles, de la réalité des initiatives et des projets qui étaient en cours, et des enjeux économiques. Il demande à la cour de l'indemniser de son renoncement à un projet professionnel. En application d'un coefficient de perte de chance de 50%, le montant retenu pour calculer cette incidence professionnelle et de 450.000€ par an dont il sollicite la capitalisation viagère soit une somme de 12.929.777€. Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'il sollicite une évaluation fondée sur une perte de chance de 25 %.

S'agissant de l'assistance permanente par tierce personne, il s'appuie sur l'avis du docteur [C] qui a retenu qu'il n'est pas réellement autonome compte tenu de son inaptitude à la conduite automobile, cette indépendance étant menacée essentiellement par des limitations cognitives sous-jacentes. La Cour de cassation a affirmé que les besoins d'assistance en tierce personne ne sont pas limités aux seuls actes essentiels de la vie courante. C'est pourquoi une prestation d'assistance à la conduite du véhicule personnel est sollicitée à hauteur de 4 heures par jour moyennant un coût horaire de 25€, puis capitalisé sur la base du barème d'indemnisation 2018 de la Gazette du Palais à compter de son 60e anniversaire

Sur le doublement de l'intérêt au taux légal, il excipe du caractère dérisoire de l'offre présentée par l'assureur dans ses écritures 12 juin 2017. Il fait valoir que c'est à juste titre que le premier juge a retenu l'expiration du 8ème mois suivant l'accident sur le 1er juin 2010 comme point de départ de la sanction et qu'en tout état les offres qui ont été émises sont incomplètes ou manifestement insuffisantes ce qui équivaut à une absence d'offre.

Mme [E] [W] réclame une somme de 1114€ correspondant à ses frais kilométriques pour conduire son époux aux diverses consultations médicales et aux réunions d'expertise.

L'épouse et les deux enfants de M. [W] réclament un préjudice extra patrimonial exceptionnel venant réparer le changement dans les conditions de vie les proches pendant la survie de la victime handicapée. Elles sont fondées à solliciter la réparation intégrale de leur préjudice alors que l'inaptitude professionnelle définitive relative de la victime directe résulte de l'accident et elle leur est préjudiciable. L'épouse a dû subir une baisse du niveau de vie dans l'attente d'une complète indemnisation, une baisse du niveau de vie familial même dans l'hypothèse de cette indemnisation, une perturbation de la vie du couple dont l'avenir se trouve nécessairement compromis alors que la victime ne peut plus s'épanouir à titre professionnel et qu'elle a perdu une partie de son existence sociale. Les deux enfants subissent un préjudice lié à la présence d'un père très amoindri, à une baisse de leur niveau de vie durant leurs études supérieures, et une absence d'aide financière à leur installation professionnelle et à la perte de la possibilité privilégiée pour eux de rejoindre leur père dans l'entreprise en cours de création, alors qu'ils disposent de diplômes et d'expériences professionnelles en rapport avec l'activité de promotion immobilière. Pour l'ensemble de ces raisons, et pour chacun ils réclament une indemnisation à hauteur de 50'000€.

Dans leurs conclusions d'intimée et d'appel incident du 18 juillet 2019, Mme [P] et la société MMA demandent à la cour :

à titre principal :

' juger leur appel incident fondé mais dire au contraire recevable mais mal fondé l'appel incident des consorts [W]/[Y] ;

' confirmer en conséquence le jugement qui a débouté M. [W] de ses demandes relatives à l'indemnisation de l'incidence professionnelle, et au besoin d'assistance par tierce personne ;

' le confirmer en ce qu'il a débouté Mme [E] [W] au titre des frais divers de déplacement et d'un préjudice exceptionnel, outre en ce qu'il a débouté Mme [F] [W] et M. [G] [W] de leur demande au titre d'un préjudice exceptionnel ;

' l'infirmer pour le surplus

et statuant à nouveau :

' écarter des débats le rapport du docteur [I] pour absence de force probante et d'objectivité et juger en tout cas qui n'est pas de nature à écarter les conclusions du docteur [U] ;

' juger en conséquence que les postes de pertes de gains professionnels actuels et futurs, incidence professionnelle et préjudice exceptionnel des proches ne constituent pas des préjudices indemnisables ;

' dire n'y avoir lieu à la sanction prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances ;

' débouter les consorts [W] de leur demande de remboursement des frais exposés en cause d'appel ;

À titre infiniment subsidiaire

' débouter M. [W] de ses demandes présentées au titre de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs ainsi qu'au titre d'une incidence professionnelle, préjudices non établis, ni dans le principe, ni dans leur montant, outre au titre de l'application de la sanction prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances ;

à titre subsidiaire encore

' juger n'y avoir lieu à actualisation des montants susceptibles de servir de base à l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels ou de la perte de gains professionnels futurs ;

' fixer le point de départ de la sanction prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances au 4 octobre 2011 ;

' réduire dans des proportions considérables l'ensemble des réclamations des appelants ;

' condamner les consorts [W]/[Y] aux dépens.

Elles soutiennent que le rapport d'expertise du docteur [I] n'a pas de force probante et qu'il convient de l'écarter au profit des conclusions du précédent rapport d'expertise déposé par le docteur [U]. Pour fonder leur demande, elles soutiennent l'absence de toute possibilité de lésions cérébrales importantes en lien direct et certain qu'avec l'accident. Elles soutiennent que le docteur [I], neurologue, a été désigné en complément de l'expertise déjà effectuée par le docteur [U] si bien que sur le plan procédural l'expertise de ce dernier fait bien partie des éléments de preuve soumis à la discussion. Elles reprochent au docteur [I] d'avoir adopté une position indéniablement partiale envers l'assureur lorsqu'il a écrit qu'il y avait une position de principe des MMA quant à la réalité des séquelles ce qui s'apparente à une accusation de malhonnêteté intellectuelle et ce qui conduit à conclure que l'expert ne pas pris en compte les arguments proposés par cet assureur. Cette opinion très négative n'a pu que troubler son jugement et son objectivité en se considérant tenu de réparer une injustice imaginaire.

Elles s'appuient sur les éléments suivants :

- le dossier médical ne fait état d'aucune lésion organique pouvant justifier les importantes doléances de séquelles psychiques alléguées,

- M. [W] n'a pas subi une période de coma mais une perte de connaissance de tout aux plus trente minutes, suivie d'un état conscient mais confus, alors que le docteur [I] a fait une impasse totale sur la définition d'un coma,

- l'examen neurologique s'est révélé strictement normal,

- le scanner cérébral pratiqué n'a pas mis en évidence d'urgence neurochirurgicale,

- le Glasgow n'a pas été mentionné,

- après une période de surveillance d'une douzaine d'heures, M. [W] a été autorisé à rentrer à son domicile,

- une première I.R.M. en 2011 puis un électroencéphalogramme se révéleront normaux et une scintigraphie de perfusion cérébrale démontrera qu'il n'y a aucun trouble spécifique ni déficit de vascularisation.

La démonstration du docteur [I] est sans valeur, et fondée seulement sur des arguments péremptoires. Il s'est basé sur une I.R.M. réalisée en 2014 soit près de 5 ans après les faits sans s'expliquer sur le fait qu'il ne puisse exclure l'absence de tout nouveau choc, chute ou accident depuis 2009. Le simple fait qu'il estime qu'il existe de discrets signes d'atrophie cortico-sous corticale n'est pas une démonstration du lien de causalité avec l'accident. Les lésions diffuses que présente M. [W] n'ont aucun caractère de gravité mais l'expert ne renseigne pas sur cette question pourtant essentielle. Alors que le professeur [B] n'a retenu qu'une incidence professionnelle, le docteur [I] estime que la victime présente une inaptitude à exercer son activité professionnelle ancienne. Les aspects médico-légaux essentiels et déterminants ont été négligés par l'expert qui s'exprime dans des termes hypothétiques et au conditionnel alors que le requérant réclame une indemnisation frôlant les 30 millions d'euros. C'est pourquoi il convient de dire que le rapport de l'expert n'a pas de force probante et qu'il doit être écarté.

Elles demandent à la cour de rejeter la demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels alors qu'elle est inexistante et qu'elle ne peut être indemnisée en terme de perte de chance. Les revenus de M. [W] au moment de l'accident provenaient ni d'une activité professionnelle ni d'une perspective de revenus quelconque alors que son dernier emploi a pris fin le 23 juin 2004 avec son licenciement. Les revenus du couple sur cette période n'ont pas été impactés puisqu'ils étaient constitués de placements mobiliers fluctuants et d'allocations chômage. La revendication à hauteur de 961.476€ est tout simplement indécente.

Sur la perte de gains professionnels futurs, elles observent que l'aptitude à l'emploi est unanimement admise alors que seule une incidence professionnelle et retenue par l'expert. C'est à tort que le premier juge a retenu l'existence d'une perte de gains professionnels futurs. La perte de chance alléguée n'est pas certaine. Le parcours universitaire et professionnel de M. [W] est honorable mais il ne caractérise par un haut potentiel. La dernière fiche de salaire du mois de décembre 2003 fait état d'un revenu cumulé imposable de 79'603,83€, soit un revenu moyen mensuel de 6633,65€. Son revenu au mois de mai est quasiment identique alors que le bulletin de salaire de juin 2004 mentionne une prime exceptionnelle de 11.092€ d'indemnité compensatrice de congés payés ce qui fausse tous les calculs. C'est donc bien un revenu mensuel de 6630€ qu'il convient de retenir. Elles observent que la réclamation de M. [W] au titre du paiement de commissions pour 4.500.000€ s'est soldée par une transaction à hauteur de 369.190€, intégrant une ancienneté de presque treize années. À compter du 30 juin 2004 il s'est inscrit comme demandeur d'emploi et il ne justifie plus d'aucune activité professionnelle rémunérée depuis cette date.

Il ne saura convaincre la cour qu'il pouvait escompter en 2009 des revenus annuels de 487.973€ alors qu'il n'a jamais conclu la moindre affaire que ce soit de 2004 à 2009 et encore moins la perception d'une quelconque commission. Les relations qu'il a entretenues avec un certain M. [L] n'ont été que de 'simple intention'. M. [W] ne justifient d'aucun mandat précis et écrit ou d'un contrat de commissionnement de partenariat. Pas plus il ne démontre l'officialisation d'une activité professionnelle sous la forme de la création d'une société ou de l'exercice à titre personnel d'une activité intermédiaire avec justification d'une inscription au registre du commerce et des sociétés ou du registre des métiers. Il se contente de produire des échanges de courriels. On sait aussi qu'en septembre 2008 M. [L] a finalement décidé de ne donner aucune suite à son projet d'acquisition. Il n'y a donc aucune démonstration que l'accident lui aurait fait perdre de manière certaine la chance de développer son haut potentiel de courtier ou d'intermédiaire. C'est donc à tort que le premier juge a cru devoir allouer une perte de chance à hauteur de 15 %.

M. [W] ne craint pas de demander une capitalisation viagère à l'âge de 60 ans.

Sur la sanction de l'article L. 211-13 du code des assurances, elles reprochent au premier juge d'avoir fait courir la pénalité légale du 1er juin 2010 au 12 juin 2017. Elles soulignent que l'article L.211-9 du même code prévoit que lorsque l'assureur n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime son obligation réside dans la présentation d'une offre provisionnelle, l'offre définitive ne devant être formulée que dans les cinq mois suivant la date à laquelle il a été avisé de cette consolidation. Or en l'espèce M. [W] a accepté une provision le 5 février 2010, ce qui signifie que l'offre lui a été préalablement pésentée.

L'assureur se devait de présenter cette offre d'indemnisation dans les cinq mois du dépôt du rapport d'expertise soit au plus tard le 3 octobre 2011, et ce qu'il a fait le 30 septembre 2011. Or c'est à tort que le tribunal a jugé que cette proposition ne comportait pas d'offre au titre de la perte de gains professionnels actuels, de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, alors que si l'offre doit porter sur tous les éléments indemnisables du préjudice c'est à la condition que leur indemnisation soit connue. En l'occurrence l'assureur a sollicité un certain nombre de pièces venant justifier des pertes de gains professionnels mais elles ne pouvaient être fournies puisque M. [W] n'exerçait aucune activité à la date de l'accident.

Le docteur [U] ne retient pas d'incidence professionnelle ni de perte de chance professionnelle. Il est démontré qu'en 2004 alors qu'il avait 46 ans, M. [W] a choisi de se retirer du marché du travail malgré son 'haut potentiel' qu'il s'attribue et alors que cette aptitude aurait dû lui permettre de retrouver facilement un emploi. Aucune pénibilité ne peut être retenue puisque aucun emploi n'est exercé. Il n'a pas été contraint de renoncer à une profession qu'il n'exerçait plus depuis plus de cinq ans. Ce n'est qu'à titre infiniment subsidiaire qu'elles proposent une somme de 10'000€.

Le docteur [U] ne retient pas plus de perte de gains professionnels futurs.

Il est de jurisprudence constante que le dépôt d'un second rapport d'expertise médicale ne contraint pas l'assureur à formuler une seconde offre d'indemnisation alors même qu'il avait émis une offre suffisante dans les suites d'un rapport médical précédent. C'est pourquoi les MMA n'étaient pas tenues de présenter une nouvelle offre à la suite du rapport du 30 novembre 2015 du docteur [I].

Sur la date du point de départ de la sanction, il ne peut s'agir que du 4 octobre 2011.

La demande d'actualisation des montants de référence permettant l'indemnisation des préjudices professionnels n'est pas fondée en l'absence d'activité exercée depuis cinq ans avant l'accident par la victime. Sur le fondement de la théorie de la perte de chance, toute indemnisation résulterait nécessairement d'une évaluation indemnitaire faite à la date de la décision de justice. En effet ce ne serait que dans l'hypothèse de revenus réels payés à une date antérieure connue que la question d'une actualisation pourrait se poser.

L'assistance par tierce personne n'a pas été retenue par les experts à titre permanent et la demande sera rejetée.

Il en va de même des préjudices exceptionnels des victimes indirectes alors que ce préjudice vise à indemniser les bouleversements que la survie douloureuse de la victime directe entraîne sur le mode de vie des proches au quotidien et que les séquelles que M. [W] présente n'engendrent pas un tel état de survie douloureuse. Il n'y a aucun bouleversement dans la vie de la famille puisque M. [W] ne travaillait plus depuis cinq ans et que les revenus de la famille sont les mêmes depuis 2007 et que les enfants ont obtenu les diplômes espérés.

La Cpam des Alpes Maritimes, assignée par les consorts [W], par acte d'huissier du 29 janvier 2020, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 14 août 2019 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 1295,14€, correspondant à des prestations en nature.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

L'appel porte sur le rapport du docteur [I] dont Mme [P] et la société MMA demandent qu'il soit écarté, sur les postes de la victime directe au titre de la perte de gains professionnels actuels, de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et de l'assistance par tierce personne, sur les postes des victimes indirectes au titre des frais de déplacement de Mme [E] [W] et des préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels de Mme [E] [W], M. [G] [W] et [F] [W], et enfin la sanction du doublement des intérêts au taux légal et subsidiairement sur le point de départ et le terme de la sanction du doublement des intérêts au taux légal.

Sur le rapport d'expertise

Mme [P] et les MMA demandent à la cour, non pas de prononcer la nullité de l'expertise réalisée par le docteur [I], mais de l'écarter, motifs pris de l'absence de preuve établie de liens entre l'accident et les lésions cérébrales alléguées et de la partialité de l'expert qui a reproché à l'assureur une fallacieuse attitude de déni de la réalité des séquelles.

Le 21 mars 2011, devant le docteur [U], M. [W] a notamment déclaré qu'il présentait une amnésie totale des circonstances de l'accident, et des angoisses rétrospectives, mais aussi depuis lors, sur la voie publique, ainsi qu'un sentiment de vieillissement et de dévalorisation. Il a indiqué qu'il souffrait de céphalées, de sensations vertigineuses, d'asthénie, de troubles de la mémoire de l'attention et de la concentration, ainsi que de troubles visuels. Au titre de son examen l'expert a relaté qu'à la suite d'un examen neurologique rapide, il n'a pas retrouvé d'anomalie majeure et notamment pas de signe de Romberg. Dans ses conclusions il a retenu qu'en dépit des examens cliniques et para-cliniques n'ayant pas montré de lésion évidente organique, il existe néanmoins à l'examen neuro-cognitif des anomalies représentées par un trouble de la mémoire épisodique des apprentissages à long terme, un trouble de la mémoire de travail, de l'attention divisée et de la flexibilité mentale, un trouble de la fatigabilité attentionnelle et un trouble de la mémoire sémantique. Il a cependant conclu que si cet état justifiait une perte de gains professionnels actuels totale de six mois puis à 50% jusqu'à la consolidation qu'il a fixée au 21 mars 2011, il n'y avait aucune incidence sur la perte de gains professionnels futurs ou encore sur l'incidence professionnelle.

Selon dire du 19 avril 2011 et par courrier du 17 avril 2011, le conseil de M. [W] a sollicité auprès de l'expert la désignation d'un sapiteur en psychiatrie. L'expert a néanmoins établi son rapport définitif le 3 mai 2011, en estimant qu'à aucun moment au cours de ses opérations d'expertise, il n'est apparu nécessaire de faire appel à un sapiteur psychiatre, et il a évalué à 3% les séquelles qualifiées de syndrome subjectif post-traumatique et à 10% les séquelles orthopédiques.

Devant le juge du fond, M. [W] a sollicité la désignation d'un expert en neurologie, sur la base de plusieurs documents médicaux, à savoir un bilan neuro-cognitif d'une orthophoniste, un bilan neuro-psychologique, un courrier du professeur [R] et un courrier de son médecin conseil.

C'est donc dans ces conditions que le docteur [I], neurochirurgien est intervenu alors que les MMA ont considéré que M. [W] présentait un traumatisme crânien léger et que la victime de son côté a expliqué être très handicapé sur le plan professionnel par des séquelles cognitives et comportementales en lien direct et certain avec l'accident.

Dans ce rapport du 30 novembre 2015, l'expert a souligné la distorsion apparente existant entre les investigations neuro-radiologiques en faveur d'un traumatisme crânien sans séquelles organiques objectivables et les doléances du patient faisant état d'un retentissement cognitif et psychoaffectif important qu'il a tout particulièrement centré sur le plan professionnel.

Dans son rapport et en page 18, le docteur [I] a indiqué que le scanner pratiqué lors de l'hospitalisation initiale de M. [W] ne permettait pas d'évaluer le degré de gravité d'un traumatisme crânien sans lésion organique identifiable et encore moins le degré relatif des séquelles éventuelles, en précisant que cet examen en procédure d'urgence était avant tout un examen de débrouillage permettant d'écarter tout risque vital. Ce faisant l'expert a répondu à l'argumentaire développé par les tiers responsables selon lequel le dossier médical ne fait état d'aucune lésion organique pouvant justifier les importantes doléances de séquelles psychiques alléguées, ou encore que le scanner cérébral pratiqué n'a pas mis en évidence d'urgence neurochirurgicale.

Si le docteur [I] a estimé que les conclusions du docteur [U] étaient justifiées sur le plan orthopédique, en revanche, il a considéré que les séquelles retenues ne prenaient pas en compte les séquelles cognitives et comportementales mises en évidence par des examens appropriés et qu'il convenait de recueillir l'avis de deux sapiteurs, l'un en neuropsychologie et l'autre en psychiatrie.

Le docteur [C], neuropsychologue a conclu que M. [W] présentait un syndrome subjectif post-traumatique sévère, chronique et non-susceptible d'amélioration. Le professeur [B], psychiatre a retenu qu'il présentait des troubles somatoformes et des troubles anxieux compliquant un syndrome subjectif des traumatisés crânien avec un vécu dépréciatif et une atteinte narcissique forte en relation directe et certaine avec l'accident.

Muni de ces deux avis le docteur [I] a évalué les éléments en faveur d'un traumatisme crânien léger et ceux en faveur d'un traumatisme crânien de gravité modérée en retenant la seconde hypothèse particulièrement détaillée et argumentée en pages 26, 27, 28 et 29 de son rapport au motif que lors de l'accident sous l'effet du choc, l'impact a été frontal et d'une relative violence puisque le casque que portait M. [W] a éclaté. Il a expliqué qu'il s'agissait d'un choc direct associé à des lésions par contre-coup ainsi qu'en témoigne l'existence d'un hématome occipital qui confirme la lésion par hyper flexion du rachis cervical consécutif à la chute,... traumatisme... au cours duquel une partie de l'énergie cinétique n'a pas été absorbée par la masse encéphalique mais déplacée sur la région cervico-occipitale mettant ainsi indirectement en cause le tronc cérébral. L'expert a indiqué que ceci constitue une explication à l'absence de lésion traumatique immédiate au scanner et à l'apparition secondaire très probable d'un oedème cérébral frontal impossible à déceler dans les suites immédiates et qui n'aurait été visible que sur une IRM, qui n'a pas été réalisée, M. [W] ayant regagné son domicile douze heures après l'accident.

Le docteur [I] a également souligné ce qu'il définit comme un élément objectif, à savoir une IRM cérébrale en 2009 ne mettant en évidence aucune image d'atrophie cérébrale, puis une scintigraphie de perfusion cérébrale de 2011 soulignant l'existence d'une légère atrophie cortico-sous corticale débutante, et enfin une IRM en juillet 2014 montant de discrets signes d'atrophies cortico-sous corticale et de petites images en hypersignal de la substance blanche. S'il n'a pas écarté qu'il s'agissait d'une évolution naturelle, il a surtout retenu qu'il était également probable que ces signes et images prenaient leur source dans le traumatisme crânien.

Sur la base des bilans neuro-psychologiques et neuro-psychiatriques effectués, il a par ailleurs défini que M. [W] présente une symptomatologie déficitaire frontale d'installation rapide, caractérisée par les troubles de la mémoire et de l'attention, des troubles des fonctions cognitives et en particulier des fonctions dysexécutives sur un terrain dépressif avec des perturbations comportementales mineures devenues à ce jour chroniques et irréversibles.

Ces éléments contenus dans le rapport d'expertise viennent répondre là encore aux interrogations des tiers responsables qui on insisté sur le fait que M. [W] a présenté une perte de connaissance de tout au plus trente minutes, qu'il n'a pas subi de période de coma ou encore que l'examen neurologique initial s'est révélé strictement normal, et alors qu'il a été autorisé à rentrer à son domicile. Mais surtout ils viennent démontrer le syndrome frontal de gravité modérée dont M. [W] a été victime, de telle sorte que rien ne permet d'écarter le rapport du docteur [I] au profit du seul rapport du docteur [U] qui présente une carence manifeste tenant à l'absence totale d'investigations confiées à un sapiteur en neurologie, neuropsychologie ou encore en psychiatrie, alors même qu'en mai 2011, cet expert a retenu qu'en dépit des examens cliniques et paracliniques n'ayant pas montré de lésion évidente organique, il existait néanmoins à l'examen neuro-cognitif des anomalies représentées par un trouble de la mémoire épisodique des apprentissages à long terme, un trouble de la mémoire de travail, de l'attention divisée et de la flexibilité mentale, un trouble de la fatigabilité attentionnelle et un trouble de la mémoire sémantique.

Sur le préjudice corporel

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 28 novembre 2017, taux d'intérêt 0,50%, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, et dont M. [W] demande l'application.

L'expert, le docteur [I], après avoir recueilli les avis du docteur [C], neuropsychologue et du professeur [B], psychiatre, indique que M. [W] a présenté un poly-traumatisme associant une fracture du bassin, des contusions multiples et un traumatisme crânien frontal et qu'il conserve comme séquelles orthopédiques une diminution de la mobilité de l'épaule gauche et du rachis cervical, des douleurs du bassin, des troubles des fonctions cognitives marqués par une difficulté de gestion des ressources intentionnelles, des troubles dysexécutifs proprement dits, un dysfonctionnement majeur des capacités de mémorisation auditive et visuelle avec néanmoins le maintien et la préservation de la mémoire de travail disponible et de la flexibilité mentale spontanéen, des troubles de la personnalité caractérisés par un sentiment durable de dévalorisation ayant induit une composante anxio-dépressive sur une personnalité narcissique.

Il conclut sur les postes intéressant le présent litige et devant la cour à :

- une perte de gains professionnels actuels totale de 6 mois du 30 septembre 2009 au 31 mars 2010, puis à 50% du 1er avril 2010 au 21 mars 2011, suivie d'une période à 30% jusqu'au 30 septembre 2012,

- une consolidation au 30 septembre 2012

- un déficit fonctionnel permanent global de 27%, dont 10% de séquelles orthopédiques et 17% pour les séquelles cognitives et les troubles psycho-affectifs,

- la perte de gains professionnels futurs retient que M. [W] était en cours de création de son entreprise personnelle, qu'il n'est plus capable d'exercer cette activité professionnelle antérieure comme auparavant du fait des séquelles de son traumatisme crânien, et le déficit de son activité ne saurait donc être pris en considération au-delà du taux de 17% correspondant au déficit fonctionnel permanent neurologique,

- l'incidence professionnelle : les séquelles traumatiques orthopédiques n'ont aucun retentissement sur celle-ci. Par contre les séquelles traumatiques crâniennes, si elles ne lui permettent pas de retrouver la totalité de ses anciennes activités, minorent ses possibilités professionnelles d'un pourcentage de 17% et à défaut d'activité professionnelle antérieure, il est, en théorie tout au moins, tout à fait susceptible de s'intégrer dans des activités immobilières classiques territoriales lui permettant entre autres, la reprise professionnelle d'une entreprise individuelle.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 8] 1958, de son absence d'activité professionnelle salariée ou commerciale déclarée, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Perte de gains professionnels actuelsRejet

M. [W] demande à la cour de l'indemniser d'une perte de gains professionnels actuels à hauteur de 80%, sur la période écoulée entre le 30 juin 2010 et le 30 septembre 2012, date de la consolidation, en se fondant sur l'activité qu'il explique avoir déployée depuis son licenciement dans le domaine des investissements fonciers, plus particulièrement orientés sur le développement de terrains de golf, en France et à l'étranger.

Il est acquis aux débats qu'à compter de la fin du mois de juin 2004, M. [W] n'a plus exercé l'activité salariée qui était la sienne depuis 1978. A partir du 28 juin 2004 jusqu'au 30 septembre 2009, date de l'accident, et comme en atteste la lecture de ses avis d'imposition, il n'a perçu que des indemnités de l'assurance chômage ou des revenus fonciers. Il ne justifie pas plus sur cette période d'une inscription au registre du commerce ou des métiers alors que ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime, et qu'il doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Sa demande s'analyse donc en une demande indemnitaire évaluée en terme de perte de chance.

Pour établir la réalité de cette perte de chance, M. [W] produit des renseignements issus d'un site Internet sur M. [M] [L] et sa famille qui occupent la 65ème place dans la liste mondiale des personnes fortunées et dont les activités se développent dans le domaine des devises et des paris sur les instruments financiers. Les échanges de mails que M. [W] verse aux débats établissent qu'ils ont eu des relations professionnelles entre le mois d'avril 2004 et le mois de septembre 2008, date de la crise économique financière internationale.

De façon chronologique ces échanges viennent démontrer qu'en avril 2004, M. [W] a travaillé sur une éventuelle acquisition par M. [L] d'un terrain de golf et d'un hôtel à [Localité 11] (golf Country club). Aux mails étaient joints des documents sur le budget, la structure de la société, l'organigramme du personnel, établis par M. [W], et il a été question dans un mail ultérieur d'une réunion de travail à Londres le 29 avril 2004. Toutefois et par mail du 14 juillet 2004, M. [L] devait déclarer ne plus être intéressé par cette acquisition.

M. [W] ne produit aucun mail ni projet de développement quel qu'il soit entre juillet 2004 et juin 2007, soit donc sur une période de près de trois ans.

M. [W] démontre que par la suite et le 15 juin 2007, avec son associé M. [J], ils ont reçu une 'lettre d'intérêt' de Mme [D] [A], associée principale de The Kor Group, en vue d'une collaboration en cours à Bora Bora, dans le cadre d'un projet de développement d'un hôtel de luxe et d'un parcours de golf, ce courrier venant expressément préciser que les déclarations faites dans cette lettre, documents connexes et négociations relatives à son objet ne constataient ni une offre, ni une acceptation ni un accord juridiquement contraignant exécutoire. Si le projet a bien été réel, comme en attestent cette lettre d'intérêt mais aussi les documents joints en pièces 118 et 119, il est resté en l'état pendant les deux années qui ont précédé l'accident de septembre 2009.

M. [W] a communiqué plusieurs mails échangés notamment avec M. [L] entre le mois d'août et le mois d'octobre 2007 à propos de l'acquisition, à nouveau du golf de [Localité 11], et du golf Claux Amix à [Localité 12] dans lesquels :

- M. [L] disait à un dénommé [H] que M. [W] était très expérimenté en matière de développement de parcours de golf ainsi que dans le secteur des autorisations d'urbanisme et droit de zonage,

- M. [W] expliquait à M. [L] et à M. [H] qu'il avait fait des recherches dans les archives de la ville de [Localité 12] sur l'existence et la nature des droits à bâtir du parcours de golf Claux Amix à [Localité 12], et la capacité de M. [L] à créer 'un vrai club privé', M. [H] répondant à M. [W] que l'acquisition par M. [L] dépendrait des autorisations de la ville pour modifier l'ouverture au public en un golf uniquement à usage privé, et que faute d'avoir cette certitude M. [L] ne procéderait pas à l'acquisition,

- M. [L] demandait instamment à M. [W] d'intervenir auprès d'un dénommé Contini pour l'acquisition du parcours de golf Claux Amix à [Localité 12]. Une discussion entre eux portait sur le montant du prix d'acquisition éventuelle, et M. [L] indiquait à M. [W] que s'il parvenait à acquérir le golf de [Localité 12], il investirait dans le projet polynésien de M. [W],

- M. [W] présentait à M. [L] une mise jour des différentes opportunités d'investissements golfiques à [Localité 12], [Localité 16], [Localité 15] et [Localité 11].

Néanmoins, rien ne vient démontrer que M. [L] a mené l'un de ces projets à terme.

Pas plus le projet d'une acquisition et du développement du site de [Localité 17] n'a abouti. On en retrouve la trace dans un mail dans lequel M. [W] présentait à M. [L] une mise à jour du site 'attrayant' de [Localité 17], et M. [L] répondant qu'il souhaitait une acquisition à 100% sans associé et se disait néanmoins très intéressé par la visite de ce site. Suivent d'autres échanges à propos de cette éventuelle acquisition dont M. [W] se proposait de participer au développement. En revanche, ce projet n'a pas eu de suite, aucun document venant établir sa concrétisation n'étant produit.

M. [W] communique des mails de janvier 2008, venant établir la poursuite des relations entre M. [L] et lui, à propos d'un rendez-vous parisien avec un dénommé [O], sans que l'on en connaisse l'objet.

Il verse aux débats une convention conclue le 18 février 2008 entre d'une part la société Le Touquet Syndicate Limited et la société International Golf & Leisure limited (donneurs d'ordre) et d'autre part lui-même et M. [J] (courtier) dans le but de négocier la cession à M. [L] des intérêts détenus par le groupe des donneurs d'ordre à [Localité 15], et les communes limitrophes au travers de la société Presevatrice et de sa filiale Omnium Investment moyennant la somme de 35 millions d'euros et une commission de 4% HT au profit du courtier (M. [W] à hauteur de 75% et M. [J] à hauteur de 25%). Puis il fournit une réponse des donneurs d'ordre pour une négociation à 30 millions proposée par M. [L], suivie d'un accord sur la réduction et la ventilation des honoraires de la cession, concrétisée par un avenant du 12 juin 2008 à la convention initiale du 18 février 2008. Cependant et par courrier du 24 septembre 2008 la société Le Touquet Syndicate Limited et la société International Golf & Leisure limited ont pris acte de la décision de M. [L] de ne pas donner suite à son projet d'acquisition, rendant sans objet la convention du 18 février 2008, et en soulignant que la conjoncture financière n'était pas propice à ce développement, rendant très improbable le retour de M. [L] sur sa décision.

Dans une attestation du 8 septembre 2017, M. [J] a écrit que l'échéance des accords souscrits, qui était au 30 juin 2010, permettait d'envisager une concrétisation différée du projet dans un environnement économique de nouveau stabilisé. Ceci est plausible, sauf qu'il n'est pas démontré ni même allégué qu'une fois la situation financière mondiale revenue à meilleure santé, M. [L], très lié à la banque Lehman Brothers, comme en atteste la teneur des mails, mais liquidée depuis, aurait concrétisé ultérieurement ce projet d'acquisition, par l'entremise d'autres courtiers, ce qui met à néant la thèse selon laquelle, M. [W] avait une chance sérieuse de percevoir les honoraires objet de la convention de février 2008.

Par la suite et pendant l'année qui s'est écoulée entre le mois de septembre 2008 et le mois de septembre 2009, M. [W] ne produit aucun document établissant la réalité d'une activité professionnelle qu'il a eue et pas plus il ne vient établir que ses relations professionnelles avec M. [L] ont perduré.

En résumé, au cours de la période écoulée entre le mois de juin 2004 et le mois de septembre 2009, donc sur plus de cinq années, si M. [W] a effectivement oeuvré dans l'élaboration de projets d'acquisitions par le seul M. [L] de terrains de golf et d'hôtels associé, ou encore sur un projet personnel de développement d'une structure similaire en Polynésie, aucun d'eux n'a abouti et il ne justifie d'aucune rémunération effective pendant cette période. Pas plus il ne peut en l'absence de promesse de participation à des projets ultérieurs à septembre 2008, de lettre d'intention, de convention de rémunération, venir démontrer la réalité d'une perte de chance qui serait la sienne de ne pas avoir pu continuer une activité professionnelle rémunératrice entre le mois de juin 2010 et le 30 septembre 2012.

Il est donc débouté de sa demande au titre de la perte de gains professionnels actuels.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs280.269,30€

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

L'expert a retenu la réalité d'une incidence professionnelle de l'accident sur l'exercice de la profession de M. [W] en indiquant dans ses conclusions, qu'il était en cours de création de son entreprise personnelle, ce qui n'est pas démontré dans le cadre du présent débat, mais surtout qu'il n'est plus capable d'exercer cette activité professionnelle antérieure comme auparavant en raison des séquelles de son traumatisme crânien, qui minorent ses possibilités professionnelles dans la limite du déficit fonctionnel permanent neuro-psychologique, en ajoutant qu'il n'est pas inapte à toute profession et qu'il conserve une aptitude à s'intégrer dans des activités immobilières classiques territoriales.

Retenant ces conclusions, il n'est pas sérieusement contestable que M. [W] dispose d'une capacité à s'intégrer dans un autre emploi. Les examens tant des docteurs [U] que [I], [C] et [B] et les rapports détaillés et circonstanciés qu'ils ont chacun établis viennent démontrer que M. [W] est en mesure de s'expliquer sur sa situation personnelle, sur son état de santé, et sur ses doléances.

Il est détenteur de plusieurs diplômes en urbanisme, construction et aménagement territorial et il se présente comme géomètre expert foncier en résumant que sa profession antérieure à l'accident consistait à préparer l'investissement de capitaux étrangers importants sous la forme d'opérations immobilières de haut niveau notamment sur la cote d'azur. La lecture de l'ensemble des pièces et mails qu'il produit aux débats, sur la période d'avril 2004 à septembre 2008, reflète la nature de son activité. Un certificat de travail délivré le 28 juin 2004 par son employeur, la Sarl Eurofrance développement fait état d'un poste de directeur de projet

L'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs, alors qu'il ne justifie d'aucune perte de gains professionnels actuels, s'analyse en conséquence en une perte de chance de retrouver un emploi à la mesure de celui qui était le sien jusqu'au mois de juin 2004, perte de chance que la cour évalue à 20%, en retenant que si effectivement il est établi qu'il n'a plus ne la même facilité à manier la langue anglaise à l'oral, il ne démontre pas qu'il en serait de même à l'écrit, et qu'il est en mesure d'occuper un emploi en relation avec sa formation de géomètre expert foncier spécialisé en matière d'urbanisme.

Pour évaluer ce poste, le salaire de référence retenu sera celui que M. [W] a perçu en décembre 2003, soit un cumul imposable de 79.603,83€ et donc un revenu moyen mensuel de 6.633,65€.C'est à juste titre qu'il sollicite l'actualisation de ce revenu mensuel à la date où la cour statue en 2020.

Les MMA avec leur assurée contestent l'opportunité d'actualiser ce montant sans toutefois critiquer la référence proposée par M. [W] à l'indice Syntec qui mesure l'évolution du coût de la main d'oeuvre, essentiellement intellectuelle pour les prestations fournies. Selon cette référence, en fonction d'un indice de 206 en juin 2004 et d'un indice de 267,20 en avril 2018, tel que sollicité par M. [W] , son salaire actualisé s'établit à la somme mensuelle de 8.604,42€ (6.633,65€/206 x 267,2), arrondie à 8605€.

Il estime que la somme de 369.190€, objet de la transaction signée avec son employeur le 30 décembre 2005, s'intègre dans ses revenus au titre des douze mois ayant précédé son licenciement pour faute grave intervenu le 28 juin 2004.

Or la lecture de cette transaction révèle que la somme transactionnelle correspond à hauteur de 1.424€ à un remboursement de frais, et pour le surplus soit 367.766€ à la réparation du préjudice matériel, moral et professionnel que M. [W] estime avoir subi durant l'exécution de son contrat de travail et consécutivement à la rupture.

De cette dernière formulation qui vise expressément la durée de l'exécution du contrat de travail, il se déduit que ce montant doit être lissé sur la période écoulée entre le mois de décembre 1991, date de l'embauche de M. [W] au sein de la société Eurofrance développement et le mois de juin 2004, soit sur 151 mois, la somme mensuelle de 2.435,53€, et donc la somme actualisée mensuelle, selon les indices de référence dont M. [W] sollicite l'application, de 3.159,09€ (2.435,53€/206 x 267,2) arrondie à 3159€.

Au total les revenus de référence de M. [W] s'établissent en juin 2004 à la somme mensuelle actualisée au jour ou la cour statue de 11.764€ (8605€ + 3159€). La perte de gains professionnels futurs mensuelle en terme de perte de chance de retrouver un emploi similaire à celui qu'il occupait est donc de 20% de cette somme mensuelle soit 2.352,80€ (11.764€/100x80).

Né le [Date naissance 8] 1958, il était âgé de 54 ans à la consolidation acquise le 30 septembre 2012. Il a à ce jour 61 ans. La date prévisible de son accession à la retraite, alors qu'il ne justifie pas d'une carrière longue, n'est pas de 60 ans mais de 62 ans, âge qu'il atteindra le 8 août 2020, c'est à dire dans à peine plus d'un mois à compter du 25 juin 2020, date de la liquidation, ce qui ne permet pas d'envisager une capitalisation sur une aussi courte période.

M. [W] sollicite la capitalisation viagère de sa perte de gains professionnels futurs pour tenir compte de l'incidence sur ses droits à la retraite. Cette demande doit être prise en compte et individualisée de la façon suivante en tenant compte que pour accéder à la retraite il devait comptabiliser 166 trimestres d'activité et que depuis la consolidation du 30 septembre 2012 jusqu'au mois d'août 2020, si ces 32 trimestres sont comptabilisés en raison de son état de santé, les revenus sur lesquels sa pension sera calculée sont diminués. La base de calcul est donc de 50% de sa perte soit 1.176,40€ (2.352,80€/50%), somme rapportée à 1/5ème (correspondant au ratio entre 166 et 32 trimestres) et donc la somme mensuelle de 235,28€ (1.176,40€/0,20) et annuelle de 2.823,36€.

En fonction de ces données :

- la perte de gains professionnels futurs s'établit du 30 septembre 2012 au mois d'août 2020, et donc sur 96 mois à la somme de 225.868,80€ (2.352,80€ x 96),

- la perte sur ses droits à la retraite s'établit, en fonction d'un indice viager de 19,268 , issu de la Gazette du Palais 2018, pour un homme accédant à l'âge de la retraite à 62 ans à la somme de 54.400,50€ (2.823,36€ x 19,268).

Ce poste est évalué à la somme globale de 280.269,30€ (225.868,80€ + 54.400,50€)

- Incidence professionnelle25.000€

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Pour fonder sa demande, M. [W] demande à la cour de prendre en compte la perte professionnelle au titre de sa progression de salaire, de son avancement et de son ancienneté au choix. Cependant ces variables ne sont pertinentes que dans le cadre d'un emploi salarié, qu'il n'occupait plus depuis 2004, et qu'il ne peut exclure que s'il avait occupé un tel emploi, entre la consolidation et jusqu'à la date de sa retraite, ses capacités professionnelles encore effectives ne le privaient pas d'avancer dans ses nouvelles activités. En revanche, il est acquis qu'alors âgé de 54 ans à la consolidation, il ne pouvait plus prétendre exercer l'activité qui était la sienne de développements de projets immobiliers dans le domaine du golf et hôtel adjacent. Cette renonciation ouvre droit à indemnisation, tout comme le sentiment de dévalorisation personnelle et sociale par l'exclusion de cette activité. Ces données justifient de lui allouer une somme de 25.000€.

- Assistance de tierce personne77.827,76€

La nécessité de la présence auprès de M. [W] d'une tierce personne pendant la période antérieure à la consolidation a été retenue par l'expert mais elle n'a pas été abordée pour la période postérieure. Il est néanmoins établi, ce que les experts ont retranscrit dans leurs rapports repectifs, qu'il a déclaré ne plus pouvoir réaliser que de petits trajets en voiture, et que par ailleurs son état de santé, dont l'expert [I] dit qu'il occasionne des troubles dys-exécutifs, rend difficile les-dits trajets. En fonction de ces éléments, il apparaît équitable de fixer à 3h par semaine le besoin en aide humaine correspondant à une assistance véhiculée pour les trajets de la vie quotidienne.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18€, soit la somme de 54€ par semaine, celle de 2.808€ par an (54€ x 52s), et sur la période considérée du 30 septembre 2012 au 25 juin 2020, soit sur 404 semaines.

L 'indemnité de tierce personne s'établit pour :

- pour la période écoulée de la consolidation du 30 septembre 2012 au 25 juin 2020, date de la liquidation la comme de 21.816€ (54€ x404s),

- pour la période future, sur la base d'un euro de rente de 19,947 issu de la Gazette du Palais 2018, pour un homme âgé de 61 ans révolus à la date de la liquidation la somme de 56.011,76€ (2808€ x 19,947),

et au total celle de 77.827,76€.

Le préjudice corporel subi par M. [W] sur les postes de perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et assistance par tierce personne s'établit ainsi à la somme de 383.097,06€ lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt soit le 25 juin 2020.

Sur les préjudices des victimes indirectes

- Les frais de déplacement de Mme [E] [W]

La demande indemnitaire de Mme [W] ne porte pas sur l'aide humaine qu'elle a apportée à son époux depuis son accident jusqu'à la période évaluée par les experts, mais sur les frais qui ont été engagés pour les déplacements médicaux, qui ne peuvent être inclus dans l'évaluation chiffrée de cette assistance temporaire. Ce faisant, il convient de faire droit à la demande de remboursement des frais de déplacement engagés en l'occurrence par l'épouse de M. [W] et de lui allouer la somme réclamée à hauteur de 1.114€.

- Les préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels

Ce poste de préjudice indemnise notamment le changement dans les conditions de l'existence dont sont victimes les proches de la victime directe pendant la survie de la personne handicapée en intégrant les troubles qu'ils ont ressentis et ressentent dans le partage habituel d'une communauté de vie affective et à la suite du dommage.

Il est acquis que l'épouse et les deux enfants de M. [W] ont été indemnisés d'un préjudice moral, dont ils n'ont pas relevé appel des montants alloués, et qui est venu indemniser la vue de la douleur et de la déchéance de la souffrance de la victime directe.

Pour justifier la demande formulée au titre de ce préjudice spécifique, Mme [W] allègue une baisse du niveau de vie familial depuis l'accident dans l'attente d'une indemnisation mais aussi même dans l'hypothèse d'une indemnisation, outre la perturbation de la vie du couple dont l'avenir est compris alors que M. [W] ne peut plus s'épanouir dans sa vie professionnelle et dans sa vie sociale.

[F] et [G] [W] font valoir que la capacité de leur père à les conduire et les aider dans leurs parcours professionnels est très amoindrie, qu'ils ont connu une baisse de leur niveau de vie pendant leurs études supérieures mais aussi à l'occasion de leur installation dans le monde du travail, et de leur impossibilité de rejoindre leur père dans l'entreprise qu'il était en train de créer.

Les motifs ainsi soulevés sont distincts du préjudice moral et ils sont indemnisables dans leur principe.

S'agissant de Mme [W] et des deux enfants, la baisse du niveau de vie économique depuis l'accident n'est pas établie au regard de l'absence de revenus effectifs de leur époux et père pendant une période de cinq ans avant l'accident, tout comme la possibilité pour les deux enfants d'être intégrer dans une structure professionnelle paternelle rémunératrice dont la réalité n'est pas démontrée. En revanche et pour Mme [W], à la lecture des données contenues dans les expertises médicales et de sapiteurs, qui ont décrit une modification de la thymie de la victime, variable et irascible par moment, affectant la vie de couple, il y a lieu de dire que ce préjudice est constitué tout comme pour les enfants ces modifications de l'humeur ont affecté la portée et la teneur de conseils avisés d'un père dans leur cursus professionnel et à un âge e où ils y auraient été sensibles.

Ces données conduisent la cour à confirmer les montant alloués de ce chef par le premier juge à hauteur de 3.000€ à chacun.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Le premier juge a estimé que les condamnations mises à la charge de Mme [P] et de la société MMA au profit de M. [W] produiront intérêt au double du taux légal du 1er juin 2010 au 12 juin 2017.

M. [W] demande à la cour de condamner Mme [P] et la société MMA au paiement sur l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre des intérêts de plein droit calculés au double du taux de l'intérêt légal à compter du 1er juin 2010, soit huit mois après l'accident dont il a été victime le 30 septembre 2009, jusqu'au jour où la décision d'appel deviendra définitive.

En vertu de l'article L 211-9 du code des assurances, l'assureur est tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne une offre d'indemnité, qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident, laquelle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

La sanction de l'inobservation de ces délais, prévue par l'article L 211-13 du même code, réside dans l'octroi des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

Il s'avère qu'après dépôt du rapport d'expertise du docteur [U], l'assureur a adressé le 9 septembre 2011 à M. [W] une première offre d'indemnisation qui a porté sur chacun des postes de préjudice retenu par l'expert (P 26 de M. [W]), seul le poste portant sur la perte de gains professionnels actuels dont le principe était admis a été mentionné 'pour mémoire' en l'absence de salaire ou de revenus de référence.

L'assureur ne peut se prévaloir de l'envoi antérieure au 1er juin 2010 d'une offre d'indemnisation provisionnelle qui ne saurait l'avoir dispensé de l'offre d'indemnisation légale qu'il se devait d'adresser dans les huit mois suivant l'accident conformément à l'application des textes précités. L'offre est donc tardive.

Pour interrompre le cours du doublement des intérêts au taux légal, cette offre doit d'une part être complète, c'est à dire contenir des offres sur chacun des postes de préjudice retenu par l'expert et d'autre part contenir des propositions d'indemnisation qui ne soient pas manifestement insuffisantes, c'est à dire ne pas représenter moins du tiers des montants alloués.

La lecture de cette proposition démontre qu'elle contient chacun des postes retenus par l'expert ; le poste de perte de gains professionnels actuels, qui est mentionné pour mémoire, n'ayant pas donné lieu de la part de M. [W] à l'envoi de pièces permettant à l'assureur de faire une proposition chiffrée adaptée, et que les montants contenus dans cette offre ne sont pas manifestement insuffisants,.

Cette procédure présente la particularité d'avoir fait l'objet d'un second rapport d'expertise pour évaluer les conséquences spécifiques du traumatisme crânien sur l'évaluation des préjudices de M. [W]. Le docteur [I] a déposé son rapport le 30 novembre 2015 en allongeant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel jusqu'à la nouvelle date de consolidation admise au 30 septembre 2012, de majorer le taux de déficit fonctionnel permanent et d'admettre la réalité d'une perte de gains professionnels futurs. L'expert a adressé son rapport aux parties le 30 novembre 2015, ce qui ne fait l'objet d'aucune contestation.

Toutefois, le caractère suffisant et complet d'une offre faite sur la base d'un premier rapport d'expertise doit être apprécié à la date à laquelle l'offre a été faite, et non au regard des conclusions d'un second rapport d'expertise, postérieurement établi dont le dépôt n'impose pas à l'assureur de présenter une nouvelle offre.

En conséquence, la société les MMA sera tenue de payer le double des intérêts au taux légal du 1er juin 2010 au 9 septembre 2011, sanction limitée sur la somme offerte de 31.474,20€, augmentée des débours de la Cpam de 1295,14€, soit au total sur celle de 32.769,34€.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime et aux victimes indirectes sont confirmées.

La société les MMA qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel. L'équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne justifie pas d'allouer à M. [W], à Mme [E] [Y] épouse [W], à Melle [F] [W] et à M. [G] [W] une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

- Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel de M. [W] sur les postes de perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et assistance par tierce personne à la somme de 383.097,06€ ;

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 383.097,06€ ;

- Condamne in solidum Mme [P] et la société les MMA à payer à M. [W] la somme de 383.097,06€, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt soit le 25 juin 2020 ;

- Condamne la société MMA au doublement des intérêts au taux légal sur la somme de 32.769,34€ du 1er juin 2010 au 9 septembre 2011 ;

- Déboute M. [W], Mme [E] [Y] épouse [W], Melle [F] [W] et M. [G] [W] de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;

- Condamne in solidum Mme [P] et la société les MMA aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/03757
Date de la décision : 25/06/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°19/03757 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-25;19.03757 ?
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