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04/06/2020 | FRANCE | N°19/10745

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 04 juin 2020, 19/10745


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 04 juin 2020



N° 2020/241













N° RG 19/10745 -



N° Portalis DBVB-V-B7D-BERF3







[L] [J]





C/



[N] [R]

[T] [K] épouse [R]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Jean-Yves GARINO



Me Benoît BROGINI







Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de NICE en date du 28 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01537.







APPELANTE



Madame [L] [J]

demeurant [Adresse 8]



représentée par Me Jean-Yves GARINO, avocat au barreau de NICE







INTIME...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 04 juin 2020

N° 2020/241

N° RG 19/10745 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BERF3

[L] [J]

C/

[N] [R]

[T] [K] épouse [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Yves GARINO

Me Benoît BROGINI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de NICE en date du 28 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01537.

APPELANTE

Madame [L] [J]

demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Jean-Yves GARINO, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [N] [R] né le [Date naissance 7] 1951 à [Localité 15],

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Benoît BROGINI de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

Madame [T] [K] épouse [R] née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 16],

demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Benoît BROGINI de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Sylvie PEREZ, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Geneviève TOUVIER, Présidente

Mme Sylvie PEREZ, Conseillère

Mme Virginie BROT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 juin 2020 après prorogation en raison de l'état d'urgence sanitaire.

Signé par Mme Geneviève TOUVIER, Présidente et Mme Priscille LAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique en date du 15 juillet 2014, dressé devant maître [W], notaire à [Localité 13], Mme [L] [D] épouse [J] a vendu à Monsieur [N] [R] et à Madame [T] [K] épouse [R], une maison d'habitation cadastrée CZ [Cadastre 5], lieu-dit [Adresse 4] et [Adresse 8] à [Localité 13].

Par cet acte, Mme [J] a consenti aux acquéreurs une servitude de passage sur son fonds cadastré section CZ [Cadastre 6].

Lui reprochant une diminution de l'assiette de la servitude, Monsieur et Madame [R] ont fait assigner en référé Mme [J] aux fins de remise sous astreinte, de la servitude de passage en son état initial, en faisant démolir le mur réduisant cette assiette et déposer les plots installés devant leur portail.

Par ordonnance en date du 28 juin 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a :

- condamné Madame [J] à procéder à la remise en état de la servitude de passage selon son assiette initiale de 5 mètres sur la bande qui longe sa propriété ainsi que de procéder au retrait des plots de béton installés devant le portail de la propriété appartenant aux époux [R], sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui commencera à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance, pendant quatre mois, passé lequel il pourra être à nouveau statué,

- condamné Madame [J] à porter et payer à Monsieur et Madame [R] une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties,

- laissé les dépens de l'instance à la charge de Madame [J] .

Mme [J] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 10 décembre 2019, Mme [J] a conclu comme suit :

- réformer intégralement la décision entreprise,

- débouter la « famille » [R] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur et Madame [R] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les différents frais d'huissier de procès-verbal de constat et de sommation interpellative, les frais de géomètre et le timbre fiscal dématérialisé de procédure d'appel.

Elle fait valoir l'absence de trouble manifestement illicite et rappelle notamment que sur chaque plan produit, établi par le géomètre, la servitude prend appui sur la limite de propriété entre la parcelle [Cadastre 6] la parcelle [Cadastre 9] de M. [Y], que l'assiette de la servitude est bien de 5 m s'agissant d'une double servitude à la fois pour le passage et le reste pour le VRD, « séparés » par un mur de propreté, mur qui existait lors de l'achat et n'a pas été construit postérieurement à celui-ci.

Elle expose que c'est le mur de béton qui longe sa maison qui est désigné par les intimés et indique que ce mur préexistait aussi lors de l'achat et n'est pas bâti sur l'assiette de la servitude, considérant que les époux [R] ont donc acquis en connaissance de cause.

Madame [J] fait valoir que le procès-verbal de constat de la partie adverse établit que l'huissier a pris ses mesures à compter du muret de propreté, en oubliant l'espace concernant la servitude des réseaux.

L'appelante expose que le premier juge n'indique pas quel mur doit être démoli, l'ayant conduite à faire délivrer à Monsieur et Madame [R] une sommation interpellative le 18 octobre 2019, leur faisant sommation d'avoir à lui indiquer quel mur doit être démoli, sommations restées sans réponse.

Madame [J] indique produire un procès-verbal de constat montrant que les plots ont été enlevés, expliquant qu'il résulte du constat produit par la partie adverse, que ces plots sont installés à 5,60 m et qu'il n'est prévu nulle part une largeur de servitude de7 m. Elle explique que ces plots délimitent la place de parking privé qui lui a été conservée et dont les époux [R] se servaient afin de stationner les véhicules de leurs visiteurs.

Madame [J] indique enfin que le portail des intimés n'est pas du tout situé en extrémité de la servitude et empiète sur celle-ci, ainsi qu'en atteste selon elle la déclaration préalable déposée par ceux-ci en mairie de [Localité 13] le 27 juillet 2016.

Par conclusions déposées et notifiées le 14 octobre 2019, Monsieur et Madame [R] ont conclu comme suit :

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- condamner Madame [J] à remettre en son état initial la servitude de passage à savoir:

* démolir le mur réduisant l'assiette de la servitude afin que celle-ci retrouve une largeur de 5 m,

*déposer les plots de béton installés devant leur portail ,

- assortir sa condamnation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après la signification de l'ordonnance,

- condamner Madame [J] à leur payer la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'huissier pour faire établir le procès-verbal de constat et de dénonce de celui-ci ainsi que de sommation de faire.

Ils exposent que la largeur de la bande de terrain constituant la servitude longe la parcelle [Cadastre 6] sur une largeur de 5 m, puis réalise une courbe à son extrémité, devant leur portail, sur une largeur supérieure soit de « 1,4 cm » c'est-à-dire 7 m sur le terrain, et qui constitue l'assiette de la servitude, indiquant que la servitude n'a jamais mesuré uniquement 5 m puisqu'elle n'est pas chiffrée ou mesurée dans l'acte de constitution mais correspond à une coloration en vert d'un passage existant.

Les intimés exposent avoir constaté un matin, que Mme [J] a fait édifier un mur sur l'assiette de la servitude, longeant sa propriété et réduisant la voie d'accès à 3,75 m au lieu des 5 m prévus à l'acte authentique et a installé devant leur portail, sur l'assiette de la servitude, des plots de béton interdisant tout retournement.

Monsieur et Madame [R] exposent que le mur dont s'agit n'est pas celui visé par l'attestation de Monsieur [Y], situé en bordure du chemin privé sur la partie nord de la servitude, qui longe la propriété de celui-ci et qui constitue le mur de soutènement du talus, mais celui qui a été construit postérieurement à la vente, qui longe la propriété de Mme [J] en partie sud de la servitude, et qui a fait l'objet des mesures prises par l'huissier, ce mur étant prolongé par une palissade en bois.

Ils font valoir qu'il n'y a pas lieu de distinguer comme le fait l'appelante, entre les deux servitudes, de passage et de tréfonds, le passage réel devant être identique à la mesure, et ajoutent que l'empiètement sur la servitude ne peut pas être régularisé par une pré-existence de celui-ci à l'achat puisque l'acte créant la servitude mentionne une bande verte que l'on peut mesurer à 5 m, celle-ci ne pouvant être réduite.

Concernant les plots de béton, les intimés expliquent que la bande verte matérialisant l'assiette de la serviture s'élargit devant leur propriété pour devenir une zone de retournement dont l'assiette est bien plus large que 5 m mais qui pourtant reste l'assiette de la servitude.

Ils font valoir qu'ils ont acheté la maison en l'état, bâtie par Monsieur [J] et qu'il ne saurait leur être reproché un empiètement sur la servitude, état qu'il n'ont pas créé.

Les intimés font également valoir que la clause du contrat de vente intitulée « état du bien », indiquant que les époux [R] prennent le bien en l'état ne peut trouver à s'appliquer sur une servitude de passage dont l'assiette n'est pas sur leur terrain, au rappel de ce que l'antériorité d'un empiètement sur une servitude à la vente ne permet pas de la justifier.

L'affaire a fait l'objet d'une ordonnance de clôture rendue le 25 février 2020.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 26 février 2020, Monsieur et Madame [R] ont sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture au motif de la communication par l'adversaire le 24 février 2020, de pièces numérotées 36 à 39.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater' ou ' dire et juger' qui ne sont pas, en l'espèce, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui figurent par erreur dans le dispositif des conclusions d'appel.

* * *

Madame [J] a communiqué plusieurs pièces, numérotées 36 à 39, le 24 février 2020, soit la veille de l'ordonnance de clôture.

Au nombre de ces pièces figurent:

- un procès-verbal de bornage(pièce 37) établi le 6 octobre 2019 entre Madame [J] et Monsieur [Y], propriétaire de la parcelle cadastrée section CZ n°[Cadastre 9],

- une attestation de servitude (pièce 38) établie le 21 octobre 2019 par Monsieur [F], géomètre expert, qui mentionne la largeur de la servitude, l'absence d'empiétement des plots sur celle-ci et l'empiétement du portail de la propriété [R] sur la servitude,

toutes pièces qui nécessitent une réplique de l'adversaire.

Ces pièces non communiquées en temps utile et qui n'ont pas permis à l'adversaire de conclure avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, seront en conséquence écartées des débats conformément aux dispositions de l'article 135 du code de procédure civile.

Par contre, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces 36 et 39 qui constituent, pour la première, un plan de masse déposé par les époux [R] à l'appui d'une demande de déclaration de travaux et la seconde pièce, une sommation interpellative délivrée aux intimés le 18 octobre 2019 à la requête de Madame [J], toutes pièces en possession de Monsieur et Madame [R].

Au regard des éléments développés ci-dessus, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture.

* * *

Aux termes de l'acte de vente dressé le 15 juillet 2014 en l'Etude de Maître [W], notaire à [Localité 13], Madame [D] épouse [J] a vendu à Monsieur et Madame [R] un terrain sur lequel est édifié une maison, cadastré Section CZ n°[Cadastre 5].

Cette parcelle [Cadastre 5] provient de la division d'un immeuble de plus grande importance originairement cadastrée section CZ [Cadastre 3], dont le surplus restant appartenir à Mme [J] est désormais cadastré section CZ numéro [Cadastre 6], division résultant d'un document d'arpentage dressé par le cabinet [F] le 25 février 2014 sous le numéro 107 40 F.

Le compromis de vente signé entre les parties le 7 avril 2014 rappelle que selon acte de partage en date du 21 août 2001, il a été constitué une servitude de passage et une autre pour le passage de réseaux, concernant les parcelles [Cadastre 3], fonds servant et 186, fonds dominant appartenant à Monsieur [P] [D], selon un plan de division et de servitude de passage daté du 16 novembre 2000 dressé par M. [C], géomètre expert, le 21 août 2001.

L'acte de vente du 15 juillet 2014 rappelle de l'acte de partage du 21 août 2001 et comporte une clause intitulée ' Constitution de servitude' au terme de laquelle Madame [J] constitue deux servitudes libellées comme suit:

Servitude de passage :

A titre de servitude réelle et perpétuelle, le propriétaire du fonds servant, Mme [J] constitue au profit du fonds dominant appartenant à Monsieur et Madame [R] et de ses propriétaires successifs, un droit de passage en tous temps et heures et avec tous véhicules légers comme il sera dit ci-après...

Ce droit de passage s'exercera en partant de la voie publique, soit la [Adresse 11], sur une bande de terrain telle qu'elle figure sous teinte verte au plan dressé par le cabinet [F], géomètre expert à [Adresse 14], qui demeurera ci-annexé après mention.

Fonds dominant:

Parcelle cadastrée section CZ n° [Cadastre 5] appartenant à Monsieur et Madame [R] .

Fonds servant :

Parcelle cadastrée section CZ n° [Cadastre 6], appartenant à Madame [J] .

Ce droit de passage s'exercera exclusivement sur une bande d'une largeur telle que déterminée en vert sur le plan ci-annexé.

Son emprise est figurée au plan ci-annexé approuvé par les parties. Ce passage part de la voie publique, dénommée [Adresse 11] pour aboutir à la limite des propriétés des co-partageants (trait noir sur le plan).

Ce passage est en nature de chemin...

Servitude de passage pour réseaux :

Mme [J] constitue au profit de Monsieur et Madame [R] ...une servitude de passage de divers réseaux pour les câbles de gaz... et le tout-à-l'égout sur la parcelle lui appartenant, telle que déterminée sur une bande de terrain telle qu'elle figure sous teinte verte au plan ci- annexé.

A cet acte est annexé un plan intitulé 'Constitution de servitude' établi par le cabinet [F].

Sur ce plan, la servitude est matérialisée par une zone hachurée, teintée en vert. Il y est indiqué, sur la partie la plus étroite, une largeur totale, incluant les deux servitudes, de 5 m, largeur également mentionnée sur le plan de division et de servitude de passage établi par Monsieur [C], géomètre expert le 16 novembre 2000 et visé dans le compromis de vente.

Reprochant à Madame [J] d'avoir réduit l'assiette du passage objet de la servitude par l'édification d'un mur et l'implantation de plots, Monsieur et Madame [R] ont fait établir par Maître [V], huissier de justice, un procès-verbal de constat le 11 juin 2018 dans lequel l'huissier instrumentaire effectue les constatations suivantes :

- la servitude de passage est réduite par l'édification d'un mur de clôture de la propriété [Cadastre 6] au niveau de la construction existante réduisant le passage initialement prévu à 3,75 m au lieu de 4,50 m prévus par la constitution de servitude,

- en extrémité de la servitude, devant le portail de mes requérants, le passage se trouve réduit par des plots installés à 5,60 m au lieu des 7 m initialement prévus par la servitude dont s'agit.

Les photographies produites par les intimés, tirées du site Google Map, confirment si besoin était, les constatations et mesurages effectuées par Maître [V] relatifs à la construction, et l'empiétement sur la servitude de passage du mur de propreté longeant la maison de Madame [J], prolongé par une palissade en bois.

Ainsi que l'indiquent précisément Monsieur et Madame [R], le mur dont s'agit est celui qui a fait l'objet du mesurage de l'huissier, à savoir le mur qui longe la maison de Madame [J], prolongé d'une palissade en bois, situé en partie sud de la servitude, orienté sur le plan au sud ouest, et non pas le mur de soutènement du talus au nord édifié en-deçà de la limite séparative de la propriété de Madame [J] d'avec celle appartenant à Monsieur [Y], propriétaire de la parcelle n°[Cadastre 9], de sorte que l'argumentation développée par l'appelante du chef du mur de soutènement et les témoignages produits y afférent sont inopérants.

Madame [J] considère que le premier juge a commis une double erreur en faisant droit à la demande de Monsieur et Madame [R] en ce que la servitude de 5 m s'établit à compter de la limite de propriété selon le document joint à l'acte de vente établi à l'échelle 1/500 et que cette largeur est la même devant le portail des intimés et non pas de 7 m.

Elle fait valoir de plus que l'huissier a omis de constater et noter la servitude de réseau existant à droite de la servitude de passage en venant de la route.

Comme rappelé ci-dessus, la largeur de la servitude au niveau du mur litigieux est bien de 5 m et n'est d'ailleurs pas contestée par les époux [R] qui rectifient même l'erreur commise par l'huissier qui a noté une largeur de servitude de 4,50 m au lieu de 5 m.

Madame [J] indique qu'au plan annexé à l'acte de vente, il a été prévu un muret de propreté séparant la servitude en deux et opère une distinction entre les servitudes de passage et de réseaux pour considérer que l'huissier, qui a pris ses mesures à partir de ce muret de propreté (mur de soutènement), n'a pas fait une appréciation globale de la servitude, en ajoutant à la distance de 3,75 m relevée pour le passage des véhicules, celle concernant les réseaux située à droite et dont la largeur est supérieure à 1,50 m, comme repris dans le procès-verbal de constat dressé les 17 et 18 juillet 2019 par Maître [A], huissier de justice.

En opérant ainsi une distinction concernant les deux servitudes, distinction qui ne figure pas à l'acte de vente ni d'ailleurs sur les plans qui mentionnent toujours une servitude globale de passage pour véhicules et réseaux de 5 m, Madame [J] contrevient à la largeur même de l'assiette de la servitude, étant constant que le passage des véhicules doit s'établir réellement sur une largeur de 5 m, sans qu'aucune obstruction ne soit apportée à l'assiette de ce passage, ce nonobstant la construction de ce mur avant l'acquisition de leur maison par les époux [R].

Les intimés font en effet à bon droit valoir que l'empiétement de la servitude ne saurait être régularisé par une préexistence de celui-ci à l'achat.

L'empiétement du mur dont s'agit sur la servitude de passage constitue par conséquent bien un trouble manifestement illicite, justifiant les mesures de remise en état prises par le premier juge.

Il est constant que Madame [J] n'a pas procédé au rétablissement de la servitude à ce jour, de sorte qu'il est légitime d'assortir la condamnation de l'appelante à l'astreinte sollicitée par les époux [R], ce dans les conditions du dispositif ci-après.

L'ordonnance est confirmée du chef de la remise en état de la servitude de passage, sauf à préciser, conformément à la demande des intimés, la localisation géographique du mur à démolir et à modifier les dispositions relatives à l'astreinte.

* * *

Concernant les plots installés par Madame [J], dont celle-ci justifie de l'enlèvement en exécution de l'ordonnance déférée à la cour, il est constant que le mesurage effectué par Maître [V] l'a été à partir du portail de Monsieur et Madame [R] .

Or, le plan de bornage amiable de la parcelle [Cadastre 2] daté du 19 novembre 2018 produit par Madame [J], parcelle contigüe aux parcelles des parties, matérialise ce portail comme empiétant sur la servitude de passage, à la différence des plots, également matérialisés hors la zone hachurée en vert.

Il est ainsi établi que ces plots n'empiètent pas sur la servitude de passage, de sorte que Monsieur et Madame [R] doivent être déboutés de leur demande relative à leur enlèvement, rejet conduisant la cour à infirmer l'ordonnance de ce chef.

* * *

Chacune des parties demande à la partie adverse la prise en charge au titre des dépens d'actes d'huissier comme les procès-verbaux de constat, sommation interpellative, dénonce, frais de géomètre.

Il est rappelé que les dépens ne peuvent comprendre le coût d'actes d'huissier de justice établis par les parties à des fins probatoires, sans que ces actes soient des préalables nécessaires à l'engagement de l'instance, de sorte que les demandes seront rejetées.

Chacune des parties succombant en sa défense, supportera la charge des dépens et frais exposés par elle en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile. L'ordonnance sera en revanche confirmée sur les dépens de première instance déférée et la condamnation de Mme [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Ecarte des débats les pièces n°37 et 38 communiquées par Madame [J] le 24 février 2020;

Dit n'y avoir lieu à révoquer l'ordonnance de clôture datée du 25 février 2020;

Confirme l'ordonnance du 28 juin 2019 prononcée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice sauf en sa disposition relative aux plots et à l'astreinte, et sauf à préciser la localisation du mur à démolir;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que pour remettre la servitude de passage en état, madame [J] doit démolir le mur édifié sur la parcelle C2 n°[Cadastre 6] lui appartenant, longeant sa maison, prolongé d'une palissade en bois, situé en partie sud de la servitude, orienté sud-ouest et objet du procès-verbal de constat de Maître [V] ;

Assortit cette condamnation d'une astreinte de 300 euros par jour de retard qui commencera à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, pendant une durée de quatre mois, passé lequel il pourra être à nouveau statué ;

Déboute Monsieur et Madame [R] de leur demande concernant les plots ;

Dit que chacune des parties supportera la charge des frais exposés par elle au cours de la présente instance en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leur demande ;

Dit que chacune des parties supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 19/10745
Date de la décision : 04/06/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°19/10745 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-04;19.10745 ?
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