COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 12 MARS 2020
N° 2020/
MA
Rôle N°19/06146
N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDXQ
[U] [A]
C/
[V] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA QUESCOM
SA IQSIM
Société JSA, prise en la personne de Me [N] [B], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS IQSIM
AGS - CGEA DE [Localité 6]
Copie exécutoire délivrée
le : 12 mars 2020
à :
- Me Sarah GHASEM-JUPPEAUX, avocat au barreau de GRASSE
- Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE
- Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Arrêt en date du 12 Mars 2020 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 mars 2019, qui a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence le 26 octobre 2017.
APPELANT
Monsieur [U] [A], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sarah GHASEM-JUPPEAUX, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Julia ROUBAUD, avocat au barreau de GRASSE,
INTIMES
Maître [V] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA QUESCOM, demeurant [Adresse 3]
non comparant, ayant constitué Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, absente
SAS IQSIM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Cécile NEGRO, avocat au barreau de NICE
SELARL JSA, prise en la personne de Me [N] [B], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS IQSIM, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Cécile NEGRO, avocat au barreau de NICE
AGS - CGEA DE [Localité 6], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substituée par Me Sylvain MOSQUERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2019 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Madame Béatrice THEILLER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2020, prorogé le 06 février puis le 12 mars 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 mars 2020.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
M. [U] [A] a été engagé en qualité de directeur des ventes internationales par la société anonyme (SA) QUESCOM, ayant pour activité le développement et la commercialisation d'équipements électroniques et de solutions informatiques, à compter du 15 octobre 2004, suivant contrat à durée indéterminée. Il a occupé en dernier lieu les fonctions de directeur commercial et marketing.
M. [U] [A] a signé le 10 janvier 2013 un contrat de sécurisation professionnelle dans le cadre d'une procédure de licenciement économique engagée par Maître [P], désigné le 12 décembre 2012, en qualité de liquidateur judiciaire de la SA QUESCOM, dont le capital a été intégralement racheté le 8 juin 2012 par la SA IQSIM.
La SA IQSIM a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde judiciaire par jugement du 26 janvier 2016, la SELARL JSA ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 13 mai 2015, le conseil de prud'hommes, saisi par le salarié le 30 mai 2013, a débouté celui-ci de ses demandes.
Par arrêt du 26 octobre 2017, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du rappel de congés payés et du droit individuel à la formation mais l'a infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau, a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et inscrit au passif de la liquidation de la SA IQSIM les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le pourvoi formé le 29 novembre 2017 par la SA IQSIM et la SELARL JSA en sa qualité de mandataire judiciaire, la Cour de cassation a, par arrêt du 20 mars 2019, cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu'il a inscrit au passif de la société IQSIM les sommes de 100000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au visa des articles 4 et 5 du code de procédure civile et aux motifs suivants :
Attendu que pour inscrire au passif de la société Iqsim les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du salarié, l'arrêt retient, après avoir constaté qu'un organigramme antérieur au licenciement faisait apparaître que le salarié était placé sous la subordination du président de la société Iqsim et que ce dernier avait fait état, dans un article de la presse économique, de l'intégration des activités commerciales de la société Quescom dans celles de la société Iqsim, qu'il en résultait qu'en absorbant la société Quescom, entité économique autonome au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail du salarié avait été transféré à la société Iqsim laquelle avait donc la qualité d'employeur lors de sa rupture ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les parties n'invoquaient pas l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail mais seulement l'existence d'un co-emploi par les sociétés Quescom et Iqsim, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles susvisés ;
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 23 septembre 2019, M. [A] fait valoir :
qu'il résulte de l'arrêt rendu par la Cour de cassation que le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement n'a pas été atteint par la cassation, de sorte que ce point a acquis l'autorité de la chose jugée,
qu'il peut se prévaloir d'une situation de co-emploi, dès lors qu'il existe une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés IQSIM et QUESCOM,
que s'il a été embauché et rémunéré par la SA QUESCOM, il travaillait en réalité également pour le compte de la SA IQSIM,
que les deux sociétés faisaient partie d'un même groupe, la SA QUESCOM étant la filiale de la SA IQSIM,
que les conditions du co-emploi posées par la jurisprudence sont parfaitement réunies en l'espèce, qu'en effet, la société QUESCOM était une filiale à 100% de la société IQSIM, leur domaine d'activité était similaire et leur équipe dirigeante constituée quasiment des mêmes personnes, de sorte que la confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés QUESCOM et IQSIM est établie,
que subsidiairement, il peut se prévaloir des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail, au regard de la fusion opérée entre ces entreprises, par une absorption se traduisant par une intégration de l'entièreté des activités et produits de la société QUESCOM par la société IQSIM.
Il demande à la cour de voir :
À titre principal :
- constater qu'il travaillait tant pour la société QUESCOM que pour la société IQSIM,
- dire et juger que les sociétés QUESCOM et IQSIM ont la qualité de co-employeurs à son égard,
Par conséquent,
- condamner in solidum la SA QUESCOM et la SA IQSIM en qualité de co-employeurs à lui payer les sommes de :
- 100.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire :
- constater l'acquisition par la société IQSIM de l'intégralité du capital social de la société QUESCOM,
- constater l'intégration de l'ensemble des activités et des produits de la société QUESCOM à la société IQSIM,
- constater que M. [A] travaillait sous la subordination de M. [O], Président de la société IQSIM ;
Par conséquent,
-dire et juger que le contrat de travail de M. [A] a été transféré de plein droit à la société IQSIM,
dire et juger que la société IQSIM avait la qualité d'employeur de M. [A] lors de la rupture du contrat de travail de ce dernier,
- inscrire au passif de la SA IQSIM les sommes de :
- 100.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- 3.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure
civile À verser à M. [A] ;
En tout état de cause,
- déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA-AGS, à Me [V] [P], liquidateur judiciaire de la société QUESCOM et à la SELARL JSA, mandataire judiciaire de la société IQSIM,
- condamner in solidum la SA QUESCOM et la SA IQSIM aux entiers dépens,
- assortir les condamnations prononcées des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir le tout avec anatocisme en application des articles 1153-1 et 1154 du Code Civil.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 22 août 2017, Maître [V] [P], mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SA QUESCOM fait valoir :
que l'appartenance de la société QUESCOM à la société IQSIM n'a pas pour effet d'entraîner ipso facto la reconnaissance de la qualité de co-employeur à la société mère de sa filiale,
que M. [A] n'apporte pas la moindre preuve à l'appui de son argumentation,
que M. [A] n'a jamais reçu de directives de la part de la SA IQSIM,
qu'il a d'ailleurs sollicité le paiement de l'indemnité de congés payés qu'il aurait acquise au sein de la SA QUESCOM entre 2008 et 2012, de sorte qu'il ne peut soutenir qu'il travaillait pour la SA IQSIM,
que les conditions cumulatives nécessaires à la reconnaissance d'une situation de co-emploi, soit la confusion d'intérêts, d'activité et de direction ne sont pas réunies en l'espèce.
Il demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes et dire et juger que la SA IQSIM doit être mise hors de cause.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 7 août 2019, la SELARL JSA et la SA IQSIM font valoir :
que l'existence d'une situation de co-emploi n'est pas établie, les trois conditions cumulatives nécessaires n'étant pas réunies,
que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas non plus remplies, de sorte que le contrat de travail de M. [A] ne pouvait être transféré à la société IQSIM.
Elles demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de GRASSE en date du 13 mai 2015 en ce qu'il a dit le licenciement de M. [A] pourvu d'une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de toutes ses demandes indemnitaires et en ce qu'il a dit que les sociétés IQSIM et QUESCOM n'avaient pas la qualité de co-employeurs,
Par conséquent,
- dire et juger qu'il n'y pas lieu au transfert du contrat de travail de M. [A] de la société QUESCOM vers la société IQSIM,
- débouter M. [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [A] au paiement de la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 26 août 2019, l'UNEDIC AGS CGEA délégation de [Localité 6] rappelle les conditions de mise en jeu de la garantie de l'AGS.
Il fait valoir qu'il appartient à l'appelant qui considère la qualité de co-employeur de la société IQSIM d'en rapporter la preuve et s'en rapporte à justice,
qu'ayant fait l'objet d'un plan de sauvegarde le 16 juin 2017, en application de l'article L 625-3 du code du commerce, l'AGS n'a pas à être mis en cause,
qu'il appartient à la seule Société IQSIM, co-employeur in bonis, de supporter les conséquences financières de la rupture du contrat de travail du salarié s'agissant de manquement du co-employeur à ses obligations,
que si la cour reconnaît que le contrat de travail de M. [A] a été transféré à la société IQSIM avant le licenciement économique prononcé par le mandataire judiciaire de la société QUESCOM, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 6] devra être mise hors de cause,
qu'à l'inverse, si la cour ne reconnaît ni la qualité de co-employeur de la société IQSIM, ni le transfert du contrat de travail de M. [A] à la société IQSIM, il y a lieu de dire fondé le licenciement économique et que l'obligation de reclassement a été respectée.
Il demande à la cour de :
- constater que l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 6] a avancé la somme totale de 72744 € au profit de M. [A] correspondant au PLAFOND VI applicable en l'espèce,
- donner acte au concluant de ce qu'il s'en rapporte à justice sur la qualité de co employeur de la société IQSIM et sur le transfert du contrat de travail de M. [A] au sein de la société IQSIM,
- si la cour considère que la Société IQSIM en plan de sauvegarde était co-employeur de M. [A],
- dire et juger qu'il appartiendra à la seule Société IQSIM, co-employeur in bonis, de supporter les conséquences financières de la rupture du contrat de travail des salariés s'agissant de manquement du co-employeur à ses obligations,
- dire et juger que la Société IQSIM sera condamnée à rembourser les indemnités de rupture avancées suite à la liquidation judiciaire de la société QUESCOM (indemnité compensatrice de congés payés, indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement)
- prononcer la mise hors de cause de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 6],
-si la cour considère que le contrat de travail de M. [A] a été transféré à la société IQSIM actuellement en plan de sauvegarde :
- prononcer la mise hors de cause de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA DE [Localité 6]
- si votre cour ne reconnaît ni la qualité de co-employeur de la société IQSIM, ni le transfert du contrat de travail de M. [A] à la société IQSIM :
- constater que le licenciement pour motif économique de M. [A] suite à la liquidation judiciaire de SA QUESCOM est bien fondé ;
- constater que le mandataire judiciaire a respecté son obligation de reclassement ;
- débouter M. [A] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
En tout état de cause,
Vu les dispositions de l'article L.3253-17 du code du travail et D 3253.5 du code du travail :
- constater que le CGEA a avancé la somme de 72744 euros correspondant au montant du PLAFOND VI,
- dire et juger que les éventuelles créances allouées par la cour au profit de M. [A] ne seront pas garanties par le CGEA,
- dire et juger que la somme réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'entre pas dans le cadre de la garantie du CGEA ;
- dire et juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou quittances,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponible entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- dire et juger que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de la garantie et que le concluant ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-18, L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21 et L.3253-17 et D 3253-5 du code du travail,
- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Par arrêt rendu le 26 octobre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a dit que 'le licenciement de M. [U] [A] par le liquidateur de la société Quescom en raison de sa cessation d'activité qui a, en réalité, été intégrée à celle de la société Iqsim, ne saurait ainsi reposer sur un motif économique valable' et que le licenciement de M. [U] [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans son arrêt rendu le 20 mars 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé ledit arrêt mais seulement en ce qu'il a inscrit au passif de la société IQSIM la somme de 100000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, la cour d'appel, ayant retenu que le contrat de travail de M. [A] a été transféré à la SA IQSIM, sans statuer sur le bien-fondé du licenciement prononcé par la SA QUESCOM, de sorte que la question de la légitimité du licenciement prononcé par ladite société n'a pas été définitivement tranchée.
Sur la situation de co-emploi de M. [A]
Pour prétendre que les sociétés QUESCOM et IQSIM sont ses co-employeurs, M. [A] fait valoir qu'en juillet 2012, la SA IQSIM a racheté la totalité des titres de la société QUESCOM, laquelle est ainsi devenue sa filiale à 100%,
que l'équipe dirigeante était sensiblement la même, seuls les postes étant intervertis,
qu'à titre d'exemple, la SA QUESCOM avait pour dirigeant M. [L] [H] et pour administrateurs Mrs [W] [O] et [G] [M], la SA IQSIM avait pour PDG, M. [W] [O], M. [M], occupant le poste de chef des équipes de vente et M. [H] étant à la tête des opérations et du marketing,
que l'organigramme établi en juin 2012 est intitulé « Functional Organisation IQSIM & QUESCOM » et est commun aux deux sociétés ,
que les deux sociétés ont le même domaine d'activité, évoluant dans le secteur de la communication mobile,
que les activités commerciales de la SA QUESCOM ont été entièrement intégrées à celles de la SA IQSIM et les produits de la première ont également été intégrés au portefeuille de la seconde,
que s'il a été embauché et rémunéré par la SA QUESCOM, il travaillait en réalité également pour le compte de la SA IQSIM, et était d'ailleurs placé sous la subordination de M. [O], son président.
Il est rappelé qu'est caractérisée une situation de co-emploi, lorsqu'il existe un tel état d'imbrication entre l'employeur déclaré et un tiers au contrat de travail, s'immisçant dans la gestion économique et sociale de l'entreprise et que cette dernière perd toute autonomie véritable, l'écran que constitue la personnalité morale, qui n'est pas infranchissable, disparaissant alors, l'employeur n'ayant plus la maîtrise de ses propres affaires.
Par ailleurs, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
Il en résulte que le lien capitalistique ne suffit pas à caractériser la situation de co-emploi, quand bien même dirigeants et associés seraient les mêmes, la société mère et la filiale constituant des personnalités distinctes, que peu importe donc que le dirigeant de la société mère, soit également administrateur de la filiale et que le président de cette dernière, soit également chargé des opérations et du marketing au sein de la société mère,
qu'il n'est, au demeurant, démontré, en l'espèce, aucune confusion de direction,
qu'en ce qui concerne, la confusion d'intérêts et d'activité, il résulte des pièces du dossier que les sociétés en cause intervenaient dans des domaines d'activité distincts, la SA QUESCOM se concentrant sur les segments ESI (la cible étant les entreprises clientes pour des solutions de mobilité et terminaux GSM au travers d'un modèle classique de distribution ou par l'intermédiaire d'intégrateurs télécom) et ESP (visant les entreprises clientes pour des solutions de mobilité et terminaux GSM via des offres d'opérateurs fixes ou services provider, avec l'appui éventuel d'intégrateurs) et la SA IQSIM s'imposant sur le marché SPW (offre de solution de gestion SIM, incluant des terminaux GSM et des SIM Servers pour une grande échelle de fournisseurs de terminaison d'appel mobile dans le monde entier),
que postérieurement à la prise de participation, les relations entre société mère et filiale ont été réglementées par deux conventions d'assistance réciproque et de trésorerie en date des 30 juin et 1er juillet 2012,
qu'il n'est démontré aucune immixtion par la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale lui faisant perdre toute autonomie,
que M. [A] ne justifie en outre d'aucun lien de subordination avec la direction de la SA IQSIM, supposant le pouvoir de lui donner des ordres et directives et de contrôler le travail effectué.
Le jugement du conseil de prud'hommes qui a dit que la situation de co-emploi n'était pas caractérisée et que M. [A] était salarié de la SA QUESCOM sera en conséquence confirmé.
Sur le transfert du contrat de travail de M. [A]
L'article L1224-1 du code du travail, dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Il est constant que le transfert des contrats de travail est subordonné à l'existence de deux conditions cumulatives : le transfert de l'activité doit porter sur une entité économique autonome conservant son identité, dont l'activité est par ailleurs, poursuivie ou reprise.
En l'espèce, la société IQSIM a acquis le capital social de QUESCOM sans qu'aucun transfert d'activité n'ait été opéré, de sorte que M. [A] ne saurait non plus se prévaloir d'un transfert de son contrat de travail.
Le moyen sera en conséquence rejeté. Il y a dès lors lieu de mettre la SA IQSIM hors de cause.
Sur le licenciement pour motif économique
Sur le bien-fondé du licenciement
En application de l'article L1233-3 du code du travail « constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».
Il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, le cas échéant, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [A] a été licencié suite à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SA QUESCOM suivant jugement du 12 décembre 2012 ; la lettre de licenciement qui lui était adressée le 26 décembre 2012 par Me [P] exposait le motif du licenciement, lequel était lié à l'arrêt définitif de l'activité de l'entreprise avec pour conséquence la suppression de son poste de travail, de sorte qu'il ne peut être contesté que la mesure prononcée repose sur un motif économique.
Sur l'obligation de reclassement
L'article L1233-4 du code du travail dispose : « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ».
Il est encore justifié au regard des pièces du dossier de recherches de postes tant en interne, au niveau du groupe, auprès de deux filiales à l'étranger, en SERBIE et en Afrique du Sud et auprès de la société mère, la SA IQSIM, qu'au niveau externe, de sorte que l'obligation de reclassement a été respectée.
Le jugement qui a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse sera en conséquence confirmé.
Sur les dépens et les frais non-répétibles:
M. [A] qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de le condamner à payer à la SA IQSIM une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 800 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, sur renvoi de cassation, en dernier ressort :
Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 20 mars 2019,
Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 26 octobre 2017,
Dit n'y avoir transfert du contrat de travail de M. [U] [A] de la SA QUESCOM vers la SA IQSIM,
Confirme le jugement,
Condamne M. [U] [A] à payer à la SELARL JSA, en qualité de mandataire judiciaire de la SA IQSIM, une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [U] [A] aux dépens,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.
LE GREFFIERLE PRESIDENT