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05/03/2020 | FRANCE | N°19/06026

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 05 mars 2020, 19/06026


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 05 MARS 2020



N° 2020/81













Rôle N° RG 19/06026 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDN5







Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE





C/



[I] [B]

SCP BR ASSOCIES

Société CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS ET DE MANDA TAIRES JUDICIAIRES









Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Christian DUREUIL



Me Céline CHAAR

Me Jean-françois JOURDAN

Me Marie-anne COLLING











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 14 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 14/05562.



...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 05 MARS 2020

N° 2020/81

Rôle N° RG 19/06026 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEDN5

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE

C/

[I] [B]

SCP BR ASSOCIES

Société CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS ET DE MANDA TAIRES JUDICIAIRES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Christian DUREUIL

Me Céline CHAAR

Me Jean-françois JOURDAN

Me Marie-anne COLLING

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 14 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 14/05562.

APPELANTE

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE

succursale en France dont le siège social est [Adresse 6], immatriculée au RCS.de NANTERRE sous le n°487 424 608, dont le siège social est sis, [Adresse 5] (Allemagne), société européenne immatriculée en allemagne sous le N°HRB 208312, venant aux droits de la SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE ET SPECIALITY (FRANCE), elle-même venant aux droits D'AGF IART suivant apports partiels d'actifs (JOE du 02/09/09)

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jean-Louis ROINET, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES

Monsieur [I] [B]

né le [Date naissance 1] 1946 à , demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Céline CHAAR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SCP BR ASSOCIES

pris en sa qualité de liquidateur des sociétés du groupe [S] et des sociétés SONGAR, VICOUMA, GESTOTEL et de Monsieur [T] représentée par Maître [L] [P],

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Christian DUREUIL de la SCP DUREUIL GUETCHIDJIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS ET DE MANDA TAIRES JUDICIAIRES

dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Marie-anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Florence REBUT DELANOE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Février 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2020.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2020,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et moyens des parties:

A la suite de l'incarcération de Maître [I] [B], administrateur judiciaire, le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a désigné, par ordonnance du 20 octobre 1998, Maître [S] [H] en qualité d'administrateur provisoire de son étude.

Le commissaire aux comptes de l'étude a constaté que Maître [I] [B] n'avait pas respecté les dispositions de l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 en vertu desquelles l'intégralité des sommes dont l'administrateur judiciaire est comptable doit être couverte par les fonds déposés à la caisse des dépôts et consignations, le solde des comptes bancaires et les espèces en caisse.

Par courrier du 5 novembre 1998, Maître [H] a donc déclaré à la caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires un sinistre lié à la non-représentation de fonds à hauteur de la somme de 3.081.908,72 euros ( 20.215.996 francs).

La caisse de garantie a ensuite effectué une déclaration de sinistre auprès de ses deux assureurs, AXA Courtage et AGF, aux droits de laquelle vient désormais la compagnie Allianz.

Par jugement du 7 septembre 2011, le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence a déclaré [I] [B] coupable des faits de malversation et de faux et l'a condamné à payer à Maître [P], es qualités de liquidateur du groupe [S] la somme de 279.937,53 euros et es qualités de liquidateur des sociétés Songar Vicouma Gestotel et de Monsieur [T] la somme de 50.883,64 euros.

Par acte des 2 et 4 septembre 2014, Maître [P], mandataire judiciaire agissant ès qualité de liquidateur du groupe [S], des sociétés Songar Vicouma Gestotel et de Monsieur [T] a fait assigner la caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires ainsi que la compagnie Allianz en règlement des sommes dues par [I] [B].

Par jugement du 14 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a:

- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par la compagnie Allianz,

-rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription,

-condamné la caisse de garantie, dans le cadre de la garantie de non représentation de fonds avec garantie à hauteur de 80% de la société Allianz Global, à payer à la Scp Br associés es qualités de liquidateur du groupe [S] la somme de 279.937,53 euros et es qualités de liquidateur des sociétés Songar Vicouma gestotel et de Monsieur [T] la somme de 50.883,64 euros.

- dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2014, date de l'assignation ;

- dit que la Société Allianz doit sa garantie à la SCP BR associés en qualité de liquidateur du Groupe [S] et des sociétés Songar Vicouma Gestotelet de Monsieur [T], au titre de la police n° 65.062.682 de toutes les condamnations prononcées à son encontre et dans la proportion de 80 %, et au besoin l'y condamne ;

- condamné in solidum la caisse de garantie et la société Allianz à payer à la SCP BR associés, en qualité de liquidateur du Groupe [S] et des sociétés Songar Vicouma Gestotelet de Monsieur [T] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La société Allianz a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 avril 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2020, , la société Allianz soutient à titre principal que l'action du liquidateur contre la caisse de garantie est prescrite en application des articles L 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil.

Elle fait par ailleurs observer à la cour que le liquidateur des sociétés créancières de [I] [B] n'a aucune action directe contre l'assureur, que le préjudice allégué par Maître [P] ès

qualités n'est pas démontré par le rapport d'expertise déposé le 30 juin 2010 et que la demande de la caisse de garantie dirigée contre la société Allianz est elle aussi prescrite. En tout état de cause, elle estime que la compagnie Allianz ne pourrait être tenue que dans les termes et limites du contrat n°65 062 682 qui prévoit un plafond de garantie et une franchise et qu'elle est fondée à appeler en garantie [I] [B].

Elle demande donc à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de:

- à titre principal, déclarer irrecevable comme étant prescrite l'action de la Scp Br associés contre Allianz et contre la caisse de garantie,

- à titre subsidiaire, dire que la Scp Br Associés, prise en la personne de Maître [P] ès qualités, ne dispose d'aucune action contre la compagnie Allianz Global Corporate § Speciality SE succursale en France en application de la police d'assurance n°65 062 682,

- dire que le préjudice allégué par la SCP BR associés, représentée par Maître [P] ès qualités, n'est pas démontré en l'état et la débouter desdites demandes,

- déclarer prescrite la demande formulée par la Caisse de garantie contre la compagnie Allianz par conclusions signifiées le 1er septembre 2016 en application des articles L.114-1 du code des assurances, L.110-4 du code de commerce et 2224 du code civil.

- déclarer irrecevable, en application de l'article 564 du Code de procédure civile, la demande en garantie formulée pour la première fois devant la Cour concernant la demande principale de la Scp BR associés.

- débouter la Caisse de garantie de sa demande en paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre plus subsidiaire, faire application de la franchise et limiter les condamnations au plafond de garantie prévu par le contrat,

- dire le cas échéant qu'il aura lieu de déduire de la somme de 6.097.960,70 euros le montant des indemnités versées amiablement par la concluante ou en vertu de décisions de justice exécutoires au titre de la non-représentation de fonds imputable à [I] [B],

- condamner [I] [B] à relever et garantir la Société Allianz de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- lui allouer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

La caisse de garantie, dans ses dernières écritures signifiées le 28 juin 2019, demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts, de statuer à nouveau et de condamner la compagnie Allianz à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, à supporter avec [I] [B] la charge des intérêts au taux légal sur les condamnations en principal prononcées, les condamner in solidum à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter toute indemnité allouée sur ce fondement.

Dans ses dernières conclusions signifiées par Rpva le 27 juin 2019, la Scp BR associés sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur relève qu'en appliction de l'article 814-3 du code de commerce, la garantie du remboursement des fonds gérés par les administrateurs judiciaires par leur caisse de garantie joue sur la seule justification de l'existence de la créance et de la non-représentation des fonds. Il en déduit que les créances des sociétés victimes des agissements de [I] [B] supposaient, pour être exigibles, un titre exécutoire et que la prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 17 septembre 2012, date à laquelle le jugement du tribunal correctionnel du 7 septembre 2011 condamnant le mandataire judiciaire indélicat à indemniser leur préjudice est devenu définitif.

[I] [B] a constitué avocat mais son conseil n'a pas déposé de conclusions.

Par avis signifié aux parties par Rpva le 23 janvier 2020, le ministère public s'en est rapporté à la décision de la cour.

L'ordonnance de clôture est intervenue à l'audience.

Motifs:

L'appel principal de la compagnie Allianz Global Corporate & Speciality S.E

Sur la prescription de l'action de Maître [P] ès qualités contre la caisse de garantie des administrateurs judiciaires:

Le tribunal a jugé que le délai de prescription de 5 ans n'avait commencé à courir ni à compter de la déclaration de sinistre effectuée par Maître [H] le 5 novembre 1998 ni à compter du dépôt du rapport d'expertise de Messieurs [G] et [U] le 30 juin 2000. Il a retenu comme point de départ du délai le 17 septembre 2012, date à laquelle le jugement par lequel le tribunal correctionnel a condamné l'administrateur judiciaire à indemniser Maître [P] ès qualités était devenu définitif.

La compagnie Allianz soutient à l'appui de son appel qu'en application de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription commence à courir à compter de la date à laquelle le demandeur a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action, et non à compter de la date de la condamnation du débiteur.

Elle fait observer à la cour que les détournements de [I] [B], mandataire judiciaire, ont été découverts le 5 novembre 1998, d'une part, et que dans le cadre de l'information ouverte contre ce dernier a été ordonnée une expertise comptable qui a permis de constater qu'il avait détourné une somme de 333.837,07 euros dans le dossier du groupe [S]. L'appelante en déduit que Maître [P], lequel s'était constitué partie civile en qualité de liquidateur du groupe [S], avait eu connaissance du montant des détournements le 30 Juin 2000, date du dépôt du rapport d'expertise, et qu'il avait alors un délai de cinq ans pour agir contre la caisse de garantie.

La compagnie Allianz considère donc que l'action de Maître [P] ès qualités contre la caisse de garantie des mandataires judiciaires est éteinte depuis le 30 juin 2010 ou, au plus tard, depuis le 9 novembre 2013.

La caisse de garantie des mandataires judiciaires estime quant à elle que l'action de Maître [P] ès qualités n'est pas prescrite, le délai n'ayant pas pu commencer à courir à compter du 9 novembre 1998 dans la mesure où Maître [P] n'a jamais été destinataire de la déclaration de sinistre effectuée à cette date par Maître [H], lequel informait la caisse qu'après rapprochement entre les soldes comptables des dossiers et les soldes bancaires, il manquait dans la caisse de l'étude de [I] [B] la somme totale de 3.081.908,72, sans viser aucun dossier précis.

Selon la caisse, le délai de prescription a commencé à courir le 30 Juin 2000, date du dépôt du rapport d'expertise de Messieurs [G] et [U] dans le cadre de l'information judiciaire ouverte contre [I] [B]. Cependant, Maître [P], partie civile tenue au secret de l'instruction, ne pouvait se servir de ce rapport d'expertise pour mettre en jeu la garantie de la caisse qu'à compter de la clôture de l'instruction, le 13 novembre 2009. A la date de l'assignation de la caisse par exploit du 2 septembre 2014, le délai de cinq ans n'était donc pas expiré.

La Scp Br associés venant aux droits de Maître [P] considère quant à elle que la créance de Maître [P] ès qualités contre [I] [B], pour pouvoir être recouvrée, suppose qu'un titre exécutoire en consacre l'exigibilité, et que ce titre est constitué par le jugement du tribunal correctionnel devenu définitif le 17 septembre 2012. L'intimée fonde son argumentation sur les dispositions de l'article 814-3 du code de commerce lequel précise que la caisse de garantie des mandataires judiciaires a pour objet de garantir le remboursement des fonds gérés par chaque mandataire ou administrateur judiciaire et que cette garantie joue sur la seule justification de l'exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds par le mandataire judiciaire le 17 septembre 2012.

L'article 814-3 sixième alinéa du code de commerce dispose: " La garantie de la caisse joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu par l'article 2298 du code civil et sur la seule justification de l'exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds par le mandataire judiciaire ou l'administrateur judiciaire."

La mise en jeu de la garantie légale instituée par l'article 814-3 du code de commerce, distincte de l'assurance de responsabilité civile que les mandataires judiciaires doivent souscrire par son intermédiare en application de l'article 814-4 du même code, est soumise à une dualité de conditions: le demandeur doit démontrer que le mandataire ne peut pas représenter des fonds qu'il a reçus, d'une part, et il est tenu d'établir l'exigibilité de sa créance, d'autre part.

Il se déduit donc des dispositions de l'article 814-3 du code de commerce que le créancier des fonds non représentés n'a aucun droit à faire jouer la garantie tant que sa créance n'est pas exigible.

Le délai de prescription de l'action dirigée contre la caisse de garantie sur le fondement de l'article 814-3 du code de commerce ne commence donc à courir qu'à compter de la date à laquelle la créance est devenue exigible.

La créance découlant de la non-représentation des fonds à Maître [P], es qualités de liquidateur du groupe [S] et es qualités de liquidateur des sociétés Songar Vicouma Gestotel et de Monsieur [T] est devenue exigible le 17 septembre 2012, date à laquelle [I] [B] s'est désisté de son appel contre le jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le 7 septembre 2011.

C'est donc à tort que l'appelante considère que le délai de prescription a commencé à courir à compter du 9 novembre 1998 ou au plus tard du 30 juin 2000, dates auxquelles le demandeur a eu connaissance du fait dommageable représenté par la non-représentation des fonds alors qu'à ces dates son action contre la caisse de garantie, conditionnée par l'exigibilité de la créance, n'était pas encore née et ne pouvait donc pas se prescrire.

En effet, la garantie de remboursement des fonds non représentés instituée par l'article 814-3 du code de commerce n'est pas l'accessoire de l'obligation garantie dont elle est indépendante. Autonomes entre elles, l'action en garantie dirigée contre la caisse de garantie des mandataires judiciaires et l'action tendant à la réparation du dommage causé par la non-représentation des fonds dirigée contre le mandataire judiciaire ne se prescrivent pas en même temps: le délai de prescription

de la première commence à courir à compter de l'exigibilité de la créance tandis que celui de la seconde commence à courir à compter de la connaissance du fait dommageable.

Le jugement qui, après avoir retenu la date du 17 septembre 2012 comme point de départ du délai de prescription de l'action de la Scp Br associés venant aux droits de Maître [P] ès qualités contre la caisse de garantie des mandataires judiciaires, a jugé que ladite action n'était pas prescrite, sera donc sur ce point confirmé.

Sur l'irrecevabilité de l'action de la Scp Br associés contre la compagnie Allianz:

La compagnie Allianz estime que la Scp Br associés prise en la personne de Maître [P], liquidateur des personnes morales et physiques victimes des agissements délictueux de [I] [B], mandataire judiciaire, ne dispose d'aucune action directe contre l'assureur de la caisse de garantie des mandataires judiciaires et demande à la cour de juger irrecevables toutes ses demandes.

L'assureur plaide que la police d'assurance n°65.062.682 souscrite par la caisse de garantie des mandataires judiciaires est limitée par son objet et par son intitulé à la garantie de non représentation des fonds, qu'elle n'est ni une assurance de responsabilité, ni une assurance souscrite pour le compte des victimes, mais une assurance garantissant la caisse, mentionnée en la double qualité de souscripteur et d'assuré, contre la perte financière résultant de la mise en jeu de son obligation légale de garantie.

Le tribunal n'a pas statué sur cette demande et a précisé dans le dispositif du jugement: " dit que la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E doit sa garantie à la Scp Br associés prise en la personne de Maître [P] en qualité de liquidateur du groupe [S], des sociétés Songar, Vicouma, Gestotel et de Monsieur [T] au titre de la police de toutes condamnations prononcées à son encontre et dans la proportion de 80% et au besoin l'y condamne".

Les dispositions de l'article L 124-3 du code des assurances selon lequel le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ne sont pas applicables, la police d'assurance n°65.062.682 souscrite par la caisse de garantie des mandataires judiciaires ne s'analysant pas en une assurance de responsabilité mais en une assurance garantissant la caisse contre la perte financière résultant de la mise en jeu de son obligation légale de garantie. Aucune clause de la police d'assurance susvisée ne désigne par ailleurs les tiers lésés comme bénéficiaires de l'indemnité d'assurance.

En conséquence, la demande de la Scp Br associés à l'encontre de l'assureur sera déclarée irrecevable et le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E devait sa garantie à la Scp Br associés prise en la personne de Maître [P] en qualité de liquidateur du groupe [S], des sociétés Songar, Vicouma, Gestotel et de Monsieur [T] au titre de la police et dans la proportion de 80% et au besoin l'y condamnait.

En conséquence, la condamnation de la compagnie Allianz au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 à la scp BR associés sera infirmée.

Sur la preuve du préjudice allégué par la Scp Br associés prise en la personne de Maître [P]:

L'appelante soutient, comme en première instance, que la Scp Br associés ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue et dont l'évaluation repose sur le rapport d'expertise déposé par [N] [F] désigné par ordonnance de référé du 8 octobre 2003. La compagnie Allianz conteste les conclusions du rapport et verse aux débats une analyse critique effectuée par [Y] [M], expert-comptable inscrit près la cour d'appel de Paris, selon laquelle les calculs exposés dans le rapport d'expertise sont provisoires et non définitifs, les pièces examinées incomplètes et des questions demeurent en suspens.

Les premiers juges ont écarté l'argumentaire de l'assureur relatif à la détermination du montant des fonds non représentés en relevant que les sommes réclamées par la Scp BR associés étaient fondées sur le jugement rendu le 7 septembre 2011 par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence devenu définitif le 17 septembre 2012 et que la juridiction civile était liée par la décision définitive de la juridiction répressive.

Dans son jugement rendu le 7 septembre 2011, le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence a constaté que [I] [B] avait effectué des prélèvements d'honoraires injustifiés à hauteur de 279.937,53 euros sur les comptes individuels des sociétés du groupe [S] et à hauteur de 50.883,64 euros sur ceux des sociétés Gestotel, Vicouma et de Monsieur [T]. Des dommages-intérêts correspondant au montant des prélèvements frauduleux retenus par le tribunal ont été alloués à Maître [P] en sa qualité de liquidateur du groupe [S], des sociétés Gestotel et Vicouma et de Monsieur [T]. Le jugement étant devenu définitif le 17 mars 2012, la créance du liquidateur es qualités à l'égard du mandataire judiciaire est désormais exigible.

Pour mettre en oeuvre la garantie légale de remboursement des fonds non représentés due par la caisse de garantie des mandataires judiciaires sur le fondement de l'article 815-3 du code de commerce, le liquidateur n'a pas à rapporter la preuve de l'étendue de son préjudice. En effet, la garantie joue sur seule justification de l'exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds. La Scp BR associés prise en la personne de Maître [P] justifie de la réunion des deux conditions exigées par l'article 815-3 du code de commerce pour obtenir le remboursement des fonds non représentés et la contestation de l'étendue de son préjudice est inopérante.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la caisse de garantie à payer la somme de 279.937,53 euros à la Scp BR associés es qualités de liquidateur du groupe [S] et à celle de 50.883,64 euros à la Scp BR associés es qualités de liquidateur des sociétés Gestotel, Vicouma et de Monsieur [T].

Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a dit que les sommes susvisées produiraient intérêt au taux légal à compter de l'assignation.

Sur la prescription de la demande en garantie de la caisse de garantie des mandataires judiciaires contre la compagnie Allianz:

La caisse de garantie a souscrit le 30 mai 1997 une police d'assurances auprès d'AGF aux fins de la garantir contre les conséquences pécuniaires de la non-représentation des fonds des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. L'article 5 du contrat stipule que la caisse conservera à sa charge, à titre de franchise, 20% du montant du préjudice causé.

La compagnie Allianz Global Corporate & Speciality S.E vient aux droits de la société Allianz Global Corporate & Speciality France qui vient elle-même aux droits de la compagnie AGF.

Elle soutient que l'action de la caisse de garantie des mandataires judiciaires dirigée contre elle est prescrite sur le fondement des dispositions de l'article 114-1 du code des assurance,s lequel dispose que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, et, en cas de sinistre, du jour où les intéressés n ont eu connaissance.

Selon elle, la caisse de garantie aurait eu connaissance du sinistre le 9 novembre 1998, date à laquelle Maître [H], administrateur provisoire de l'étude [B], lui a adressé une déclaration de sinistre, et au plus tard le 30 juin 2000, date à laquelle la caisse a eu connaissance, en sa qualité de partie civile, des conclusions du rapport d'expertise déposé par les experts [G] et [U] dans le cadre de l'information judiciaire ouverte contre [I] [B].

La caisse de garantie réplique que le point de départ de la prescription biennale a commencé à courir à compter du jour où la Scp BR associés lui a fait délivrer une assignation en paiement, le 2 septembre 2014 de sorte que l'appel en garantie de l'assureur formé par conclusions du 6 février 2015 n'est pas prescrit. Elle se fonde sur les dispositions de l'article L 114-1 alinéa 3 du code des assurances qui dispose que le délai de prescription ne court, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré.

Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la caisse de garantie contre son assureur aux motifs que la Scp BR associés prise en la ersonne de Maître [P], laquelle avait choisi l'action civile devant la juridiction répressive, ne pouvait réclamer sa garantie à la caisse avant que le jugement correctionnel soit rendu et que, partant, la caisse ne pouvait actionner la police d'assurance souscrite auprès de la compagnie Allianz. Les premiers juges ont retenu que la caisse, assignée par la Scp BR associés le 3 septembre 2014, a formé sa demande en garantie contre son assureur moins d'un an plus tard, par conclusions signifiées le 6 février 2015.

C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la délai de la prescription biennale avait commencé à courir le 4 septembre 2014, date à laquelle la caisse de garantie des mandataires judiciaires a été assignée par la Scp BR associés en remboursement des fonds non représentés par [I] [B].

En effet, aux termes de l'article L 114-1 du code des assurances, le délai de prescription biennale ne court, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré.

La compagnie Allianz ne peut sérieusement soutenir que son assurée aurait dû exercer son action dès qu'elle a eu connaissance des détournements commis par [I] [B] par la déclaration de sinistre effectuée par Maître [H], administrateur provisoire de l'étude [B], le 9 novembre 2008, laquelle était générale, visait un écart de trésorerie entre les états comptables et les états bancaires sans spécifier le nom des comptes ou des dossiers concernés par les agissements délictueux du mandataire judiciaire.

Elle ne peut pas davantage soutenir que le délai de prescription a pu commencer à courir à compter du 30 Juin 2000, date du dépôt du rapport d'expertise ordonné dans le cadre de l'information judiciaire au motif que la caisse de garantie, en sa qualité de partie civile, aurait alors appris le montant des détournements commis au préjudice des sociétés représentées par Maître [P] et aurait ainsi pris connaissance du sinistre. En effet, l'article 6.1 de la police d'assurance n° 65 062 682, inséré dans la clause intitulée « fonctionnement de la garantie », stipule: « par sinistre, on entend la réclamation comportant ou énonçant une demande pécuniaire de réparation d'un préjudice et dont l'assuré est saisi par lettre recommandée ou par assignation entre la date d'effet et la date de résiliation du présent contrat quelle que soit la date du fait générateur... ».

L'argument selon lequel les conclusions du 6 février 2015 seraient dénuées d'effet juridique pour avoir été signifiées à une société qui n'avait plus d'existence légale à cette date est inopérante, la caisse de garantie des mandataires ayant signifié des conclusions à la société Allianz Global Corporate & Speciality S.E venant aux droits de la société Allianz Global Corporate & Speciality France le 1er septembre 2016, soit moins de deux ans après le 4 septembre 2014, date à laquelle le délai de la prescription biennale a commencé à courir.

Sur l'irrecevabilité de la demande en garantie formée par la caisse de garantie des mandataires judiciaires contre son assureur:

La compagnie Allianz a conclu à l'irrecevabilité de la demande en garantie formée contre elle par la caisse, laquelle serait une demande nouvelle formée en appel en violation de l'article 564 du code de procédure civile. Selon l'assureur, l'assurée en première instance n'aurait demandé d'être garantie que pour les inérêts au taux légal, les frais irrépétibles et les dépens, et pas pour les condamnations au principal.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, les conclusions signifiées le 1er septembre 2016, par lesquelles la caisse a demandé au tribunal de dire que les demandes de Maître [P] ès qualités devront être supportées à hauteur de 80% par la société Allianz s'analyse en un appel en garantie global formé par l'assurée contre son assureur.

La demande tendant à déclarer irrecevable l'appel en garantie formé par la caisse contre son assureur sera donc rejetée.

Sur le plafond de garantie:

L'appelante demande à la cour de dire qu'elle ne peut être tenue dans les termes et limites de la police d'assurance n° 65 062 682 qui prévoit un plafond de garantie de 6.097.960,70 euros par sinistre et par année d'assurance et qu'il y aura lieu le cas échéant de déduire le montant des indemnités versées amiablement par elle ou en exécution de décisions de justice exécutoires au titre de la non-représentation de fonds imputable à [I] [B].

Il sera fait droit à sa demande.

L'appel incident de la caisse de garantie des mandataires judiciaires:

Le tribunal a eu raison de rejeter la demande de la caisse tendant à la condamnation de la compagnie Allianz pour résistance abusive, l'intention de nuire de l'appelante n'étant pas suffisamment établie par l'assurée: le jugement sera donc sur ce point confirmé.

L'appel en garantie formé contre [I] [B]:

Le tribunal a condamné [I] [B] à relever et garantir la caisse de garantie des mandataires judiciaires et la compagnie Allianz des sommes mises à leur charge au titre de la non-représentation des fonds.

Cette disposition qu'aucune partie n'a critiquée sera donc confirmée.

Il est équitable de condamner la caisse de garantie à payer en cause d'appel la somme de 5000 euros à la Scp Br associés et de condamner la compagnie Allianz à payer celle de 10.000 euros à la caisse de garantiedes mandataires judiciaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt contradictoire rendu publiquement,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que les sommes allouées à la SCP BR associés seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de l'assignation, dit que la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E devait sa garantie à la Scp Br associés prise en la personne de Maître [P] en qualité de liquidateur du groupe [S], des sociétés Songar, Vicouma, Gestotel et de Monsieur [T] au titre de la police n°65.062.682 de toutes les condamnations prononcées et dans la proportion de 80% et au besoin l'y condamnait, condamné in solidum la société Allianz à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Réforme les chefs de jugement susvisés.

Statuant à nouveau,

Déboute la Scp BR associés de sa demande tendant à fixer le point de départ des intérêts au taux légal à une date antérieure à la présente décision.

Déclare irrecevable la demande de garantie formée par la Scp BR associés contre la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E.

Déboute la Scp BR associés de sa demande tendant à condamner la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E. à supporter ses frais irrépétibles.

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de garantie formée par la caisse de garantie des mandataires judiciaires à l'encontre de la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E.

Condamne la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E à garantir la caisse à hauteur de 80% des condamnations prononcées à son encontre par le jugement entrepris.

Rappelle que la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E. ne peut être tenue que dans les termes et limites de la police d'assurance n° 65 062 682, laquelle prévoit un plafond de garantie de 6.097.960,70 euros par sinistre et par année d'assurance et qu'il y aura lieu le cas échéant de déduire le montant des indemnités versées amiablement par elle ou en exécution de décisions de justice exécutoires au titre de la non-représentation de fonds imputable à [I] [B].

Condamne la caisse de garantie des mandataires judiciaires à payer en cause d'appel la somme de 5000 euros à la SCP BR associés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E. à payer la somme de 10.000 euros à la caisse de garantiedes mandataires judiciaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Allianz Global Corporate et Speciality S.E. Et la caisse de garantie des mandataires judiciaires aux entiers dépens.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 19/06026
Date de la décision : 05/03/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°19/06026 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-05;19.06026 ?
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