La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2020 | FRANCE | N°18/18662

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 03 mars 2020, 18/18662


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 03 MARS 2020

AV

N° 2020/













Rôle N° RG 18/18662 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMVW







[V] [L]





C/



[J] [E] épouse [A]

[K] [A]

[P] [F]

[M] [X]-[S]

S.C.P. [Y]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Paul GUEDJ

Me FrÃ

©déric CHAMBONNAUD

Me [I] [O]

Me Nathalie CAVIGIOLO





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° .





APPELANT



Monsieur [V] [L], demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Gilles BROCA, avocat au ba...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 MARS 2020

AV

N° 2020/

Rôle N° RG 18/18662 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMVW

[V] [L]

C/

[J] [E] épouse [A]

[K] [A]

[P] [F]

[M] [X]-[S]

S.C.P. [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Paul GUEDJ

Me Frédéric CHAMBONNAUD

Me [I] [O]

Me Nathalie CAVIGIOLO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANT

Monsieur [V] [L], demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Gilles BROCA, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [J] [E] épouse [A]

née le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 9] (87), demeurant [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Frédéric CHAMBONNAUD de la SELARL CHAMBONNAUD BAGNOLI SECHER, avocat au barreau de NICE

Monsieur [K] [A]

né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 11], demeurant [Adresse 3]

représenté et plaidant par Me Frédéric CHAMBONNAUD de la SELARL CHAMBONNAUD BAGNOLI SECHER, avocat au barreau de NICE

Madame [P] [F], demeurant [Adresse 8] (ESPAGNE)

représentée par Me Nathalie CAVIGIOLO, avocat au barreau de NICE

Maître [M] [X]-[S], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE

S.C.P. DE POULPIQUET Notaires Associés

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Janvier 2020 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne VIDAL, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2020,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier du 27 juillet 2018, Mme [J] [E] épouse [A] et M. [K] [A] ont fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Nice Mme [P] [F], bailleresse du local commercial loué à Mme [A], ainsi que Me [M] [X] [S] et la SCP de Poulpiquet, notaires à Nice, pour voir dire que la vente du local commercial dont ils ont accepté l'offre de vente par la bailleresse, est parfaite au prix de 230 000 euros et que la somme de 15 000 euros correspondant à la commission d'agence n'est pas due et doit leur être restituée. Ils demandaient donc la condamnation sous astreinte de Mme [P] [F] à comparaître devant le notaire pour signer l'acte authentique devant Me [X] et à défaut devant tel notaire que le tribunal désignera.

M. [V] [L] est intervenu volontairement à l'instance poir voir dire qu'il est le bénéficiaire du compromis de vente signé en l'étude de Me [M] [X] [S] le 27 février 2018 sous la condition de purge du droit du locataire et que la vente n'a pas été régularisée au profit du preneur dans le délai de l'article L 145-46-1 du code de commerce.

Par jugement du 12 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Nice a :

- déclaré l'intervention volontaire de M. [V] [L] recevable,

- dit que la vente du local commercial sis à [Adresse 10] et [Adresse 2], cadastré section KT [Cadastre 5] formant le lot 2015, est parfaite à la date du 26 juillet 2018 entre M. [K] [A] et Mme [J] [E] épouse [A] d'une part, et Mme [P] [F] d'autre part,

- dit que les acquéreurs devront acquitter le jour de la signature de l'acte de vente la somme de 230 000 euros outre l'ensemble des frais d'acquisition, à l'exception des frais de commission d'agence,

- dit que la somme de 15 000 euros consignée de ce chef entre les mains de Me [M] [X] [S] doit leur être restituée,

- condamné Mme [P] [F] à signer l'acte authentique de vente par devant tel notaire qui sera choisi par les acquéreurs, dans un délai de 4 semaines après la signification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui courra pendant un délai de 3 mois après lequel il devra être à nouveau statué, Mme [P] [F] devant fournir au notaire rédacteur l'ensemble des pièces nécessaires à l'acte de vente dans un délai de 8 jours de la demande formulée par ce dernier,

- débouté M. [V] [L] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté Mme [P] [F] de sa demande de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [P] [F] aux dépens.

Il a retenu que Mme [A], preneur, avait notifié le 27 mars 2018 son acceptation de l'offre de vente faite par la bailleresse, soit dans le délai d'un mois prévu par l'article L 145-46-1 du code de commerce, et qu'ayant sollicité et obtenu un prêt, l'acte pouvait être régularisé dans le délai de 4 mois qui expirait le 27 juillet 2018 ; que s'il est prévu qu'à défaut de réalisation de la vente dans ce délai, l'offre de vente devient sans effet, cette sanction n'est pas applicable lorsque le défaut de réalisation dans le délai n'est pas imputable au locataire mais résulte d'éventuelles difficultés de préparation de l'acte par le notaire.

Il a jugé que Mme [P] [F] ne pouvait invoquer l'irrégularité du prêt obtenu, étant tiers audit contrat.

Il a ensuite considéré qu'il importe peu que Mme [A] n'ait pas l'intention d'exploiter le fonds après l'acquisition du local commercial compte tenu de son âge dès lors qu'il n'est pas discuté qu'elle en est la locataire ; que le fait que Mme [A] ait refusé de payer la commission d'agence ne permet pas de considérer qu'il n'y aurait pas d'accord sur la chose et sur le prix, les époux [A] ayant bien manifesté leur accord sur le prix de 230 000 euros et les frais de la vente, sachant que la commission n'est en tout état de cause pas due puisque l'agent immobilier n'est pas intervenu pour la réalisation de la vente résultant de l'exercice du droit de préférence du locataire.

M. [V] [L] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 27 novembre 2018.

¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿

M. [V] [L], suivant ses conclusions récapitulatives notifiées le 5 décembre 2019, demande à la cour, au visa de l'article L 145-46-1 du code de commerce de :

- constater qu'aucun acte de vente au profit du preneur du bail commercial n'a été régularisé à la date du '27 mars 2018"(sic) et de dire dès lors que l'exercice par le preneur de son droit de préférence ne peut ressortir d'aucun effet,

Subsidiairement,

Vu la maxime fraus omnia corrumpit,

- dire que l'exercice par le preneur à bail commercial de son droit de préférence est entaché de fraude et ne peut dès lors ressortir d'aucun effet et infirmer en conséquence le jugement qui a dit que la vente était parfaite entre Mme [P] [F] et les époux [A],

- dire la vente parfaite au profit de M. [V] [L] moyennant le prix de 230 000 eruos outre 15 000 euros au titre des frais d'agent immobilier et ordonner la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière,

- donner acte au concluant qu'il offre de payer le prix de vente et la commission d'agent immobilier à première réquisition,

- condamner les époux [A] aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir l'argumentation suivante :

¿ sur l'application de l'article L 145-46-1 du code de commerce : les dispositions de cet article sont d'ordre public et il ne peut y être dérogé, or l'acte de vente n'a pas été signé à la date du 27 juillet 2018 à laquelle expirait le délai ; s'il peut être admis que la sanction du non respect du délai ne soit pas appliquée lorsque le retard est dû au vendeur, tel n'est pas le cas de l'espèce ; l'absence de régularisation est en effet due à la carence du preneur dont le notaire a refusé de dresser l'acte et qui n'a prévenu Me [M] [X] [S] que par lettre du 24 juillet 2018 en lui demandant de prévoir la signature pour le 27 juillet, outre que Mme [A] y déclarait être dans l'impossibilité de se déplacer et entendait voir formaliser un pouvoir ; les arguments développés par les époux [A] ne sont pas opérants, notamment celui tenant à la notification d'un droit de préférence comprenant la commission de l'agent immobilier, dès lors que Mme [A] a accepté l'offre avec la commission, sans la contester dans un délai utile ;

¿ sur la fraude à la loi : en réalité, Mme [A] use de son droit de préférence au profit d'un tiers ; elle est certes preneur des locaux mais elle n'exploite plus le commerce qui est fermé et elle a cédé la licence IV dont elle était titulaire ; le prêt qu'elle a souscrit auprès de la société Camarguaise d'investissement qui n'est pas un organisme bancaire et dont l'objet social n'est pas de prêter des fonds, l'a été pour une durée de 6 mois seulement sans intérêts et ne sera remboursé que par la cession du bien ; la fraude est donc caractérisée : l'élément matériel est constitué par l'existence de ce prêt permettant à Mme [A] d'acquérir en réalité au profit du prêteur et l'élément intentionnel est avéré au regard du montage réalisé dans le seul but de détourner les dispositions de l'article L 145-46-1 ; la question n'est pas ici celle de l'illégalité ou de la nullité du prêt mais de la manoeuvre caractérisant la fraude ; enfin, les époux [A] ne peuvent se défendre en soutenant qu'ils ont mis en oeuvre ce montage car ils voulaient vendre leur fonds de commerce, le bail commercial se poursuivant quel que soit l'acquéreur des murs ;

¿ la vente à son profit est parfaite dès lors que la condition de purge du droit de préférence du preneur est remplie.

Mme [P] [F], par conclusions notifiées le 26 avril 2019, demande à la cour de constater que la signature de l'acte de vente suite à l'acceptation de l'offre par le preneur n'est pas intervenue dans le délai légal impératif échu au 27 juillet 2018, de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice et de statuer ce que de droit sur la poursuite de la vente en faveur des époux [A] ou de M. [V] [L], d'ordonner la vente et le paiement du prix dans un délai de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir chez tel notaire qui sera désigné et de condamner tout succombant aux dépens.

Elle explique qu'alors que Mme [A] avait indiqué le 27 mars 2018 son intention de se porter acquéreur des murs commerciaux en recourant à un prêt, ce n'est que 8 jours avant la date butoir du 27 juillet que son conseil a informé Me [M] [X] [S] de ce qu'elle disposait des fonds virés en l'étude de Me [D] [R], de ce qu'elle contestait devoir la commission d'agence de 15 000 euros et de ce que l'acte devait être rédigé par son notaire, Me [C] [Z], et ce n'est que par lettre du 24 juillet qu'il a avisé Me [M] [X] [S] que ce serait elle qui devrait rédiger l'acte avant le 27 juillet, alors même que Mme [P] [F] n'était pas prévenue et réside en Espagne et que Mme [A] elle-même ne pouvait se déplacer compte tenu de son état de santé ; que curieusement, le prêt permettant à Mme [A] de disposer des fonds est d'ailleurs daté du 25 juillet et qu'il est évident que les époux [A] avaient pris l'engagement de re-céder les murs à la société prêteuse avant même d'acheter. Elle ajoute qu'elle n'a pas pu donner son accord à la cession du fonds de commerce par Mme [A] après la signature du compromis de vente des murs passé avec M. [V] [L] le 27 février 2018, de sorte qu'elle n'a fait qu'appliquer le contrat de bail et les textes en vigueur.

Elle soutient qu'elle ne pouvait proroger le délai de 4 mois bénéficiant à Mme [A] dans la mesure où elle était engagée auprès de M. [V] [L] et que le défaut de signature avant la date butoir du 27 juillet 2018 est imputable aux époux [A] ; qu'en tout état de cause, il ne peut être considéré qu'il y aurait eu accord sur la chose et sur le prix puisque les époux [A] n'acceptaient plus de payer la commission de l'agence, alors même que le locataire est substitué dans les obligations de l'acquéreur évincé, y compris le paiement de la commission, et que la contestation de cette commission emporte défaut d'acceptation pure et simple de l'offre.

Elle termine en indiquant qu'elle est engagée à l'égard de M. [V] [L] et qu'elle ne peut être déliée de cet engagement que par une décision de justice, à défaut de quoi la vente doit s'opérer au profit de celui-ci ; que Mme [P] [F] ne pouvait être convoquée pour signer l'acte de vente alors que le jugement n'est pas assorti de l'exécution provisoire et a fait l'objet d'un appel ; que la situation locative de Mme [A] est très conflictuelle, Mme [P] [F] l'ayant assignée en résiliation du bail à défaut de paiement des loyers, de poursuite de l'activité du fonds et de justification de son assurance.

Mme [J] [E] épouse [A] et M. [K] [A], son époux, en l'état de leurs écritures notifiées le 21 mars 2019, demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner en outre M. [V] [L] à leur payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Ils soutiennent les moyens et arguments suivants :

¿ sur le non respect du délai de 4 mois pour signer la vente : la sanction de la perte d'effet de l'offre de vente est écartée lorque le défaut de réalisation dans le délai n'est pas imputable au locataire mais résulte de l'attitude du propriétaire ou de difficultés éventuelles de préparation de l'acte ; or, en l'espèce, les acquéreurs disposaient des fonds qui étaient chez Me [R] dès le 19 juillet 2018, soit près de 10 jours avant la date butoir, et la cause du retard tient, d'abord au fait que Me [Z] n'avait pas reçu les documents de Me [M] [X] [S], ensuite à l'absence de diligences de Me [M] [X] [S], un délai de trois jours étant suffisant pour rédiger l'acte de vente ; en outre, il existait une difficulté concernant le paiement de la commission d'agence dont les époux [A] ne pouvaient être redevables, le prix de vente ne pouvant inclure les honoraires de négociation ;

¿ sur la fraude alléguée : la fraude n'est pas constituée par le fait que Mme [A], âgée de 90 ans, n'avait pas l'intention d'exploiter le fonds, la seule condition étant qu'elle soit le preneur et il importe peu que ses intentions supposées soient de revendre le bien, rien n'interdisant au preneur qui exerce son droit de préemption sur le local commercial de le revendre ; M. [V] [L] ne peut invoquer la prétendue nullité du prêt, étant un tiers à ce contrat ; enfin, rien n'impose au preneur qui exerce son droit de préférence de poursuivre l'exploitation du fonds ; en réalité, les époux [A] entendaient vendre leur fonds de commerce et, devant le refus de la bailleresse et afin d'éviter de perdre la valeur du fonds, fruit de près de 50 années de travail, ils ont dû solliciter un prêteur privé en vue de pouvoir ultérieurement céder leur fonds, sachant que parallèlement Mme [P] [F] a fait délivrer à Mme [A] un commandement de payer et une mise en demeure préalable à refus de renouvellement du bail.

Me Christine [X] CONYNCK et la SCP de Poulpiquet, au terme de leurs conclusions notifiées le 21 mai 2019, demandent à la cour de leur donner acte de ce qu'elles s'en rapportent à justice sur les prétentions respectives des parties, de constater que Me [M] [X] [S] ne détient aucuns fonds pour le compte des époux [A], d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la somme de 15 000 euros consignée entre les mains de Me [M] [X] [S] devait être restituée aux époux [A] et de condamner tout succombant à verser aux concluantes la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles contestent être à l'origine du retard dans la réception de l'acte de vente au profit des époux [A] en faisant valoir que Me [M] [X] [S] n'a été informée de l'intervention de Me [Z] que le 19 juillet et lui a adressé l'entier dossier en sa possession dès le lendemain ; que le 24 juillet il était trop tard pour recevoir la vente le 27 juillet, le dossier étant entre les mains de Me [Z], le prêt n'ayant été signé que le 25 juillet et les fonds n'étant donc pas disponibles, ce pourquoi les époux [A] demandaient une prorogation du délai en indiquant que Mme [A] ne pouvait se déplacer et qu'il fallait organiser une visite à son domicile pour recueillir sa signature.

Elles ajoutent que le virement des fonds opéré le 25 juillet 2018 par la SCP LETOUBLON CAGNOLI a été rejeté et que Me [M] [X] [S] ne détient donc aucune somme, de sorte qu'elle ne peut être tenue à la restitution d'une somme quelconque aux époux [A].

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 17 décembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'en application de l'article L 145-46-1 du code de commerce, lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial envisage de vendre celui-ci, il doit en informer le locataire et lui notifier le prix et les conditions de la vente envisagée, cette notification valant offre de vente au profit du locataire ; que ce dernier dispose alors d'un délai d'un mois pour se prononcer et, en cas d'acceptation, bénéficie d'un délai de deux mois la réalisation de la vente, délai porté à quatre mois s'il notifie son intention de recourir à un prêt ;

Que l'alinéa 2 de ce texte prévoit expressément : 'Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'est pas réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.';

Attendu que Mme [P] [F], propriétaire d'un local commercial sis à [Adresse 10] et [Adresse 2], donné à bail commercial à Mme [J] [E] suivant acte du 7 décembre 1970 suivi d'un nouveau bail conclu le 1er décembre 1988, a signé, le 27 février 2018, une promesse de vente de ce local au profit de M. [V] [L] moyennant le prix de 230 000 euros, outre la somme de 15 000 euros correspondant à la commission de l'agent immobilier mise à la charge de l'acquéreur ;

Que Me [M] [X] [S], notaire chargé de la vente, a notifié cette vente à Mme [J] [E] épouse [A] le 28 février 2018, en application de l'article L 145-46-1 du code de commerce, l'informant du prix de 230 000 euros auquel s'ajoutent les frais, droits et émoluments de la vente et la commission d'agence de 15 000 euros à la charge de l'acquéreur et lui rappelant qu'elle bénéficiait d'un délai d'un mois pour lui faire connaître son intention d'acquérir ou de ne pas acquérir les locaux vendus aux prix et conditions prévus;

Que Mme [J] [E] épouse [A] a fait notifier à Mme [P] [F], le 27 mars 2018, qu'elle acceptait son offre de vente et entendait recourir à un prêt ; que dès lors s'ouvrait un délai de quatre mois pour la réalisation de la vente, l'acte devant donc être reçu le 27 juillet 2018 au plus tard ;

Que l'acte authentique n'a pas été établi et que Mme [J] [E] épouse [A] et son époux commun en biens, M. [K] [A], ont fait assigner Mme [P] [F] devant le tribunal de grande instance de Nice pour voir constater que la locataire a bien exercé son droit de préférence et que la vente est parfaite à leur profit ;

Que le tribunal a fait droit à leur demande, considérant que si la réalisation authentique n'était pas intervenue dans le délai de quatre mois, la sanction de l'alinéa 2 de l'article L 145-46-1 du code de commerce ne pouvait être opposée aux époux [A] dans la mesure où le prêt permettant de financer le prix avait été obtenu avant le 27 juillet et, dès lors, que le défaut de réalisation était imputable à des difficultés de préparation de l'acte par le ou les notaires concernés ;

Attendu qu'il convient de rappeler précisément les circonstances dans lesquelles l'acte authentique de vente aurait dû intervenir et les raisons pour lesquelles il n'a pu être reçu par le notaire chargé de l'opération :

- Mme [J] [E] épouse [A] a notifié son acceptation de l'offre le 27 février 2018 ;

- le jeudi 19 juillet 2018, son conseil, Me CHAMBONNAUD, s'est adressé à Me [X] pour lui indiquer que la vente devait être conclue au profit des deux époux [A], mariés sous le régime de la communauté universelle, que l'acte devait être reçu par Me [Z] de l'étude [B] en concours et que les fonds étaient chez un autre notaire, Me [D] [R], ce notaire étant chargé de rédiger un acte de constitution d'hypothèque pour garantir le prêt et devant les virer à Me [Z] ; Me [H] ajoutait que seule était due la somme de 245 000 euros, la commission ne pouvant être réclamée dans le cadre de l'exercice du droit de préférence du locataire ;

- le dossier a été transmis par Me [X] à Me [Z] le vendredi 20 juillet ;

- alors que Me [X] avait informé Me [H] le mardi 24 juillet à 14h31 que le dossier avait bien été déposé chez sa consoeur et qu'elle était dans l'attente de la fixation d'un rendez-vous, Me [Z] lui a fait connaître le même jour à 15h35 qu'elle ne pourrait pas réaliser la vente avant le 27 juillet 2018 au motif qu'elle ne disposait d'aucun original, et qu'elle restituait donc le dossier à Me [X] ;

- Me [H] écrivait, ce même 24 juillet, deux courriers à Me [X], lui demandant de passer l'acte seule avant le vendredi 27 juillet, lui indiquant que les fonds, prêtés par la société Camarguaise d'investissements, devaient être virés le même jour sur son compte par Me [D] [R] et ajoutant que Mme [J] [E] épouse [A], en raison de son état de santé, ne pouvait se déplacer et qu'il conviendrait donc de lui faire signer un pouvoir à son domicile à [Localité 12] ; il ajoutait in fine : 'Si vous pensez qu'il n'est matériellement pas possible de passer l'acte avant cette date, je vous remercie de recueillir l'accord du vendeur, et à défaut je serai contraint d'assigner pour solliciter une prorogation du délai puisque la non réalisation de la vente n'est pas du fait de mes clients.';

- Me [H] écrivait ensuite à Me [X] le 26 juillet (par fax envoyé à 9h55) en lui demandant de confirmer l'heure du rendez-vous de signature le 27 juillet 2018, Mme [J] [A] devant prendre les mesures nécessaires pour être présente, ajoutant qu'il joignait un avis de virement de la somme de 260 000 euros fait par Me [R] sur le compte de son étude ; il ajoutait encore in fine qu'il envisageait d'assigner la venderesse en cas d'obstacle à la signature ;

Attendu qu'il doit être observé à la lecture de ces différents échanges que, contrairement à ce qui est soutenu, le retard dans la réalisation de la vente n'est pas dû à des problèmes de préparation de l'acte imputables à la venderesse ou au notaire mais résulte de l'absence de diligences des époux [A] jusqu'au 19 juillet, soit 8 jours avant l'expiration du délai, puisque ce n'est qu'à cette date qu'ils ont mandaté le notaire qui devait recevoir l'acte ;

Que le prêt, contrairement à ce qui était annoncé dans les courriers de Me [H] à Me [X] des 20 et 24 juillet n'était pas encore conclu à ces dates puisque l'acte sous seing privé de prêt est daté du 25 juillet ;

Que les fonds prêtés, contrairement également à ce qui était indiqué par Me [H] dans sa lettre du 19 juillet, n'étaient pas à cette date sur le compte de Me [R], notaire salarié de la SCP LETOUBLON CAGNOLI PAUL TRUFFIER, puisqu'ils n'ont été virés depuis le compte de la société Camarguaise d'investissements, prêteur, sur le compte de cette étude que le 25 juillet, ainsi qu'il ressort de l'avis d'opération produit en pièce 16 des époux [A] ; que par ailleurs l'avis d'opération de virement de la somme de 260 000 euros sur le compte de Me [X] annoncé par Me [H] dans son courrier du 26 juillet n'est pas versé aux débats et que Me [X] indique dans ses conclusions n'avoir pas été dépositaire de fonds émanant des époux [A] ;

Que l'acte de prêt du 25 juillet précise que Me [D] [R] devra intervenir en concours avec le notaire en charge de la vente pour prendre une hypothèque sur le bien objet de l'acquisition en garantie du prêt de 260 000 euros, mais il n'apparaît pas que Me [R] ait pris l'attache de Me [X] pour lui communiquer les éléments nécessaires pour intégrer dans l'acte de vente à recevoir la constitution d'une hypothèque conventionnelle au profit de la société Camarguaise d'investissements ;

Que Mme [J] [E] épouse [A] ne pouvait se déplacer et qu'une procuration devait donc être reçue préalablement à la signature, ce qui aurait dû être envisagé bien avant le 24 juillet et si Me [H] indiquait le 26 juillet qu'elle pourrait finalement se déplacer le 27 juillet, il était alors parfaitement conscient que l'acte ne pourrait être établi le lendemain et envisageait bien de recourir à une assignation pour obtenir une prorogation du délai ;

Attendu que la Cour de cassation considère que les dispositions de l'article L 145-46-1 du code de commerce sont d'ordre public, de sorte qu'il ne peut y être dérogé du seul accord des parties ;

Que s'il peut être admis que la perte du bénéfice du droit de préférence ne soit pas opposée au preneur lorsque c'est par l'effet d'une faute ou d'une inertie du vendeur ou du notaire ou que c'est en raison de difficultés propres à la rédaction de l'acte de vente que la signature de l'acte authentique n'a pas pu intervenir dans le délai de quatre mois, tel n'est pas le cas en l'espèce et les époux [A] ne peuvent obtenir une dérogation ou une prorogation de ce délai alors qu'ils sont seuls à l'origine de l'absence de signature à la date du 27 juillet 2018 ; que l'assignation en vente forcée délivrée le 27 juillet ne permet pas de pallier l'absence de réitération à la date butoir qui est prévue par le code de commerce tant dans l'intérêt du preneur que dans celui du vendeur et du candidat acquéreur dont l'opération de vente se trouve suspendue dans l'attente de la purge du droit de préférence du locataire ;

Que la question du paiement de la commission d'agence de 15 000 euros est indépendante de l'absence de signature de l'acte authentique puisque la contestation manifestée par Me [H] au paiement de cette commission auprès de Me [X] ne faisait l'objet d'aucun débat du côté du notaire et qu'en tout état de cause il était offert de virer la somme de 260 000 euros sur son compte pour financer l'acquisition ;

Qu'il sera donc fait application de l'alinéa 2 de l'article L 145-46-1 du code de commerce et qu'il sera jugé qu'à défaut de réalisation authentique de la vente au profit du preneur dans le délai de quatre mois qui expirait le 27 juillet 2018 l'acceptation de l'offre de vente par Mme [J] [E] épouse [A] est sans effet ;

Que dès lors, la vente est parfaite au profit de M. [V] [L] et qu'il convient de renvoyer Mme [P] [F] et M. [V] [L] devant tel notaire qu'ils choisiront pour recevoir l'acte authentique de vente du local commercial en cause, conformément aux termes de la promesse synallagmatique du 27 février 2018 ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé que la vente du local commercial sis à [Adresse 10] et [Adresse 2] appartenant à Mme [P] [F] était parfaite à la date du 26 juillet 2018 au profit de Mme [J] [E] épouse [A] et de M. [K] [A] son époux, acquéreurs, et a condamné Mme [P] [F] à signer l'acte authentique de vente à leur profit ;

Que les autres dispositions seront par voie de conséquence infirmées, notamment celle disant que la somme de 15 000 euros consignée entre les mains de Me [M] [X] [S] doit être restituée aux époux [A] alors que cette étude ne dispose d'aucuns fonds émanant de Mme [J] [E] épouse [A] et de son époux;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré l'intervention volontaire de M. [V] [L] recevable ;

Dit qu'à défaut de réalisation authentique de la vente du local commercial appartenant à Mme [P] [F] au profit du preneur, Mme [J] [E] épouse [A], dans le délai de quatre mois de l'article L 145-46-1 du code de commerce qui expirait le 27 juillet 2018, l'acceptation de l'offre de vente par Mme [J] [E] épouse [A] est sans effet ;

Déboute en conséquence Mme [J] [E] épouse [A] et M. [K] [A] de toutes leurs demandes ;

Dit que la vente du local commercial sis à [Adresse 10] et [Adresse 2], cadastré section KT [Cadastre 5] formant le lot 2015 appartenant à M. [V] [L] est parfaite au profit de M. [V] [L] ;

Renvoie Mme [P] [F] et M. [V] [L] à signer l'acte authentique de vente de ce bien qui sera établi par le notaire de leur choix conformément aux conditions prévues dans la promesse synallagmatique de vente du 27 février 2018 ;

Condamne Mme [J] [E] épouse [A] et M. [K] [A] solidairement à payer la somme de 1 200 euros à M. [V] [L] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositons de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Me Christine [X] [S] et de la SCP de Poulpiquet ;

Condamne Mme [J] [E] épouse [A] et M. [K] [A] aux dépens de première instance et aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 18/18662
Date de la décision : 03/03/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°18/18662 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-03;18.18662 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award