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28/02/2020 | FRANCE | N°17/05906

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 28 février 2020, 17/05906


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 28 FEVRIER 2020



N° 2020/ 75



RG 17/05906

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAIP6







Association GROUPEMENT DES EMPLOYEURS DE MANUTENTIONS DES BASSINS EST DU PORT DE MARSEILLE (GEMEST)





C/



[R] [W]





















Copie exécutoire délivrée le :



à :



-Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE





- Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01186.





A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2020

N° 2020/ 75

RG 17/05906

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAIP6

Association GROUPEMENT DES EMPLOYEURS DE MANUTENTIONS DES BASSINS EST DU PORT DE MARSEILLE (GEMEST)

C/

[R] [W]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

-Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01186.

APPELANTE

Association GROUPEMENT DES EMPLOYEURS DE MANUTENTIONS DES BASSINS EST DU PORT DE MARSEILLE (GEMEST), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [R] [W], né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6] (13000), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Février 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Erika BROCHE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Erika BROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2020.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2020,

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [R] [W] a été embauché en qualité de docker par le Groupement des employeurs de Manutentions des bassins Est du port de Marseille (ci après G.E.M.E.S.T) à compter du 1er avril 2002 avec une ancienneté au 5 juillet 2000 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel, la relation contractuelle étant régie par la convention collective nationale de manutention portuaire, remplacée par la convention collective nationale unifiée Ports et Manutention.

A compter du 13 mai 2013, le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie, s'agissant d'une lésion broncho-pulmonaire tumorale diagnostiquée le 2 avril 2013. La Caisse primaire d'assurance maladie des bouches du Rhône a notifié le 13 novembre 2013 la prise en charge au titre des maladies professionnelles, cette maladie faisant suite à l'inhalation de poussières d'amiante.

Consolidé le 30 janvier 2015, Monsieur [W] a été déclaré inapte à la reprise de son ancien poste de travail par la médecine du travail le 2 février 2015 selon les termes suivants 'inapte à la conduite d'engins, grues et portiques, inapte saisissage, inapte travail à bord, inapte travail en milieu empoussiéré', avis confirmé le 9 mars 2015.

Le salarié a fait l'objet d'un licenciement selon lettre du 17 avril 2015 pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude professionnelle, considérant le refus de proposition de reclassement comme abusif, le privant de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis.

Monsieur [W] a saisi le conseil de prud'hommes par voie de référé pour obtenir une régularisation de ses droits à congés payés. Selon ordonnance du 29 janvier 2015, le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE constatait que les demandes de rappels de salaires sollicitées par le salarié étaient légitimes et n'avaient été régularisées par l'entreprise qu'après saisine du Conseil, précédée d'une demande amiable et juste avant l'audience, avec transmission de BP régularisés.

Le Conseil de Prud'hommes de Marseille a condamné l'employeur au paiement d'une somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Contestant les motifs de son licenciement, Monsieur [W] a saisi le conseil de prud'hommes le 30 avril 2015, sollicitant notamment des dommages et intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse.

Il a également saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale des bouches du Rhône d'une demande tendant à voir statuer sur la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement contradictoire en date du 8 mars 2017, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE a :

- dit que le licenciement de Monsieur [W] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- condamné le Groupement des Employeurs de Manutentions des Bassins Est du Port de Marseille (G.E.M.E.S.T) à verser à Monsieur [W] [R] les sommes suivantes:

- 17328 Euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1733 Euros au titre des congés payés afférents au préavis;

- 13860 Euros au titre de solde de l'indemnité de licenciement (L 1226-14)

- 69400 Euros au titre de dommages et intérêts (article L 1226-15 du Code du Travail)

- 1000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle.

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'é1ève à la somme de 5776 Euros.

- ordonné l'exécution provisoire pour 50 % des sommes.

- condamné le défendeur aux entiers dépens.

L'association G.E.M.E.S.T a interjeté appel total de cette décision le 27 mars 2017.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 8 décembre 2017, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 8 mars 2017;

- constater que Monsieur [W] n'a pas contracté sa maladie professionnelle alors qu'il était au service du GEMEST

- écarter l'application des dispositions des articles L1226-7 à L1226-22 du Code du travail relatifs aux accidents du travail et maladies professionnelles

A titre principal:

- constater que le GEMEST a respecté son obligation de reclassement envers Monsieur [W]

- constater que le GEMEST n'avait pas l'obligation de consulter les délégués du personnel;

- débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions;

A titre subsidiaire, sur les demandes formulées :

- constater que Monsieur [W] ne justifie d'aucun préjudice;

- constater que la Cour de céans ne peut substituer le GEMEST à la Caisse de compensation des Congés Payés, non partie à la présente instance ;

- constater que l'intégralité des congés payés, au titre de l'année 2014, a été réglée à Monsieur [W] ;

- rejeter la demande de Monsieur [W] relative à la condamnation du GEMEST par substitution à la CCP ;

- limiter le montant des condamnations au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'équivalence de 6 mois de salaire, soit à la somme de 34 657, 26 euros;

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour venait à faire application des articles L.1226-7 à L.1226-22 du Code du travail alors que le demandeur n'était pas employé au sein du GEMEST lorsqu'il a contracté la maladie professionnelle :

- constater que le refus de Monsieur [W] des postes de reclassement proposés est abusif

- constater que le GEMEST a sollicité l'avis des délégués du personnel sur les postes de reclassement proposés à Monsieur [W];

- rejeter la demande de Monsieur [W] relative au rappel de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis;

- limiter le montant des condamnations au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'équivalence de 12 mois de salaire, soit à la somme de 69 314, 52 euros.

- condamner le demandeur à verser au GEMEST la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 décembre 2019, l'intimé demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts et le rappel de salaires au titre des congés payés ;

- dire et juger que la pièce adverse n°11 est dénuée de toute force probante ;

- rejeter la demande de l'appelante de constater que Monsieur [W] n'a pas contracté sa maladie professionnelle alors qu'il était au service du GEMEST ;

- constater que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [W] est opposable à l'encontre du GEMEST et lui impose de respecter les dispositions applicables en matière de maladie professionnelle, la décision de la Cour de cassation du 7 novembre 2019 ayant définitivement tranché la question de l'opposabilité de la pathologie à l'encontre de l'employeur de ce dernier ;

- dire que l'association GEMEST aurait, par conséquent, dû apprécier l'inaptitude prononcée par la médecine du travail à l'aune de son origine professionnelle, ce qu'il a méconnu ;

- dire et juger que les dispositions des articles L1226-7 à L1226-22 du code du travail sont applicables à l'inaptitude d'origine professionnelle prononcée à l'égard de Monsieur [W] ;

- dire et juger que l'association GEMEST n'a pas respecté loyalement et sérieusement son obligation de reclassement à l'égard de son salarié ;

- dire et juger que l'association GEMEST n'a pas respecté la procédure de reclassement prévue par les dispositions de la convention collective unifiée ports et manutention ;

- dire et juger qu'elle n'a pas respecté son obligation de consultation loyale, complète et préalable des délégués du personnel, pour avis ;

- dire et juger que le licenciement de Monsieur [W] est abusif et ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que le refus de l'unique proposition de poste formulée ne revêt pas un caractère abusif, le poste impliquant une modification du contrat de travail de Monsieur [W];

- condamner l'association GEMEST au paiement des sommes suivantes au profit de Monsieur [W] :

' 103.971,78 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ' 17.328,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice équivalente de préavis,

' 1.732,86 euros au titre de l'incidence sur les congés payés ;

' 13.860,44 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;

' 3.352,96 euros au titre du reliquat des CP 2014 non réglés par la CCCP ;

' 4.000,00 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et les entiers dépens ;

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 5.776,21 euros ;

- condamner l'association GEMEST au paiement des intérêts de retard et ORDONNER la capitalisation des intérêts.

MOYENS

- Sur l'opposabilité de la maladie professionnelle à l'employeur

L'appelante indique en premier lieu que par jugement en date du 20 septembre 2017, le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône a débouté Monsieur [W] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable. Le GEMEST estime dès lors que la maladie professionnelle de Monsieur [W] n'a pas été contractée alors qu'il était au service du concluant, et que les dispositions des articles L1226-7 à L1226-22 du Code du travail, relatifs aux maladies professionnelles, ne sont pas applicables en l'espèce.

Monsieur [W] réplique que la Cour d'appel d'Aix en Provence dans son arrêt du 29 juin 2018 a déclaré opposable à tous les employeurs de Monsieur [W] la décision de la Caisse de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie et a déclaré opposable au GEMEST la décision et que l'arrêt de la cour de cassation du 7 novembre 2019 vient clore tout débat sur ce point.

Il précise qu'à aucun moment, à réception de la déclaration de MP du 6 juin 2013, l'association GEMEST n'a contesté sa double qualité de :

- de dernier employeur de la victime ;

- d'employeur ayant exposé son salarié au risque de la maladie dans l'onglet «la durée de l'exposition : emplois antérieurs ayant exposé la victime au risque de la maladie»

L'intimé précise également que ce n'est pas la reconnaissance d'une faute inexcusable qui permet l'application des dispositions relatives aux maladies professionnelles, mais bien la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et son opposabilité aux employeurs désignés dans la déclaration de MP.

- Sur la question du licenciement pour inaptitude

Monsieur [W] indique que l'employeur n'a entrepris aucun reclassement à un poste administratif qui aurait permis de répondre aux préconisations du médecin du travail, qu'il ne verse aucun registre du personnel probant, que le document produit ne comporte aucune numérotation, ni titre, ni identification des postes occupés par le personnel.

Il estime que son refus de poste n'est pas fautif, dans la mesure où le poste de pointeur implique des contraintes physiques de salissure et d'exposition aux poussières, proscrites par la médecine du travail dans son avis ; que l'employeur n'a pas pris la peine de consulter le médecin du travail ; que de plus, le poste de pointeur proposé impliquait une modification du contrat de travail du salarié, à la fois concernant les horaires, mais aussi la rémunération, puisque certaines primes et indemnités sont supprimées.

L'employeur indique de son coté avoir du procéder au licenciement au motif que le salarié a refusé les postes proposés; que ceux ci étaient conformes aux préconisations du médecin du travail et que le GEMEST ne compte aucun poste de nature administrative.

Il précise que les offres de reclassement soumises à Monsieur [W] se rapprochaient le plus possible de son emploi précédent de docker tout en respectant les préconisations du médecin du travail ; que les postes de pointeur 2ème catégorie, proposés à Monsieur [W], ne consistent pas en un travail de saisissage et ne s'exercent pas en milieu empoussiéré ; que l'essentiel de l'activité du poste de pointeur est administrative (livraison et réception Protis), s'exerce dans les Algeco situés sur les quais et n'impliquent pas d'effort physique. Enfin, l'employeur indique que la prime 'salissure' aurait été maintenue à Monsieur [W] car elle constitue un élément de sa rémunération qui serait restée inchangée en cas de reclassement.

Monsieur [W] estime que l'employeur n'a pas respecté l'article L.1226-10 du code du travail, en ce qu'il n'a pas consulté de manière loyale complète et sincère, les délégués du personnel sur le projet de poste proposé dans le cadre du reclassement.

L'employeur maintient que les dispositions de cet article ne sont pas applicables aux rapports entre Monsieur [W] et le GEMEST car la maladie professionnelle de Monsieur [W] a été contractée aux services d'autres employeurs et antérieurement à son embauche.

Monsieur [W] souligne que l'association regroupe l'ensemble des entreprises de manutention portuaire en place sur le Port autonome de [Localité 6] Est que comprennent, notamment, les sociétés INTRAMAR SA, [Localité 6] MANUTENTION ; que l'employeur ne justifie pas avoir procédé à des recherches de reclassement dans l'ensemble de ses filiales.

L'employeur réplique avoir procédé à des recherches parmi toutes les entreprises membres du groupement telles qu'INTRAMAR, SOCOMA.

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 décembre 2019 ;

SUR CE

- Sur l'application de la législation relative aux maladies professionnelles

En l'espèce, M. [W] a été licencié par une lettre du 22 avril 2015 qui fixe les limites du litige et selon laquelle il a été licencié pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude professionnelle et qui précise que 'le 2 février 2015, vous avez effectué une visite médicale de reprise en raison de l'arrêt de production d'arrêt maladie, dans un contexte où vous nous avez informé être l'objet d'une maladie reconnue d'origine professionnelle et d'une reconnaissance d'invalidité'.

L'employeur se prévaut des dispositions de l'article 1226-6 du code du travail selon lesquelles 'les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et son salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle , survenu ou contractée au service d'un autre employeur', soutenant que M. [W] n'a pu être exposé à l'amiante , cause de sa maladie professionnelle qu'avant qu'il entre à son service en 2002, avec reprise d'ancienneté en 2000.

Mais, outre que l'employeur a expressément licencié le salarié pour inaptitude d'origine professionnelle suite à une maladie professionnelle, il convient de remarquer qu'il résulte du formulaire CERFA de la déclaration de maladie professionnelle établi le 6 juin 2013 que le GEMEST est mentionné non seulement en qualité de dernier employeur de M. [W] mais encore parmi les employeurs 'ayant exposé la victime au risque de la maladie'.

A réception de cette déclaration, le GEMEST n'a pas contesté cette double qualité et n'a pas émis la moindre contestation durant la phase d'instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale puis devant la cour d'appel de céans, le GEMEST a sollicité que soit reconnue l'inopposabilité du caractère professionnel de la maladie de M. [W], en vain.

Par arrêt du 29 juin 2018, la cour de céans a déclaré opposable à tous les employeurs de M. [W] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie et a déclaré opposable au GEMEST la décision.

La cour de cassation, dans son arrêt du 7 novembre 2019, a cassé et annulé cet arrêt, sauf en ce qu'il déclare opposable à l'association GEMEST la décision de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie de M. [W];

Il importe donc peu que la demande de reconnaissance de faute inexcusable des employeurs dont le GEMEST ne soit pas encore tranchée car ce n'est pas cette reconnaissance qui permet l'application des dispositions relatives aux maladies professionnelles mais son opposabilité à la GEMEST désignée dans la déclaration de maladie professionnelle.

Il s'en suit que la législation relative aux maladies professionnelles est applicable en l'espèce.

- Sur le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle

En application de l'article 1226-10 du code du travail, il appartient à l'employeur de proposer au salarié une solution de reclassement qui prenne en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

De principe, l'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne soit engagée.

Or en l'espèce, l'employeur a convoqué M. [W] à un entretien préalable à licenciement pour refus de reclassement suite à inaptitude par lettre du 8 avril 2015, non seulement avant que M. [W] ait répondu sur les offres de reclassement qui lui avaient été faites le 7 avril mais encore avant que les délégués du personnel ne soient consultés le 15 avril 2015.

De ce seul fait, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure, en application de l'article L 1226-15 du code du travail , à 12 mois de salaire.

En outre, de principe, la consultation des délégués du personnel doit être loyale et sérieuse.

Or il résulte du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 15 avril 2015 produit par l'employeur que la consultation a été sommaire.

En effet, le procès-verbal mentionne seulement :

' Reclassement de M. [R] [W]

Madame [C] informe que M. [W] a fait une demande de reprise du travail. Elle précise que, suite aux visites médicales passées par M. [W] les 2 février et 9 mars 2015, le résultat est le suivant : Inaptitude sur les postes de docker de base et inaptitude sur les postes de chauffeur.

Par rapport à cela, on doit réfléchir à des propositions de reclassement et vous les soumettre.

L'analyse qui a été faite, au niveau des propositions de reclassement, est de lui proposer des postes de:

- Pointeur 2éme catégorie (Réception/ Livraison Protis) au poste 54 en vacation Intermédiaire du lundi au samedi - Durée du travail : 6h/vacation

- Pointeur 2éme catégorie (Réception/ Livraison Protis) au poste 44 en vacation Intermédiaire du lundi au vendredi - Durée du travail : 6h/vacation.

Madame [C] souhaiterait avoir l'avis de la délégation du personnel sur ces deux propositions .

La délégation du personnel donne un avis favorable sur ces propositions.'

Il en résulte que l'employeur n'a pas repris les termes précis des deux avis d'inaptitude rendus par le médecin du travail, à savoir inapte conduite d'engins, grues et portiques, inapte saisissage, inapte travail à bord, inapte travail en milieu empoussiéré, afin que les représentants du personnel puissent donner un avis éclairé sur les postes de reclassement proposés et n'a pas, en sus, avisé ces derniers que le 13 avril , M. [W] avait refusé ces deux postes afin qu'ils puissent éventuellement formuler d'autres propositions en vue d'un reclassement et donner un avis éclairé.

Il s'en suit que pour ce motif également, le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse et le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure, en application de l'article L 1226-15 du code du travail, à 12 mois de salaire.

L'employeur doit prouver encore qu'il a rempli avec sérieux et loyauté son obligation de reclassement.

Or, en l'espèce, l'employeur a proposé deux postes de dockers pointeurs à M. [W] par courrier du 7 avril 2015 tout en le convoquant, sans attendre sa réponse, le 8 avril à un entretien préalable à licenciement pour refus de reclassement suite à inaptitude pour le 17 avril, ce courrier mentionnant 'évidemment cette éventualité n'existe que dans l'hypothèse où vous refuseriez l'offre de reclassement que nous vous avons adressé par récent courrier. Toutefois, en l'état de la réglementation applicable nous sommes conduits à engager la procédure de licenciement avant même d'avoir obtenu votre retour sur l'offre de reclassement'.

Or la législation applicable n'oblige nullement l'employeur à convoquer le salarié avant même d'avoir reçu sa réponse aux propositions de reclassement.

Et suite au refus motivé du salarié exprimé par courrier du 13 avril, l'employeur n'a effectué aucune nouvelle recherche et il ne verse aux débats aucune pièce .

De plus, il ne démontre pas que ces deux postes étaient les seuls existant, ne produisant pas le registre du personnel mais un document non probant ne comportant aucune numérotation, ni titre, ni identification des postes occupés par le personnel.

Il ne démontre donc pas non plus qu'aucun poste administratif n'existait en son sein.

S'il prétend qu'une recherche de reclassement au sein du GEMEST lui-même constitue en fait une recherche parmi toutes les autres entreprises membres du groupement telles qu'INTRAMAR, SOCOMA, il ne démontre pas ce fait et ne justifie pas avoir consulté les autres entreprises membres du groupement.

Il s'en suit que la recherche de reclassement n'a été ni loyale ni sérieuse, ce qui rend également le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur le refus du salarié des postes de reclassement proposés

En l'espèce, l'employeur a privé le salarié de ses indemnités spéciales de licenciement et compensatrice de préavis en considérant que le refus de poste était abusif.

En droit, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Il est constant que M. [W] a refusé les deux postes de dockers pointeurs qui lui étaient proposés au titre du reclassement.

L'employeur qui a la charge de la preuve soutient que les deux postes qui étaient proposés étaient conformes aux préconisations du médecin du travail et se rapprochaient le plus possible de son emploi précédent de docker.

M. [W] occupait un poste de docker et le poste de docker pointeur est en effet proche de celui qu'il occupait précédemment.

En outre, le médecin du travail a indiqué sur la lettre de proposition de reclassement, par mention manuscrite que 'les postes de reclassement proposés par le GEMEST prennent en compte mes conclusions médicales et les indications que j'ai formulées sur l'inaptitude du salarié à exercer des tâches de son emploi précédent. Ils sont compatibles avec l'état de santé actuel de M. [W].'

M. [W] ne démontre pas le contraire par les pièces qu'il verse au dossier, qui ne démontrent pas qu'il aurait été amené à travailler dans un milieu empoussiéré.

Mais le refus du salarié n'est pas abusif, de principe, si l'emploi proposé débouche sur une modification du contrat de travail, telle une baisse de rémunération ou une modification de l'horaire de travail.

Or les deux postes proposés , à savoir :

- Pointeur 2éme catégorie (Réception/ Livraison Protis) au poste 54 en vacation Intermédiaire du lundi au samedi - Durée du travail : 6h/vacation

- Pointeur 2éme catégorie (Réception/ Livraison Protis) au poste 44 en vacation Intermédiaire du lundi au vendredi - Durée du travail : 6h/vacation

entraînaient d'une part des horaires modifiés par rapport à son contrat de travail, imposés en vacation intermédiaires de 6 heures du lundi au vendredi ou au samedi et donc le salarié était privé de travail les dimanches ou les nuits et une baisse de sa rémunération, à savoir la perte de ses indemnités forfaitaires par jour travaillé et autres primes de nuit, de dimanches, outre le bénéfice d'une prime de productivité, toutes primes prévues à l'annexe de son contrat de travail.

En conséquence, le refus du salarié ne peut être qualifié d'abusif.

Il s'en suit que M. [W] a droit à ses indemnités spéciales de licenciement et compensatrice de préavis.

- Sur l'indemnisation de M. [W]

M. [W] a droit à des dommages et intérêts pour licenciement abusif pour une somme non inférieure à 12 mois de salaire, en application de l'article L 1226-15 du code du travail.

M. [W] avait 15 ans d'ancienneté et a perdu son emploi à l'âge de 51 ans , il a fait valoir ses droits à la retraite et perçoit une pension modeste de l'ordre de 1200 € nette environ.

Il gagnait, avant la suspension de son contrat la somme de 5776,21 € brut.

Il y a donc lieu de lui allouer la somme de 75.500 € en réparation de son préjudice.

M. [W] a droit, en application de l'article L 1226-14 du même code à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 17.328, 63 € outre congés payés afférents de 1732,86 € en application de la loi et de la convention collective nationale unifiée ports et manutention.

Et à l'indemnité spéciale de licenciement , il lui reste dû à ce titre , selon le calcul qu'il produit et qui n'est pas contesté adversairement, un solde de 13.860,44 €.

- Sur le rappel de salaire au titre des congés payés

En l'espèce, le montant correspondant à un jour de congé payé est variable car dépendant de la rémunération perçue sur la période d'acquisition de ces congés.

Or en 2014, le contrat de travail du salarié était suspendu et dès lors le montant du salaire journalier correspond à celui issu du calcul du maintien de salaire , soit la somme de 106,86 € brut par jour et non à un salaire journalier de 211,64 € comme pour les congés payés perçus en 2013 correspondant à une période de référence où le salarié a travaillé et touché des primes et majorations.

Il s'en suit que le salarié a été rempli de ses droits et sera débouté de sa demande à ce titre.

- Sur les autres demandes

Il y a lieu de fixer la moyenne des salaires à la somme de 5776,21 €.

Les sommes allouées au salarié, s'agissant des rappels de salaires et indemnités produiront intérêt au taux légal à compter de la demande et les dommages et intérêts à compter du présent arrêt, avec capitalisation.

Le GEMEST sera condamné aux entiers dépens ainsi qu'à payer à M. [W] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté M. [W] de sa demande au titre du solde des congés payés, condamné le GEMEST à payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Déboute le GEMEST de toutes ses demandes.

Condamne l'association GEMEST au paiement des sommes suivantes au profit de Monsieur [W] :

' 75.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 17.328,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice équivalente de préavis,

' 1.732,86 euros au titre de l'incidence sur les congés payés ;

' 13.860,44 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;

' 3.000,00 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et les entiers dépens ;

Fixe la moyenne des salaires à la somme de 5.776,21 euros ;

Condamne l'association GEMEST au paiement des intérêts légaux s'agissant des rappels de salaires et indemnités produiront intérêt au taux légal à compter de la demande et les dommages et intérêts à compter du présent arrêt, avec capitalisation.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/05906
Date de la décision : 28/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/05906 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-28;17.05906 ?
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