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27/02/2020 | FRANCE | N°18/06997

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 27 février 2020, 18/06997


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2020



N° 2020/93













Rôle N° RG 18/06997 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKRX







SA SOCIETE BPE





C/



[N] [H]

[C] [K] épouse [H]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me CECCANTINI

Me ARNOUX












>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 29 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00313.





APPELANTE



SA BPE, anciennement dénommée S.A. BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux,

dont le siège so...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2020

N° 2020/93

Rôle N° RG 18/06997 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKRX

SA SOCIETE BPE

C/

[N] [H]

[C] [K] épouse [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me CECCANTINI

Me ARNOUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 29 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00313.

APPELANTE

SA BPE, anciennement dénommée S.A. BANQUE PRIVEE EUROPEENNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Céline CECCANTINI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [N] [H]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre ARNOUX de la SELARL SELARL ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [C] [K] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre ARNOUX de la SELARL SELARL ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2019 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller, magistrat rapporteur

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation le 27 Février 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2020,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon offre du 23 février 2004, la SA Banque Privée Européenne, devenue BPE, a consenti à M. [N] [H] et Mme [C] [K], son épouse, un prêt immobilier d'un montant de 503.200 euros, au taux variable de 3,90 %, d'une durée de 15 ans, remboursable en 179 échéances de 1.866,87 euros et une échéance finale de 505.066,87 euros.

En garantie de ce prêt, était notamment prévu le nantissement d'un contrat d'assurance vie souscrit le 10 mai 2003 par M. [N] [H] auprès de la SA Cardif Assurance Vie, dont la valeur au 24 mars 2004 était de 154.982 euros, une délégation de créance au profit de la BPE ayant été signée le 6 avril 2004.

Par avenant du 20 mai 2006, le crédit a été converti en prêt au taux fixe de 4,15 %.

Selon courriel du 1er septembre 2015, M. [N] [H] a indiqué à la banque envisager le rachat partiel du contrat d'assurance vie nanti aux fins de remboursement partiel du prêt immobilier qui lui avait été consenti.

Différents échanges ont eu lieu entre les parties.

Le 10 février 2016, il a été procédé au rachat total du contrat d'assurance vie de M. [N] [H] dont la valeur à cette date s'élevait à la somme de 236.134,26 euros.

Exposant que, au moment où il avait sollicité le remboursement anticipé de son prêt immobilier, la valeur de ce contrat s'élevait à la somme de 288.000 euros, et que les manquements de la banque lui avaient causé un préjudice financier conséquent, M. [N] [H] a, par courrier recommandé du 29 juin 2016, mis en demeure la BPE de lui payer la somme de 59.440 euros.

Par acte du 19 décembre 2016, M. [N] [H] a fait assigner la banque en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement du 29 mars 2018, ce tribunal a :

' reçu Mme [C] [K] épouse [H] en son intervention volontaire,

' condamné la SA Banque Privée Européenne à payer à M. [N] [H] la somme de 40.000 euros,

' condamné la SA Banque Privée Européenne à payer à M. [N] [H] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' rejeté toute autre demande,

' condamné la SA Banque Privée Européenne aux dépens recouvrables en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

' ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Suivant déclaration du 23 avril 2018, la SA BPE, anciennement dénommée Banque Privée Européenne, a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 13 décembre 2018, auxquelles il convient de se reporter en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :

' la dire recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes,

en conséquence,

' infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

' débouter M. et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

' condamner M. et Mme [H] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner M. et Mme [H] au paiement des entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Céline Ceccantini, avocat à la cour.

Par conclusions notifiées et déposées le 13 septembre 2018, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [N] [H] et Mme [C] [K] demandent à la cour de :

' débouter la société Banque Privée Européenne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' les accueillir en leur appel incident et le dire bien fondé,

à ce titre,

' confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 29 mars 2018 en ce qu'il a :

' reçu Mme [C] [K] épouse [H] en son intervention volontaire,

' condamné la SA Banque Privée Européenne à payer à M. [N] [H] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SA Banque Privée Européenne aux dépens,

' ordonné l'exécution provisoire du jugement,

' infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

' condamné la société Banque Privée Européenne au paiement de la somme de 40.000 euros,

' rejeté toutes leurs autres demandes,

et statuant de nouveau :

' dire que la Banque Privée Européenne n'a pas respecté ses obligations contractuelles,

' dire que la Banque Privée Européenne a manqué à son obligation de conseil,

' dire que la Banque Privée Européenne a manqué à son obligation de mise en garde,

en conséquence,

' condamner la Banque Privée Européenne à payer :

' à M. [H] la somme de 52.000 euros au titre de la perte de valeur de son contrat d'assurance vie,

' à M. [H] et Mme [K] épouse [H] les sommes suivantes :

' 2.988 euros correspondant à la différence entre le montant des mensualités réglées durant la période litigieuse et celui qu'ils auraient dû régler si la Banque Privée Européenne avait procédé au rachat du crédit d'assurance vie au moment où M. [H] en avait donné l'ordre,

' 6.444 euros correspondant à la différence entre le montant des mensualités réglées depuis le mois de mars 2016 et celui qui aurait été réglé, si la Banque Privée Européenne avait exécuté ses obligations contractuelles, et ce, jusqu'à la date de fin du contrat,

' condamner la Banque Privée Européenne, outre aux entiers dépens, à payer à M. [N] [H] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

' condamner la Banque Privée Européenne aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Arnoux-Pollak.

MOTIFS

L'appelante soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle n'a, en aucune manière, commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Invoquant les dispositions des articles 2363 du code civil et L132-10 du code des assurances, la SA BPE fait valoir que, le contrat d'assurance vie Cardif étant nanti à son profit, elle bénéficiait seule de la faculté de rachat, ce que M. [N] [H] ne pouvait ignorer et avait d'ailleurs reconnu, que, en sa qualité de créancier nanti, elle n'avait aucune obligation d'accéder à la demande de l'assuré et constituant et, en conséquence, aucune obligation d'y répondre dans un quelconque délai, que cela est d'autant plus vrai qu'elle a légitimement subordonné l'octroi de cette autorisation à la mise en place du remboursement anticipé du prêt, qu'ainsi, l'ensemble des échanges entre elle et l'intimé ne constituait qu'une négociation tendant à établir les modalités de ce remboursement et à déterminer si elle était en mesure d'autoriser ce dernier à exercer un droit dont il ne disposait pas initialement.

Les époux [H]-[K] répliquent que le jugement ne pourra qu'être confirmé dès lors qu'il résulte clairement de son courriel du 1er septembre 2015 que M. [N] [H] informait la BPE de son intention de réaliser un rachat partiel du crédit et s'inquiétait de l'évolution des marchés, que les courriels suivants établissent que leur décision de procéder à l'opération financière était arrêtée, seule demeurant en suspens la négociation des indemnités de remboursement partiel anticipé, question indépendante du rachat et qui ne le remettait pas en cause.

Ils font valoir que, de la correspondance échangée, il résulte qu'ils ont informé de manière claire et non équivoque la BPE de leur intention de procéder au rachat partiel du crédit, que cette dernière a fait preuve d'un mutisme et d'une inaction manifestes, que cette inaction a fait perdre à M. [N] [H] une somme d'argent conséquente, que la banque ne l'a aucunement conseillé lors des divers échanges, qu'en tout état de cause, il apparaît clairement que l'appelante a manqué à son devoir de conseil envers eux, qu'en effet, elle était tenue à une obligation d'information et de conseil envers son client, notamment sur le suivi de la valeur du contrat d'assurance vie souscrit et nanti.

Si, selon les dispositions de l'article 2363 du code civil, le nantissement a pour effet de conférer au seul créancier nanti le droit de recevoir valablement le paiement de la créance nantie, et si l'article L132-10 du code des assurances prévoit que, « sauf clause contraire, le créancier nanti peut provoquer le rachat nonobstant l'acceptation du bénéficiaire », ces dispositions ne signifient pas que le souscripteur ne puisse être, comme le stipule d'ailleurs l'article 3 des conditions spécifiques du prêt, à l'initiative de la demande de rachat, lequel ne peut cependant effectivement s'opérer qu'avec l'accord du délégataire, ainsi que le rappelle également l'article 5 de la délégation de créance signée par les parties le 6 avril 2004.

A cet égard, des courriels produits aux débats, il résulte que :

- le 1er septembre 2015, M. [N] [H], faisant part à la banque de ce qu'il envisageait le rachat partiel du contrat d'assurance vie nanti aux fins de remboursement partiel du prêt immobilier qui lui avait été consenti, sollicitait un échange sur ce point et en conséquence un rendez-vous pour en discuter,

- le 28 septembre 2015, faisant suite à une « première rencontre », il indiquait s'orienter vers « le rachat total », et interrogeait son interlocuteur notamment quant aux « pénalités » susceptibles de lui être appliquées,

- le 2 octobre 2015, il pensait pouvoir « rentrer en négociation concernant les indemnités pour remboursement partiel anticipé » et demandait : « Peut-on commencer l'échange ' »,

- le 11 octobre 2015, il formulait une « proposition de modulation de l'indemnité », et sollicitait des précisions sur « la démarche à finaliser avec CARDIF ou son représentant pour se préparer sans tarder au rachat du contrat d'assurance vie de manière à minimiser les délais lors de la prise de décision »,

- le 15 octobre 2015, il indiquait à son interlocuteur ne pas savoir si celui-ci avait eu l'occasion de lui répondre, avoir des difficultés avec la réception de ses messages, et lui donnait un numéro de téléphone où le joindre « si nécessaire »,

- le 19 novembre 2015, son conseiller lui indiquait souhaiter convenir d'un rendez-vous téléphonique de trente minutes concernant sa demande, lui proposant plusieurs dates la semaine suivante,

- le 7 janvier 2016, M. [N] [H] demandait à son conseiller s'il serait joignable dans les délais les plus brefs,

- il le relançait le 8 janvier 2016,

- le 11 janvier 2016, il s'adressait à la directrice de l'agence pour se plaindre de la « réactivité limitée » de son conseiller concernant un dossier de rachat d'assurance vie, « l'opération devant au préalable bénéficier de l'accord de la BPE ».

Selon courriers du 28 janvier 2016 respectivement adressés à la Cardif, M. [N] [H] « confirm(ait) (s)a décision de racheter totalement le contrat (...) », et la BPE donnait « mainlevée entière et définitive de ce nantissement sous réserve que le produit de la vente de ce contrat soit versé (...) ».

Le 10 février 2016, il était procédé par la SA Cardif au rachat total du contrat s'élevant à la somme de 236.134,26 euros.

Au regard des éléments précités, outre que la réalisation de l'opération de rachat était, comme le rappelle le souscripteur délégant lui-même, subordonnée à l'agrément du créancier nanti délégataire, il apparaît en tout état de cause que le délai écoulé, entre le moment où l'intimé a indiqué souhaiter entamer les « négociations » et celui où la banque a donné son accord à l'opération, ne saurait être qualifié de fautif.

La BPE ne peut donc voir sa responsabilité engagée de ce chef.

Par ailleurs, l'appelante, si elle peut, sous certaines conditions, être tenue, en sa qualité de banquier dispensateur de crédit, d'une obligation de mise de garde lors de l'octroi du prêt, n'est aucunement débitrice d'un tel devoir en cours de contrat, et en tout état de cause s'agissant d'un contrat d'assurance.

En ce qui concerne le devoir d'information et de conseil qu'il invoque, M. [N] [H], qui ne prétend pas même avoir jamais formulé en cours de contrat une quelconque demande à cet égard, ne saurait se prévaloir à l'encontre de la banque, créancier nanti, d'un manquement quant au suivi de la valeur du contrat d'assurance vie souscrit antérieurement à l'octroi du prêt auprès de la SA Cardif.

Les intimés sont en conséquence déboutés de l'ensemble de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [N] [H] et Mme [C] [K] de l'ensemble de leurs demandes,

Les condamne à payer à la SA BPE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 18/06997
Date de la décision : 27/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°18/06997 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-27;18.06997 ?
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