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27/02/2020 | FRANCE | N°18/06932

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 27 février 2020, 18/06932


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2020



N° 2020/91













Rôle N° RG 18/06932 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKJV







[A] [Y]

[D] [O] épouse [Y]





C/



SAS SOGEFINANCEMENT





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me IMPERATORE

Me TEBIEL











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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/01998.





APPELANTS



Monsieur [A] [Y]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2020

N° 2020/91

Rôle N° RG 18/06932 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKJV

[A] [Y]

[D] [O] épouse [Y]

C/

SAS SOGEFINANCEMENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me IMPERATORE

Me TEBIEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/01998.

APPELANTS

Monsieur [A] [Y]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jade PILARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [D] [O] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jade PILARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS SOGEFINANCEMENT, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2019 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller, magistrat rapporteur

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation le 27 Février 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2020,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant offre acceptée le 2 juillet 2008, la SAS Sogefinancement a consenti à M. [A] [Y] et Mme [D] [O], son épouse, un prêt personnel d'un montant de 30.000 euros, au taux de 7,55%, remboursable en 84 mensualités.

Un avenant de réaménagement de ce prêt a été signé le 27 juin 2012, aux termes duquel les époux [Y]-[O] s'engageaient à régler la somme de 16.557,34 euros en 90 mensualités.

Des échéances étant impayées, la SAS Sogefinancement a, le 11 juin 2013, mis en demeure les emprunteurs de lui régler la somme de 18.454,79 euros.

Par ordonnance portant injonction de payer du 7 mai 2014, les époux [Y]-[O] ont été solidairement condamnés à payer à l'organisme prêteur la somme de 16.300 euros avec intérêts au taux légal.

M. [A] [Y] et Mme [D] [O] ont, le 19 juin 2014, formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 12 février 2016, le tribunal d'instance de Fréjus, statuant sur l'exception soulevée par les époux [Y] au visa des articles L.311-2, L311-3 et D.311-1 du code de la consommation, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Draguignan.

Par jugement du 14 mars 2018, ce tribunal a :

' déclaré recevable l'action en nullité du contrat de prêt,

' déclaré irrecevable l'action de Mme [D] [O] épouse [Y] en responsabilité de la SAS Sogefinancement,

' annulé le contrat de prêt entre M. [A] [Y] et la SAS Sogefinancement conclu le 2 juillet 2008,

' ordonné la restitution de la somme de 2.392,52 euros par M. [A] [Y] à la SAS Sogefinancement,

' condamné la SAS Sogefinancement à payer à M. [A] [Y] la somme de 3.500 euros,

' ordonné la compensation entre ces deux créances,

en conséquence :

' condamné la SAS Sogefinancement à verser à M. [A] [Y] la somme de 1.107,48 euros,

' condamné Mme [D] [O] épouse [Y] à verser à la SAS Sogefinancement la somme de 16.300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2014,

' rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

' dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

' ordonné l'exécution provisoire.

Suivant déclaration du 20 avril 2018, M. [A] [Y] et Mme [D] [O] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 8 novembre 2019, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :

' les recevoir en leur appel et, les y déclarant recevables et bien fondés,

' réformer le jugement rendu le 14 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a :

' déclaré irrecevable l'action de Mme [D] [O] épouse [Y] en responsabilité de la SAS Sogefinancement,

' débouté Mme [D] [O] épouse [Y] de sa demande reconventionnelle en nullité du prêt ainsi que des demandes en restitution,

' annulé le contrat de prêt uniquement dans les rapports entre M. [A] [Y] et la SAS Sogefinancement,

' ordonné la restitution de la somme de 2.392,52 euros par M. [A] [Y] à la SAS Sogefinancement,

' condamné la SAS Sogefinancement à payer à M. [A] [Y] une somme limitée à 3.500 euros,

' condamné Mme [D] [O] épouse [Y] à verser à la SAS Sogefinancement la somme de 16.300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2014,

' rejeté leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des dépens,

' laissé à leur charge leurs propres dépens,

' le confirmer en qu'il a déclaré leur action en nullité recevable,

statuant à nouveau des chefs du jugement critiqués,

' prononcer la nullité du crédit renouvelable conclu le 2 juillet 2008 entre eux et la SAS Sogefinancement,

' prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts incluse dans ledit prêt ainsi que toutes les autres stipulations contractuelles,

en conséquence,

' remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la souscription du crédit,

' dire que la SAS Sogefinancement a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à leur égard,

' condamner la SAS Sogefinancement à leur payer la somme de 3.500 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté,

' ordonner la compensation des éventuelles créances réciproques,

' prononcer l'extinction de l'hypothèque judiciaire sur le bien immobilier situé sur la commune d'[Localité 3] (77) cadastré section [Cadastre 1] B n°[Cadastre 2] et en ordonner la mainlevée,

en tout état de cause,

' débouter la SAS Sogefinancement de toutes ses demandes dirigées à leur encontre,

' condamner la SAS Sogefinancement à leur payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Pierre-Yves Imperatore, membre de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats associés.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 13 novembre 2019, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS Sogefinancement demande à la cour de :

' déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées dans les conclusions des époux [Y] du 31 octobre 2019 au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile,

' confirmer la décision en ce qu'elle déclare irrecevable l'action de Mme [O] épouse [Y] en responsabilité,

' la confirmer en ce qu'elle condamne Mme [D] [O] épouse [Y] au paiement,

' la réformer pour le surplus,

en conséquence,

' déclarer irrecevables et infondées les demandes et les contestations de M. [A] [Y] et de Mme [D] [O] épouse [Y],

vu le contrat du 2 juillet 2008,

vu les dispositions des articles 220, 1134 et suivants du code civil,

' déclarer ses demandes recevables et fondées,

' débouter M [A] [Y] et Mme [D] [O]-[Y] de leurs demandes en dommages et intérêts et de l'ensemble de leurs demandes,

' condamner en conséquence solidairement M. [A] [Y] et Mme [D] [O] épouse [Y] à lui payer les sommes portées dans l'ordonnance d'injonction de payer, soit 16.300 euros en principal, outre intérêt légal depuis la signification de l'ordonnance d'injonction de payer,

' les condamner au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' les condamner aux dépens.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat de prêt :

Les appelants sollicitent, au visa des articles 414-1 et 414-2 du code civil, la nullité du contrat souscrit le 2 juillet 2008, au motif qu'il n'a pu valablement se former en raison de l'absence de consentement, lequel fait défaut en cas de trouble mental, dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats que, compte tenu des atteintes neurologiques sévères dont il souffrait, M. [A] [Y] n'était pas capable de discernement au moment de la conclusion de ce prêt.

Ils reprochent au tribunal d'avoir considéré que la nullité n'avait lieu qu'à l'égard de M. [A] [Y], alors qu'il s'agit d'une nullité absolue, de telle sorte que Mme [D] [O] était tout aussi recevable que son époux à poursuivre la nullité de l'acte querellé qui est atteint en son entier, et font valoir que laisser subsister l'obligation en ce qui concerne l'épouse reviendrait à contourner les effets de la nullité à l'égard de l'insane d'esprit, lequel demeurerait ainsi exposé à un risque de recours sur ses biens nonobstant l'annulation de son engagement.

La SAS Sogefinancement réplique que les demandes des époux [Y]-[O] sont irrecevables, que, le contrat ayant été souscrit en 2008, elles sont prescrites, que les appelants ne peuvent invoquer les dispositions de l'article 414-1 du code civil, lesquelles ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2009, soit postérieurement à la souscription du contrat.

Elle ajoute que leur argumentation n'est pas justifiée, que M. [A] [Y] se prétend atteint de troubles du discernement, alors qu'il ne justifie d'aucun placement sous sauvegarde et continue à agir en justice, qu'il n'a pas hésité lors de la conclusion du contrat, quand il soutient désormais être invalide depuis 2003, à déclarer notamment qu'il était chargé d'un bureau d'études, qu'en toute hypothèse, la situation de Mme [D] [O], manifestement en mesure de comprendre la nature et la portée de son engagement, ne permet pas de l'exonérer de ses obligations.

Si l'article 414-1 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 ne s'applique effectivement pas aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur, les dispositions dont se prévalent les appelants figuraient, à la date de souscription du contrat litigieux, à l'article 489 du même code.

Aux termes de cet article, l'action en nullité de l'acte pour insanité d'esprit, que, de son vivant, seul celui qui est atteint du trouble mental peut exercer, s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304.

De ces textes, il résulte que Mme [D] [O] n'est pas recevable à prétendre engager l'action, qui n'appartient qu'à son époux.

Par ailleurs, à l'égard de ce dernier, qui ne fait l'objet d'aucune mesure de protection, le délai de prescription de l'action en nullité de l'article 489 ancien court du jour de l'acte contesté.

Dès lors, sauf à établir que ce délai n'a pas commencé à courir ou a été suspendu à son encontre du fait de son impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure, il ne peut qu'être constaté que, au moment où M. [A] [Y] a soulevé la nullité du contrat litigieux, le délai de cinq ans de l'article 1304 précité était expiré.

A cet égard, l'appelant, qui soutient que la prescription n'a pas commencé à courir dans la mesure où, du fait de son état de santé mentale, il s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir, fait valoir que, depuis l'apparition de sa maladie en 2001, son état, irréversible, n'a cessé de se détériorer.

Mais, au regard même de cette argumentation, M. [A] [Y], qui ne prétend donc pas à une quelconque amélioration de son état, alors même qu'il agit personnellement dans le cadre de la présente instance, ne justifie pas d'un cas de force majeure qui aurait été de nature à retarder le point de départ du délai de prescription ou à en suspendre le cours.

En conséquence, l'action de l'appelant en nullité du contrat est irrecevable comme prescrite.

La créance de l'intimée n'étant pas autrement contestée, les époux [Y]-[O] sont solidairement condamnés à payer à la SAS Sogefinancement la somme de 16.300 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer.

Sur le devoir de conseil et de mise en garde :

Les appelants reprochent à la SAS Sogefinancement d'avoir, en ne s'assurant pas de leur solvabilité et en ne les éclairant pas sur les risques liés au concours consenti alors qu'ils étaient des emprunteurs non avertis, failli à son devoir de conseil et de mise en garde. Ils sollicitent de ce chef la condamnation de l'intimée à leur payer une somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts.

L'intimée soulève la prescription de l'action en responsabilité ainsi dirigée à son encontre.

L'obligation à laquelle peut être, sous certaines conditions, tenu l'établissement dispensateur de crédit s'apprécie à la date de souscription du prêt, et le dommage résultant de la perte de chance de n'avoir pas contracté est donc constitué à cette date.

Ainsi, le délai de prescription de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la SAS Sogefinancement a commencé à courir le jour de l'établissement du contrat litigieux, soit le 2 juillet 2008.

Dès lors, tant M. [A] [Y], qui ne justifie pas s'être trouvé dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure, que Mme [D] [O] doivent être déclarés irrecevables en leur demande de dommages-intérêts, laquelle est prescrite.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en responsabilité de Mme [D] [O], et a condamné cette dernière à verser à la SAS Sogefinancement la somme de 16.300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2014,

Statuant à nouveau,

Déclare M. [A] [Y] et Mme [D] [O] irrecevables en leur demande de nullité du contrat de prêt,

Déclare M. [A] [Y] irrecevable en son action en responsabilité à l'encontre de la SAS Sogefinancement,

Condamne M. [A] [Y], solidairement avec Mme [D] [O], à payer à la SAS Sogefinancement la somme de 16.300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2014,

Condamne les appelants à payer à la SAS Sogefinancement la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne les époux [Y]-[O] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 18/06932
Date de la décision : 27/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°18/06932 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-27;18.06932 ?
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