La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2020 | FRANCE | N°17/13193

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 février 2020, 17/13193


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 FEVRIER 2020



N° 2020/ 65



RG 17/13193

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA32Z







[E] [H]





C/



SARL SUD PRESSING

























Copie exécutoire délivrée le :



à :



-Me Laurent LAILLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Martine PANOSSIAN de la SCP BBLM, avocat au ba

rreau de MARSEILLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00472.





APPELANTE



Madame [E] [H] es qualité d'ayant...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 FEVRIER 2020

N° 2020/ 65

RG 17/13193

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA32Z

[E] [H]

C/

SARL SUD PRESSING

Copie exécutoire délivrée le :

à :

-Me Laurent LAILLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Martine PANOSSIAN de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00472.

APPELANTE

Madame [E] [H] es qualité d'ayant droit de Monsieur [X] [H], née le [Date naissance 1] 1965 à BIELORUSSIE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent LAILLET de la SELARL CARLINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL SUD PRESSING, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Martine PANOSSIAN de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Melanie SAVELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Erika BROCHE, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Erika BROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2020, délibéré prorogé au 14 Février 2020.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Février 2020

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] [H] a été embauché en qualité de chauffeur livreur par la société S.A.R.L. SUD PRESSING, par contrat à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2003 avec reprise d'ancienneté à temps partiel (32 heures/semaine) au coefficient 155 de la convention collective nationale de la blanchisserie teinturerie et nettoyage des bouches du Rhône. A compter du mois de Mars 2005, Monsieur [H] est employé à temps plein, à raison de 151 h 67 par mois, moyennant un salaire mensuel brut de 1300,00 euros.

Monsieur [H] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter de février 2012. Au terme de deux avis rendus les 30 avril et 17 mai 2013, le médecin du travail a déclaré Monsieur [H] inapte à son poste de travail.

Convoqué en entretien préalable à un éventuel licenciement les 24 juin et 5 juillet 2013, auxquels il ne pourra se présenter pour raisons médicales, Monsieur [X] [H] décède le [Date décès 3] 2013 des suites d'une tumeur.

Sollicitant notamment des rappels de salaire, plaidant le harcèlement moral et la requalification du contrat de travail de son défunt époux, Madame [E] [W] veuve [H] a saisi le conseil de prud'hommes de MARSEILLE le 26 décembre 2013.

Par décision contradictoire en date du 6 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- déclaré recevable la demande de Mme [E] [H], ayant droit de M. [X] [H], décédé;

- déclaré prescrites les demandes antérieures au 26 décembre 2010 quant au paiement de salaires ou rappels de salaires;

- condamné la S.A.R.L. SUD PRESSING sous l'enseigne SUD PRESSING, prise en la personne de son représentant légal, en exercice, à verser à Mme [E] [H], ayant-droit de M. [X] [H], décédé, les sommes suivantes :

- 66,00 € au titre du rappel de salaires correspondant à la rémunération du repos compensateur pour les heures effectuées en 2011;

- l.492,70 € au titre de l'indemnité de panier pour la période du 26 Décembre 2010 à Février 2012,

- 800 € au titre des dispositions telles que prévues à l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la S.A.R.L. SUD PRESSING, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [E] [H], ayant-droit de M. [X] [H], les salaires des mois de Mai, Juin et Juillet 2013, ainsi que les indemnités de congés payés afférentes, en deniers et quittances, avec la remise des bulletins de salaire correspondants.

- ordonné que tous ces versements soient régularisés sur un bulletin de salaire rectificatif qui sera remis à Mme [E] [H], ayant droit de M. [X] [H].

- débouté Mme [E] [H], ayant droit de M. [X] [H] de toutes ses autres demandes.

- débouté la S.A.R.L. SUD PRESSING de toutes ses demandes;

- condamné la partie défenderesse aux entiers dépens.

Madame [E] [W] veuve [H] a interjeté appel partiel de cette décision le 7 juillet 2017, demandant confirmation du jugement en ce qu'il l'a déclarée recevable à agir ès qualité de veuve, condamné la S.A.R.L. SUD PRESSING à lui verser 66,00 € au titre du rappel de salaires correspondant à la rémunération du repos compensateur pour les heures effectuées en 2011, l.492,70 € au titre de l'indemnité de panier pour la période du 26 décembre 2010 à Février 2012, 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les salaires des mois de Mai, Juin et Juillet 2013, avec la remise des bulletins de salaire correspondants et l'infirmer pour le surplus.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2017, et auxquelles il est référé pour un exposé complet des prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SUD PRESSING aux sommes suivantes:

66,00 euros au titre de rappel de salaires correspondant à la rémunération du repos compensateur 2011,

1492.70 euros au titre de l'indemnité de panier pour la période du 26 décembre 2010 à Février 2012

800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Salaires de Mai, Juin et Juillet 2013 et congés payés afférents, avec remise des BS.

- le réformer pour le surplus,

- dire et juger les demandes de l'épouse de M. [H] recevables et bien fondées.

- ordonner la délivrance du certificat de travail rectifié, de l'attestation pôle emploi et des bulletins de salaires des mois de mai, juin et juillet 2013

- condamner la Société SUD PRESSING à payer :

- 349,00 euros bruts, à titre de rappel de salaire, outre 34,00 euros au titre des congés payés afférents;

- 4 433.97 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateurs au titre des

heures supplémentaires effectuées et payées en qualité de chauffeur livreur pour la période de 2007 à 2011;

- 2 595 euros à titre d'heures supplémentaires effectuées non payées en qualité d'assistant administratif et comptable pour l'année 2011, outre une somme de 259 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non prise des repos compensateurs.

- 29 1787 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement;

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêt pour violation des dispositions légales sur

le temps partiel;

- 154,00 euros bruts au titre des deux jours de congés non pris pour la période de 2011,

- 3 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour la privation injustifiée des jours de fractionnement;

- 9 240,00 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé;

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions sur la durée du travail et les jours de repos.

- 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2017, et auxquelles il est référé pour un exposé complet des prétentions et moyens, l'intimée demande à la cour :

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes, en ce qu'il a jugé recevable la demande de Madame [H] et a condamné la société SUD PRESSING au paiement des sommes suivantes :

- 66,00 € de rappel de salaire correspondant à la rémunération du repos compensateur pour les heures effectuées en 2011,

-1492.70 € au titre de l'indemnité de panier pour la période du 26.12.2010 à février 2012,

- 800 € au titre de l'article du code de procédure civile.

Et en ce qu'il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, en ce qu'il a débouté Madame [H] de l'ensemble de ces autres demandes,

A titre principal

- dire et juger irrecevable Madame [H] pour défaut de qualité a agir,

A titre subsidiaire

- constater que Madame [H] n'apporte aux débats aucun élément de preuve à l'appui de ses demandes salariales;

- constater qu'aucun licenciement n'a jamais été prononcé à l'encontre de Monsieur [H] ;

- constater que Madame [H] ne démontre pas les chefs de préjudices dont elle demande réparation,

- constater la prescription de l'ensemble des demandes antérieures au 26 décembre 2010.

- débouter Madame [H] de l'ensemble de ces moyens, fins et prétentions;

- débouter Madame [H] de sa demande de 66,00 € de rappel de salaire correspondant à la rémunération du repos compensateur pour les heures effectuées en 2011, s'agissant d'une demande non soutenue dans les écritures de l'appelante;

- déclarer irrecevables les demandes de 1 787,00 € pour non-respect de la procédure de licenciement 5000,00 € pour violation des dispositions légales au titre du temps partiel, 5 000 € dommages et intérêts violation des dispositions relatives à la durée du travail et aux jours de repos, puisque nouvelles en cause d'appel;

- condamner Madame [H] au versement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner Madame [H] au versement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOYENS

- Sur l'intérêt à agir

L'intimée estime que Mme [H] est irrecevable estimant que l'intérêt à agir suppose l'existence du litige du vivant du défunt. La S.A.R.L. SUD PRESSING souligne que l'action prud'homale est née cinq mois après le décès du salarié.

- Sur le harcèlement moral

Mme veuve [H] indique que son époux effectuait régulièrement (de 2002 à la fin octobre 2011) des travaux sans lien avec ses fonctions contractuelle de livreur, et notamment : l'enregistrement des factures mensuelles par client et par article, l'établissement des listes de factures par date et numéro, l'entretien des machines du pressing, le chargement manuel des cartouches de filtration en perchlorétylène, l'entretien courant.

Mme [H] précise qu'à compter de 2008, il n'est plus proposé à son époux de faire des heures supplémentaires, son jour de repos contractuel change chaque semaine, Mme [M] organise le travail de son salarié de façon à gêner le déroulement normal de sa vie familiale, lui demandant de venir travailler en urgence le dimanche ; qu'on lui supprime la prime panier ; qu'il continue cependant d'exécuter des tâches de saisie comptable à son domicile ses jours de repos ; qu'à partir de fin 2011, on lui supprime les tâches administratives ; qu'en novembre 2011, la S.A.R.L. SUD PRESSING a recruté deux chauffeurs livreurs à temps partiel et a confié une partie des tâches administratives à Mme [C] ; que du fait d'une dégradation de ses conditions de travail, M [H] a été atteint d'un syndrome anxio-dépressif ; qu'elle précise également que son état s'est aggravé au motif que lorsqu'il arrivait à son travail le matin, personne ne le saluait ; Madame [M] achetait et servait du champagne aux membres du personnel, sauf à M [H] qui, pendant ce temps, devait attendre dans la voiture de livraison ; que Madame [M] adressait systématiquement à Monsieur [H] des reproches, des critiques injustifiées; que le 14 janvier 2012 (un samedi jour de repos), la gérante Madame [C] [A] a menacé Monsieur [H], en lui disant: ' Attention si tu continues on pourra te retrouver dans la mer'.

Elle précise que son époux avait préparé ses justificatifs pour engager une action devant le Conseil de Prud'hommes, mais au mois de Mars 2012, son médecin généraliste a décelé un cancer du pancréas. Elle estime que la dégradation des conditions de travail de son époux ont altéré sa santé physique et mentale.

La S.A.R.L. SUD PRESSING conteste toute notion de harcèlement moral et indique que les pièces versées aux débats ne rapportent aucunement la preuve des faits qu'allègue Mme [H].

- Sur la prime de panier

Madame [H] indique que son époux a bénéficié d'une prime panier qui a été instaurée volontairement par l'employeur en février 2006, car les conditions ne permettent pas de prendre le repas sur le lieu de travail ; que le paiement de cette prime panier présentait le caractère de constance, généralité et de fixité, l'employeur l'ayant versée régulièrement avec le salaire, entre 2006 et 2008 et les 6 premiers mois de 2009 ; que cette prime a été supprimée subitement le 1erjuillet 2009, sans respecter la condition d'information individuelle des salariés. Elle sollicite pour la période non prescrite du 26 décembre 2010 au mois de février 2012 la somme de 1492.70 euros.

L'intimée conteste que la prime de panier ait été constante, générale et fixe. Elle indique en outre qu'en 2008 lors d'un contrôle, l'U.R.S.S.A.F a indiqué que cette prime n'était pas justifiée. En tout état de cause, elle soulève la prescription de la demande.

- Sur les heures supplémentaires

Mme [H] indique que son époux a sollicité à plusieurs reprises le paiement des heures supplémentaires, sans réponse de l'employeur. Elle indique que cela concerne aussi le travail administratif de facturation et le travail les dimanches. Elle précise que le nombre d'heures supplémentaires accomplies et figurant sur les BS a largement dépassé le nombre d'heures autorisées parla Convention collective et par le Code du travail et que son époux n'a jamais bénéficié de repos compensateur et sollicite des dommages et intérêts .

Concernant les heures supplémentaires, la S.A.R.L. intimée les conteste en indiquant qu'il y avait deux autres chauffeurs livreurs et qu'il n'existait aucun motif de recourir aux heures supplémentaires. Elle précise que Monsieur [H] n'a jamais effectué de taches administratives et que le travail les dimanches n'est aucunement établi.

Concernant le repos compensateur, l'intimée conclut à la prescription et au débouté du surplus.

Concernant la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la durée du travail et aux jours de repos l'intimée estime qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.

Enfin, elle conteste tout travail dissimulé et indique que le caractère intentionnel n'est aucunement établi.

- Sur la régularité de la procédure de licenciement

L'appelante précise que son époux qui se trouvait en arrêt maladie a été convoqué à deux reprises pour un entretien prévu en dehors des sorties autorisées, auquel il n'a pas pu se présenter.

L'intimée indique que c'est une demande nouvelle, irrecevable en appel.

- Sur le contrat de travail à temps partiel

Mme [H] indique que le contrat de travail de son époux n'a pas été fait par écrit et que dès lors, le contrat est présumé avoir été conclu à temps plein et non à temps partiel.

L'intimée estime que la demande est nouvelle et donc irrecevable en cause d'appel.

- Sur les jours de fractionnement

L'appelante indique que son époux a pris 10 jours ouvrables en mars 2011 et qu'il devait bénéficier de 2 jours de congés supplémentaires. L'intimée lui oppose la prescription en soulignant que la saisine du conseil de prud'hommes le 26 décembre 2013 ne permet pas l'examen des périodes antérieures au 26 décembre 2011.

- Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

La S.A.R.L. SUD PRESSING estime que la veuve de son salarié détourne la procédure de son objet en présentant des demandes en grande part prescrites et dénuées de preuves.

MOTIFS

1) Sur l'intérêt et la qualité à agir de Mme veuve [H]

L'article 724 du Code civil dispose que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt. En l'espèce, Mme veuve [H] avait bien intérêt et qualité pour agir, puisqu'elle a en sa qualité d'héritière du salarié un intérêt patrimonial à percevoir d'éventuel rappel de rémunération.

L'action de Mme [E] veuve [H] venant aux droits de feu [X] [H] sera donc déclarée recevable et la décision du conseil de prud'hommes sur ce point sera donc confirmée.

2) Demandes nouvelles en cause d'appel

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il apparaît à la lecture des conclusions écrites visées par le greffe le 6 mars 2017 et soutenues devant le conseil de prud'hommes au visa des notes d'audience, que les demandes fondées sur le non-respect de la procédure de licenciement, la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales au titre du temps partiel, la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la durée du travail et repos compensateur, n'ont pas été soumises au premier juge.

Elles seront donc déclarées irrecevables.

3) Demande concernant le harcèlement moral

Selon l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L1154-1 du même code, lorsqu'un salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement sexuel ou moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [H] invoque principalement la suppression de tâches et le refus de lui proposer des heures supplémentaires à compter de 2008, la suppression d'une prime de panier, des changements de planning intempestifs, une mise à l'écart par l'employeur et des insultes.

Elle verse aux débats :

- Un échange de courriers entre Monsieur [H] et l'employeur datant de novembre 2011à janvier 2012 duquel il ressort :

* le salarié évoque la signature promise par l'employeur d'un avenant au contrat de travail, explique avoir vécu avec Mme [M] [V] et travaillé 7jours sur 7, reproche à son employeur de lui communiquer la veille pour le lendemain ses horaires de travail et ses temps de pause d'être aléatoires. Le salarié indique s'interroger sur les 'véritables raisons de la suppression des heures supplémentaires'. Il conteste avoir été agressif ou malpoli envers des clients.

* Mme [M] répond qu'elle ne trouve pas de trace d'avenant au contrat de travail, que l'activité est moins importante que précédemment et que l'employeur n'a aucune obligation de proposer des heures supplémentaires à son salarié. Mme [M] indique également 'j'en profite pour vous indiquer que les clients sont mécontents et se plaignent de votre comportement agressif et impoli';

- des certificats médicaux qui évoquent un syndrome anxio-dépressif des suites d'un conflit professionnel avec son employeur qui serait aussi son ex-compagne (docteur [S], psychiatre 3 février 2012) ceci étant confirmé par le docteur [K], et [G];

- des photographies de bouteilles de champagne, des notes manuscrites non datées attribuées à Monsieur [X] [H].

- des fiches de paye sur lesquelles la prime de panier accordée en février 2006 (allant de 45,00 euros à 160,00 €) n'est plus versée à compter de juillet 2009 ;

Il ressort de ces pièces que le seul élément probant ne relevant pas des seules affirmations de l'appelante est la suppression de la prime panier. Or l'employeur justifie avoir reçu des observations de l'U.R.S.S.A.F le 1er décembre 2008 des suites d'un contrôle portant sur la justification des primes de panier accordées. Dès lors que l'employeur ne peut justifier auprès de l'U.R.S.S.A.F de la nécessité de verser cette prime au salarié, celle-ci a été supprimée, sans que cela ait un lien avec un éventuel harcèlement moral.

Il ressort de ces échanges que la rupture sentimentale entre Madame [M] et Monsieur [H] a certainement occasionné des tensions entre eux sur le lieu de travail. Mais cet élément ne peut à lui seul laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral qui suppose des agissements répétés.

Mme [H] sera donc déboutée de ce chef.

4) Autres demandes salariales et indemnitaires

- Indemnité de panier

Il apparaît que cette indemnité n'est pas prévue par le contrat de travail.

Pour qu'il y ait usage, il faut qu'il existe dans l'entreprise une pratique présentant un triple caractère de constance, de généralité et de fixité. Si ces trois conditions sont remplies, l'employeur est obligé de continuer à accorder l'avantage résultant de l'usage et ce tout le temps qu'il ne l'a pas dénoncé en bonne et due forme.

En l'espèce, la prime panier versée à compter de février 2006 a été constante jusqu'en juillet 2009. Elle n'était cependant pas fixe puisqu'elle variait chaque mois selon le nombre de paniers remboursés par l'employeur, en l'occurrence entre 13 et 24 sur l'année 2008 par exemple. Par ailleurs, la cour ignore si cette prime était versée à tous les salariés ou à tous les chauffeurs, cet élément ne ressortant d'aucune pièce versée aux débats.

Par conséquent, la décision du conseil de prud'hommes sera infirmée sur ce point.

- Les heures supplémentaires en qualité de chauffeur et d'assistant administratif

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, dès lors que le litige vient à porter sur l'existence ou le nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires qu'il considère lui rester dues, l'appelante présente un tableau détaillé avec un décompte journalier du nombre heures qu'il affirme avoir travaillées en tant que livreur, avec parfois les motifs des heures effectuées ('tournée organisée de façon idiote'; 'fin à 19 h 30 car erreur sur un linge client que l'on doit refaire'). Le tableau débute en novembre 2011 et se termine en mars 2012.

Aucun décompte n'est versé concernant l'activité d'assistant administratif à laquelle le salarié appelant dit s'être soumis les dimanches. Ainsi en l'état, l'employeur n'est pas en mesure de répondre à ce chef de demande.

L'employeur de son coté plaide que les fonctions de Monsieur [H] ne justifiaient pas de dépassement d'horaire et que deux autres livreurs avaient été embauchés. Il justifie de l'embauche entre le 30 janvier 2006 et le 12 février 2007 de Monsieur [B] [R], puis de Monsieur [N] [C] et de Monsieur [D] [C] embauchés le 1er novembre 2011 de manière pérenne.

Il apparaît que c'est à cette période que les parties se sont échangés des courriers où Monsieur [H] demande à son employeur quelles sont les'véritables raisons de la suppression des heures supplémentaires'. Il se plaint également de s'être vu supprimer des taches, cette situation ayant selon lui constitué un élément du harcèlement moral.

Le tableau versé aux débats entre donc en contradiction avec des moyens de droit et de fait soulevés par ailleurs dans le cadre des débats. La décision du conseil de prud'hommes sera donc également infirmée en ce qu'elle a condamné la S.A.R.L. SUD PRESSING au titre du rappel de salaires et à la rémunération du repos compensateur pour les heures effectuées en 2011.

- Travail dissimulé et rémunération du repos compensateur

Mme [H] ne pourra qu'être déboutée de ces chefs de demande qui découlent nécessairement de ses demandes relatives aux heures supplémentaires.

- Jours de congés non pris en 2011 et demande de dommages et intérêts pour privation des jours de fractionnement

L'article L 3141-19 du code du travail prévoit que des jours de congés supplémentaires sont attribués lorsqu'une fraction des congés est prise en dehors de la période légale du 1er mai au 31 octobre.

L'action en paiement de l'indemnité de congés payés est soumise à la prescription triennale et court à compter de l'expiration de la période à laquelle les congés auraient du être pris.

La requête ayant été déposée devant le conseil de prud'hommes le 26 décembre 2013, cette demande n'est pas prescrite.

L'appelante indique que son époux a pris 10 jours ouvrables en mars 2011 et qu'il devait bénéficier de 2 jours de congés supplémentaires, non pris, ce que l'employeur ne conteste pas.

Par conséquent, il conviendra de faire droit à la demande de Mme [H] à hauteur de 164,00 euros.

En revanche, il n'est pas contesté que Monsieur [H] n'a pas pu prendre ces deux jours de fractionnement congés en 2012 notamment du fait de sa mise en arrêt de travail pour maladie en février 2012. Par ailleurs, il n'apparaît pas qu'il avait sollicité son employeur que ce soit pour en bénéficier à titre de congés ou pour en obtenir le paiement.

Aucune faute n'est donc établie à l'égard de l'employeur. Mme [H] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il condamné la S.A.R.L. SUD PRESSING à verser à Mme [E] [H], les salaires des mois de Mai, Juin et Juillet 2013, ainsi que les indemnités de congés payés afférentes, en deniers ou quittances, avec la remise des bulletins de salaire correspondants, ce point n'étant pas contesté par l'intimée.

5) La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive :

Le droit d'agir en justice est un droit fondamental reconnu notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

En l'espèce, il n'est pas établi que Mme [E] [H] aurait agi avec intention de nuire à l'égard de la S.A.R.L. SUD PRESSING.

L'intimée sera donc déboutée de ce chef de demande.

6) Sur les dispositions accessoires

Mme [E] [H] qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 1000,00 euros au titre des frais irrépétibles engagés par la S.A.R.L. SUD PRESSING en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. SUD PRESSING à payer à Madame [E] veuve [H] aux sommes suivantes :

- 66 euros au titre de rappel de salaires correspondant à la rémunération du repos compensateur 2011,

- 1492.70 euros au titre de l'indemnité de panier pour la période du 26 décembre 2010 à Février 2012

- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare irrecevables les demandes de Mme [H] fondées sur le non-respect de la procédure de licenciement, la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales au titre du temps partiel, la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la durée du travail et repos compensateur, lesquelles étant des demandes nouvelles en cause d'appel;

Déboute Mme [E] [H] de sa demande au titre de l'indemnité de panier et de sa demande au titre de rappel de salaires correspondant à la rémunération du repos compensateur,

Condamne la S.A.R.L. SUD PRESSING à payer Madame [E] [H] la somme de 164 euros au titre des congés payés non pris en 2011 par Monsieur [X] [H] au titre du fractionnement ;

Déboute la S.A.R.L. SUD PRESSING de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Madame [E] [H] ;

Condamne Madame [E] [H] à payer à la S.A.R.L. SUD PRESSING la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/13193
Date de la décision : 14/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/13193 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-14;17.13193 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award