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13/02/2020 | FRANCE | N°17/19422

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 13 février 2020, 17/19422


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 13 FEVRIER 2020



N° 2020/54













Rôle N° RG 17/19422 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBMMR







SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC





C/



[S] [H]

SELARL DE SAINT-RAPT - BERTHOLET

SARL TDB GIBBES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gilles MATHIEU

Me Philippe K

LEIN













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016006503.





APPELANTE



SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 FEVRIER 2020

N° 2020/54

Rôle N° RG 17/19422 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBMMR

SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC

C/

[S] [H]

SELARL DE SAINT-RAPT - BERTHOLET

SARL TDB GIBBES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gilles MATHIEU

Me Philippe KLEIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016006503.

APPELANTE

SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée et assistée de Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

SARL TDB GIBBES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Maître [S] [H], assigné en intervention forcée en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sté TDB GIBBES,

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SELARL DE SAINT-RAPT - BERTHOLET, assigné en intervention forcée en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL TDB GIBBES,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée et assistée de Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme DUBOIS, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Février 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Février 2020,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

[Y] [I] est le gérant des SARL Les Arts et SARL TDB Holding, deux sociétés holding détenant :

- pour la première 99 % des parts des SARL FJ Arts, FJ Cathédrale et Aux artisans boulangers pâtissiers dont il est également le gérant, avec 1 % des parts sociales pour chacune des sociétés,

- pour la seconde, 99 % des parts des SARL TDB Paluds, TDB Félix Barret, TDB Château Gombert, TDB Prod et TDB Gibbes, dont il est aussi le gérant avec 1 % des parts sociales.

Ces sociétés ont pour activité la boulangerie pâtisserie ou la restauration rapide et il existe des relations croisées client-fournisseur, entre sociétés mères et filles, entre sociétés filles et entre les deux holding.

La SARL TDB Gibbes a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la Caisse d'Épargne CEPAC (la CEPAC), agence de [Localité 5] le 11 janvier 2013.

Par acte du 2 janvier 2013, la SARL TDB Holding a conclu une convention de gestion centralisée de trésorerie et d'avance intra-groupe, avec ses sociétés filles.

Par acte du 2 janvier 2013 et avenant du 1er octobre 2013, la SARL Les Arts a fait de même avec ses propres sociétés filles auxquelles s'est jointe la SARL Le Temps des tartines.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2014, la CEPAC a informé la SARL TDB Gibbes de ce qu'elle mettait en place immédiatement un délai d'encaissement pour les chèques déposés sur le compte, à raison du volume anormalement élevé des flux. Cette décision a eu pour conséquence la contre-passation des chèques émis par la SARL TDB Gibbes s'avérant sans provision.

Le 20 mai 2015, la banque a déposé plainte contre [Y] [I] pour des faits d'escroquerie, plainte réitérée le 22 septembre 2015 entre les mains du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence. Cette plainte a été classée sans suite le 31 janvier 2019 en l'absence d'élément intentionnel de la part de [Y] [I] et eu égard à la connaissance par la banque du système de financement mis en place au niveau du groupe.

La CEPAC a alors déposé une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 18 juin 2019.

Parallèlement, par lettres recommandées avec accusé de réception des 22 octobre 2014, 20 février 2015 et 13 avril 2015, elle a vainement mis la SARL TDB Gibbes en demeure de régulariser le solde débiteur de son compte courant.

Par acte du 10 juin 2015, elle a alors assigné la SARL TDB Gibbes en paiement devant le tribunal de commerce de Marseille qui s'est déclaré incompétent au profit de celui d'Aix-en-Provence.

Par jugement du 13 juin 2017, ce tribunal a :

- dit que la CEPAC a accordé aux sociétés du groupe [I] dont la SARL TDB Gibbes un concours bancaire par le biais d'un système de décalage de jours de valeur dans le traitement des remises de chèques intra-groupe ;

- dit que ce concours bancaire a été rompu brutalement par la CEPAC sans respecter le préavis de 60 jours prévu à l'article L.313-12 du code monétaire et financier ;

- dit que la rupture du concours bancaire est frappée de nullité et rejeté les demandes de la Caisse d'Épargne relatives au paiement de la somme de 37.801,53 euros au titre du solde débiteur du compte courant, celle-ci n'étant pas exigible ;

- constaté que la CEPAC a refusé de restituer aux sociétés du groupe [I], dont la SARL TDB Gibbes, les chèques rejetés ;

- dit que ces deux éléments constituent des fautes imputables à la CEPAC qui ont entraîné des préjudices ;

- condamné la CEPAC à restituer à la SARL TDB Gibbes l'ensemble des chèques rejetés dont elle était le bénéficiaire sous astreinte de 15 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter du 1er jour du mois suivant la signification du présent jugement ;

- condamné la CEPAC à payer à la SARL TDB Gibbes les sommes de :

- 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale du concours bancaire ;

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la déclaration fautive de chèques sans provision à la Banque de France ;

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non restitution des chèques rejetés, ce qui 1'a privée d'une chance de régulariser et de faire annuler l'interdiction d'émettre des chèques et par voie de conséquence d'obtenir du crédit auprès d'une autre banque ;

- rejeté les demandes en dommages et intérêts de la SARL TDB Gibbes au titre des frais bancaires ;

- condamné la CEPAC à payer à la SARL TDB Gibbes la somme 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

La CEPAC a interjeté appel le 26 octobre 2017.

Le 25 octobre 2018, la SARL TDB Gibbes a été placée en redressement judiciaire. Me [S] [H] et la SELARL de Saint Rapt Bertholet ont été respectivement désignés mandataire judiciaire et administrateur judiciaire.

La banque a déclaré sa créance le 10 décembre 2018.

Vu les dernières conclusions de la CEPAC du 15 novembre 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de la SARL TDB Gibbes, de la SELARL de Saint Rapt Bertholet et Me [S] [H] du 14 novembre 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.

***

*

SUR CE :

Contrairement à ce que soutient la CEPAC, les intimés ne fondent pas leur demande sur les dispositions de l'article L650-1 du code de commerce, il ne sera donc pas répondu aux moyens de la banque sur ce point.

- Sur l'application de l'article L313-12 du code monétaire et financier :

La CEPAC soutient d'abord que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle avait accordé un concours bancaire par le biais d'un système de décalage de jours de valeur dans le traitement des remises de chèques intra-groupe. Elle indique qu'en réalité [Y] [I] a mis en place, entre les différentes sociétés du groupe, des faits de cavalerie par des opérations croisées entre comptes masquant l'insuffisance des ressources du groupe en jouant sur les dates de compensation pour se créer fictivement de la trésorerie par des remises alternées de chèques sans provision tirés sur les comptes des sociétés mère et filles. Elle fait valoir que ces chèques, de montants ronds, ne correspondaient à aucune prestation et que les flux constitués par ces remises n'avaient aucune explication financière ou comptable, un volume anormal ayant été constaté en septembre et octobre 2014.

Elle affirme que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle n'a réalisé aucune gestion de fait de la trésorerie du groupe de sociétés, que les délais pour les débits des chèques sont ceux de la pratique bancaire et qu'elle informait ses clients pour qu'ils puissent régulariser la provision des chèques avant leur contre-passation éventuelle. Elle conteste avoir octroyé un quelconque concours bancaire et soutient qu'elle n'avait donc pas à respecter le délai de préavis de l'article L313-12 du code monétaire et financier, rappelant que comme le font valoir eux-mêmes les intimés, jusqu'au 10 octobre 2014 le compte fonctionnait en position créditrice parce qu'elle refusait tout solde débiteur.

Elle ajoute qu'à supposer qu'un concours soit caractérisé, il ne pouvait être qu'occasionnel et le comportement du titulaire du compte était gravement répréhensible, s'agissant de faits de cavalerie de nature délictuelle, l'autorisant à mettre fin immédiatement au concours. Enfin, elle précise que contrairement à ce qu'affirment les intimés, l'avis de classement du parquet est sans incidence.

Les intimés répliquent que le système mis en place conduisait à l'absence de délai d'encaissement sur les chèques déposés jusqu'au 10 octobre 2014, le gestionnaire du compte avertissant quasi quotidiennement la société des chèques se présentant à l'encaissement et l'invitant alors à déposer un chèque correspondant au cumul des débits à compenser. Ce dépôt émanait d'une autre société du groupe en parfait accord avec la banque laquelle en différait donc le débit sur le compte de la société émettrice.

Ils affirment que la banque gérait et contrôlait seule ce système de paiement se rémunérant par de substantielles commissions, que ce système, qui fonctionnait depuis 2013, générait de la trésorerie de manière permanente afin de conserver à l'équilibre les comptes de l'ensemble des sociétés du groupe et ils en déduisent qu'il constituait bien un concours bancaire rompu brutalement le 10 octobre 2014.

Ils ajoutent qu'aucun comportement gravement répréhensible ne peut être imputé à la SARL TDB Gibbes dès lors que ce mode de financement était réalisé avec l'assentiment et la participation active de la banque.

En application de l'article L313-12 du code monétaire et financier, tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours.

La remise d'un chèque, même de banque, ne vaut paiement que sous réserve de son encaissement. S'il est d'usage que la banque le porte immédiatement au crédit du compte, il ne s'agit que d'une avance consentie au bénéficiaire dont la banque est fondée à obtenir le remboursement par voie de contre-passation. Les dates de valeur, qui ne peuvent être fixées que conformément aux dispositions de l'article L131-1-1 du code monétaire et financier, ne servent qu'à calculer les intérêts afférents à l'avance ainsi consentie.

En application de l'article L131-73 du code monétaire et financier, le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d'un chèque pour défaut de provision.

Contrairement à ce qu'affirment les intimés, la convention de compte ne démontre pas que la banque n'appliquait aucun délai d'encaissement sur les chèques déposés.

En effet, il résulte de la pièce n°16, extraite des conditions générales de la convention de compte « libre convergence » dont la SARL TDB Gibbes a reconnu avoir reçu un exemplaire lors de l'ouverture du compte courant le 11 janvier 2013, non discutée, qu'en principe le montant du chèque que le client a remis à l'encaissement est disponible dès que l'écriture apparaît sur son compte à la date de valeur indiquée. Toutefois, la banque du tireur du chèque bénéficie d'un délai pendant lequel elle peut en refuser le paiement. Aussi, la Caisse d'Épargne fait-elle une avance sur le chèque remis à l'encaissement aussi longtemps que ce délai d'encaissement existe et permet ainsi au client d'utiliser la provision apportée par ce chèque. La Caisse d'Épargne peut, à tout moment, et nonobstant toute pratique antérieure, refuser de faire une avance sur un chèque tant que le délai d'encaissement n'est pas écoulé la provision étant alors indisponible. La Caisse d'Épargne en informera le client par tous moyens, les délais d'encaissement sont précisés dans les conditions et tarifs des principaux services bancaires applicables.

La banque a ainsi formalisé l'avance faite lors de la remise d'un chèque par chacun de ses clients en rappelant la contre-passation possible.

Les conditions et tarifs applicables en 2013 et 2014 indiquent que la date de valeur pour la remise d'un chèque est la date de remise +1 jour ouvré.

Les intimés ne produisent pas les relevés de leur compte courant, mais la liste des mouvements en suspens de régularisation (pièce 9) montrant, pour chaque période considérée, non seulement les chèques présentés à l'encaissement s'avérant sans provision, mais également les prélèvements non couverts par le solde du compte ainsi qu'au regard de chaque opération, la date limite de régularisation de chacune de ces opérations. Si effectivement les soldes sont indiqués comme créditeurs, la banque ne fait qu'aviser son client de ce que les chèques et prélèvements présentés vont le rendre débiteur et l'invite par là même à régulariser. Cette pièce ne concerne que les mouvements à régulariser pour la période de juin à octobre 2014, aucun relevé de compte ou aucune autre pièce n'étant produite pour les mouvements du compte concernant l'année 2013.

L'appelante a produit le relevé du compte de la SARL TDB Gibbes (pièce 7) pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2014 montrant l'application de dates de valeur, pour la remise de chèques au crédit, conforme aux conditions contractuelles, par exemple remise du 3 juillet, date de valeur au 4 juillet, remise du 31 juillet date de valeur au 1er août, remise du 13 août, date de valeur au 14 août ' Il n'est donc démontré « aucun forçage manuel » ni application de conditions anormales dans le fonctionnement du compte.

Les courriels échangés entre la CEPAC et [Y] [I], ès qualités de dirigeant de la société concernée par ces mouvements (pièces 10 et 11) montrent qu'effectivement, la banque l'avisait de la présentation de chèques ou prélèvements au paiement susceptibles d'entraîner un solde débiteur en l'invitant à régulariser les mouvements en suspens.

Cette invitation à régulariser ne procède, pour les chèques litigieux, que de l'obligation ci-dessus rappelée, issue de l'article L131-73 du code monétaire et financier. La CEPAC demande à chaque fois de « couvrir » les comptes pour éviter un solde débiteur ce qui a été effectivement fait par le dépôt de chèques émis par les autres sociétés du groupe et il ne peut en être déduit que la banque exerçait une quelconque gestion de fait de ces sociétés.

Par ailleurs, aucun de ces échanges ne montre que la banque avait, d'un commun accord avec le dirigeant de toutes les sociétés, accepté, comme les intimés le prétendent, que la couverture de ces comptes s'effectue au moyen de chèques eux-mêmes sans provision émis par les sociétés du groupe. Il est d'ailleurs relevé que des incidents de paiement ont eu lieu et des interdictions bancaires ont été prononcées en juin 2014 (courriels des 29 juin et 1er juillet 2014), démontrant ainsi que la banque n'accordait aucun découvert en compte.

Si les conventions de gestion centralisée de trésorerie et d'avance intra-groupe autorisent un système visant à « centraliser les opérations de trésorerie des sociétés signataires sur les comptes bancaires de la société centralisatrice, de façon à éviter des immobilisations coûteuses et à favoriser une gestion optimale aussi bien du recours au crédit que du placement des excédents de trésorerie », et permettent effectivement des flux de trésorerie intra-groupe, elles n'autorisent en aucune manière la mise en place d'un système de circulation de chèques bancaires émis par chacune des sociétés du groupe tendant à « couvrir » un solde débiteur du compte d'une autre société du groupe sans que la provision des chèques ainsi émis ne soit assurée.

Le relevé des frais prélevés par l'appelante, établi par les intimés eux-mêmes, est totalement inopérant en ce qu'il ne rend pas compte des opérations pour lesquelles ces frais ont été prélevés et qu'il n'est que l'exécution de la convention de compte courant professionnel conclue le 11 janvier 2013.

La seule avance faite par la banque lors de la remise de chèques par l'inscription en compte du montant des chèques sous réserve de contre-passation ne caractérise pas l'octroi d'un concours bancaire soumis aux dispositions de l'article L313-12 du code monétaire et financier et c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le courrier du 10 octobre 2014 était constitutif d'une rupture brutale d'un tel concours.

Le jugement est infirmé de ce chef et du chef des conséquences qu'en ont tiré les premiers juges.

- Sur la non restitution des chèques :

Les intimés reprochent à la CEPAC d'avoir violé les dispositions des articles R131-46 et R131-47 du code monétaire et financier en ne restituant pas les chèques rejetés faute de provision et en n'établissant pas d'attestation de rejet desdits chèques. Ils précisent que le refus de fournir les attestations de rejet ne peut être justifié par la plainte pénale qu'elle a diligentée. Ils soutiennent que ces fautes ont entraîné un préjudice propre à chaque société du groupe et distinct du préjudice subi par les créanciers de la procédure collective, caractérisé par l'impossibilité pour le gérant de procéder à la régularisation de la situation ce qui a empêché la poursuite de certaines activités, entraînant une baisse du chiffre d'affaires et la fermeture de certains secteurs d'activité, ainsi qu'en atteste le bilan économique établi par le mandataire judiciaire.

Ils réclament à ce titre la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non restitution des chèques.

L'appelante fait valoir qu'elle était dans l'impossibilité de restituer les originaux des chèques en l'état de la procédure pénale en cours dont ils constituaient une pièce essentielle et que lorsque les services de police lui ont remis les chèques en janvier 2018, elle a, selon procès-verbaux de constat des 14 et 16 février 2018, restitué les chèques aux intimés. Elle ajoute que la restitution des chèques aurait permis de lever l'interdiction bancaire de manière fictive, qu'en l'état des soldes fortement négatifs des comptes bancaires des sociétés émettrices, ces dernières n'avaient aucun intérêt à tenter d'obtenir paiement des créances par une nouvelle présentation du chèque. Elle précise qu'elle a restitué l'intégralité des chèques contrairement à ce que soutiennent les intimés.

Étant rappelé que la CEPAC a, pour l'ensemble des sociétés du groupe, la double qualité de banquier tiré et présentateur, il n'est pas discuté qu'en sa qualité de banquier tiré, elle n'a pas respecté les dispositions des articles R131-46 et R131-47 du code monétaire et financier et n'a ni établi l'attestation de rejet visée par ces textes, ni restitué les chèques concernés, en procédant néanmoins, ce qui n'est pas contesté non plus, à la déclaration des incidents de paiement à la Banque de France.

L'appelante ne peut pas, pour justifier la violation de ces obligations légales, se retrancher derrière la procédure pénale qu'elle a initiée, dès lors que d'une part, il lui était loisible de faire procéder, préalablement au respect desdites obligations à tout constat ou reproduction des chèques litigieux, ce qu'elle a d'ailleurs fait lors de leur restitution aux intimés, et que, d'autre part, les services de police pouvaient dans le cadre de l'enquête procéder à toute réquisition de manière à obtenir ces documents, ce qu'ils ont d'ailleurs fait.

La régularisation des chèques a été sollicitée dès novembre 2015 (pièce 17 des intimés) mais la CEPAC n'a procédé à l'encaissement effectif des règlements qu'en juillet 2016.

S'agissant du préjudice, il est à noter que le rapport établi par Me [S] [H] et figurant en pièce 28 des intimés, précise en page 8 que lors de la procédure de conciliation aucun protocole d'accord n'avait pu être régularisé en raison tant de la position de la banque que de celle du dirigeant « peu enclin à apurer la dette CT générée par les conditions anormales de fonctionnement des comptes courants de la Caisse d'Épargne et refusant d'effectuer un apport de fonds ».

Le mandataire judiciaire a également, au titre de l'historique et de l'origine des difficultés de la SARL TDB Gibbes, relevé qu'outre l'important contentieux rencontré avec la CEPAC depuis 2014, « la SARL TDB Gibbes avait enregistré une baisse de fréquentation et que le modèle économique de la société et du groupe ne permettait plus de développer l'activité dans le contexte actuel ».

Le préjudice né de la non-restitution des chèques ne peut donc, comme l'ont exactement énoncé les premiers juges, qu'être constitué de la perte d'une chance de régulariser et de faire annuler l'interdiction d'émettre des chèques et par voie de conséquence d'obtenir du crédit auprès d'une autre banque et, à défaut de tout document comptable et/ou financier produit aux débats, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte qu'ils ont évalué les dommages et intérêts dus en réparation de ce préjudice à la somme de 5 000 euros.

Les intimés sollicitent la condamnation sous astreinte de l'appelante à lui restituer l'intégralité des chèques sans provision, faisant valoir que lors de la restitution en février 2018, 51 chèques étaient manquants.

Mais comme le fait observer justement la CEPAC, il n'est justifié par aucune pièce de ce qu'il manquait 51 chèques lors de la restitution opérée les 14 et 16 février 2018, le tableau établi par les intimés eux-mêmes n'étant aucunement probant et il y a lieu de constater que la demande en restitution est devenue sans objet depuis le 16 février 2018.

- Sur la demande en paiement des sommes dues au titre du solde débiteur du compte :

La rupture brutale du concours bancaire invoquée par les intimés étant écartée, la CEPAC a pu valablement clôturer le compte courant présentant un solde débiteur.

Le décompte des sommes réclamées au titre de ce solde débiteur n'étant pas autrement contesté, la créance de la CEPAC doit être fixée au passif de la procédure collective de la SARL TDB Gibbes à la somme de 45.125,43 euros au titre du solde débiteur du compte courant, à titre chirographaire outre intérêts au taux contractuel à compter du 25 octobre 2018.

Compte tenu de la succombance respective des parties, les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre la SARL TDB Gibbes et la CEPAC et il n'est pas équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.

***

*

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'il a :

- condamné la CEPAC à restituer à la SARL TDB Gibbes l'ensemble des chèques rejetés dont elle était le bénéficiaire sous astreinte de 15 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter du 1er jour du mois suivant la signification du jugement ;

- condamné la CEPAC à payer à la SARL TDB Gibbes la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non restitution des chèques rejetés, ce qui l'a privée d'une chance de régulariser et de faire annuler l'interdiction d'émettre des chèques et par voie de conséquence d'obtenir du crédit auprès d'une autre banque ;

- rejeté les demandes en dommages et intérêts de la SARL TDB Gibbes au titre des frais bancaires ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL TDB Gibbes, la SELARL de Saint Rapt Bertholet et Me [S] [H] de toutes leurs demandes au titre de la rupture d'un concours bancaire,

Dit que la demande de la SARL TDB Gibbes, la SELARL de Saint Rapt Bertholet et Me [S] [H] en restitution des chèques est sans objet depuis le 16 février 2018,

Fixe la créance de la CEPAC au passif de la SARL TDB Gibbes à titre chirographaire à la somme de 45.125,43 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 25 octobre 2018,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, les partage par moitié entre la SARL TDB Gibbes et la Caisse d'Épargne CEPAC et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 17/19422
Date de la décision : 13/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°17/19422 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-13;17.19422 ?
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