La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2020 | FRANCE | N°18/09818

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 12 février 2020, 18/09818


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 12 FEVRIER 2020

A.R.

N° 2020/ 56













Rôle N° 18/09818 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCS7U







[N] [O]





C/



PROCUREUR GENERAL





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Mme POUEY

substitut général



Me Gilbert SAVIOZ




>





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 24 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/08200.





APPELANT



Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 1] (Algérie)

demeurant [Adresse 1]



(bénéficie d'une aide juridictionne...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 12 FEVRIER 2020

A.R.

N° 2020/ 56

Rôle N° 18/09818 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCS7U

[N] [O]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Mme POUEY

substitut général

Me Gilbert SAVIOZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 24 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/08200.

APPELANT

Monsieur [N] [O]

né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 1] (Algérie)

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/007878 du 16/07/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté et assisté par Me Gilbert SAVIOZ, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

INTIME

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 2]

représenté par Madame Isabelle POUEY, Substitut général.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Décembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Annie RENOU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Février 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Février 2020,

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 13 octobre 2011, le directeur de greffe au service de la nationalité des français nés et établis hors de France a refusé à [N] [O] la délivrance d'un certificat de nationalité française.

Par exploit en date du 28 juin 2017 , l'intéressé a fait assigner le ministère public devant le tribunal de grande instance de Marseille afin de contester ce refus.

Par jugement du 24 mai 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré :

- débouté [N] [O] de ses demandes ;

- dit que [N] [O] né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 1] (Algérie) n'est pas français ;

- dit n'y avoir lieu à mention dans les conditions fixées par l'article 28 du code civil ;

- condamné [N] [O] aux dépens.

Le tribunal a rappelé que :

- c'est à [N] [O] de rapporter la preuve de sa nationalité française ;

- ce dernier soutient qu'il est français par filiation, au motif que sa mère est française par son père, [J] [S], lequel le serait lui-même pas son père, [O] [S].

- [N] [O] est issu de [W] épouse [O] née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 1] en Algérie ; celle-ci est issue d'[J] [S], né le [Date naissance 3] 1932 à [Localité 1] et qu'enfin , celui-ci est issu de [O] [S], né le [Date naissance 4] 1907 à [Localité 1] ;

- que la délivrance à sa mère et à son grand-père d'un certificat de nationalité française est insuffisant pour démontrer sa propre nationalité, ces certificats ne valant que pour leurs titulaires ;

- que [N] [O] soutient que son aieul, [O] [S] a été admis à la citoyenneté française par un jugement du 22 décembre 1932 du tribunal de grande instance de Bône (Algérie) de sorte qu'il a conservé automatiquement cette nationalité française à l'indépendance sans être soumis à la formalité de la déclaration récognitive ;

- que le ministère public soutient au contraire que le statut civil de droit commun de [O] [S] n'étant pas démontré, l'intéressé et son fils [J] auraient dû souscrire une déclaration récognitive de nationalité prévue par l'ordonnance du 21 juillet 1962 et que, ne l'ayant pas fait , ils ont automatiquement perdu la nationalité française le 1° janvier 1963.

Il a jugé que deux preuves sont à rapporter : celle de la nationalité française avant l'indépendance et celle du statut civil de droit commun ;

que, [N] se prévaut d'un jugement d'admission à la citoyenneté française de son arrière-grand-père le 22 décembre 1932 ; que ce jugement figure sur l' acte de naissance de ce dernier, mais que [N] ne le produit pas ; que la circonstance que l'acte de naissance porte mention d'une admission par jugement à la citoyenneté française ne saurait pallier l'absence de production du jugement ou du décret d'admission ; qu'il en est de même du fait que l'intéressé aurait été divorcé selon la loi française par la cour d'appel d'Alger le 3 janvier 1939, étant relevé en outre que ce jugement n'est pas produit aux débats ; que la preuve de l'admission de [O] à la citoyenneté française et d'une renonciation au statut de droit local n'est pas rapportée ; que [O] avait, contrairement à ce que soutient [N], nécessairement le statut de droit local, faute de quoi il ne serait pas nécessaire que son arrière petit-fils, pour se dire français, invoque un jugement d'admission à la citoyenneté française qui ne pouvait concerner qu'un individu de droit local.

Il en a déduit que [O] et ses descendants, notamment son fils [J], ne peuvent prétendre avoir conservé automatiquement la nationalité française et que, dans ces conditions, la mère de [N] ne peut être considérée comme étant née d'un père français.

Le tribunal a rappelé que [N] se prévalait également de la possession d'état de français de ses aieux soutenant que celle-ci s'est poursuivie après l'indépendance de l' Algérie, sur le fondement des articles 30-2 et 32-2 du code civil ;

que, sur l'article 30-2 du code civil , Il a indiqué qu'est nécessaire la preuve de la nationalité de français sur deux générations ; que cette preuve n'est rapportée ni pour [J], ni pour sa mère ni pour lui-même ;

que, sur l'article 32-2 du même code, il doit prouver que [O] avait la possession d'état de français avant et après l'indépendance, de manière continue, ce qu'il ne fait pas.

D'où le rejet de la demande.

[N] [O] a relevé appel le 24 mai 2018.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 novembre 2018 , il demande à la cour :

- de débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes ;

- de dire et juger que l'admission à la qualité de citoyen français par le jugement en date du 22 décembre 1932 du tribunal de première instance de Bône de [H] [O] est prouvée par sa mention dans les copies intégrales de son acte de naissance en application de l'article 28 du code civil ;

- de dire et juger que son admission à la qualité de citoyen français par ce jugement porté sur les copies intégrales des actes de naissance de [O] [S] a force probante de sa nationalité française pour avoir été rédigée par l'officier de l'état-civil chargé d'en effectuer la transcription, qui a eu une connaissance directe et personnelle du jugement en application de l'article 47 du code civil ;

- de dire et juger que monsieur [S] [O] était une personne originaire d'Algérie de statut musulman qui avait accédé au statut civil de droit commun moyannant abandon du statut personnel de droit local par jugement avant l'indépendance de l'Algérie et est resté de plein droit français après l'indépendance sans avoir à accomplir aucune formalité (déclaration récognitive) ;

- de dire et juger que, bien que né hors de France, [N] est français, d'une part par filiation parce que l'un de ses parents est français à savoir sa mère, [S] [W] dont la nationalité française est prouvée par son certificat de nationalité française délivré le 18 juillet 2006, alors qu'elle-même est française par son père ([J]) dont la nationalité française est prouvée par son certificat de nationalité française du 23 mai 2003, et alors qu'[J] est français par son père [O] qui était français de statut civil de droit commun ayant vocation à rester français de plein droit pour avoir acquis la nationalité française par le jugement du 22 décembre 1932 dont la preuve est rapportée par la transcription en marge de son acte de naissance en application des articles 28 et 28-1 du code civil , dans leur rédaction issue des lois 986170 du 16 mars 1998 et n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 ;

- de dire et juger que d'autre part le concluant est français parce que lui-même ainsi que sa mère, son grand-père maternel et son arrière grand-père ont la possession d'état de français de façon constante et continue ainsi qu'il est établi par la production des divers documents prouvant leur nationalité française en application de l'article 30-2 du code civil ;

- de dire et juger que la possession d'état de français de [N] [O] est également prouvée par sa carte nationale d'identité , son passeport français ainsi que son acte de naissance qui sont des documents émanant des autorités françaises justifiant qu'il jouit de façon constante de la possession d'état de français depuis 10 ans en application de l'article 17 2° du décret 93 1362 du 30 décembre 1993 ;

- de constater qu'il est établi à [Localité 2] et non plus à l'étranger ;

- par conséquent d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française par le service de la nationalité des français par le tribunal d'instance de Marseille ;

- à défaut d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française par le service de la nationalité des français nés et établis hors de France du tribunal d'instance de Paris ;

- de condamner le ministère public au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel distraits au profit de maître Gilbert SAVIOZ qui y a pourvu.

Selon lui, notamment, l'acte de naissance qui n'est pas contesté suffit à faire preuve du jugement qu'il mentionne et de l'admission à la citoyenneté française ; il n'y avait dès lors pas lieu à déclaration récognitive au moment de l'indépendance pour conserver la nationalité française, laquelle a été transmise au fils et au petit-fils ;

Subsidiairement, [N] [O] fait valoir la possession d'état de français.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 novembre 2018, le ministère public demande à la cour :

- de confirmer le jugement ;

- de débouter [N] [O] de ses demandes ;

- d'ordonner la mention de l'article 28 du code civil.

Il reprend l'argumentation du tribunal

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que monsieur [N] [O] soutient être français par filiation , sur le fondement de l'article 18 du code civil , par application de la chaîne des filiations , au motif que sa mère est française par son père, [J] [S], lequel le serait lui-même par son propre père, [O] [S] ;

Attendu qu'il appartient donc à [N] [O] de démontrer que sa mère était française en rapportant la preuve que ses aïeuls, nés en Algérie avant l'indépendance, sont ou étaient français ;

Attendu que [N] [O] est issu de [W] [S] épouse [O], née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 1] en Algérie ; que celle-ci est issue d'[J] [S], né le [Date naissance 3] 1932 à [Localité 1] et que ce dernier est issu de [O] [S], né le [Date naissance 4] 1907 à [Localité 1] en Algérie ;

Attendu que , pour justifier de la chaîne des filiations , monsieur [N] [O] produit la copie certifiée conforme le 26 septembre 2017 de l'acte de naissance de [O] [S], son arrière-grand-père, la copie intégrale de l'acte de naissance établie le 2 mai 2017 de [J] [S], fils de [O] , la copie de l'acte de naissance de sa mère [W] [S], fille [G], et la copie de son propre acte de naissance, lui-même étant le fils de [G] ;

Attendu que les deux copies des actes de naissance de [O] et d'[J] [S] ont été établies en Algérie par des officiers d'état-civil algériens ; que leur valeur n'est pas contestée ni contestable au regard de l'article 47 du code civil ;

Attendu que monsieur [N] [O] soutient que son arrière grand-père avait été admis au statut civil de droit commun par un jugement d'admission en date du 22 décembre 1932 rendu par le tribunal de première instance de Bône en Algérie , de sorte qu'il n'avait pas à établir de déclaration récognitive de nationalité française à l'occasion de l'indépendance de l' Algérie ;

Attendu qu'en effet, aux termes de l'article 1° de l'ordonnance du 21 juillet 1962, seuls les français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination ont automatiquement conservé la nationalité française, quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ;

Attendu que la copie intégrale certifiée conforme de l'acte de naissance de monsieur [O] [S] mentionne le jugement d'admission de celui-ci à la qualité de citoyen français ; que c'est dire que l'officier d'état-civil qui l'a établi a pu avoir une connaissance directe et personnelle du jugement qui lui a nécessairement été communiqué à cette fin, faute de quoi la mention de l'existence de ce jugement n'aurait pas été faite ;

Attendu que c'est donc dans son pouvoir souverain d'appréciation que la présente cour estime que l'acte qui lui est soumis présente la force probante suffisante de l'existence du jugement d'admission, et, par suite, de l'admission de monsieur [O] [S] à la qualité de citoyen français et au statut civil de droit commun ;

Qu'il sera noté de surcroît que l'acte de naissance de [O] [S] fait état du divorce de l'intéressé qui a été prononcé non par le cadi, mais par la cour d'appel d'Alger ;

Que la chaîne des filiations étant ensuite établie, il y a lieu de dire que monsieur [N] [O] justifie de la nationalité française qu'il revendique , et ce sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur la justification de la possession d'état de ses ascendants avant et après l'indépendance de l'Algérie ;

Attendu que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dénié à monsieur [O] la nationalité française ;

Attendu que la présente décision suivra son cours, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner à telle ou telle juridiction française la délivrance d'un certificat de nationalité française à monsieur [O] ;

Attendu que mention du présent arrêt sera portée en marge de l'acte de naissance de [N] [O] ;

Attendu qu'il y a lieu de mettre à la charge du trésor public les dépens de première instance et d'appel ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de monsieur [N] [O] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR , statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ,

CONSTATE que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

INFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

DIT que monsieur [N] [O], né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 1] en Algérie est de nationalité française ;

DIT que mention du présent arrêt sera portée en marge de l'acte de naissance de monsieur [N] [O] ;

Y AJOUTANT:

DIT inutile d'ordonner à telle ou telle juridiction de fournir à monsieur [N] [O] un certificat de nationalité française ;

LAISSE à la charge du trésor public les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de maître Gilbert SAVIOZ qui y a pourvu ;

DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de monsieur[N] [O].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 18/09818
Date de la décision : 12/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°18/09818 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-12;18.09818 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award