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07/02/2020 | FRANCE | N°18/10337

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 07 février 2020, 18/10337


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 07 FÉVRIER 2020



N° 2020/54













Rôle N° RG 18/10337 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCUN7







SARL NOAM





C/



[P] [C]

























Copie exécutoire délivrée



le : 07 FEVRIER 2020



à :



Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI avocat au barreau de MARSEILLE>




Me Anthony CAVITTA avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00031.





APPELANTE



SARL NOAM,

demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 07 FÉVRIER 2020

N° 2020/54

Rôle N° RG 18/10337 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCUN7

SARL NOAM

C/

[P] [C]

Copie exécutoire délivrée

le : 07 FEVRIER 2020

à :

Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI avocat au barreau de MARSEILLE

Me Anthony CAVITTA avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00031.

APPELANTE

SARL NOAM,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile BERTOLDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [P] [C],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anthony CAVITTA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Malika REZIG.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2020.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2020

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [C] a été engagée par la société SATEL en qualité de vendeuse, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps plein du 22 juillet 2009, puis la relation contractuelle s'est poursuivie à durée indéterminée.

Au mois de juin 2016, la société SATEL a cédé son fonds de commerce à la société NOAM et le contrat de travail de Mme [C] a été transféré à cette dernière conformément à l'article L.1224-1 du code du travail.

Mme [C] a été en arrêt de travail à compter du 25 octobre 2016 sans discontinuer.

Invoquant des manquements graves de son employeur qui ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé, Mme [C] a pris acte de la rupture du contrat de travail par courrier en date du 16 septembre 2017, réceptionné par la société NOAM le 20 septembre 2017.

C'est dans ces conditions que Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 9 janvier 2018 pour voir juger que la prise d'acte de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour solliciter la condamnation de la société NOAM à lui payer diverses sommes au titre des indemnités de rupture et d'un travail dissimulé.

Par jugement du 7 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- a condamné la société NOAM à verser à Mme [C] les sommes suivantes :

* 4.804,31 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 5.882,82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 588,28 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 25.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- dit que les condamnations prononcées seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter du jour du prononcé de la décision,

- condamné la SARL NOAM à remettre à Mme [C] l'ensemble des documents de fin de contrat (certificat de travail, bulletins de salaire rectifiés, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi) établis en concordance avec le présent jugement,

- ordonné l'exécution provisoire sur l'ensemble du jugement,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et qu'en cas d'exécution extrajudiciaire, les sommes perçues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du Décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l'employeur en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SARL NOAM aux entiers dépens.

La SARL NOAM a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 6 novembre 2019, elle demande à la cour de :

- constater que les primes perçues par Mme [C] au titre du contrat d'intéressement applicable à la société NOAM sont régulières,

- constater que les primes « de résultats » versées par la société SATEL constituent des libéralités,

- fixer le salaire de Mme [C] à hauteur de 1855,78 € pour 169 heures de travail mensuelles,

- constater que la société NOAM n'a jamais commis de manquement suffisamment grave ayant empêché la poursuite du contrat de travail de Mme [C],

- constater que Mme [C] n'a jamais rapporté la preuve d'un quelconque préjudice,

En conséquence,

A titre principal :

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes dont appel du 7 juin 2018 en ce qu'il a dit et jugé que la prise d'acte du contrat de travail de Mme [C] devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a écarté le délit de dissimulation d'emploi,

- condamner Mme [C] à lui payer la somme de 3711,56 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- condamner Mme [C] à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

- assortir les condamnations prononcées de l'intérêt au taux légal à compter du jour de

l'appel avec capitalisation des intérêts,

A titre subsidiaire:

- réduire à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicité par Mme [C].

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 31 octobre 2019, Mme [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 7 juin 2018, en ce qu'il a dit et jugé que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour condamner la société NOAM à l'indemniser,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 7 juin 2018 en ce qu'il n'a pas condamné la société NOAM à l'indemniser au titre du travail dissimulé,

Par conséquent, y ajoutant,

- condamner la société NOAM à lui payer la somme de 17 648,46 € au titre de l'indemnité légale pour travail dissimulé, conformément aux articles L.8221- 5 et L.8223-1 du code du travail,

En tout état de cause,

- dire et juger irrecevable la demande nouvelle et reconventionnelle formulée par la société NOAM au titre de la prétendue indemnité de préavis,

- condamner la société NOAM à lui payer la somme de 4 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la société NOAM aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue qui ne résultent pas uniquement de l'écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Par courrier du 16 septembre 2017, Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes : (sic)

'Objet : prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail

Monsieur,

Les faits détaillés dans précédentes correspondances, dont la responsabilité vous revient entièrement, me contraignent de prendre acte de la rupture de mont contrat de travail ce jour.

En effet, les nombreuses inexécutions de vos obligations d'employeur que j'ai pu relever rendent la poursuite de mon contrat de travail impossible.

Il s'agit notamment et surtout du non-versement de primes convenues, dont le principe était acquis depuis de nombreuses années avant que vous procédiez au rachat du fonds de commerce de la société SATEL.

Le non-versement d'un élément de rémunération constitue un manquement grave à vos obligations, je déplore également le fait que vous ayez pas pu constater mes acquisitions professionnelles afin de pouvoir me trouver une place au sein de votre société, plutôt que d'entendre que j'ai été mise au 'placard', faisant que cette situation ne peut aujourd'hui persister.

Enfin, je me réserve le droit de poursuivre la société NOAM devant la juridiction compétente afin d'obtenir la réparation entière de mon préjudice ainsi que la requalification de la présente prise d'acte en licenciement sans cause réelle.

A réception de la présente, je vous prie de m'adresser dans l'immédiat mes documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi)...'

Mme [C] invoque dans ses conclusions les manquements de l'employeur suivants : l'existence d'un travail dissimulé et la baisse sensible de sa rémunération mensuelle.

- sur le travail dissimulé

L'article L 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige,' prévoit: « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

L'article L 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

En l'espèce, Mme [C] soutient que, consciente de sa turpitude quant au retrait injustifié de la rémunération variable mise en place par la société SATEL, la société NOAM lui a versé occasionnellement des sommes en septembre et octobre 2016, sans que cette rémunération ne soit comptabilisée sur les bulletins de paie; qu'il s'agit de deux virements qui viennent s'ajouter au salaire de 1 700,00 € nets : un virement de 436,00 € au mois de septembre 2016, quelques jours après le versement du salaire et un virement de 347,00 € au mois d'octobre 2016, quelques jours après le versement du salaire ; que la société NOAM ne s'explique pas sur le motif de ces virements et se contente d'affirmer que la salariée reprocherait à l'employeur de ne pas avoir soumis certaines primes à cotisations sociales, ce qui n'est pas le cas ; que pour toute défense, la société NOAM prétend que ces sommes versées en dehors de tout bulletin de salaire concerneraient un accord d'intéressement, car dans cette hypothèse, ces sommes n'ont pas le caractère de rémunération et ne sont pas soumises à cotisations sociales alors même que les sommes versées au titre de l'intéressement sont censées être assujetties à la CSG/CRDS et ne sont versées qu'à une période bien déterminée, aux alentours du mois de mai de chaque année après clôture des comptes annuels et qu'en l'espèce l'accord d'intéressement prévoit que « tout versement à un membre du personnel fera l'objet d'une fiche individuelle distincte du bulletin de salaire, indiquant le montant de la prime individuelle, la CSG et la CRDS »; que la société NOAM ne fournit aucun justificatif concernant les virements opérés aux mois de septembre et octobre 2016 pour un total de 783,00 € ; qu'elle ne conteste évidemment pas la mise en place de l'intéressement au sein de l'entreprise mais le fait que l'employeur tente de faire croire que le paiement de sommes non-comptabilisées sur un quelconque document constituerait un acompte sur intéressement; que d'ailleurs les sommes versées par virement ne correspondant pas au montant de l' intéressement auquel elle a eu droit pour l'année 2016, soit 2.203,24 €, même après déduction d'un acompte de 1.546,00 € qui aurait été versé mais pour lequel la société NOAM ne communique aucun justificatif ; que ces virements déconnectés de tout bulletin ont en réalité été effectués afin de compenser le retrait illégitime de la prime d'objectifs mensuelle de la salariée ; qu'elle a subi un préjudice important car elle ne peut cotiser sur cette rémunération et voit sa solvabilité réduite et l'employeur a agi en fraude afin d'alléger les charges sociales, quand bien même cette pratique n'a été constatée que sur deux mensualités. Mme [C] sollicite une indemnité égale à six mois de salaire.

La SARL NOAM fait valoir qu'elle a mis en place un accord d'intéressement ; que les sommes allouées au titre de l'intéressement, qui n'ont pas le caractère de rémunération, ne sont pas soumises à cotisations de sécurité sociale et sont exonérées, sous certaines conditions, d'impôt sur les sociétés et sur le revenu ; que rien n'interdit le paiement d'avances en cours d'année et c'est précisément ce qui a été fait en l'espèce ; que Mme [C] ayant perçu un salaire brut annuel de 11 016,19 €, sa prime d'intéressement 2016 de 20% s'élevait à 2 203,24 € ; que si l'on se réfère au bulletin de salaire de septembre 2017, la cour constatera qu'il a été versé à Mme [C] une avance de 1546 € au titre de l'intéressement ; que la prime d'intéressement de 2 203,24 € a été soumise à CSG/CRDS, déduction faite des 1546 € que Mme [C] a perçus (436 € au mois d'août, 347 € au mois de septembre soit 783 € selon relevés de compte de la salariée elle-même, 529 € au mois d'octobre et 234 € au mois de novembre) ; qu'elle s'est donc jamais rendue coupable de délit de dissimulation d'emploi sur ces sommes et qu'elle s'est bel et bien acquittée du paiement de la CSG/CRDS sur toutes les sommes qui ont été versées à l'intimée au titre de sa prime d'intéressement ; qu'il convient de se reporter à l'attestation Pôle Emploi qui fait état des primes qui ont été versées à la salariée et des périodes de rattachement de ces primes; que si par extraordinaire la cour devait considérer que les primes versées dans le cadre du plan d'intéressement constituaient du salaire, il lui est demandé de reconnaître qu'elle n'a pas agi volontairement et qu'elle n'est donc pas coupable de délit de dissimulation d'emploi salarié.

Il ressort des relevés de son compte bancaire (pièce 11) que Mme [C] a reçu de la SARL NOAM le 1er septembre 2016 un virement d'un montant de 1 700 € -correspondant au paiement du salaire - et le 9 septembre 2016 un virement d'un montant de 436 €. Le 3 octobre 2016, elle a reçu de la SARL NOAM un virement de 1 700 € - correspondant au paiement du salaire - et le 10 octobre 2016 un virement de 347 €.

Il ressort également de l'accord d'intéressement du 16 juin 2016 applicable au sein de la SARL NOAM qu' 'il est admis entre les parties que des acomptes peuvent être versés par avance au cours de l'année tous les débuts de trimestre. Ces avances seront imputables sur les primes calculées en fin d'année'.

Le bulletin de salaire du mois de décembre 2016 indique que Mme [C] a perçu un salaire brut annuel de 11 016,19 € en 2016 de sorte que la prime d'intéressement de 20% auquelle elle avait droit s'élevait à 2 203,24 €.

Le bulletin de salaire du mois de septembre 2017 mentionne le versement de la prime d'intéressement 2016, soit 2 203,24 € ainsi que la déduction d'un 'acompte intéressement 2016" de 1 546 €. Le paiement de la prime d'intéressement de 2 203,24 € et la déduction de l'acompte de 1 546 € figurent également sur le reçu pour solde de tout compte du 20 septembre 2017, étant remarqué que Mme [C] ne formule aucune prétention quant à la prime d'intéressement 2016.

Alors que Mme [C], qui prétend que les deux virements étaient destinés à compenser la suppression par la SARL NOAM de la prime d'objectifs qu'elle percevait jusque-là, ne rapporte aucun élément pour justifier cette affirmation, alors même que ces primes étaient d'un montant bien supérieur (entre 600 € à plus de 1 000 € régulièrement) et que la SARL NOAM justifie avoir payé un acompte de 1 546 € à valoir sur la prime d'intéressement de 2016 en indiquant que les sommes de 436 € et 347 € en constituaient les deux premiers versements qui ont été complétés par les versements des sommes de 529 € et 234 €.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SARL NOAM justifie d'une part que les virements de 436 € et 347 € sont bien liés au versement de la prime d'intéressement et que d'autre part ils ont été pris en compte à titre d'acompte sur le bulletin de salaire de la salariée et soumis aux prélèvements sociaux légaux.

Dans ces conditions, le manquement de l'employeur n'est pas établi et Mme [C] sera également déboutée de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

- Sur la baisse sensible de la rémunération mensuelle de Mme [C]

Mme [C] reproche à la SARL NOAM un retrait de sa rémunération variable mensuelle, appelée « prime d'objectifs » sur les bulletins de salaire de la société SATEL depuis le début de l'année 2014, qui n'apparaît plus sur les bulletins de la société NOAM et qui a entraîné une baisse de sa rémunération de plus de 25%; que le versement de la prime d'objectifs avait bien valeur d'un engagement contractuel dès lors qu'elle lui était versée mensuellement depuis au moins le début d'année 2014 et dont le montant variait selon le résultat des boutiques Saint-Barnabé et Croix Rouge, ce qui a été reconnu par son ancien employeur dans les explications qu'il a données à la SARL NOAM ; que la justification du calcul de la prime d'objectifs incombe à l'employeur et non au salarié ; qu'elle produit un acte écrit de son ancien employeur du 4 juillet 2014 concernant la rémunération variable qu'elle percevait.

La SARL NOAM fait valoir que Mme [C] elle-même est dans l'impossibilité de préciser le montant des primes dont elle estime avoir été privée et qu'à aucun moment, elle ne sollicite le paiement de telles primes, alors qu'en matière de rappel de salaires, la preuve incombe pourtant à la salariée; que le document du 4 juillet 2014 produit par Mme [C] comme émanant de la société SATEL qui n'est pas signé, est sujet à contestation (la signature qui y figure n'est en rien conforme avec la signature de Monsieur [H]), ne saurait en rien constituer un avenant au contrat de travail de Mme [C] et n'est pas opposable à la société NOAM ; qu'elle n'avait en aucun cas l'obligation de poursuivre la «gestion familiale» de la société SATEL décrite par Mme [C] dans ses écritures et de verser, selon les relations entretenues avec les uns et les autres, des primes qui ne reposent sur aucun fondement sérieux ; que Mme [C] tente d'imposer une confusion en présentant ces primes tantôt comme un usage et tantôt comme élément de salaire à valeur contractuelle et il appartiendra à la cour de qualifier ces primes en observant qu'elles ne constituent ni une rémunération contractuelle, ni un usage mais ont été versées selon le bon vouloir du précédent employeur, sans dépendre d'aucun critère précis ; que ces primes n'ont donc pas de caractère obligatoire et l'employeur peut les supprimer du jour au lendemain sans que le salarié puisse en exiger le maintien, d'autant que c'est à celui qui se prévaut d'un usage de rapporter la preuve tant de son existence que de son étendue.

La SARL NOAM soutient encore que même à supposer que ces primes devaient recevoir une autre qualification, la cour ne pourra que convenir que l'omission de cette prime n'est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail de Mme [C], sachant qu'une prime d'objectifs est par nature variable et fonction des résultats; que même si l'on se réfère au document produit par Mme [C] qui mentionne qu'elle aurait dû percevoir une prime égale à 5% de la marge de la boutique lorsque celle-ci dépasserait 35 000 €, la salariée est dans l'incapacité de démontrer une quelconque base de calcul pour la simple et bonne raison que le montant des primes qu'elle a perçues ne correspond en réalité à aucune formule de calcul stable mais que son ancien employeur lui versait des primes aléatoires selon les services que Mme [C] pouvait lui rendre; qu'il ressort des calculs qu'elle a elle-même effectués à partir des marges réalisées sur les mois de juillet, août et octobre 2017, que la prime versée à la salariée ne correspond pas aux indications du document émanant de l'ancien employeur qui a d'ailleurs reconnu par courrier du 18 mars 2019 que si Mme [C] avait des objectifs, ces primes n'étaient ni fixes ni constantes et qu'il n'avait pas été convenu que Mme [C] perçoive un salaire minimum autre que celui convenu contractuellement; que les quatre mois pendant lesquels Mme [C] a travaillé pour le compte de la société SFR, ces marges n'ont jamais été atteintes, sauf pour le mois de septembre 2017 pour lequel, si la version de la salariée devait être confirmée, elle n'aurait pu prétendre qu'à une prime de 131 €; que c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a fixé la moyenne des salaires de l'intimée à hauteur de 2941,41 € et a dit et jugé que la rémunération de Madame [C] aurait dû être maintenue à l'identique, sans même avoir recherché si les objectifs revendiqués par la salariée étaient atteints.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer que certaines primes devaient être versées à Mme [C] à titre de prime de résultat et ne constitueraient pas une libéralité, il conviendrait de constater que la seule somme due à Mme [C] à titre de prime d'objectifs s'élève à 131 ,15 €, que le non-paiement de cette prime sur un mois unique et pour un montant dérisoire ne suffit pas à constituer un motif suffisamment sérieux pour empêcher la poursuite du contrat de travail de la salariée et légitimer la prise d'acte du contrat de travail d'autant que l'attitude conciliante de l'employeur doit être prise en compte dès lors qu'il a manifesté la volonté de régularisation de la situation si la salariée était en mesure de justifier sa demande.

***

Le caractère obligatoire des primes ou compléments de salaire découle de la nature de leur source : légale, conventionnelle, contractuelle, ou comme en l'espèce, simple volonté de l'employeur à la condition que cette pratique constitue un usage - que l'employeur n'a pas dénoncé - ou un engagement unilatéral de sa part. L'usage doit se rapporter à une pratique constante, générale et fixe. A cet égard, l'avantage doit présenter une certaine fixité tant dans les conditions auxquelles les salariés peuvent y prétendre que dans ses modalités de calcul, obéissant ainsi à des règles constantes et reposant sur des critères suffisamment objectifs tant par rapport à l'employeur que par rapport au comportement personnel des salariés.

En l'espèce, Mme [C] produit ses bulletins de salaire pour les années 2015 et 2016 qui démontrent le versement, tous les mois, par son ancien employeur, la SARL SATEL, d'une 'prime d'objectifs', toujours supérieure à 600 € et allant régulièrement au-delà de 1 000 €. A compter du mois juillet 2016, mois du premier salaire payé par la SARL NOAM, cette prime n'est plus versée.

Si Mme [C] produit une note manuscrite datée du 4 juillet 2014 dont l'auteur n'est pas identifié et qui mentionne 'St BAR 35 000, au-dessus 5%. TOP QUAL $gt; 8,5 + ROUGE 15 000 au dessus 5%. TOP QUAL $gt; '' (St BAR se rapportant au magasin SAINT-BARNABE et + ROUGE se rapportant au magasin CROIX ROUGE), elle produit également le mail que son ancien employeur a adressé le 18 mars 2019 à la SARL NOAM indiquant : 'Pourquoi ai-je l'impression que l'on veut me mettre sur le dos un prud'hommes qui n'a même pas dû avoir lieu' Encore une fois, il n'y a eu aucun deal entre mes employés et nous, [P] au même titre que tous les employés avaient des objectifs. Elle avait un objectif volume et donc automatiquement une marge qui en découlait, des pourcentages par paliers étaient appliqués. Bien entendu tout au long de l'année tout pouvait être modifié à partir du moment où SFR changeait la donne et selon bien entendu les périodes tel que par exemple Noël. Tout ceci, [N] [O] est parfaitement au courant. Il a même eu des entretiens individuels avec chacun d'entre eux. Je ne vois pas pourquoi tout cela pouvait être ignoré'.

Il en ressort assurément que l'employeur, alors la SARL SATEL, avait institué la pratique, dans les limites de la politique commerciale de SFR et dont il n'est pas démontré qu'elle avait été dénoncée, du versement d'une prime sur objectifs qui était versée tous les mois à tous les salariés et qui reposait sur des modalités de calcul objectives et non en fonction de critères discrétionnaires ou aléatoires.

Ainsi, l'usage se rapporte bien à une pratique constante, générale et fixe de sorte que la prime constitue un élément de salaire obligatoire qui ne peut être modifié sans constituer une modification du contrat de travail.

Dès lors, dans le cadre du transfert du contrat de travail de Mme [C] en application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail, la SARL NOAM devait poursuivre le versement de cette prime d'objectifs dans les conditions qui avaient été posées par la SARL SATEL.

Le manquement de l'employeur à ses obligations est donc établi et, dès lors qu'il concerne la privation d'un élément obligatoire de la rémunération qui correspondait à 25% environ de cette dernière, est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, les demandes de la SARL NOAM en paiement d'une indemnité de préavis et des intérêts capitalisés sur cette somme seront rejetées.

- sur la détermination du montant du salaire

Mme [C] demande de confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a considéré que sa rémunération mensuelle moyenne s'élevait à la somme de 2941,41 € en arguant que le montant de 1855,78 € proposé par la SARL NOAM conduit à fausser le salaire de référence réel en ne prenant pas en compte la prime d'objectifs qu'elle percevait depuis de nombreuses années avec la société SATEL et en se fondant sur un salaire minoré durant son arrêt maladie .

La SARL NOAM soutient qu'il est inenvisageable de prendre pour base les salaires de 2015 en l'absence de fondement sérieux.

Dès lors que pour calculer le salaire moyen de référence, il convient de prendre en considération les rémunérations versées antérieurement à l'arrêt-maladie et qu'en l'espèce, il convient également de prendre en compte la prime d'objectifs, la rémunération mensuelle moyenne de Mme [C] est bien de 2.941,41 €. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes indemnitaires de Mme [C]

Au jour de la rupture des relations contractuelles, Mme [C] bénéficiait d'une ancienneté de 8 ans et 2 mois et peut donc prétendre à une indemnité de licenciement d'un montant de 4 804,31 € [(2.941,41 / 5 x 8) + (2.941,41 / 5) x (2/12) = 4.706,26 + 98,05], ainsi qu'à une indemnité de préavis de 5.882,82 € (conformément à la convention collective nationale applicable, chapitre VI ' art. 1, la salariée ayant plus de 8 années d'ancienneté bénéficie d'un préavis de deux mois), outre la somme de 588,28 € au titre des congés payés afférents, demandes contestées en leur principe par la SARL NOAM mais non en leur montant.

Compte tenu du fait que le licenciement a été opéré dans une entreprise employant au moins 11 salariés (fait conclu par Mme [C] et non contesté par la SARL NOAM dans ses conclusions) de l'âge de la salariée au moment de la rupture du contrat de travail (32 ans), de son ancienneté, de sa qualification, de sa rémunération, des circonstances de la rupture et de la période de chômage qui s'en est suivie, il convient d'accorder à Mme [C], par confirmation du jugement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 25 500 €.

Les autres dispositions du jugement, non critiquées par les parties, seront également confirmées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SARL NOAM à payer à Mme [C] la somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de la SARL NOAM, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande reconventionnelle de la SARL NOAM,

Condamne la SARL NOAM à payer à Mme [P] [C] la somme de 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL NOAM aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/10337
Date de la décision : 07/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°18/10337 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-07;18.10337 ?
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