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07/02/2020 | FRANCE | N°18/01199

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 07 février 2020, 18/01199


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 07 FEVRIER 2020



N° 2020/ 47



RG 18/01199

N° Portalis DBVB-V-B7C-BBZ7X







[G] [H]





C/



SA CMA CGM





















Copie exécutoire délivrée le :



à :



-Me Romain GUICHARD, avocat au barreau de PARIS



- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Décembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00297.





APPELANT



Monsieur [G] [H], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]



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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 07 FEVRIER 2020

N° 2020/ 47

RG 18/01199

N° Portalis DBVB-V-B7C-BBZ7X

[G] [H]

C/

SA CMA CGM

Copie exécutoire délivrée le :

à :

-Me Romain GUICHARD, avocat au barreau de PARIS

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Décembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00297.

APPELANT

Monsieur [G] [H], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Romain GUICHARD, avocat au barreau de PARIS

INTIME

SA CMA CGM, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Antoine VIVANT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Caroline MERLE, avocat au barreau de PARIS et Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Dominique DUBOIS, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Erika BROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2020.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2020,

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société CMA CGM est le premier groupe français et le troisième groupe mondial de transport maritime de conteneurs. Elle est présente à ce jour dans 160 pays et compte environ 30.000 collaborateurs à travers le monde.

La société CMA CGM est la société de tête du Groupe (ci-après la « Société »).

La société suisse CMA International Mobility Services (ci-après « CMA IMS ») est l'une des filiales à 100% de la Société.

Monsieur [S], en sa qualité de représentant de la CMA CGM, et Monsieur [G] [H] (ci-après « Monsieur [H] ») ont engagé au mois d'avril 2016 des pourparlers en vue de l'embauche de ce dernier.

Monsieur [H] contactait Monsieur [S] par email le 12 avril 2016 lui indiquant : « De mon côté, je quitte [O] [T] Commodities, après 4 années passées à Genève dans différents rôles globaux. Dans ma recherche, je suis intéressé par un poste dans le domaine RH ('). Je crois que tu cherches quelqu'un auprès de toi pour le rôle RH (') »

Le 1er mai 2016, Monsieur [H] indiquait à Monsieur [S]: « Côté timing, je pourrais probablement (') commencer le 1er juin en étant basé à Genève » et précisait « Pour le salaire, je propose un fixe de 400k, avec les éléments complémentaires que tu me citais. Je souhaiterais également un accompagnement à ma mobilité familiale qui aura lieu d'ici la fin de l'année » .

CMA CGM SA a proposé à Monsieur [H], le 4 mai 2016, d'occuper le poste de « Chief Transformation Officer » pour une rémunération annuelle de 380.000 euros bruts, lui demandant de se positionner au plus tard le 9 mai suivant.

Il lui était fait deux propositions d'embauche :

- un contrat à durée déterminée de droit Suisse, courant du 1er juin 2016 au 31 décembre 2016, conclu avec la filiale Suisse de la CMA CGM, la société CMA IMS. Ainsi, le lieu d'exécution du contrat était situé à Genève.

- un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er janvier 2017,conclu avec la société CMA CGM, pour le même poste, exécuté à [Localité 3].

Monsieur [H] retournait la documentation contractuelle le 9 mai 2016.

Il était informé, au plus tard le 11 mai, de la rétractation de la société.

S'en suivait alors un contentieux devant le Tribunal des prud'hommes de Genève pour rupture abusive de sa proposition d'embauche. Lors de l'audience du 18 juillet 2016 un accord transactionnel était conclu entre Monsieur [H] et CMA IMS. Monsieur [H] recevait à ce titre une indemnité de 6 mois de salaire, soit 241.616,65 CHF, l'équivalent de 209.863 euros.

Le 13 février 2017, Monsieur [H] saisissait le Conseil de prud'hommes de Marseille et réclamait d'être indemnisé au titre de la rupture de sa proposition d'embauche, contre la CMA CGM.

Aux termes de sa saisine, il sollicitait du Conseil de prud'hommes la condamnation de la société CMA CGM SA à lui verser les sommes suivantes :

' 182.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 108.941 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

' 10.891,10 € au titre des congés payés y afférents ;

' 108.941 € au titre de l'indemnité stipulée dans la promesse d'embauche ;

' 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 18 décembre 2017, le Conseil de prud'hommes de Marseille a débouté Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes, le conseil :

- souligne que Monsieur [G] [H] avait bien connaissance des conditions utiles en vue de procéder à son recrutement selon la mise en oeuvre de deux phases contractuelles indissociablement liées de manière globale par les éléments objectifs du contexte, la première, en entrant au service d'une filiale Suisse du Groupe qui gère la mobilité internationale de ses Cadres, et au cas d'espèce, afin de satisfaire aux nécessités notamment fiscales, invoquées par l'intéressé au titre de régime des impatriés dont il entend bénéficier,

- retient qu'à l'évidence, la rétractation non contestée du fait du cocontractant employeur intervenue le 11 mai 2016 visait l'intégralité de l'ensemble contractuel dont la seconde part devenait caduque au gré de l'anéantissement du premier instrumentum,

- estime dans la mesure où il a été mis fin au litige initial, selon un Accord Transactionnel établi devant le Tribunal de Prud'hommes Helvétique, qu'il est naturel qu'il emporte des réserves relatives aux prétentions touchant le document « proposition d'embauche de la CMA CGM SA », phase contractuelle de droit français que la juridiction Prud'homale Suisse n'avait pas vocation à évoquer ou inclure à l'Accord Transactionnel, sans dépasser les limites de sa compétence matérielle ;

- note cependant qu'il demeure que selon les dispositions de l'article 1186 du nouveau code civil le contrat valablement formé devient caduc, si l'un de ses éléments essentiels disparaît, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît.

Sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une Partie, La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement,

- exerçant sa faculté d'appréciation issue des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, après avoir examiné les pièces qui lui ont été soumises, recherché dans l'intention des parties au litige, leur volonté de traiter successivement d'un même objet, en deux éléments contractuels indivisibles imposés par la situation, sachant que les cocontractants en avaient préalablement connaissance,

- constate que l'exécution du premier contrat était une condition déterminante du consentement d'une Partie, entraînant de facto la disparition du second et sa caducité,

- considère que Monsieur [G] [H] a effectivement été indemnisé dans le cadre d'une transaction, qu'il ne rapporte aucunement avoir subi un complément de préjudice ne saurait prétendre à un dédommagement en l'état d'un contrat devenu caduc, sur lequel il ne peut plus être statué, et qui n'a par ailleurs jamais commencé,

- relève que Monsieur [G] [H] qui indique avoir eu connaissance le 11 mai 2016 de la rétractation de la SA CMA CGM, pour une prestation prévue au premier janvier 2017 a disposé d'un délai suffisant et qu'il n'a pas été tenu de déménager vers la France,justifiant d'une prime d'impatriation naturellement dépourvue d'objet,

- écarte en conséquence les différentes réclamations de Monsieur [G] [H],

- laisse à la charge de chacune des Partes, le montant de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens

- partage les éventuels dépens.

Monsieur [H] a alors interjeté appel de ce jugement le 16 janvier 2018 devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Il sollicite de la Cour, dans ses dernières écritures en date du 11 avril 2018, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, de :

- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille en date du 18 décembre 2017 ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger que la rupture de la promesse d'embauche formulée par la société CMA CGM s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société CMA CGM à verser à Monsieur [H] les sommes suivantes :

'36.315 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'108.941 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

'10.891,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

'108.941 euros au titre de l'indemnité stipulée dans la promesse d'embauche ;

- condamner la société CMA CGM à verser à Monsieur [H] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civiles ;

- ordonner à la société CMA CGM de remettre à Monsieur [H] une attestation Pôle Emploi conforme et un bulletin de paie faisant mention des condamnations sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- débouter la société CMA CGM de ses demandes reconventionnelles ;

- condamner la société CMA CGM aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures en date du 18 février 2019,auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens la société CMA CGM demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 18 décembre 2017 ;

Et par conséquent :

- débouter Monsieur [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions sans distinction ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la proposition d'embauche de Monsieur [H] n'a pas été rompue de manière abusive ;

Et par conséquent :

- réduire le montant des condamnations prononcées au tire de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés au minimum légal ;

- débouter Monsieur [H] de sa demande de dommages-intérêts ;

- débouter Monsieur [H] de sa demande au titre de la clause particulière stipulée dans la proposition ;

A titre infiniment subsidiaire :

- déclarer que la clause stipulée dans la proposition est manifestement excessive et la réduire ;

A titre reconventionnel :

- condamner Monsieur [H] à verser à la Société CMA CGM SA la somme de 210.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du Code civil pour procédure abusive ;

En tout état de cause :

- condamner Monsieur [H] à verser à la Société CMA CGM la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [H] aux entiers dépens., ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

- Sur la rupture de la promesse d'embauche

M. [H] soutient que, de principe, la rupture de la promesse d'embauche s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a reçu une promesse d'embauche le 4 mai 2016 qu'il a accepté le 9 mai et que la société a rétracté par téléphone brutalement et sans explication.

Cette promesse d'embauche n'est pas devenue caduque car il y a en l'espèce deux promesses d'embauche, l'une faite avec la société CMA INTERNATIONAL MOBILITY SERVICES et l'autre avec la société CMA CGM qui sont parfaitement divisibles car elles pouvaient être exécutées de manière indépendante et successivement et chacune devait être exécutée de manière séparée et autonome.

La promesse d'embauche de l'une des sociétés n'était pas une condition déterminante de l'exécution de la promesse de l'autre et inversement.

L'employeur ne peut se prévaloir de la transaction intervenue qui ne concerne que la société CMA INTERNATIONAL MOBILITY SERVICES et réserve ses droits quant à la promesse d'embauche de la société CMA CGM.

Les parties n'ont donc pas mis au terme au litige qui les opposait par cette transaction.

Le préjudice de M. [H] n'a pas été réparé par la transaction qui ne portait que sur la rupture d'une promesse d'embauche d'un CDD de 7 mois.

L'employeur se prévaut de l'existence d'un ensemble contractuel en application de l'article 1217 du code civil et du fait que le sort des deux promesses d'embauches étaient liées du fait de la volonté des deux parties pour la réalisation d'une opération unique .

Il s'agissait de la même opération et du même objet.

Les deux promesses ont été signées le même jour , entre les mêmes personnes, pour l'exercice des mêmes fonctions avec le même statut, pour la même rémunération et elles avaient la même période de validité, jusqu'au 9 mai 2016.

C'était afin de permettre à M. [H] de ne pas changer de résidence avant la fin de l'année civile 2016 pour des raisons fiscales que deux promesses ont été conclues.

Aux termes de l'accord conclu devant le tribunal des prud'hommes de Genève, il a été mis fin d'un commun accord avec effet au 1er juin 2016 au contrat de travail du 4 mai 2016 liant M. [H] à CMA INTERNATIONAL MOBILITY SERVICES à Genève.

Cet accord a nécessairement mis fin à l'ensemble contractuel auquel la seconde promesse d'embauche se rattachait, qui était frappée de caducité et ne saurait constituer un abus ni le fruit d'une faute détachable de la part de CMA CGM.

Il s'en suit que M. [H] n'a pas droit à des dommages et intérêts supplémentaires, la seconde promesse d'embauche étant caduque.

Il est logique que, dans cet accord, demeurent réservées les prétentions de M. [H] au titre du document intitulé 'proposition d'embauche ' du 4 mai 2016 établi par la société CMA CGM3 puisque la juridiction suisse n'avait pas compétence pour statuer sur un accord de droit français.

- Sur la demande reconventionnelle de la société CMA CGM

Le salarié sollicite le débouté de l'employeur qui réclame 210.000 € de dommages et intérêts en accusant sans preuve le salarié d'escroquerie au jugement alors qu'il n'a fait que demander la réparation de son préjudice au titre de la rupture de la promesse d'embauche de son CDI.

L'employeur, en application de l'article 1240 du code civil qui prévoit que 'tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer' réclame la somme de 210.000 € de dommages et intérêts au motif que M. [H] est de mauvaise foi puisqu'il a lui-même organisé la relation contractuelle en deux instrumentum pour bénéficier de son statut fiscal en Suisse, assigné la société CMA CGM alors qu'il a déjà obtenu 210.000 € de la juridiction suisse , demande plus de 410.000 € alors qu'il a été débouté par le CPH de Marseille et ne démontre aucun préjudice.

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 novembre 2019 ayant fixé l'audience de plaidoirie au 3 décembre 2019 ;

SUR CE

De principe, la rupture d'une promesse d'embauche s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans leurs versions applicables au moment des faits, les articles 1217 et 1218 du code civil disposaient :

L'obligation est divisible ou indivisible, selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

L'obligation est indivisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation ne la rend pas susceptible d'exécution partielle.

De principe, il appartient au juge du fond de rechercher si l'indivisibilité des conventions résulte de la volonté des parties de considérer chaque contrat comme la condition de l'autre.

Si l'intention des parties a été de rendre leurs conventions indivisibles, la rupture du premier entraîne la caducité de l'autre.

Il est constant en l'espèce et non contesté que la société CMA CGM, qui avait fait deux promesses d'embauche à M. [H] le 4 mai 2016 que ce dernier a accepté par courrier en date du 9 mai 2016, les a rétractées ensuite brutalement le 11 mai suivant.

Cependant, il est constant également que CMA CGM est un groupe qui compte en son sein la société CMA CGM, société tête de groupe et notamment la société suisse CMA International Mobility Services, filiale de la société CMA CGM à 100%, société destinée à gérer uniquement la mobilité internationale des cadres du groupe.

Il est encore constant que deux promesses d'embauche ont été faites le même jour à M. [H], la première par la société suisse CMA International Mobility Services, la seconde comme vue précédemment par la société CMA CGM .

Ces deux promesses ont été négociées par M. [S], représentant de la CMA CGM, et M. [H] que ce dernier avait contacté le 12 avril 2016 pour lui indiquer qu'il quittait ses fonctions chez [O] [T] Commodities après 4 années passées à Genève, recherchait un emploi et serait intéressé par un poste dans le domaine RH à ses côtés.

Il résulte en effet du profil Linkedin de M. [H] que ce dernier a travaillé chez [O] [T] Commodities de septembre 2011 à avril 2016 , soit 4 ans et 8 mois.

M. [H] indiquait au cours des négociations le 1er mai 2016 qu'il pourrait probablement commencer le 1er juin en étant basé sur Genève et qu'il souhaitait un accompagnement à sa mobilité familiale qui aurait lieu d'ici la fin de l'année.

L'employeur démontre également par la production d'un courriel que M. [H] voulait rester domicilié en Suisse dans un premier temps et qu'un montage a été réalisé pour le lui permettre, en prévoyant un contrat avec la société suisse CMA International Mobility Services dans un premier temps puis dans un second temps avec CMA CGM et que M. [S] avait demandé qu'une prime d'impatriation soit prévue dans le second contrat.

C'est ainsi que deux promesses d'embauche étaient finalement conclues entre les parties et signées toutes deux par M. [S], Directeur Central Exécutif.

- La première pour un poste de Chief Transformation Officer, cadre dirigeant, en contrat à durée déterminée du 1er juin 2016 au 31 décembre 2016 pour un salaire de 414.200 CHF (soit 380.000 € bruts) annuels sur douze mois à Genève avec la société suisse CMA International Mobility Services.

- La seconde avec le groupe CMA CGM en contrat à durée indéterminée sans période d'essai pour un poste de Chief Transformation Officer, cadre dirigeant, à compter du 1er janvier 2017 pour une rémunération de 380.000 € sur 13 mois, comportant également une indemnité d'impatriation de 85.000 €, étant observé qu'il était mentionné que, conformément aux dispositions du code général des impôts actuellement en vigueur, 'afin de bénéficier de cette prime, vous n'avez pas été fiscalement domicilié en France au cours des cinq années civiles précédant la date de début de prise de fonction en France et vous vous engagez à établir en France votre domicile fiscal à compter de votre prise de fonction' et un variable de 15% de la rémunération annuelle fixe sous réserve de l'atteinte des objectifs personnels fixés chaque année, une éligibilité au plan de rétention, une voiture, le lieu de travail étant fixé à [Localité 3] au siège social de la société.

Il n'est pas contesté que la société suisse CMA International Mobility Services n'avait nul besoin d'un Chief Transformation Officer, cadre dirigeant, avec un tel niveau de rémunération.

Le 9 mai 2016, M. [H] envoyait un mail à M. [S] selon lequel :'Bonjour [N], voici les deux contrats signés !merci pour ta confiance, je suis très content de cette nouvelle expérience et aventure! Pourras tu me mettre en relation pour la relocation sur [Localité 3], l'idée serait que [C] et [R] s'installent sur [Localité 3] pour la rentrée scolaire'.

De l'ensemble de ces éléments, il ressort que c'est pour permettre à M. [H] de conserver des avantages fiscaux liés à une condition de domiciliation en Suisse de 5 ans que deux promesses d'embauche ont été conclues mais que dans l'intention des parties, il s'agissait d'un ensemble indivisible.

En effet, pour M. [H], qui a négocié dès le départ en ce sens, il s'agit d'une 'nouvelle expérience et aventure' et non de deux.

De plus, le second contrat ne prévoit pas de période d'essai, fait inhabituel surtout à ce niveau de responsabilité, et qui ne s'explique que par le fait que M. [H] aurait déjà effectué six mois de travail au service de la société, par l'intermédiaire de sa filiale suisse quand il rejoindrait la France.

Il prévoit par contre la prime d'impatriation, qui est conditionnée par le fait que M. [H] n'a pas été fiscalement domicilié en France au cours des cinq années civiles précédant la date de début de prise de fonction en France, circonstance qui n'aurait pas été remplie si M. [H] n'était pas demeuré quelques mois de plus en Suisse puisqu'il n'avait pas atteint ces cinq ans de domiciliation en Suisse le 1er juin 2016 mais seulement en octobre 2016.

Il s'en suit que , du fait de la transaction conclue devant le tribunal des prud'hommes de Genève selon lequel il a été mis fin avec effet au 1er juin 2016 au contrat de travail du 4 mai 2016 liant M. [H] à CMA International Mobility Services, Genève, et donc à la première promesse d'embauche, la seconde conclue avec la société CMA CGM est devenue caduque , faute d'objet.

M. [H] se prévaut du fait que, dans l'accord transactionnel conclu devant le tribunal prud'homal de Genève avec la société CMA International Mobility Services, Genève, il a expressément réservé ses prétentions au titre du document intitulé 'proposition d'embauche ' du 4 mai 2016 établi par la société CMA CGM, reconnaissant et confirmant qu'il n'a toutefois aucune prétention à faire valoir contre CMA International Mobility Services, Genève, en relation avec ladite promesse d'embauche.

Il ne peut cependant utilement soutenir que la société CMA CGM aurait expressément reconnu que l'intégralité de son préjudice n'était pas réparé par cette transaction car la société CMA CGM n'était pas partie à cet accord transactionnel qui lui est inopposable.

En outre, la société CMA International Mobility Services n'aurait pu transiger pour la société CMA CGM, non partie à cet accord.

Etant observé que M. [H] a tout de même perçu la somme de 210.000 € pour la rupture de la promesse d'embauche avec CMA International Mobility Services, Genève, uniquement pour la rupture d'un CDD de six mois selon lui, soit davantage que la rémunération totale qui lui aurait été due pour ces six mois, alors qu'il n'a pas effectué un seul jour de travail.

En conséquence, la promesse d'embauche conclue avec la CMA CGM étant caduque, M. [H] doit être débouté de toutes ses demandes à l'encontre de cette dernière et le jugement déféré sera confirmé dans toutes ses dispositions.

- Sur la demande reconventionnelle de la société CMA CGM

La société CMA CGM se prévaut des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ainsi que de l'article 1240 du code civil selon lequel 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer' et argue de la mauvaise foi de M. [H] pour réclamer la somme de 210.000 € à titre de dommages et intérêts au motif qu'il est choquant que ce dernier réclame des sommes aussi importantes alors qu'il a organisé la relation contractuelle et a déjà obtenu 210.000 € devant le tribunal des prud'hommes de Genève, ne donne pas enfin de preuve qu'il est sans revenu actuellement et aurait dû démissionner de son précédent emploi.

Mais en l'espèce, d'une part, la société CMA CGM, par la rupture des deux promesses d'embauche qu'elle a conclues, est également à l'origine de la présente procédure et du dédommagement obtenu par M. [H] de son préjudice devant la juridiction suisse et d'autre part, il n'est pas rapporté la preuve que M. [H] a exercé son droit d'agir avec malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Il y a donc lieu de débouter la société CMA CGM de sa demande de dommages et intérêts.

- Sur les autres demandes

M. [H] qui succombe supportera les entiers dépens et sera condamné à payer à la société CMA CGM la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 18 décembre 2017 dans toutes ses dispositions,

Condamne Monsieur [H] à verser à la Société CMA CGM la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [H] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/01199
Date de la décision : 07/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°18/01199 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-07;18.01199 ?
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