COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 24 JANVIER 2020
N° 2020/36
Rôle N° RG 17/03729 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAC7E
FONDATION [J] [S] [C], anciennement dénommée ASSOCIATION [J]
C/
[T] [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
24 JANVIER 2020
à :
Me Laurence LLAHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F15/00051.
APPELANTE
FONDATION [J] [S] [C], anciennement dénommée ASSOCIATION [J]
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 déclarée à la Préfecture de Police le 7 décembre 1944 sous le n° 4432, représentée par son Président Monsieur [Z] [M], intervenant pour son établissement Pôle gérontologique [J] [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Laurence LLAHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Nathalie TUAL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
Madame [T] [G]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7] (algérie) (99)
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Nathalie FRENOY, Conseiller
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Malika REZIG.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [T] [G] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée par la société SHERPAS, anciennement AMPHITRYON, à temps partiel en qualité d'agent d'entretien; son contrat de travail a été transféré à l'association CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE, association à but non lucratif ayant pour activité l'assistance et la bienfaisance en direction de personnes âgées, de personnes handicapées et de personnes en grande difficulté sociale, exploitant notamment le [4], par avenant en date du 1er avril 2011, stipulant sa qualité d'agent des services logistiques.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande d'indemnité compensatrice et de dommages-intérêts pour privation des 'jours [J]' ou jours de récupération et des repos compensateurs dus au titre des jours fériés, en application de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cures et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, dite convention collective FEHAP.
Par jugement du 7 février 2017, le conseil de prud'hommes de Marseille a :
-ordonné à l'association CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE de créditer Madame [G] des jours de récupération ( jours fériés et jours [J]) perdus,
-condamné l'association [J] à lui payer:
*6 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi et modification unilatérale du contrat,
*600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la partie défenderesse aux dépens.
Par déclaration du 24 février 2017, l'association CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2019, l'association appelante, devenue la fondation [J] [S] [C], reconnue d'utilité publique, depuis le décret du 26 octobre 2018, demande à la cour de:
' déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté,
' dire que Madame [G] ne justifie nullement par un quelconque document du bien-fondé de ses demandes et, plus particulièrement, ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait été privée par son employeur du bénéfice des 11 jours de repos compensateur, avantages individuels acquis au titre des anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CNN 51 et des deux jours de repos supplémentaires dits «jours [J] »,
' dire que, en ce qui la concerne, la fondation [J] [S] [C] rapporte la preuve de ce que Madame [G] a effectivement bénéficié des 13 jours de repos supplémentaires litigieux,
' dire que la fondation fait une juste application des anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CNN 51,
' dire que l'organisation mise en place par l'établissement pour la prise des 11 jours de repos compensateurs jours fériés pour les agents en bénéficiant au titre de l'avantage individuel acquis est licite et conforme aux anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CNN 51,
' réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
' débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes,
' condamner Madame [G] à lui verser 2000 € à titre de dommages-intérêts,
' condamner Madame [G] à lui verser la somme de 4 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner Madame [G] aux dépens lesquels comprendront notamment les frais d'exécution de l'arrêt à intervenir,
' rejeter toutes demandes et conclusions contraires au dispositif.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2019, Madame [G] demande à la cour de:
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le [J] au paiement de la somme de 6000 € à titre de dommages - intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat et modification du contrat,
-l'infirmer pour le surplus,
y ajoutant
-condamner l'association C.O.S. (Centre d'Orientation Sociale) au paiement des sommes de :
*8 152,69 € bruts à titre d'indemnité de repos compensateurs jours fériés et jours [J],
*815,27 € bruts à titre d'incidence congés payés,
*6 000 € à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice résultant de la privation des jours de repos compensateurs de nuit, jours fériés et des deux jours supplémentaires [J],
*2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*des entiers dépens,
avec capitalisation des intérêts.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2019.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la prescription:
Face à l'argumentaire de la salariée qui rappelle que sa saisine de la juridiction prud'homale en janvier 2015, intervenue durant la période transitoire de la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi, lui permet de formuler des demandes relatives à ses salaires échus après le 31 janvier 2010 et relatives à l'exécution de son contrat de travail pour des faits nés après le 12 janvier 2010, il convient de constater qu'aucun développement n'est fait par la fondation [J] [S] [C] à ce sujet, qui s'avère donc non litigieux.
Sur les jours de repos compensateur :
La fondation [J] [S] [C], venant aux droits de l'association [J], critique le jugement de première instance qui a calqué sa décision sur un arrêt rendu au profit d'une salariée (Madame [D]) placée dans une situation différente de celle de l'intimée, sans analyser les éléments de fait et de droit soumis à son appréciation. Elle relève notamment que Madame [G] n'a jamais eu les mêmes horaires que les aide-soignants de nuit, ni d' horaires de «petite semaine ». Disant apporter la preuve que l'intéressée a bien bénéficié - et continue à bénéficier - des 11 jours supplémentaires de récupération dits «fériés -[J] » conformément aux anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CCN 51 et des 2 jours octroyés par l'abbé [C], dits « jours [J] », par la production de ses plannings, feuilles d'émargement et bulletins de salaire, l'appelante soutient que pour éviter toute dénaturation des éléments de fait, elle a en outre, nonobstant le coût financier pour elle, sollicité un expert-comptable pour vérifier et certifier la réalité du bénéfice des 13 jours supplémentaires.
Elle fait valoir que la salariée est demeurée taisante sur les demandes de communication de pièces, qu'elle ne verse au débat aucun élément justifiant du bien-fondé de ses réclamations et doit donc en être déboutée.
La fondation [J] [S] [C] rappelle qu'en raison du service continu nécessaire au sein du pôle gérontologique [6], la répartition du temps de travail se fait par cycles différents de 4 à 12 semaines en fonction des services et des fonctions, la semaine de travail s'entendant du dimanche au samedi, et que les 11 jours fériés légaux peuvent correspondre à un jour de travail ou de repos en fonction du roulement prévu. Elle fait valoir que le droit à 11 jours supplémentaires de repos, tel que prévu par l'ancien article 11.01.3.2 de la CCN 51, reste acquis pour les salariés embauchés avant le 1er décembre 2011 et a donné lieu soit à un repos compensateur effectif, soit à une indemnité compensatrice ( nomenclature '04077' sur les bulletins de salaire ou ' 004070', encore appelée 'indemnité dimanche' lorsque le jour férié tombe un dimanche), mais qu' à compter de mai 2010, pour tenir compte des difficultés d'organisation engendrées par la pose de repos compensateurs au bon vouloir des salariés, l'organisation des plannings a été calquée, après une large consultation des IRP, sur celle mise en place depuis 2003 pour les aide-soignants travaillant de jour incluant les 11 jours supplémentaires de repos compensateur dits ' jours fériés [J]'. Elle souligne qu'inclusion ne signifie pas suppression et que les 13 jours litigieux sont depuis systématiquement programmés dans les plannings et que si un jour férié officiel est travaillé, l'indemnité de sujétion spéciale est versée conformément à l'article A3.3 de l'annexe 3 de la CCN 51 en sus de sa compensation en repos. Le changement, selon le CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE, réside dans le fait que les salariés ne choisissent plus les dates auxquelles ils peuvent prendre leurs jours de récupération, changement inexistant pour Madame [G] , qui n'a pas connu le système de 'bons de récupération', n'ayant intégré les effectifs qu'en avril 2011 et qui, au surplus, n'étant pas aide-soignante de nuit, ne peut faire sien leur raisonnement, par ailleurs erroné.
En ce qui concerne cette intimée, la fondation [J] [S] [C] fait valoir qu'elle ne produit qu'une seule feuille de présence du 22 avril au 31 mai 2014 et ses bulletins de salaire, éléments qui ne sauraient fonder sa demande, d'autant que l'organisation du temps de travail relève des prérogatives de l'employeur et ne constitue pas un avantage individuel acquis. Elle relève que c'est sur une année complète qu'il faut vérifier siMadame [G] a bien bénéficié des 13 jours de repos supplémentaires et que la répartition en petites et grandes semaines concerne uniquement les aide-soignants de nuit et non l'intimée qui est agent des services logistiques, travaillant à temps partiel et de jour.
La fondation appelante précise que les deux 'jours [J]' institués par l'abbé [C] n'ont pas été impactés par la dénonciation de la CCN 51 puisqu'ils ne sont pas des avantages individuels acquis mais relèvent d'un usage et sont attribués à tout salarié après un an d'ancienneté dans l'établissement.
Elle conclut au rejet des demandes présentées par la salariée,dont elle souligne l'absence de réplique quant aux conclusions du rapport d'expertise qu'elle a produit.
Rappelant pour sa part que
- les travailleurs de nuit, qui travaillaient déjà 70 heures à la quatorzaine depuis le passage aux 35 heures, ont continué à travailler pendant cette même durée selon un roulement « petite semaine ' grande semaine » et bénéficiaient en outre de deux jours de pénibilité ainsi que de 13 jours de repos supplémentaires qu'ils posaient comme bon leur semblait en remplissant un bon de récupération,
- que certains représentants syndicaux dont Madame [D] ont réalisé que l'inclusion des jours fériés et jours [J] dans les plannings, décidée unilatéralement par la direction et fixée le samedi de la petite semaine qui était un jour non travaillé, les privait en réalité de leurs avantages individuels acquis,
-que cette suppression de 13 jours de repos supplémentaires avait une cause économique, la direction ayant atteint l'équilibre financier par cette inclusion,
-que l'action de Madame [D] devant le conseil de prud'hommes a été couronnée de succès, la décision de première instance étant ensuite confirmée par la cour d'appel,
Madame [G], en sa qualité de salariée de jour, affirme avoir compris que ses plannings étaient tout aussi illicites que ceux de ses collègues de nuit et a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille. Elle soutient que le dossier de Madame [D] étant un dossier 'pilote', il est habituel d'utiliser les pièces et décisions de justice obtenues précédemment, qu'elle n'avait pas conservé ses plannings et que la fondation [J] avait refusé initialement de les communiquer. Elle souligne que l'appelante a reconnu l'inclusion dans les plannings des 13 jours de repos compensateur pour les agents de jour depuis 2003, pour les agents de nuit depuis mai 2010 ; l'intimée considère que le débat ne porte plus sur la preuve de cette pratique mais sur son illiciéité et sur les conséquences à en tirer.
Elle rappelle que ses plannings de juin 2013 à mai 2015 surchargés par la direction ne correspondent pas à ceux qui étaient affichés.
Madame [G] fait valoir que les 'bons de récupération fériés [Localité 5]' de Madame [D] ont été refusés après mai 2010, que les bulletins de salaire de cette dernière portaient mention d'indemnité «jours fériés » correspondant à l'indemnité de sujétion spéciale mais ne mentionnaient plus de « récupération jours fériés », que les feuilles de présence portaient mention de jours de récupération imposés par l'employeur un samedi non travaillé sur deux.
L'intimée considère que la pratique de l'inclusion des 13 jours de repos supplémentaires dans les plannings, et leur fixation unilatérale sur les feuilles de présence un jour du roulement non travaillé, revient à priver certains des salariés de plus de 190 jours de repos supplémentaires depuis plus de 10 ans.
Elle souligne que la pratique mise en place par la fondation non seulement mensualise les jours de repos, ce qui est contraire à l'accord de branche prévoyant une prise du repos compensateur dans un délai d'un mois et non de façon mensuelle, mais encore programme les salariés 13 jours de plus par an, les privant de leurs jours de repos supplémentaires et casse l'équilibre du contrat .
Enfin, Madame [G] souligne que la direction a fait circuler à compter de juin 2014 de nouveaux plannings portant la mention à recopier 'vu la réorganisation du travail, j'accepte mon nouveau planning', ce qui ne les rend pas plus licites qu'auparavant, la stratégie de la fondation consistant à noyer le poisson en fixant toutes les quatre semaines un jour de repos compensateur férié mentionné désormais 'RE' sur les bulletins de salaire. Or, faisant valoir que ce jour fixé à une date qui n'était pas habituellement travaillée avant mai 2010 dans le roulement à la quatorzaine pour les travailleurs de nuit, elle considère que les règles conventionnelles de prise des repos dans le mois du jour férié ou en bloc ne sont pas respectées et que conditionner la prise d'un jour de repos compensateur lorsque le planning prévoit un 'RE' à l'accord d'un autre salarié pour effectuer le remplacement de son collègue rend de fait impossible la prise de ces repos.
Considérant avoir été privée de 13 jours de repos par an, pour des vacations de 7 heures chacune au taux horaire de 10,57 euros bruts, Madame [G] sollicite la somme de 8152,69 euros à titre d'indemnité de repos compensateur 'jours fériés [J]' et 'jours [J]' ainsi que les congés payés y afférents, rappelant qu'ayant été empêchée de prendre ses jours de repos, elle a le droit d'en demander la liquidation même avant la rupture de son contrat de travail. Elle réclame en outre la somme de
6 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation des jours de repos compensateurs jours fériés et 'jours [J]'.
Elle sollicite également la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer 6 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi et modification unilatérale du contrat de travail.
* ** *
La convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 (dite CCN 51) prévoyant en son article 11.01.3.2 que les salariés bénéficient d'un jour de repos compensateur non seulement s'ils travaillent un jour férié mais également s'ils sont de repos ce jour férié, a été partiellement dénoncée le 31 août 2011, laissant place à compter du 1er juin 2014 à une nouvelle disposition prévoyant que seuls les salariés ayant travaillé un jour férié bénéficient de repos compensateur, chaque fois que le service le permettra.
La fondation [J] ne conteste pas que les salariés présents à l'effectif de l'établissement le 1er décembre 2011, date d'expiration du préavis de la dénonciation de la CCN 51, comme Madame [G], bénéficient de l'avantage individuel acquis consistant en 11 jours de repos compensateur qu'ils aient ou non travaillé les 11 jours fériés prévus par la loi. Elle ne conteste pas non plus que Madame [G] ait droit aux deux jours supplémentaires '[J]' institués par l'abbé [C].
La fondation appelante verse au débat, pour démontrer que la salariée a été remplie de ses droits, un rapport d'expertise concluant que Madame [G] a bénéficié entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2015 de 13 jours de récupération/ compensateur supplémentaires par an, ainsi que les plannings nominatifs de la salariée du 1er juin 2013 au 31 mai 2015.
Ces plannings informatisés portent mention en orange des jours de repos et en jaune des jours 'fériés [J]', identifiés ensuite - à compter de juillet 2014- sous 'RE'.
Même si le raisonnement développé par l'intimée -et les pièces produites à l'appui afférentes pour la plupart à un ou plusieurs travailleurs de nuit- ne correspondant pas à sa situation d'agent des services logistiques travaillant à temps partiel, la lecture des plannings permet de vérifier qu'à compter du 1er juin 2013, les 'jours fériés [J]' ou 'jours [J]' ont coïncidé avec des jours de repos, l'alternance de ces jours de travail et de repos dans le cadre des roulements établis montrant une fois par mois environ la présence d'un jour ' férié [J]' en lieu et place d'un repos.
Par exemple, sur un roulement de semaines alternant un nombre de 3, puis de 4 jours de repos , Madame [G] a bénéficié la semaine du 2 au 8 juin 2013 de 3 jours de repos, la semaine suivante de 4 jours de repos, la semaine du 16 au 22 juin 2013 de 3 jours de repos mais la quatrième semaine du roulement ( du 23 au 29 juin) de seulement 3 jours de repos, puisqu'un jour 'férié [J]' a été positionné sur le quatrième jour de repos qui lui était dû, selon l'organisation mise en place. Ce schéma s'est manifestement reproduit la semaine du 22 juillet 2013 portant mention d'un jour [J] et ensuite, chaque mois de la période correspondant aux plannings produits.
En ce qui concerne la période antérieure au 1er juin 2013, l'employeur ne produit pas d'élément pour démontrer que la salariée a été remplie de ses droits.
Pour la période postérieure à juillet 2014, aucun planning n'est produit relativement au rythme de travail de l'intimée, les feuillets versés au débat à compter de cette date portant le nom de [G] barré d'un trait et le nom de [Y] [I].
Au surplus, pour le cas où ces plannings produits seraient conformes au rythme de travail de Madame [G], l'alternance et le nombre des jours de travail et de repos sur un roulement de quatre semaines posent le même problème que précédemment, dans la mesure où un jour ' férié [J]' ou 'jour [J]' prend la place d'un jour de repos ordinaire une fois par mois.
Il convient donc d'accueillir la demande de paiement d'une indemnité compensatrice de ces ' jours fériés [J]' et ' jours [J]' non pris d'avril 2011 à octobre 2019 - et non compensés par une indemnité à la lecture des bulletins de salaire sur la période de référence - , soit 110 jours, à hauteur de 8 138,90 € , sur la base non strictement contestée de 7 heures par jour au taux de 10,57 €. Il sera fait droit également à la demande de congés payés y afférents.
En revanche, à défaut de caractériser un préjudice résultant de la privation des jours de repos compensateurs des jours fériés et des deux jours supplémentaires [J], distinct de celui qui vient d'être réparé, la demande de dommages-intérêts présentée par Madame [G] doit être rejetée.
Il en va de même de la demande d'indemnisation présentée au titre de la mauvaise foi de la fondation [J] [S] [C] - invoquée par l'intimée au regard du courrier de l'Inspection du travail malgré lequel l'employeur aurait selon elle persisté dans ses errements -, à défaut de caractérisation d'un préjudice, distinct de celui déjà réparé, qui aurait été subi par la salariée, qui demande par ailleurs des frais irrépétibles.
En ce qui concerne le grief qui lui est fait relatif à la mensualisation des jours de repos compensateur, la fondation [J] [S] [C] affirme que la programmation des 11 jours de repos aux plannings est parfaitement licite et conforme à l'accord de branche, respectant les dispositions de la CCN 51 tout en obéissant aux contraintes d'organisation du service et de mise en place des équipes de roulement. Elle rappelle que la convention collective n'exige pas que le repos compensateur soit impérativement pris dans le délai d'un mois suivant le jour férié, ni que soient mis en place des bons de récupération qui ne constituent pas des avantages individuels acquis. Elle souligne que les jours litigieux sont 'bloqués' aux plannings, lesquels n'ont pas été sanctionnés par l'inspection du travail lors de sa visite en mai 2016. Elle estime en tout état de cause rester libre de l'organisation et des modalités pratiques de l'attribution effective des jours de repos supplémentaires. Invoquant enfin un courrier de la FEHAP considérant possible « ce mode de fixation des repos compensateurs de jours fériés » et ne nécessitant pas 'l'accord individuel et écrit des salariés', l'appelante demande qu'il soit dit qu'elle fait une juste application des dispositions conventionnelles.
L'assertion de l'intimée selon laquelle la prise de ses 'jours fériés [J]' et 'jours [J]' serait conditionnée à un échange de récupérations, le salarié souhaitant changer son jour de récupération devant trouver son remplaçant en interne, n'est corroborée par aucun élément objectif, la copie d'un document non signé par la directrice de la fondation et intitulé ' procès-verbal réunion CE du 6 juin 2013' indiquant ' les personnes qui sont avant la recommandation récupèreront mais il faut prévoir des plannings qui n'entraîneront pas de remplacement quand les gens récupèreront ces fériés car nous n'avons pas de financement' ne pouvant en constituer la preuve, pas plus que les autres documents produits.
En revanche, même si leur octroi n' a pas été effectif, il est manifeste que l'organisation du travail de Madame [G] tend à une mensualisation des jours de repos compensateur, fixée unilatéralement par l'employeur.
Or, il résulte de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 que :
-article 11.01.1
'Sous réserve des dispositions spécifiques prévues par des codes locaux, les fêtes légales ci-après sont des jours fériés : 1er janvier, lundi de Pâques, 1er Mai, 8 Mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 Juillet, Assomption, Toussaint, 11 Novembre et Noël.' [...]
-article 11.01.3.2. Repos compensateur ou indemnité compensatrice des salariés ayant travaillé un jour férié
'Les salariés, qu'ils soient à temps complet ou à temps partiel, ayant travaillé un jour férié bénéficieront -chaque fois que le service le permettra - de 1 jour de repos compensateur, lequel devra, en principe, être pris dans le délai de 1 mois.Toutefois, les jours de repos compensateur pourront, en accord avec l'employeur ou son représentant, être bloqués en une ou plusieurs fois au cours de l'année.
Les salariés qui - en raison des nécessités du service - ne pourront bénéficier du repos compensateur
percevront une indemnité compensatrice.'
La mensualisation systématique des jours de repos supplémentaires, et partant, la suppression de la pratique des 'bons de récupération' ont pour conséquence de nier l'expression d'un quelconque choix de la part du salarié quant à la fixation de ses jours de repos compensateur supplémentaires, quant à leur proximité avec le jour férié compensé ou quant à la possibilité de les regrouper.
Toutefois, n'ayant pas connu le régime des bons de récupération compte tenu de sa date d'entrée aux effectifs de l'entreprise et à défaut de caractériser le préjudice qui serait résulté pour elle tant de la mensualisation de ses jours de récupération que de l'absence de choix pour les poser, Madame [G] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi et modification unilatérale du contrat de travail.
Sur l'atteinte à l'image et à la réputation :
La fondation [J] [S] [C] considère que persister à soutenir qu'elle spolie ses salariés procède d'une volonté de nuire à l'établissement et constitue une atteinte à son image et à sa réputation. Elle sollicite 2000 € à titre de dommages -intérêts à ce titre.
Toutefois, la mauvaise foi ou l'intention de nuire alléguée n'est pas démontrée en l'espèce, pas plus que l'atteinte invoquée à l'image ou à la réputation de la fondation appelante.
La demande reconventionnelle doit donc être rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer la somme de 800 € à Madame [G].
La fondation [J] [S] [C], qui succombe, doit être tenue aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la fondation [J] [S] [C] à payer à Madame [T] [G] les sommes de :
-8 138,90 € à titre d'indemnité compensatrice des jours ' fériés [J]' et ' jours [J]' non pris d'avril 2011 à octobre 2019,
-813,89 € au titre des congés payés y afférents,
-800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne la fondation [J] [S] [C] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction