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24/01/2020 | FRANCE | N°17/03727

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 24 janvier 2020, 17/03727


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 4-1





ARRÊT AU FOND


DU 24 JANVIER 2020





N° 2020/35








Rôle N° RG 17/03727 -


N° Portalis DBVB-V-B7B-BAC7A











FONDATION [...], anciennement dénommée ASSOCIATION COS








C/





O... W...






































Copie exé

cutoire délivrée





le :





24 JANVIER 2020





à :





Me Laurence LLAHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE


















































Décision déférée à la Cour :





Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 24 JANVIER 2020

N° 2020/35

Rôle N° RG 17/03727 -

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAC7A

FONDATION [...], anciennement dénommée ASSOCIATION COS

C/

O... W...

Copie exécutoire délivrée

le :

24 JANVIER 2020

à :

Me Laurence LLAHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F15/01606.

APPELANTE

FONDATION [...], anciennement dénommée ASSOCIATION COS

Association régie par la loi du 1er juillet 1901 déclarée à la Préfecture de Police le 7 décembre 1944 sous le n° 4432, représentée par son Président Monsieur F... Y..., intervenant pour son établissement Pôle gérontologique COS St Maur,, demeurant [...]

représentée par Me Laurence LLAHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Nathalie TUAL, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur O... W...

né le [...] à Marseille (13000)

demeurant 151, chemin de Sainte-Marthe - Bât. A 22 - Bâtiment A, appartement A22 - 13014 MARSEILLE

représenté par Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Malika REZIG.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur O... W... a été engagé par l'association CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE, association à but non lucratif ayant pour activité l'assistance et la bienfaisance en direction de personnes âgées, de personnes handicapées et de personnes en grande difficulté sociale, exploitant notamment le Pôle Gérontologique SAINT MAUR, par contrat de travail à durée déterminée en date du 31 août 2000, en qualité de jardinier, statut ouvrier des services logistiques, niveau 2. La relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée par la signature d'un avenant le 20 avril 2002.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande d'indemnité compensatrice et de dommages-intérêts pour privation des 'jours COS' ou jours de récupération et des repos compensateurs dus au titre des jours fériés en application de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cures et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, dite convention collective FEHAP.

Par jugement du 7 février 2017, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

-ordonné à l'association CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE de créditer Monsieur W... des jours de récupération ( jours fériés et jours COS) perdus,

-condamné l'association COS à lui payer:

*6 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi et modification unilatérale du contrat,

*600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la partie défenderesse aux dépens.

Par déclaration du 24 février 2017, l'association CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2019, l'association appelante, devenue la fondation [...] , reconnue d'utilité publique, depuis le décret du 26 octobre 2018, demande à la cour de:

' déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté,

' dire que Monsieur W... ne justifie nullement par un quelconque document du bien-fondé de ses demandes et, plus particulièrement, ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait été privé par son employeur du bénéfice des 11 jours de repos compensateur, avantages individuels acquis au titre des anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CNN 51 et des deux jours supplémentaires dits «jours COS »,

' dire que, en ce qui la concerne, la fondation [...] rapporte la preuve de ce que Monsieur W... a effectivement bénéficié des 13 jours de repos supplémentaires litigieux,

' dire que la fondation [...] fait une juste application des anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CNN 51,

' dire que l'organisation mise en place par l'établissement pour la prise des 11 jours de repos compensateurs jours fériés pour les agents en bénéficiant au titre de l'avantage individuel acquis est licite et conforme aux anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CNN 51,

' réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

' débouter Monsieur W... de l'ensemble de ses demandes,

' condamner Monsieur W... à lui verser 2 000 € à titre de dommages-intérêts,

' condamner Monsieur W... à lui verser la somme de 6 540 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner Monsieur W... aux dépens lesquels comprendront notamment les frais d'exécution de l'arrêt à intervenir,

' rejeter toutes demandes et conclusions contraires au dispositif.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2019, Monsieur O... W... demande à la cour de:

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le COS au paiement de la somme de 6 000 € à titre de dommages- intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat et modification du contrat,

-l'infirmer pour le surplus

y ajoutant

-condamner l'association C.O.S. (Centre d'Orientation Sociale) au paiement des sommes de :

*10 313,48 € bruts à titre d'indemnité de repos compensateurs jours fériés et jours COS,

*1 031,35 € bruts à titre d'incidence congés payés,

*6 000 € à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice résultant de la privation des jours de repos compensateurs de nuit, jours fériés et des deux jours supplémentaires COS,

*2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

outre les entiers dépens ,

avec capitalisation des intérêts.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2019.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la prescription:

La fondation [...] fait valoir que la situation de Monsieur W... en 2010 ne peut entrer dans le champ d'analyse de la Cour, du fait de la prescription prévue par l'article

L1471-1 du code du travail.

Le salarié rappelle pour sa part que sa saisine de la juridiction prud'homale en janvier 2015, intervenue durant la période transitoire de la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi, lui permet de formuler des demandes relatives à des salaires échus après le 31 janvier 2010 et relatives à l'exécution de son contrat de travail pour des faits nés après le 12 janvier 2010.

Il convient toutefois de relever que la saisine du conseil de prud'hommes de Marseille par Monsieur W... date du 12 juin 2015 et non de janvier , comme il l'indique.

En application de l'article L.1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Selon l'article L3245-1, modifié par la loi n 2013-504 du 14 juin 2013, du code du travail ' l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.'

L'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 dispose en outre que : 'les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.'

En l'espèce, Monsieur W... a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 12 juin 2015, soit postérieurement au 17 juin 2013, date de promulgation de la loi.

À cette date, la prescription quinquennale n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de deux ans pour les demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail et le nouveau délai de trois ans pour les demandes relatives au paiement de sa rémunération ont commencé à courir, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de cinq ans prévue par la loi antérieure.

L'action du salarié engagée le 12 juin 2015 n'est donc pas prescrite pour les demandes relatives à des salaires échus après le 30 juin 2010 et pour celles relatives à des faits touchant l'exécution du contrat de travail postérieurs au 12 juin 2010.

Sur les jours de repos compensateur :

La fondation [...] , venant aux droits de l'association COS, critique le jugement de première instance qui a calqué sa décision sur un arrêt rendu au profit d'une salariée (Madame K...) placée dans une situation différente de celle de l'intimé, sans analyser les éléments de fait et de droit soumis à son appréciation. Elle relève notamment que Monsieur W... n'a jamais eu les mêmes horaires que les aide-soignants de nuit, ni de «petite semaine ».

Disant apporter la preuve que l'intéressé a bien bénéficié - et continue à bénéficier - des 11 jours supplémentaires de récupération dits «fériés-COS » conformément aux anciennes dispositions de l'article 11.01.3.2 de la CCN 51 et des 2 jours octroyés par l'abbé Glasberg, dits « jours COS », par la production de ses plannings, feuilles d'émargement et bulletins de salaire, l'appelante soutient que pour éviter toute dénaturation des éléments de fait, elle a en outre, nonobstant le coût financier pour elle, sollicité un expert-comptable pour vérifier et certifier la réalité du bénéfice de ces 13 jours supplémentaires.

Elle fait valoir que Monsieur W... est demeuré taisant sur les demandes de communication de pièces, qu'il ne verse au débat aucun élément justifiant du bien-fondé de ses réclamations et doit donc en être débouté.

La fondation [...] rappelle qu'en raison du service continu nécessaire au sein du pôle gérontologique St Maur de Marseille, la répartition du temps de travail se fait par cycles différents de 4 à 12 semaines en fonction des services et des fonctions, la semaine de travail s'entendant du dimanche au samedi, et que les 11 jours fériés légaux peuvent correspondre à un jour de travail ou de repos en fonction du roulement prévu. Elle fait valoir que le droit à 11 jours supplémentaires de repos, tel que prévu par l'ancien article 11.01.3.2 de la CCN 51, reste acquis pour les salariés embauchés avant le 1er décembre 2011 et a donné lieu soit à un repos compensateur effectif, soit à une indemnité compensatrice ( nomenclature '04077' sur les bulletins de salaire ou ' 004070', encore appelée 'indemnité dimanche' lorsque le jour férié tombe un dimanche), mais qu' à compter de mai 2010, pour tenir compte des difficultés d'organisation engendrées par la pose de repos compensateurs au bon vouloir des salariés, l'organisation des plannings a été calquée, après une large consultation des IRP, sur celle mise en place depuis 2003 pour les aide-soignants travaillant de jour incluant les 11 jours supplémentaires de repos compensateur dits jours 'fériés COS'. Elle souligne qu'inclusion ne signifie pas suppression, que les 13 jours litigieux sont depuis systématiquement programmés dans les plannings et que si un jour férié officiel est travaillé, l'indemnité de sujétion spéciale est versée conformément à l'article A3.3 de l'annexe 3 de la CCN 51 en sus de sa compensation en repos. Le changement, selon le CENTRE D'ORIENTATION SOCIALE, réside dans le fait que les salariés ne choisissent plus les dates auxquelles ils peuvent prendre leurs jours de récupération et que n'étant pas aide-soignant de nuit, Monsieur W... ne peut faire sien le raisonnement de ces derniers, par ailleurs erroné.

En ce qui concerne l'intimé, la fondation [...] fait valoir qu'il ne produit qu'une seule feuille de présence du 22 avril au 31 mai 2014 et ses bulletins de salaire, éléments qui ne sauraient prouver son assertion d'avoir été privé de ses jours supplémentaires de récupération, d'autant que l'organisation du temps de travail relève des prérogatives de l'employeur et ne constitue pas un avantage individuel acquis. Elle estime que c'est sur une année complète qu'il faut vérifier si le salarié a bien bénéficié des 13 jours de repos supplémentaires et que la répartition en petites et grandes semaines sur un cycle de quatre semaines concerne uniquement les aide-soignants de nuit et non l'intimé qui est jardinier, travaillant donc de jour.

La fondation appelante précise que les deux 'jours COS' institués par l'abbé Glasberg n'ont pas été impactés par la dénonciation de la CCN 51 puisqu'ils ne sont pas des avantages individuels acquis mais relèvent d'un usage et sont attribués à tout salarié après un an d'ancienneté dans l'établissement.

Elle précise toutefois, à la lecture du planning du 1er juin 2013 au 31 mai 2015 produit en première instance, surligné en couleur pour identifier les 13 jours de repos supplémentaires, qu'une erreur de dénomination a été commise par elle dans les jours de repos, les jours « fériés COS » (FC) ayant été inscrits sur des jours correspondant à un repos obligatoire; elle verse au débat le planning avec de nouvelles annotations pour une meilleure visibilité des 13 jours litigieux, soit un toutes les quatre semaines. Elle rappelle que depuis juillet 2014, cette erreur n'est plus possible car le jour de repos compensateur supplémentaire est désormais identifié « RE » et les heures qui auraient dû être travaillées ce jour-là sont indiquées sur les plannings.

Elle conclut au rejet des demandes présentées par Monsieur W..., dont elle souligne l'absence de réplique quant aux conclusions du rapport d'expertise qu'elle a produit.

Après avoir rappelé pour sa part que

- les travailleurs de nuit, qui travaillaient déjà 70 heures à la quatorzaine depuis le passage aux 35 heures, ont continué à travailler pendant cette même durée selon un roulement « petite semaine ' grande semaine » et bénéficiaient en outre de deux jours de pénibilité ainsi que de 13 jours de repos supplémentaires qu'ils posaient comme bon leur semblait en remplissant un bon de récupération,

- que certains représentants syndicaux dont Madame K... ont réalisé que l'inclusion des jours fériés et jours COS dans les plannings, décidée unilatéralement par la direction et fixée le samedi de la petite semaine qui était un jour non travaillé, les privait en réalité de leurs avantages individuels acquis,

-que cette suppression de 13 jours de repos supplémentaires avait une cause économique, la direction ayant atteint l'équilibre financier par cette inclusion,

-que l'action de Madame K... devant le conseil de prud'hommes a été couronnée de succès, la décision de première instance étant ensuite confirmée par la cour d'appel,

Monsieur W..., en sa qualité de salarié de jour, affirme avoir compris que ses plannings étaient tout aussi illicites que ceux de ses collègues de nuit et indique avoir saisi le conseil de prud'hommes de Marseille. Il soutient que le dossier de Madame K... étant un dossier 'pilote', il est habituel d'utiliser les pièces et décisions de justice obtenues précédemment, qu'il n'avait lui-même pas conservé ses plannings et que la fondation COS avait refusé initialement de les communiquer. Il souligne que l'appelante a reconnu l'inclusion dans les plannings des 13 jours de repos compensateur pour les agents de jour depuis 2003, pour les agents de nuit depuis mai 2010; il considère que le débat ne porte plus sur la preuve de cette pratique mais sur son illiciéité et sur les conséquences à en tirer.

Monsieur W... fait valoir que les 'bons de récupération fériés St Maur' de Madame K... ont été refusés après mai 2010, que les bulletins de salaire de cette dernière portaient mention d'indemnité «jours fériés » correspondant à l'indemnité de sujétion spéciale mais ne mentionnaient plus de « récupération jours fériés » et que les feuilles de présence portaient mention de jours de récupération imposés par l'employeur un samedi non travaillé.

L'intimé considère que la pratique de l'inclusion des 13 jours de repos supplémentaires dans les plannings, et leur fixation unilatérale sur les feuilles de présence un jour du roulement non travaillé, revient à priver certains des salariés de plus de 190 jours de repos supplémentaires depuis plus de 10 ans.

Il souligne que la pratique mise en place par la fondation non seulement mensualise les jours de repos, ce qui est contraire à l'accord de branche prévoyant une prise du repos compensateur dans un délai d'un mois et non de façon mensuelle, mais encore programme les salariés 13 jours de plus par an, les privant de leurs jours de repos supplémentaires, ce qui casse l'équilibre du contrat et enfin, induit une programmation huit jours d'affilée avec une prise obligatoire d'un jour de repos compensateur au quatrième jour, l'intéressé ne pouvant dans un roulement travailler huit jours consécutifs.

Enfin, Monsieur W... souligne que la direction a fait circuler à compter de juin 2014 de nouveaux plannings portant la mention à recopier 'vu la réorganisation du travail, j'accepte mon nouveau planning', ce qui ne les rend pas plus licites qu'auparavant, la stratégie de la fondation consistant à noyer le poisson en fixant toutes les quatre semaines un jour de repos compensateur férié mentionné désormais par les lettres 'RE' sur les bulletins de salaire. Or, faisant valoir que ce jour fixé à une date qui n'était pas habituellement travaillée avant mai 2010 dans le roulement à la quatorzaine pour les travailleurs de nuit, il considère que les règles conventionnelles de prise des repos dans le mois du jour férié ou en bloc ne sont pas respectées et que conditionner la prise d'un jour de repos compensateur lorsque le planning prévoit un 'RE' à l'accord d'un autre salarié pour effectuer le remplacement de son collègue rend de fait impossible la prise de ces repos, d'autant qu'il est le seul jardinier de la structure.

Considérant avoir été privé de 13 jours de repos par an, pour des vacations de 8 heures chacune au taux horaire de 11,93 euros bruts, Monsieur W... sollicite la somme de 10 313,48 euros à titre d'indemnité de repos compensateur 'jours fériés' et 'jours COS' ainsi que les congés payés y afférents, rappelant qu'ayant été empêché de prendre ses jours de repos, il a le droit d'en demander la liquidation même avant la rupture de son contrat de travail. Il réclame en outre 6 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation des jours de repos compensateurs 'jours fériés' et 'jours COS'.

Il sollicite également la confirmation du jugement de première instance qui a condamné l'employeur à lui payer 6 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi et modification unilatérale du contrat de travail.

* ** *

La convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 prévoyant en son article 11.01.3.2 que les salariés bénéficient d'un jour de repos compensateur non seulement s'ils travaillent un jour férié mais également s'ils sont de repos ce jour férié, a été partiellement dénoncée le 31 août 2011, laissant place à compter du 1er juin 2014 à une nouvelle disposition prévoyant que seuls les salariés ayant travaillé un jour férié bénéficient de repos compensateur, chaque fois que le service le permettra.

La fondation [...] ne conteste pas que les salariés présents à l'effectif de l'établissement le 1er décembre 2011, date d'expiration du préavis de la dénonciation de la CCN 51, comme Monsieur W..., bénéficient de l'avantage individuel acquis consistant en 11 jours de repos compensateur qu'ils aient ou non travaillé les 11 jours fériés prévus par la loi. Elle ne conteste pas non plus que Monsieur W... ait droit aux deux jours supplémentaires 'COS' institués par l'abbé Glasberg.

La fondation appelante verse au débat, pour démontrer que le salarié a été rempli de ses droits, un rapport d'expertise concluant que Monsieur W... a bénéficié entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2015 de 13 jours de récupération/ compensateur supplémentaires par an, ainsi que les plannings nominatifs du salarié du 1er juin 2013 au 31 mai 2015.

Ces plannings informatisés portent mention en orange des jours de repos et en jaune des jours 'fériés COS' , identifiés ensuite à compter de juillet 2014 sous 'RE'.

Cependant, à la lecture des plannings du 1er juin 2013 au 31 mai 2015 tels que produits par la fondation COS en première instance, versés au débat par le salarié, il apparaît, nonobstant les explications données relativement à une erreur qui aurait été commise mais qui ne sont pas de nature à effacer la réalité et les données intrinsèques de l'organisation mise en place et du rythme de travail et de repos de Monsieur W..., que des 'jours fériés COS' et 'jours COS' ont coïncidé avec des jours de repos obligatoire pour le salarié, à compter du 1er juin 2013, l'alternance de ses jours de travail et de repos dans le cadre des roulements établis montrant une fois par mois environ la présence d'un jour 'férié COS' en lieu et place d'un repos.

En ce qui concerne la période antérieure au 1er juin 2013, l'employeur ne produit pas d'élément pour démontrer que le salarié a été rempli de ses droits.

En revanche, l'organisation de l'emploi du temps deMonsieur W... à compter de juillet 2014 ne laisse pas apparaître de coïncidence entre les jours COS et les jours de repos, un jour 'férié COS' ou ' COS' prenant effet environ une fois par mois à la place d'un jour travaillé.

Il convient donc d'accueillir la demande de paiement d'une indemnité compensatrice de ces ' jours fériés COS' et ' jours COS' non pris de juillet 2010 à juin 2014 - et non compensés par une indemnité à la lecture des bulletins de salaire sur la période de référence - , soit 52 jours, à hauteur de 4 962,88 € , sur la base non strictement contestée de 8 heures par jour au taux de 11,93 €. Il sera fait droit également à la demande de congés payés y afférents.

En revanche, à défaut de caractériser un préjudice résultant de la privation des jours de repos compensateurs des jours fériés et des deux jours supplémentaires COS, distinct de celui qui vient d'être réparé, la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur W... doit être rejetée.

En ce qui concerne le grief qui lui est fait relatif à la mensualisation des jours de repos compensateur, la fondation [...] affirme que la programmation des 11 jours de repos aux plannings est parfaitement licite et conforme à l'accord de branche, respectant les dispositions de la CCN 51 tout en obéissant aux contraintes d'organisation du service et de mise en place des équipes de roulement. Elle rappelle que la convention collective n'exige pas que le repos compensateur soit impérativement pris dans le délai d'un mois suivant le jour férié, ni que soient mis en place des bons de récupération qui ne constituent pas des avantages individuels acquis. Elle souligne que les jours litigieux sont 'bloqués' aux plannings, lesquels n'ont pas été sanctionnés par l'inspection du travail lors de sa visite en mai 2016. Elle estime en tout état de cause rester libre de l'organisation et des modalités pratiques de l'attribution effective des jours de repos supplémentaires. Invoquant enfin un courrier de la FEHAP considérant possible « ce mode de fixation des repos compensateurs de jours fériés » et ne nécessitant pas 'l'accord individuel et écrit des salariés', l'appelante demande qu'il soit dit qu'elle fait une juste application des dispositions conventionnelles.

L'assertion de l'intimé selon laquelle la prise de ses 'jours fériés COS' et 'jours COS' serait conditionnée à un échange de récupérations, le salarié souhaitant changer son jour de récupération devant trouver son remplaçant en interne, n'est corroborée par aucun élément objectif, la copie d'un document non signé par la directrice de la fondation et intitulé ' procès-verbal réunion CE du 6 juin 2013' indiquant ' les personnes qui sont avant la recommandation récupèreront mais il faut prévoir des plannings qui n'entraîneront pas de remplacement quand les gens récupèreront ces fériés car nous n'avons pas de financement' ne pouvant en constituer la preuve, pas plus que les autres documents produits.

En revanche, il est manifeste que les jours de repos compensateur de l'intimé ont été fixés unilatéralement par l'employeur, et ce, selon une fréquence quasi-mensuelle.

Or, il résulte de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 que :

-article 11.01.1

'Sous réserve des dispositions spécifiques prévues par des codes locaux, les fêtes légales ci-après sont des jours fériés : 1er janvier, lundi de Pâques, 1er Mai, 8 Mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 Juillet, Assomption, Toussaint, 11 Novembre et Noël.' [...]

-article 11.01.3.2. Repos compensateur ou indemnité compensatrice des salariés ayant travaillé un jour férié

'Les salariés, qu'ils soient à temps complet ou à temps partiel, ayant travaillé un jour férié bénéficieront -chaque fois que le service le permettra - de 1 jour de repos compensateur, lequel devra, en principe, être pris dans le délai de 1 mois.Toutefois, les jours de repos compensateur pourront, en accord avec l'employeur ou son représentant, être bloqués en une ou plusieurs fois au cours de l'année.

Les salariés qui - en raison des nécessités du service - ne pourront bénéficier du repos compensateur

percevront une indemnité compensatrice.'

La mensualisation systématique des jours de repos supplémentaires, et partant, la suppression de la pratique des 'bons de récupération' ont pour conséquence de nier l'expression d'un quelconque choix de la part du salarié quant à la fixation de ses jours de repos compensateur supplémentaires, quant à leur proximité avec le jour férié compensé ou quant à la possibilité de les regrouper.

Toutefois, à défaut de caractériser le préjudice qui serait résulté pour lui tant de la mensualisation de ses jours de récupération que de l'absence de choix pour les poser, Monsieur W... doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi et modification unilatérale du contrat de travail.

Par ailleurs, la mauvaise foi de la fondation COS - invoquée par l'intimé au soutien de sa demande d'indemnisation au regard du courrier de l'Inspection du travail malgré lequel l'employeur aurait selon lui persisté dans ses errements - n'est pas caractérisée en l'espèce , ledit courrier en date du 7 mai 2010 évoquant le ' refus de récupération des jours fériés' opposé à des salariés ' à qui il aurait été proposé de récupérer le jour férié ' pendant un jour de repos, ce qui n'est pas démontré pour Monsieur W..., qui bénéficie de ses jours de récupération depuis juillet 2014.

La demande doit donc être rejetée.

Sur l'atteinte à l'image et à la réputation :

La fondation [...] considère que persister à soutenir qu'elle spolie ses salariés procède d'une volonté de nuire à l'établissement et constitue une atteinte à son image et à sa réputation. Elle sollicite 2000 € à titre de dommages -intérêts à ce titre.

Toutefois, la mauvaise foi ou l'intention de nuire alléguée n'est pas démontrée en l'espèce, pas plus que l'atteinte invoquée à l'image ou à la réputation de la fondation appelante.

La demande reconventionnelle doit donc être rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer la somme de 800 € à Monsieur W....

La fondation [...] , qui succombe, doit être tenue aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la fondation [...] à payer à Monsieur O... W... les sommes de :

-4 962,88 € à titre d'indemnité compensatrice des jours ' fériés COS' et ' jours COS' non pris de juillet 2010 à juin 2014,

-496,28 € au titre des congés payés y afférents,

-800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la fondation [...] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 17/03727
Date de la décision : 24/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°17/03727 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-24;17.03727 ?
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