La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2020 | FRANCE | N°18/14881

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 23 janvier 2020, 18/14881


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 23 JANVIER 2020



N° 2019/













Rôle N° 18/14881

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDB7L







[G] [M]





C/



SAS METRO FRANCE EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE METRO CASH & CARRY FRANCE

























Copie exécutoire délivrée

le : 23/01/2020

à :



- Me Denis DEL RIO, avoc

at au barreau de NICE



- Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 20 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n°17/00015....

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 JANVIER 2020

N° 2019/

Rôle N° 18/14881

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDB7L

[G] [M]

C/

SAS METRO FRANCE EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE METRO CASH & CARRY FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le : 23/01/2020

à :

- Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

- Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 20 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n°17/00015.

APPELANT

Monsieur [G] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SAS METRO FRANCE EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE METRO CASH & CARRY FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE,

et par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ayant été invités à l'appel des causes à demander à ce que l'affaire soit renvoyée à une audience collégiale s'ils n'acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l'affaire a été débattue devant Mme SALVAN, président de chambre et Mme ALVARADE, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Madame Béatrice THEILLER, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2019, prorogé au 16 janvier 2020 puis au 23 janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2020

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [G] [M] a été engagé en qualité de responsable de secteur, statut cadre, niveau classe 7, par la société par actions simplifiée METRO FRANCE exerçant sous l'enseigne METRO CASH et CARRY FRANCE suivant contrat à durée indéterminée à compter du 31 mars 2008, moyennant une rémunération composée d'une part fixe et d'une part variable. Promu directeur d'entrepôt, statut cadre-dirigeant, niveau classe 8, à compter du 1er juin 2010, il a été en dernier lieu affecté à l'entrepôt de [Localité 1] à compter du 16 mars 2015 et percevait un salaire fixe de 5300 euros brut par mois, une rémunération variable en fonction d'objectifs, outre une prime de résidence de 560 euros brut par mois. Il bénéficiait également d'un véhicule de fonction.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

La SAS METRO FRANCE employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 5 avril 2016, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 18 avril 2016, avec mise à pied conservatoire et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 mai 2016, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, avoir un statut de cadre dirigeant et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 20 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Cannes a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [G] [M] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamné METRO CASH AND CARRY FRANCE à payer à M. [G] [M] les sommes suivantes :

* 17.580 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.758 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 23.546,94 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 29.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et rieuse,

* 29.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

* 16.219,54 euros au titre de la rémunération variable pour l'exercice 2016,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [G] [M] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du temps de repos entre deux jours de travail, des dommages et intérêts pour dépassement des 48 heures hebdomadaires et pour absence de prise de repos hebdomadaire, et de l'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé,

- débouté la société METRO CASH AND CARRY FRANCE de sa demande reconventionnelle.

La SAS METRO FRANCE a interjeté appel de cette décision, le 25 septembre 2018, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées. M. [M] a relevé appel incident.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 5 juin 2019, la SAS METRO FRANCE, appelante, fait grief au conseil de prud'hommes d'avoir considéré qu'un directeur d'entrepôt n'avait que « très peu d'autonomie professionnelle '' et qu'il serait dépendant de sa hiérarchie quant à la gestion de son emploi du temps, ainsi que d'avoir ajouté aux trois critères définis à l'article L. 3111-2 du code du travail, un quatrième critère consistant en la participation active à la direction stratégique de l'entité,

qu'en sa qualité de cadre dirigeant, M. [M] ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires,

qu'il n'a en outre aucun droit acquis au paiement d'une prime au prorata temporis, l'année de son licenciement, au regard des dispositions contractuelles,

que les griefs allégués à l'appui de la mesure prononcée à son encontre sont fondés, M. [M] ayant gravement manqué à ses obligations de directeur d'entrepôt et violé les procédures en vigueur au sein de l'entreprise, lesdites fautes rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Elle demande à la cour de :

- réformer le jugement,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [M] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 11 mars 2019, M. [M], intimé, fait valoir :

que son licenciement pour faute grave n'est pas fondé, en ce qu'il a été prononcé quinze jours après l'entretien préalable,

que les motifs invoqués par l'employeur sont en tout état de cause erronés et ne permettent pas de justifier une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement,

qu'il a toujours été investi dans son travail et n'a jamais fait l'objet d'un quelconque reproche de la part de son employeur,

que sa méthode de travail a été à plusieurs reprises encouragée et récompensée par des augmentations régulières et des primes conséquentes,

qu'il ne peut se voir reconnaître le statut de cadre dirigeant, en ce qu'il ne disposait d'aucune autonomie au sens des dispositions conventionnelles et de l'article L.3111-2 du code du travail,

qu'au surplus, les griefs invoqués à l'appui de son licenciement démontrent clairement l'emprise permanente exercée par son employeur,

qu'aucune convention de forfait ne saurait lui être appliquée, en l'absence de tout écrit, de sorte qu'il peut légitimement prétendre au paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées tout au long de la relation contractuelle, outre les demandes subséquentes.

Il demande à la cour de voir :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé son licenciement pour faute grave de dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- débouter, en conséquence, la société METRO CASH & CARRY FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société METRO CASH & CARRY FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

- 29.130,24 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 2.913 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

- 58.260,48euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 58.260,48 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

- 23.546,94 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 16.219,54 euros au titre de la rémunération variable pour l'exercice 2016 ;

- 149.988,56 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

- 14.998,85 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 156.780,12 euros à titre d'indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos ;

- 15.678 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 9.710,08 euros de dommages-intérêts pour dépassement des 48 heures hebdomadaires correspondant à un mois de salaire ;

- 9.710,08 euros de dommages-intérêts pour absence de repos hebdomadaire correspondant à un mois de salaire ;

- 58.260,48 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

- voir ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision qui sera rendue par la cour, avec faculté de liquidation par ladite cour, la délivrance des bulletins de salaires et documents de fin de contrat rectifiés ;

- voir assortir les condamnations prononcées à l'encontre de la société MIC METRO CASH & CARRY FRANCE des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes (18 janvier 2017) pour les demandes à caractère salarial et indemnitaire, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société METRO CASH & CARRY FRANCE à la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 septembre 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :

Sur le délai écoulé entre l'entretien préalable et le licenciement

En application des dispositions de l'article L.1332-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de prendre une sanction à l'égard de son salarié n'est tenu que du respect d'un délai minimum de deux jours ouvrables et d'un délai maximum d'un mois après le jour fixé pour l'entretien.

Le caractère de gravité ne peut donc s'apprécier par rapport à la célérité avec laquelle la mesure a été notifiée au salarié, dès lors que les délais sus-visés ont été respectés.

Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

La lettre de licenciement en date du 3 mai 2016 est ainsi motivée :

« Vous occupez les fonctions de Directeur d'Entrepôt depuis le 1er juin 2010 et vous avez la responsabilité de l'entrepôt de [Localité 1] depuis le 16 mars 2015.

En qualité de Directeur d'Entrepôt, vous êtes en charge de conduire votre site vers une performance « sociale '' et économique optimale dans le respect des concepts et politiques de l'entreprise. Vous devez pérenniser votre exploitation par un suivi et une analyse des résultats tant en termes de chiffre d'affaires, marge, stocks que de frais d'exploitation et garantir l'image professionnelle de l'entreprise.

En premier lieu, le mardi 29 mars 2016, vous étiez absent de l'entrepôt de [Localité 1] toute la journée. C'est le jeudi 31 mars que vous avez informé votre Directeur Régional d'un déplacement personnel à [Localité 2] ce 29 mars. Or, votre planning n'en faisait pas état. En effet, aucun congé payé n'avait été posé et la Direction Régionale n'avait pas été informée de votre absence.

De surcroît, après recherches, nous nous sommes aperçus que vous aviez réservé vos billets d'avion pour ce déplacement via notre agence de voyage professionnelle et vous nous avez confirmé lors de notre entretien que cela n'était pas la première fois, votre comptable prenant en charge vos réservations de transports personnels à l'aide même de votre carte bancaire.

Non seulement par vos actes, vous avez fait preuve d'un manque de transparence vis-à-vis de votre hiérarchie en dissimulant votre absence en ne posant pas un congé payé mais vous avez également utilisé les ressources de l'entreprise à des fins personnelles, en dehors de toute procédure de l'entreprise.

Mais encore, nous nous sommes également aperçus que vos frais professionnels n'ont pas tous fait l'objet de notes de frais. Ainsi, depuis votre arrivée à [Localité 1], vous avez engagé des frais (restaurants, hôtel...) pour un montant de 14.000 euros qui n'ont pas pu faire l'objet de contrôle préalable de la Direction Régionale avant paiement selon les procédures comptables de l'entreprise. Encore une fois, vous avez méconnu les règles de l'entreprise et vos obligations contractuelles.

Un tel comportement n'est pas admissible. En qualité de cadre dirigeant, vous êtes astreint à un devoir d'exemplarité et de loyauté renforcé, que vous avez manifestement violé.

En second lieu, votre non-respect des règles de l'entreprise s'est traduit auprès de vos équipes et notamment dans le cadre de la réorganisation du libre service frais de votre entrepôt. Il était prévu, après discussion avec la Direction Régionale, soit d'ajouter un manager «charcuterie traiteur surgelés'' et de modifier les conditions d'emploi du manager présent à qui on retirait la responsabilité de 50% du secteur, soit de laisser la situation avec un seul manager pour l'ensemble du secteur. Or à ce jour, nous ne pouvons que constater qu'il y a deux managers en poste au sein du secteur sans qu'aucune modification contractuelle ne soit intervenue pour le manager original.

A l'identique, une attachée commerciale de votre entrepôt, [V] [C], devait être mutée à l'entrepôt de [Localité 3]. Or, celle-ci nous informe de sa décision de rester à [Localité 1] suite à l'octroi d'une augmentation de salaire de 150 euros brut par le directeur de [Localité 1], vous-même. Sa hiérarchie n'ayant même pas été informée. Votre décision d'augmentation de salaire d'une collaboratrice afin de la conserver dans votre équipe de [Localité 1] sans aucune concertation avec la hiérarchie de Mme [C] est totalement irrespectueuse et encore une fois déloyale alors même que cette mutation était en discussion avant même votre prise de poste sur [Localité 1].

Mais encore, nous avons également constaté votre défaut récurrent de collaboration avec vos collègues du bassin lorsque vous décidez en février dernier de réaliser des baisses de prix sur certains produits du libre service frais sans l'accord de la Direction des Achats et sans en faire bénéficier les entrepôts du bassin. Or, vous n'êtes pas sans savoir que la clientèle doit pouvoir bénéficier de tarifs identiques au sein d'un même bassin. Encore une fois, vous avez outrepassé les règles et vous vous êtes délibérément opposé à la stratégie de l'entreprise.

Cette attitude se retrouve également dans vos relations avec la clientèle qui n'hésite pas à se plaindre de votre attitude auprès de la Direction Régionale soit auprès de vos collègues directeurs.

Quant à vos relations tendues avec les partenaires sociaux de l'entrepôt de [Localité 1], vous avez, par vos actes et vos propos, créé un climat de défiance et notamment lors de vos échanges sur la validation des périodes rouges de congés avec votre déléguée syndicale.

Enfin, vous avez créé une carte client METRO à un client 'Villa A/ Ryan' sans justificatif professionnel (extrait K bis) alors que ce dernier est obligatoire pour avoir accès à nos entrepôts. Vous n'avez pas respecté les process METRO en toute connaissance de cause.

Vous avez augmenté les tarifs des produits METRO (matériel CHR) afin d'inclure dans le prix de vente les prestations de service pour qu'elles soient facialement gratuites au client, ce qui est strictement interdit selon les process METRO. De même, vous avez constitué une équipe de collaborateurs pour retirer chez le client le matériel obsolète et en livrer une partie dans une autre villa appartenant à ce client. Mais plus grave, vous avez fait participer à ce « déménagement '' un stagiaire. Non seulement, ce type de prestation doit être réalisé par des professionnels et non les équipes METRO mais de surcroît vous avez pris un risque notoire en emmenant un stagiaire pour effectuer ces tâches lourdes et entre autre un de vos collaborateurs a déclaré un accident du travail suite à ce déménagement. Par là même, vous ne respectez pas votre obligation de sécurité de résultat en mettant vous-même et vos collaborateurs en danger.

Un tel comportement n'est pas admissible, et caractérise un manquement grave et avéré à vos obligations contractuelles. Il s'agit d'un manque flagrant de respect de vos obligations professionnelles en votre qualité de Directeur d'entrepôt.

L'ensemble de ces faits graves reflètent votre non respect des process dans les différents domaines de responsabilité mais aussi votre manque de loyauté certain'

Il est ainsi reproché à M. [M] :

- Son absence du 29 mars 2016 pour motif personnel et l'utilisation des ressources de l'entreprise aux fins de réservation de billets d'avion pour ce déplacement

M. [M] conteste ce grief expliquant qu'il devait se rendre à [Localité 2] au siège de l'entreprise pour des rendez-vous professionnels avec trois responsables, un rendez-vous ayant été annulé, qu'il a profité de ce déplacement à [Localité 2], pour prendre un rendez-vous médical à la suite, que pour éviter toute tension avec le directeur régional, il a posé une demi-journée en compensation, qui a été validée par le directeur régional, M. [K] bien qu'il considère avoir travaillé pour son employeur (pièce n°62 précitée) et a pris l'initiative de régler ses frais de déplacements au moyen de ses deniers personnels.

Il ajoute que ce grief ne saurait en tout état de cause prospérer, dès lors que l'employeur le considérant tel un cadre dirigeant, il n'avait en principe aucun compte à rendre sur son emploi du temps.

Il produit à toutes fins des échanges de courriels du 15 mars 2016, ayant pour objet 'RDV siège', un justificatif de paiement du taxi mentionnant une prise en charge à l'aéroport [Localité 4] à destination de « [Localité 5] METRO », un courriel adressé de son poste de travail le mardi 29 mars 2016 à 18H26, soit à son retour de déplacement, un procès-verbal de constat du 13 mai 2016 retraçant l'historique des appels téléphoniques passés le 29 mars 2016, démontrant que même à l'extérieur, il traitait les messages et appels pour le compte de son employeur, un courriel adressé à Mme [F] [U] le 31 mars 2016 à 17h48 lui demandant de lui faire parvenir la facture du billet d'avion du 29 mars 2016 et un courriel adressé à Mme [X] le 4 avril 2016, sollicitant une régularisation par la pose d'une demi-journée en compensation du 29 mars 2016.

Au vu des explications fournies et des pièces produites, l'employeur ne rapportant pas la preuve de ce que ce déplacement du 29 mars 2016 a été organisé pour des motifs strictement personnels, le grief ne sera pas retenu.

- l'engagement de frais professionnels sans l'établissement des notes de frais correspondantes

La SAS METRO FRANCE fait valoir que M. [M] a méconnu les règles de l'entreprise en engageant des frais professionnels sans les soumettre au contrôle préalable de la direction régionale et d'avoir ainsi obtenu le remboursement d'une somme de 14.119,84 euros.

Il résulte du dossier que ces frais ayant été engagés en mars 2015, la SAS METRO FRANCE n'est pas recevable à se prévaloir de ce grief, atteint par la prescription en application de l'article L.1332-4 du code du travail.

- le non-respect des règles de l'entreprise dans le cadre de la réorganisation du libre service frais : deux managers étant toujours en poste au sein du secteur sans qu'aucune modification contractuelle ne soit intervenue pour le manager original.

La SAS METRO FRANCE fait valoir que le manager en poste au rayon libre service frais, M. [G], ne remplissant pas correctement ses missions, M. [M] devait engager une procédure disciplinaire tendant à la rétrogradation ou au licenciement de ce dernier, qu'aucune procédure disciplinaire n'a été engagée, ni aucune modification de son contrat de travail proposée, qu'il s'est contenté d'affecter un autre manager à une partie du rayon et de modifier les organigrammes.

M. [M] explique qu'il a été proposé une modification des conditions d'emploi du manager présent, par une baisse de son salaire et son affectation sur 50% du secteur frais et de lui adjoindre un autre manager sur l'autre partie du secteur, que le manager actuel se trouvant dans l'incapacité de gérer seul le secteur, il était prévu l'arrivée d'un second manager pour le secteur frais libre service au 18 avril 2016, proposition validée par la direction, qu'ayant fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire à compter du 4 avril 2016, il n'était plus dans l'entreprise à cette date, de sorte que ce grief est dépourvu de fondement.

Le salarié soutient sans que cela soit utilement contesté avoir obtenu la validation de la proposition d'affectation au rayon libre service frais d'un second manager au 18 avril 2016.

Par ailleurs, mis à pied à titre conservatoire à compter du 4 avril 2016, et ne se trouvant plus dans l'entreprise, il ne saurait lui être reproché un quelconque manque de suivi ou une mauvaise gestion du secteur.

Le grief insuffisamment caractérisé ne sera pas retenu.

-le fait d'avoir décidé d'augmenter le salaire d'une collaboratrice, Mme [C], afin de la conserver dans son équipe de [Localité 1] sans aucune concertation avec la hiérarchie

La SAS METRO FRANCE indique que Mme [C] avait formulé une demande de mutation sur l'entrepôt de [Localité 3] plus proche de son domicile, qu'il avait été convenu entre les directeurs des sites de [Localité 3] et [Localité 1] de l'affecter sur le prochain poste d'attaché commercial à [Localité 3] qui se libérerait, qu'en février 2016, il lui était proposé une mutation qu'elle a refusée par courriel du 15 avril 2016, expliquant que M. [M] l'avait convaincue de rester dans l'équipe commerciale de [Localité 1] moyennant une augmentation mensuelle de salaire de 150 euros, que M. [M] a manoeuvré pour empêcher cette mutation.

M. [M] fait valoir que la SAS METRO FRANCE procède par allégations, qu'il ressort du courriel du 15 avril 2016 que Mme [C] souhaitait rester à l'entrepôt de [Localité 1], la seule difficulté étant le coût de son trajet entre son domicile et son lieu de travail, qu'en outre, cette mutation aurait mis en péril les résultats de l'entrepôt du centre-ville de [Localité 1] et que c'est donc dans le strict respect de ses fonctions qu'il n'a pas validé son départ et qu'il lui a octroyé une augmentation de son salaire.

La décision prise par M. [M] de conserver une collaboratrice de valeur est insuffisante à caractériser les manoeuvres décrites par l'employeur ou un comportement déloyal à son égard, d'autant qu'il résulte des pièces du dossier et en particulier des 'sms'échangés le 18 avril 2016 avec M. [M], que Mme [C] souhaitait se maintenir sur le site de [Localité 1], peu important donc une demande de mutation préalablement effectuée et l'augmentation de salaire consentie.

Il peut seulement être reproché à M. [M] de ne pas avoir obtenu la validation du directeur régional en accordant cette augmentation selon les règles internes à l'entreprise. Il n'est toutefois pas démontré que la salariée en cause ne pouvait y prétendre.

Le grief, insuffisamment caractérisé, ne sera pas retenu.

-un défaut récurrent de collaboration avec ses collègues

La SAS METRO FRANCE fait valoir que M. [M] a réalisé en février 2016 une opération promotionnelle sans en faire bénéficier les autres entrepôts du bassin, tout en cherchant à attirer vers l'entrepôt de [Localité 1] des clients d'autres entrepôts, refusant ainsi de collaborer avec ses collègues directeurs du bassin et réalisant des promotions de façon isolée, sans concertation préalable.

M. [M] indique en réplique que le positionnement tarifaire de la société METRO sur le secteur Beurre 'uf Farine (dit « BOF ») entraînait le mécontentement des clients ;

que le directeur régional, M. [A] [K], en avait pleinement conscience en ce qu'il avait alerté les directeurs sur les difficultés relatives au positionnement tarifaire BOF de l'entrepôt de [Localité 1], écrivant même « Au regard des tendances de chiffre d'affaires de ces 15 derniers mois, nous devons rapidement identifier la/les causes de cette contre-performance : le prix peut en être une (') » , puis « la relance du chiffre d'affaires BOF est une priorité pour la région »,

qu'il a proposé aux autres directeurs de bassin d'échanger sur les difficultés rencontrées sur ce secteur frais libre service et a alerté sa direction et les différents entrepôts du bassin de sa décision ;

M. [M] justifie par la production de courriels adressés en janvier 2016 aux directeurs d'entrepôt avoir proposé d'échanger sur des solutions à mettre en place, ledit courriel contenant des solutions concrètes, qu'il a également sollicité le soutien du directeur régional, que par courriel du 25 janvier 2016, indiquant en son objet : 'sursaut frais LS : bassin azuréen', adressé en copie au directeur régional, il a proposé de « bloquer 11 produits à un tarif ajusté pendant 2 mois, soit jusqu'au 31 mars. », la cour relevant que par courriel du 2 février 2016, le salarié s'étonnait de 'n'avoir reçu aucune réponse sur sa requête qui les concernait tous'.

Au regard des explications fournies et des pièces produites, le grief n'apparaît pas fondé.

-les relations avec la clientèle qui n'hésite pas à se plaindre de son attitude auprès de la direction

Ce grief insuffisamment étayé par des éléments précis et vérifiables ne sera pas retenu.

-Les relations tendues avec les partenaires sociaux de l'entrepôt de [Localité 1], à l'origine d'un climat de défiance et notamment lors des échanges sur la validation des périodes rouges de congés avec la déléguée syndicale.

La SAS METRO FRANCE fait valoir que M. [M] a entretenu des relations tendues avec les représentants du personnel et notamment avec Mme [I], déléguée syndicale, que chaque année, les instances représentatives sont consultées sur les 'périodes rouges' au cours desquelles les congés payés sont en principe refusés, que M. [M] a reçu, comme tous les autres directeurs d'entrepôt, une note de la direction des ressources humaines lui indiquant les périodes en cause et lui rappelant la nécessité de consulter les instances représentatives du personnel, que le salarié a remis cette note auxdites instances alors qu'elle ne leur était pas destinée, sans leur demander leur avis, faisant croire que la note de service avait été soumise au comité central d'entreprise et signée par les délégués syndicaux centraux, qu'il s'est ainsi contenté d'une simple information, prétendant avoir respecté la procédure faisant preuve de désinvolture et de mépris vis-à-vis des représentants du personnel, ainsi que cela résulte du courriel adressé par le salarié, avec copie aux cadres de l'entrepôt, en réponse à Mme [I], laquelle s'interrogeait sur l'absence de consultation du comité d'établissement.

M. [M] fait valoir qu'il avait communiqué les périodes rouges au comité d'entreprise et également au CCE au mois de décembre précédent, de telle sorte que la procédure a été respectée,

qu'il ne s'est pas contenté d'une simple information comme le prétend la société METRO, puisqu'un vote à main levée avec accord du comité d'entreprise a eu lieu,

qu'il n'est aucunement justifié de relations tendues avec les représentants du personnel et notamment avec Mme [I],

qu'il entretenait au contraire de bonnes relations avec eux, produisant plusieurs attestations dont celles de M. [Q] [Y], manager libre service, et délégué du personnel indiquant qu'il « s'est toujours montré respectueux, courtois et diplomate avec les collaborateurs, y compris avec les représentants du personnel...», de M. [B] [Z] M. [R] [W], Mme [T] [R], M. [S] [F]...

Aux fins de justifier de la consultation du CCE, il est versé au dossier un courriel de M. [D] du 20 février 2016, qui interrogé par M. [M], répond '...évidemment, les périodes dites rouges doivent donner lieu à une information/consultation des instances concernées (pour [Localité 1] : CE)...Pour ce qui est de la note de service...c'est une note interne (DRH DO) et n'a donc pas vocation à être présentée en l'état au CEE.

Pour autant le sujet 'règles d'acquisition et de prise des congés payés' a été présenté en CCE au mois de décembre...'.

L'employeur ne rapporte aucunement la preuve de ses allégations. Le grief ne sera pas retenu.

-la création d'une carte client METRO au profit d'un particulier, M. [H] 'Villa Al Ryan', la tromperie du client sur les avantages réellement accordés et le non-respect de son obligation de sécurité de résultat par la mise en danger de ses collaborateurs

La SAS METRO FRANCE indique que M. [M] a violé les procédures en place au sein de l'entreprise METRO en ouvrant une carte METRO à un client ne bénéficiant pas d'un numéro siret, a trompé le client en augmentant le prix de vente de la plupart du matériel vendu afin d'absorber les gestes commerciaux prétendument accordés pour près de 25.000 euros HT, et qu'en dépit des différentes mises en garde de ses subordonnés, il a maintenu sa décision de faire réaliser les opérations de démontage et d'enlèvement des anciens équipements de la villa par le personnel de l'entrepôt de [Localité 1], avec l'aide de deux stagiaires, au mépris de la sécurité du personnel, alors même qu'il a reçu une délégation de pouvoirs lui faisant obligation de veiller, sous sa responsabilité, au strict respect de la réglementation relative à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail des salariés et de l'ensemble des personnes amenées à se rendre sur l'établissement.

Elle produit les attestations établies par Mrs [J] [L], Responsable du secteur équipement de l'entrepôt de [Localité 1], [M] [J], Manager adjoint, [P], Manager, les témoignages de stagiaires certifiant avoir démonté et déplacé du matériel de cuisine et la déclaration d'accident du travail concernant M. [L].

M. [M] répond sans que cela soit utilement contesté que la création de la carte METRO est une prérogative appartenant au responsable caisse de l'entreprise, que le client a produit les justificatifs nécessaires, et faisait état d'un numéro de siret et d'un numéro NAF.

Il ajoute que c'est à la demande client qu'une facture globale a été éditée incluant outre le prix de vente, celui des prestations de service, gracieusement remisé par l'entreprise. Or force est de constater que la SAS METRO FRANCE ne démontre pas que le prix total facturé a bien été encaissé et par conséquent qu'une surfacturation a bien été opérée.

En ce qui concerne la mise en danger du personnel, M. [M] indique que ses collaborateurs ainsi que les stagiaires se sont portés volontaires pour retirer le matériel obsolète de la villa du client, que trois techniciens METRO issus de l'équipe technique SAV rattachés à l'agence technique régionale, étaient présents.

La cour relève que M. [L] dans son courriel du 13 avril 2016 confirme la présence de techniciens, que sa déclaration d'accident de travail ne mentionne aucun arrêt de travail, qu'il n'est donc pas établi que sa sécurité a été durablement mise en danger, que M. [M] produit en outre une attestation de l'un des stagiaires, M. [O] [V], qui déclare «La RH m'a demandé de remplir une attestation après le départ de Monsieur [M] à propos de la cuisine quand je l'ai demandé de faire un reportage pour ma thèse. Donc j'ai rempli l'attestation le jour du rdv pour le reportage. Pour moi c'était un peu gênant ce cas.», permettant de mettre en doute l'objectivité de ses déclarations recueillies par la SAS METRO FRANCE.

Au regard des observations formulées et des pièces produites, le grief insuffisamment étayé n'apparaît pas caractérisé.

* * *

Il se déduit de ces motifs que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a fortiori non fondé sur une faute grave.

Sur les conséquences du licenciement :

En application des articles L1234-1 et suivants du code du travail le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis. L'article 7-1 de la convention collective applicable prévoit, en son annexe 3 applicable aux cadres, que « La durée du préavis est fixée à 3 mois, sauf en cas de faute grave.».

M. [M] indique que sur les douze derniers mois précédents sa mise à pied à titre conservatoire et son licenciement pour faute grave, il a perçu un salaire moyen brut de 116.521,02 euros, soit un salaire mensuel moyen brut de 9.710,08 euros. Il revendique une somme de 29.130,24 euros brut de ce chef, outre les congés payés y afférents.

La moyenne des salaires non utilement contestée, incluant la part variable du salaire, sera retenue.

Il sera en conséquence alloué à M. [M] les sommes réclamées et le jugement infirmé sur ce point.

En application de l'article L1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les articles 8.1 et 8.1.2 de la convention collective détermine les modalités de calcul de l'indemnité due.

Au jour de son licenciement, M. [M] disposait d'une ancienneté de 8 ans et 1 mois au sein de la société METRO CASH & CARRY FRANCE. La somme revendiquée et allouée par les premiers juges à hauteur de 23.546,94 euros sera confirmée.

Au moment de la rupture de son contrat de travail M. [M] comptait au moins deux années d'ancienneté et la SAS METRO FRANCE employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, M. [M] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, comme étant né en 1978, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, du fait qu'il a retrouvé un emploi, il lui sera alloué la somme réclamée de 58.260,48 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct :

En application de l'article 1382 devenu 1240, du code civil, des articles 1134 et 1147, devenus 1103 et 1231-1 du code civil M. [M] sollicite la condamnation de La SAS METRO FRANCE à lui payer la somme de 58.260,48 euros à titre de dommages intérêts compte tenu du caractère brutal et/ou vexatoire du licenciement et du préjudice moral ainsi subi.

Il fait valoir qu'il a toujours donné entière satisfaction à son employeur et n'avait jamais fait l'objet du moindre reproche, et recevait le 5 avril 2016, une convocation à un entretien préalable à son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, qu'il a été heurté psychologiquement par la brutalité de ce licenciement et par le fait que son employeur, après plusieurs années de collaboration et d'investissement, n'a pas hésité à le faire passer pour une personne malhonnête auprès notamment des membres de son équipe.

Au regard des circonstances de l'espèce, le caractère brutal du licenciement est avéré.

Il sera alloué au salarié une somme de 10000 euros en réparation du préjudice subi et le jugement infirmé de ce chef.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :

Sur le statut de cadre dirigeant

En application de l'article L.3111-2 du code du travail, « les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. ».

Il en résulte que les cadres dirigeants ne relèvent pas des dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et l'aménagement des horaires ainsi qu'à celles relatives au repos et aux jours fériés.

Au sens du texte précité, sont considérés comme tels les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. La qualification de cadre dirigeant ne peut donc être reconnue qu'aux cadres qui remplissent les trois conditions fixées.

Il est par ailleurs constant que c'est à partir des conditions réelles d'emploi du salarié et non par rapport aux définitions conventionnelles que le juge doit se déterminer.

Il s'ensuit, en l'espèce, que la qualification de cadre dirigeant ne peut être reconnue à M. [M] que si, eu égard à ses conditions réelles d'emploi, il exerçait des responsabilités dont l'importance impliquait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, s'il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et s'il percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise.

M. [M] a été recruté en qualité de responsable de secteur, statut cadre, niveau classe 7, puis promu à compter du 1er juin 2010, en qualité de directeur d'entrepôt, statut cadre dirigeant niveau classe 8 de la convention collective. Il conteste avoir eu un tel statut, observant qu'il ne fait pas partie des cadres dirigeants selon la classification, l'article 2 de l'avenant n°13 du 25 octobre 2005 relatif aux salaires, prévoyant que la classe n°9 est le niveau réservé aux cadres dirigeants.

Il fait en outre valoir que si ses bulletins de salaire mentionnent un forfait mensuel, en l'absence d'accord de sa part, aucune convention de forfait ne saurait être lui être opposée pour lui refuser le paiement de ses heures supplémentaires,

qu'en ce qu'il était rattaché au siège de la SAS METRO FRANCE, il ne faisait pas partie des cadres percevant les plus hauts niveaux de salaire,

qu'il n'a jamais participé à la direction de l'entreprise,

qu'il ne disposait d'aucune autonomie au sens des articles 4.8 et 4-1-5 de la convention collective applicable,

qu'il était soumis à sa hiérarchie dans la gestion de son emploi du temps puisqu'il devait rendre des comptes et se voyait reprocher des prises de décisions pourtant conformes à son statut,

qu'il était soumis à un horaire de base correspondant à minima aux heures d'ouverture de l'entrepôt et devait rendre des comptes au directeur régional,

qu'il était placé sous la responsabilité hiérarchique d'un directeur des opérations, d'un directeur régional et d'un directeur général et ne pouvait librement décider de la méthode managériale à appliquer au sein de l'entrepôt dont il avait la direction, ni signer de contrats et de factures de frais généraux sans la contre-signature du directeur d'entrepôt ou/et du directeur régional en fonction des montants engagés.

Il produit :

- les attestations de collègues,

Ainsi M. [Z] [E] affirme qu'alors qu'il était directeur d'entrepôt, son «autonomie dans cette fonction était extrêmement limitée», qu'il « devait demander une validation à son directeur régional pour recruter un collaborateur », qu'il « en était de même pour octroyer une augmentation ou une prime exceptionnelle à un collaborateur » et qu'il «devait également remonter son planning de présence journalier à l'assistant de son directeur régional et ce, chaque début de mois »,

M. [P] [A], ancien directeur de METRO de 1999 à 2016, précise : « le directeur doit obtenir la validation de son directeur régional sur des points tels que :

- la mutation d'un collaborateur

- l'augmentation de salaire des agents de maîtrise et cadres de son équipe

- les sanctions validées par RRH Régional

- évolution des collaborateurs (professionnelle) » ,

M. [K] [Q], ancien directeur au sein de la société METRO, pendant 17 ans : ajoute : «En tant que directeurs, nous étions rattachés directement par le siège, et non affiliés à l'entrepôt pour compléter chaque action, absence devait être obligatoirement validée par la hiérarchie, AUTONOMIE ''' »

- les notes de service, fiches METRO et différents courriels émanant de la direction des opérations, notamment la fiche établie le 13 octobre 2015, aux termes de laquelle, la direction rappelait à l'ensemble des directeurs d'entrepôts avec en copie aux directeurs régionaux la procédure à suivre concernant les éléments contractuels de leurs collaborateurs et en particulier, la nécessité du visa de la direction des ressources humaines auprès des responsables RH Régionaux avant présentation au directeur régional de la détermination du salaire à l'embauche ou lors d'une mutation professionnelle ainsi que l'octroi d'une prime exceptionnelle.

La cour relève, s'agissant de la convention de forfait, qu'aucune convention de ce type répondant aux exigences des articles L 3121-53 et suivants du code du travail et reconnue comme valide, n'a été régularisée entre les parties.

A la lumière des pièces produites aux débats, il apparaît que M. [M] ne figurait pas parmi les cadres les mieux rémunérés de l'entreprise, ni ne disposait de l'autonomie d'un cadre dirigeant, cette absence d'autonomie transparaissant au travers des griefs reprochés à l'appui de son licenciement.

C'est par conséquent par une juste appréciation des éléments du dossier que les premiers juges ont dit que les trois conditions cumulatives pour être reconnu cadre dirigeant n'était pas remplies, et qu'il ne pouvait être considéré que M. [M] bénéficiait d'un statut de cadre dirigeant tel que précisé sur son bulletin de paye.

Sur les heures supplémentaires

L'article L.3171-4 du code du travail qui énonce : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. ».

La cour suprême a en outre précisé qu'« en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire. ».

Il en résulte que le juge doit se déterminer en prenant en considération les éléments produits par l'une et l'autre parties et que sous cette réserve, il apprécie souverainement si la demande est fondée.

Il y a lieu de préciser que le fait que le décompte soit établi par le salarié lui-même et que celui-ci n'ait pas formé de réclamation durant l'exécution du contrat de travail ne sont pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies, ni à exonérer l'employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié.

M. [M] soutient qu'il accomplissait de nombreuses heures supplémentaires, que compte tenu de sa charge de travail, il lui était totalement impossible de remplir toutes ses fonctions dans le cadre d'un horaire hebdomadaire de 35 heures. Il sollicite une somme de 149.988,56 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 14.998,85 euros au titre des congés payés y afférents.

Aux fins d'étayer sa demande, il produit :

- un tableau récapitulatif des heures travaillées chaque semaine, de janvier 2013 à mars 2016,

- les agendas au titre de 2015 et jusqu'à la fin de la relation contractuelle,

- des attestations d'anciens collègues, qui témoignent de sa présence à l'entrepôt à 6 heures et qu'il n'en repartait pas avant 19 heures.

Les pièces produites qui comportent des éléments vérifiables quant aux heures de travail effectivement réalisées et permettent à l'employeur d'apporter une réponse dans les conditions normales du débat contradictoire, sont de nature à étayer les prétentions du salarié quant à l'exécution des heures supplémentaires alléguées.

L'employeur échoue cependant à démontrer les horaires effectivement réalisés par ce dernier ainsi que cela lui incombe.

Au vu des éléments produits, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour considère que M. [M], dont il convient de relever le haut niveau de salaire, contrepartie des fonctions et responsabilités assumées, a accompli des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit à la majoration de 25 %, à hauteur de la somme de 35.000 euros, congés payés inclus.

Il n'est toutefois pas justifié du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires, de la durée hebdomadaire maximale de travail ou encore de l'absence de repos hebdomadaire.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé :

Il résulte des dispositions de l'article L 8223-1 du code du travail que le salarié dont l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 324-10 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie. Par ailleurs, en l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a sciemment fait travailler le salarié au-delà de la durée légale du travail sans le rémunérer de l'intégralité de ses heures.

M. [M] sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnité.

Sur la prime variable au titre de l'exercice 2016 :

M. [M] fait valoir qu'il était soumis à des objectifs annuels conditionnant la part variable de sa rémunération, la prime annuelle variable étant basée sur l'EBITaC, le bénéfice de cette prime étant conditionné à une ancienneté dans l'entreprise d'au minimum un an à la fin de l'exercice considéré, et si le versement de la prime a par suite été supprimée en cas de licenciement, cette exclusion n'a pas été reprise dans les avenants des 28 mai 2013 et 5 avril 2015.

Il résulte des pièces du dossier et en particulier de l'avenant signé le 5 avril 2015 que M. [M] était 'éligible à une rémunération variable selon les modalités et conditions suivantes, qui se substituent à toutes stipulations précédentes ayant le même objet à compter de l'exercice fiscal 2015", que les conditions générales stipulent : 'L'éligibilité à la rémunération variable est subordonnée à :

- une ancienneté minimale d'un an dans l'entreprise au dernier jour de l'exercice considéré,

- la présence effective dans l'entreprise au dernier jour de l'exercice considéré'.

Cependant, l'avenant en cause ne reprend pas le cas d'exclusion de la prime en cas de licenciement, du reste, jugé en l'espèce dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il en résulte que M. [M] peut légitimement prétendre au versement de la part variable de sa rémunération au titre de l'exercice 2016, au prorata temporis. En l'absence d'éléments de calcul fournis par la SAS METRO FRANCE, la somme allouée par les premiers juges à hauteur de 16.219,54 euros, déterminée en fonction de la prime versée l'année N - 1, soit (27.804,94/12) x 7) sera confirmée.

Sur les intérêts :

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les condamnations prononcées et confirmées en appel et du présent arrêt sur le surplus des sommes obtenues en appel.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l article 1154 devenu 1343-2, du code civil.

Sur les autres demandes :

La cour ordonnera à la SAS METRO FRANCE de remettre à M. [M] les documents de fin de contrat et bulletins de salaires rectifiés.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais non-répétibles :

La SAS METRO FRANCE qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à M. [M] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1500 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.

Sur l'exécution provisoire :

Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant alloué au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, outre les congés payés y afférents, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice distinct et de rappels d'heures supplémentaires,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS METRO FRANCE exerçant sous l'enseigne METRO CASH et CARRY FRANCE à payer à M. [G] [M] les sommes de :

29130,24 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

2913,02 euros à titre de congés payés,

58260,48 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

10000 euros en réparation du préjudice distinct,

35000 euros à titre de rappel au titre des heures supplémentaires, incluant les congés payés,

Ordonne à la SAS METRO FRANCE exerçant sous l'enseigne METRO CASH et CARRY FRANCE de remettre à M. [G] [M] ses documents de fin de contrat et ses bulletins de salaire rectifiés, conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les condamnations prononcées et du présent arrêt sur le surplus des sommes obtenues en appel,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil,

Y ajoutant,

Condamne la SAS METRO FRANCE exerçant sous l'enseigne METRO CASH et CARRY FRANCE à payer à M. [G] [M] une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS METRO FRANCE exerçant sous l'enseigne METRO CASH et CARRY FRANCE aux dépens,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 18/14881
Date de la décision : 23/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°18/14881 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-23;18.14881 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award