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17/01/2020 | FRANCE | N°19/01489

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 17 janvier 2020, 19/01489


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE


Chambre 4-2





ARRÊT AU FOND


DU 17 JANVIER 2020





N°2020/





Rôle N° RG 19/01489 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDV3R











SAS ADREXO








C/








N... B...





















































Copie exécu

toire délivrée





le : 20/01/20


à :





Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (vestiaire 8)





Me Laure GERMAIN-PHION, avocat au barreau de GRENOBLE











Décision déférée à la Cour :





Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section AD - en date du 09 Novembre 2015, enregistré au répertoire général sous ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2020

N°2020/

Rôle N° RG 19/01489 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDV3R

SAS ADREXO

C/

N... B...

Copie exécutoire délivrée

le : 20/01/20

à :

Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (vestiaire 8)

Me Laure GERMAIN-PHION, avocat au barreau de GRENOBLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section AD - en date du 09 Novembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/115.

APPELANTE

SAS ADREXO, demeurant [...]

représentée par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur N... B..., demeurant [...]

comparant en personne, assisté de Me Laure GERMAIN-PHION, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Eric PASSET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS ADREXO a embauché M. N... B... en qualité de distributeur d'imprimés non adressés suivant contrat de travail à temps partiel du 23 juin 2003 qui n'est pas produit.

Un accord collectif d'entreprise relatif au temps de travail modulé ayant été conclu au sein de la SAS ADREXO le 11 mai 2005, les parties ont conclu un contrat de travail à temps partiel modulé à compter du 18juillet 2005 pour 415,68 heures par an. Le contrat prévoyait notamment que «les distributions sont réalisées à des jours fixés par le responsable du dépôt en accord avec le salarié parmi les jours de disponibilité que le salarié communiquera à sa discrétion à son embauche ou dans les conditions visées ci-dessous. ['] La durée du travail du salarié variera dans les conditions et selon les modalités définies par la convention collective applicable et en fonction d'un planning annuel indicatif individuel fixé par l'employeur et porté à la connaissance du salarié 7 jours avant sa première mise en 'uvre sauf délai plus court donné avec l'accord du salarié. Ce planning sera révisé par l'employeur moyennant communication donnée au salarié au moins trois jours à l'avance ou mois avec l'accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route, notamment en cas de nécessité impérative de service, absence d'un distributeur ou surcroît exceptionnel d'activité. ['] Au-delà du plafond de modulation du tiers sur le mois courant, les parties reconnaissent la possibilité, après accord du salarié, de procéder à des prestations de travail additionnelles au présent contrat dans les conditions et limites posées par la convention collective de branche.»

Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 prises au visa de l'article L. 3123-25 du code du travail qui disposait alors que :

«Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail.

Cette convention ou cet accord prévoit :

1° Les catégories de salariés concernés ;

2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ;

3° La durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ;

4° La durée minimale de travail pendant les jours travaillés. Une convention de branche ou un accord professionnel étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures ;

5° Les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l'écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ;

6° Les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié ;

7° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié ;

8° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé. Ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement.»

L'employeur a adressé au salarié une mise en demeure datée du 26 mars 2012 et rédigée dans les termes suivants : «Votre hiérarchie nous signale que depuis le 21 novembre 2011, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de distributeur au sein du dépôt du LAVAL. Votre absence est donc injustifiée. En vertu de la législation qui nous régit, nous vous rappelons que vous aviez 48 heures pour prévenir votre employeur de toute absence. Or à ce jour, nous n'avons reçu aucun document justificatif vous concernant. Par conséquent, nous vous mettons en demeure de nous justifier vos absences ou de reprendre votre poste de travail sans délai. Faute de quoi, nous nous verrons dans l'obligation de prendre à votre encontre les mesures qui conviennent.»

L'employeur a licencié le salarié pour faute grave suivant lettre du 26 avril 2012 ainsi rédigée (dans la version communiquée à la cour et manifestement incomplète) : «Lors de l'entretien du 23 avril 2012, avec M. E... S..., auquel vous vous êtes présenté, nous vous avons rappelé les faits suivants :

'Depuis le 21 novembre 2011, vous ne vous êtes plus présenté à votre poste de travail sans justifier de cette absence.

' Par lettre RAR en date du 26 mars 2012, nous vous avons envoyé une mise en demeure de justifier votre absence.

En date du 28 mars 2012, à réception du courrier recommandé, vous vous êtes présenté à l'agence de LAVAL pour exprimer votre mécontentement quant au contenu du courrier. Le 30 mars 2012, M. E... S... vous a proposé par téléphone un secteur à distribuer, vous deviez passer le lundi 2 avril 2012 pour distribuer le secteur qui vous était réservé, hors vous ne vous êtes pas présenté. Par conséquent, et n'ayant pu obtenir d'explication sur votre absence injustifiée lors de l'entretien du 23 avril 2012, nous ne pouvons qu'en conclure que vous avez abandonné votre poste de travail volontairement. Ne pouvant tolérer un tel comportement qui perturbe le bon fonctionnement de notre entreprise, et en particulier de notre agence de LAVAL, nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave. Le présent licenciement interviendra immédiatement à date d'envoi du présent courrier adressé en recommandé et vous ne pourrez plus prétendre à aucune indemnité de licenciement, ni préavis.

31,71 heures au titre du droit individuel à la formation. La somme correspondant à ce solde d'heures acquis au titre du droit individuel à la formation et non utilisé, multiplié par le montant forfaitaire visé au deuxième alinéa de l'articleL.6332-14 du code du travail, soit 9,15€. Nous vous informons également que vous pouvez solliciter, pendant les deux premières années chez votre nouvel employeur, le bénéfice de cette somme correspondant au solde du nombre d'heures acquis au titre du droit individuel à la formation et non utilisé, multiplié par le montant forfaitaire visé au deuxième alinéa de l'article L. 6332-14 du code du travail, afin de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. Vous pouvez également demander à bénéficier de cette somme pendant la période éventuelle de votre prise en charge par le régime d'assurance chômage. Vous recevrez votre certificat de travail, attestation ASSEDIC et solde de tout compte par un prochain courrier.»

Contestant la modulation du temps de travail ainsi que son licenciement, M. N... B... a saisi le 20 janvier 2014 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 9novembre 2015, a :

requalifié à temps plein le contrat de travail ;

condamné l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes :

'33717,00€ bruts à titre de rappel de salaire sur la base du temps plein pour la période de février 2009 à janvier 2012 ;

' 3371,70€ bruts au titre des congés payés y afférents ;

' 100,00€ à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche ;

' 1000,00€ au titre des frais irrépétibles ;

ordonné à l'employeur de délivrer au salarié un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés ainsi qu'un bulletin de salaire rectificatif des sommes dues, sous astreinte de 50€ par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter du jugement ;

dit qu'il se réservait le droit de liquider l'astreinte ;

rappelé et ordonné l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs autres demandes ;

condamné l'employeur aux dépens.

Cette décision a été notifiée le 26 novembre 2015 à la SAS ADREXO qui en a interjeté appel suivant déclaration du 2 décembre 2015.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles la SAS ADREXO demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la requalification du temps partiel en temps complet et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de rappels de salaire (salaire de base temps plein, prime d'ancienneté et congés payés) ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 100€ à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la rectification sous astreinte des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat ;

le confirmer pour le surplus ;

débouter le salarié de toutes ses demandes ;

condamner le salarié au paiement de la somme de 3500€ au titre des frais irrépétibles ;

le condamner aux éventuels dépens.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles M.N... B... demande à la cour de :

sur la violation des dispositions relatives au temps de travail,

à titre principal,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

infirmer le jugement entrepris sur les sommes allouées à ce titre ;

condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

'38780,38€ bruts à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein pour la période du 26/04/2009 au 26/04/2012 ;

' 3878,00€ au titre des congés payés y afférents ;

à titre subsidiaire,

condamner l'employeur à lui verser les sommes correspondant à la totalité des heures effectuées soit 7965,52€ bruts outre celle de 796,55€ bruts au titre des congés payés y afférents ;

sur les dommages et intérêts ensuite de la violation des obligations légales,

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'10000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ensuite du non-paiement de l'intégralité des heures effectuées ;

' 1000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ensuite de la violation de l'obligation de sécurité pour absence de visite médicale d'embauche ;

' 5000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi ensuite de l'absence totale de formation pendant toute la durée de sa carrière ;

' 8390,38€ correspondant à 6 mois de salaire à temps plein à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes à titre de rappel de prime d'ancienneté :

'à titre principal, 3510,04€ outre 351€ au titre des congés payés y afférents ;

'à titre subsidiaire, 881,34€, outre 88,13€ au titre des congés payés y afférents ;

sur la rupture du contrat de travail,

condamner l'employeur à lui verser la somme suivante à titre d'indemnité de licenciement :

'à titre principal, 3618,07€ bruts sur la base d'un temps plein ;

'à titre subsidiaire, 967,44€ bruts, sur la base des heures réellement effectuées ;

condamner l'employeur à lui verser la somme suivante à titre d'indemnité compensatrice de préavis :

'à titre principal, 1613,41€ sur la base d'un temps plein ;

'à titre subsidiaire, 431,41€ sur la base des heures réellement effectuées ;

condamner l'employeur à lui verser la somme de 20000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner l'employeur à lui remettre ses bulletins de salaire rectifiés ainsi qu'un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés, le tout sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

condamner l'employeur à lui verser la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles ainsi que les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la visite médicale

Le salarié se plaint d'un défaut de visite médicale d'embauche puis de visite médicale périodique et il sollicite en réparation la somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité.

Mais le salarié n'explicite, ni ne justifie, le préjudice qu'il aurait subi du fait de la carence fautive de l'employeur alors même que son emploi ne l'exposait pas à des risques sanitaires particuliers. Dès lors, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

2/ Sur la formation

Le salarié reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de formation durant près de 9 ans et il sollicite en réparation la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts.

Mais il n'apparaît pas qu'en l'espèce l'employeur ait manqué à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié, qui était employé à la distribution d'imprimés non adressés, à son poste de travail ni à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper son emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. De plus, l'employeur n'a pas fait obstacle à l'exercice par le salarié de son droit à la qualification professionnelle dès lors qu'il ne s'est opposé à aucune demande de formation. En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef de demande.

3/ Sur la requalification du contrat de travail

Le salarié fait valoir que faute de respect des dispositions de l'article L. 3123-25 du code du travail il devait se tenir à la disposition permanente de l'employeur pour obtenir de l'ouvrage et qu'ainsi le contrat de travail à temps partiel modulé doit être requalifié en contrat de travail à temps complet. Il expose que le programme indicatif de juin 2006 à juillet 2007 ne lui a été remis que le 28 août 2006, qu'aucun programme ne lui a été remis pour la période allant de juillet 2007 à septembre2008. Il ajoute qu'il n'a jamais été avisé 7 jours à l'avance du nombre d'heures à réaliser la semaine suivante. Il cite la feuille de route du 13 février 2009 qui n'a été édité que le 16février2009, la feuille de route du 8 février éditée le 5 février 2010, la feuille de route du 3février 2011 éditée le jour même et la feuille de route du 10 février 2011 éditée le lendemain. Le salarié soutient que durant 5 semaines il a même atteint ou dépassé la durée légale du travail comme la semaine du 31 mars 2008 où il a réalisé 41h34 ou celle du 9 février 2009 où il a réalisé 36h53.

L'employeur répond en substance que les parties ont conclu des avenants successifs qui ont fait varier le temps de travail ainsi :

'à compter du 18 juillet 2005, 8 heures par semaines les lundi et mardi ;

'à compter du 13 février 2006, 12 heures par semaine les lundi et mardi ;

'à compter du 15 mai 2006, 8 heures par semaine les lundi et mardi ;

'à compter du 15 septembre 2008, 7 heures par semaine les lundi et mardi avec disponibilité le mercredi ;

'à compter du 13 avril 2009, 9 heures par semaine les lundi et mardi avec disponibilité le mercredi ;

'à compter du 12 avril 2010, 9 heures par semaine le lundi avec disponibilité le mardi ;

et que si le salarié a travaillé certaines semaines au-delà des jours de disponibilité qu'il avait indiqué, il a toujours donné son accord aux nouvelles tournées qui lui étaient proposées et qu'il était libre de refuser conformément aux termes du contrat de travail.

Mais la cour retient que le contrat de travail, qui fait la loi des parties, imposait en contrepartie de la modulation du temps de travail une information minimale du salarié quant à sa durée du travail laquelle ne devait varier qu'en fonction d'un planning annuel indicatif individuel fixé par l'employeur et porté à la connaissance du salarié 7 jours avant sa première mise en 'uvre sauf délai plus court donné avec l'accord du salarié. Le contrat de travail ajoutait que ce planning serait révisé par l'employeur moyennant communication donnée au salarié au moins trois jours à l'avance ou moins avec l'accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route, notamment en cas de nécessité impérative de service, absence d'un distributeur ou surcroît exceptionnel d'activité.

À l'examen attentif des pièces, il apparaît que, contrairement à la présentation de l'employeur, les plannings annuels prévoyaient déjà une variation effective du temps de travail mois par mois et n'avaient nullement la régularité qu'il leur donne. Il apparaît aussi que l'employeur ne justifie pas du respect du délai d'information précité de 7 jours, pas plus que des motifs de sa réduction à trois jours, et que, dans cette absence de cadre effectif, les feuilles de route produites témoignent de ce que les volumes de travail hebdomadaires variaient grandement sans que les dispositifs mis en 'uvre par l'employeur permettent au salarié de connaître sa charge de travail tant durant l'année que d'une semaine sur l'autre compte tenu notamment des manquements dénoncés par le salarié et que l'employeur ne discute pas dans leur détail factuel mais uniquement dans leur principe juridique. Enfin, la dernière période de la relation contractuelle durant laquelle le salarié n'a plus travaillé du 21 novembre 2011 jusqu'à la mise en demeure du 26mars 2012, c'est-à-dire pendant près de quatre mois, sans que l'employeur ne lui demande d'explication, achève de démontrer l'absence de cadre effectif dans lequel s'inscrivaient les relations de travail. En conséquence, il apparaît bien que le salarié, faute d'avoir reçu l'information contractuellement prévue, devait se tenir à la disposition permanente de l'employeur pour recevoir son ouvrage et il convient dès lors de requalifier le contrat de travail à temps partiel modulé en un contrat de travail à temps complet.

Sur le rappel de salaire, il sera relevé qu'après audition du salarié à l'audience, il n'apparaît pas qu'il se soit effectivement tenu à la disposition de l'employeur du 21 novembre 2011 jusqu'à son licenciement, n'ayant pas travaillé durant cette période. En conséquence, il lui sera alloué un rappel de salaire, justement calculé par le salarié selon un décompte qui n'est pas discuté par l'employeur, de 11910,46€ pour la période du 26 avril 2009 au 31 mars 2010 et de 12251,18€ concernant la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011.

Concernant la période du 1er avril 2011 au 26 avril 2012, le salarié n'est effectivement resté à la disposition permanente de l'employeur que du 1er avril 2011 au 21 novembre 2011. Le salaire dû pour la période s'établit donc aux sommes suivantes :

'9,00€ x 151,67 heures x 3mois = 4095,09€ du 1er avril 2011 au 31 juillet 2011 ;

'9,18€ x 151,67 heures x 4,7 mois = 6543,95€ du 1er août 2011 au 21 novembre 2011 ;

alors que le salarié a perçu sur la période la somme de 3253,30€, soit une différence de 4095,09€ + 6543,95€ ' 3253,30€ = 7385,74€.

Ainsi, le salarié doit-il bénéficier d'un rappel de salaire de 11910,46€ + 12251,18€ + 7385,74€ = 31547,38€ outre la somme de 3154,74€ au titre des congés payés y afférents. Au-delà de ce rappel de salaire, il ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé le défaut de paiement des deux sommes précitées et qui ne serait pas réparé par les intérêts moratoires. En conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-paiement de l'intégralité des heures de travail.

4/ Sur la dissimulation d'emploi

Le salarié sollicite une somme équivalente à 6 mois de salaire en reprochant à l'employeur d'avoir dissimulé les heures de travail qu'il accomplissait. Mais il n'apparaît pas qu'en l'espèce l'employeur ait volontairement dissimulé l'emploi du salarié à temps complet qui résulte de la requalification qui vient d'être prononcée. En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef de demande.

5/ Sur la prime d'ancienneté

Le salarié sollicite, au titre de la prime d'ancienneté de 8,33 % qu'il percevait, la somme de 3510,04€ à titre de rappel outre celle de 351€ au titre des congés payés y afférents.

Conformément aux calculs pertinents proposés par le salarié et non discutés par l'employeur mais aussi à l'absence de travail effectif et de maintien permanent à la disposition de l'employeur à compter du

21 novembre 2011, le rappel de prime d'ancienneté s'établit aux montants suivants :

'du 26 avril 2009 au 31 mars 2010 : 1244,81€ ;

'du 1er avril 2010 au 31 mars 2011 : 1348,57€ ;

'du 1er avril 2011 au 21 novembre 2011 : (4095,09€ + 6543,95€) x 8,33 % = 886,23€ ;

soit un total de 1244,81€ + 1348,57€ + 886,23€ ' 572,08€ (prime perçue) = 2907,53€ auquel il convient d'ajouter la somme de 290,75€ au titre des congés payés y afférents.

6/ Sur le licenciement

Le salarié a été licencié pour faute grave consistant en un abandon de poste lequel aurait perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise. Sur l'audience, il expose qu'il n'était plus d'accord avec les tournées proposées et qu'il a ainsi cessé de travailler à compter du 21 novembre 2011.

Il appartient à l'employeur qui invoque une faute grave dans la lettre de licenciement, dont les termes lient la juridiction, d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, l'employeur n'a mis en demeure le salarié de reprendre son poste que le 26mars 2012 alors que ce dernier ne travaillait plus depuis le 21 novembre 2011, c'est-à-dire depuis près de quatre mois, et de ce simple fait il n'apparaît pas que l'absence du salarié ait effectivement perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise. De plus, le salarié, qui devait se tenir à la disposition de l'employeur en permanence alors même qu'il n'était rémunéré qu'à temps partiel modulé, n'a pas commis de faute en refusant les tournées proposées qui perpétuaient une situation non-conforme aux engagements contractuels. En conséquence, l'abandon de poste, que l'employeur n'a pas relevé durant près de quatre mois ne constitue pas une faute et le licenciement se trouve dénué de cause réelle et sérieuse.

7/ Sur l'indemnité de licenciement

Sur la base d'un salaire mensuel reconstitué de 1613,41€ concernant les 12 derniers mois de travail effectif, il convient d'allouer au salarié une indemnité de licenciement de 3618,07€ bruts.

8/ Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Il sera alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire, soit la somme de 1613,41€.

9/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié, dont l'âge n'est pas connu de la cour, bénéficiait d'une ancienneté de plus de 8ans au temps du licenciement, il justifie de sa situation au regard de Pôle Emploi postérieurement à la rupture du contrat de travail. En conséquence, son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme équivalente à 9 mois de salaire, soit la somme de 9×1613,41€ = 14520,69€ à titre de dommages et intérêts.

10/ Sur les autres demandes

L'employeur remettra au salarié un bulletin de salaire rectificatif, un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure d'astreinte.

S'agissant d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise de plus de onze salariés, il y a lieu de faire application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.

Il convient d'allouer au salarié la somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

requalifié à temps plein le contrat de travail ;

condamné la SAS ADREXO à verser à M. N... B... la somme de 1000€ au titre des frais irrépétibles ;

condamné la SAS ADREXO aux dépens.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déboute M. N... B... de ses demandes relatives aux obligations de sécurité et de formation ainsi qu'à la dissimulation d'emploi et au préjudice résultant du défaut de paiement des salaires.

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS ADREXO à payer à M. N... B... les sommes suivantes :

31547,38€ bruts à titre de rappel de salaire ;

3154,74€ bruts au titre des congés payés y afférents ;

2907,53€ bruts à titre de rappel de prime d'ancienneté ;

290,75€ bruts au titre des congés payés y afférents ;

3618,07€ bruts à titre d'indemnité de licenciement ;

1613,41€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

14520,69€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 500,00€ au titre des frais irrépétibles d'appel.

Dit que la SAS ADREXO remettra à M. N... B... un bulletin de salaire rectificatif, un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés.

Ordonne le remboursement par la SAS ADREXO aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. N... B... dans la limite de six mois.

Dit que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

Condamné la SAS ADREXO aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 19/01489
Date de la décision : 17/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°19/01489 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-17;19.01489 ?
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