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17/01/2020 | FRANCE | N°17/12965

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 17 janvier 2020, 17/12965


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2020



N° 2020/24



Rôle N° RG 17/12965 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA3FB







[R] [Q] épouse [T]





C/



SA LABORATOIRES M&L











Copie exécutoire délivrée



le : 17 JANVIER 2020



à :



Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE



Me Delphine RIXENS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE >




























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 26 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00175.





APPELANTE



Madame [R] [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2020

N° 2020/24

Rôle N° RG 17/12965 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA3FB

[R] [Q] épouse [T]

C/

SA LABORATOIRES M&L

Copie exécutoire délivrée

le : 17 JANVIER 2020

à :

Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Me Delphine RIXENS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 26 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00175.

APPELANTE

Madame [R] [Q] épouse [T]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et par Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

SA LABORATOIRES M&L,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Delphine RIXENS de la SCP ALPES PROVENCE AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE et par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Malika REZIG.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020

Signé par Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, pour le Président empêché et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [R] [Q] épouse [T] a été embauchée en qualité d'évaluateur de la sécurité/toxicologue, statut cadre, coefficient 460, le 1er novembre 2013 par la SA LABORATOIRES M&L, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 24 juillet 2013 prévoyant une rémunération mensuelle brute de 4666,67 euros.

Par courrier du 10 juillet 2015 remis en main propre, Madame [R] [T] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour le 20 juillet, avec dispense de se présenter à son poste et maintien de sa rémunération, puis elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle le 24 juillet 2015, avec dispense d'exécution de son préavis.

Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et réclamant le paiement de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, pour préjudice moral et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [R] [Q] épouse [T] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 26 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains a débouté Madame [R] [T] de l'ensemble de ses demandes, a débouté l'employeur de ses demandes reconventionnelles et a condamné Madame [R] [T] aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Madame [R] [Q] épouse [T] conclut, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 12 octobre 2017, à ce qu'elle soit accueillie en son appel du jugement rendu le 26 juin 2017 par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains, à ce qu'il soit dit régulier en la forme et fondé au fond, au débouté de la SA LABORATOIRES M&L de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, à l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains en date du 26 juin 2017 en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau : à ce qu'il soit jugé que le licenciement de Madame [R] [Q] épouse [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, à la condamnation, en conséquence, de la SA LABORATOIRES M&L à lui verser les sommes suivantes :

-100 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement non causé,

-15 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

à ce qu'il soit jugé que la SA LABORATOIRES M&L a manqué à son obligation de sécurité de résultat, à la condamnation, en conséquence, de la SA LABORATOIRES M&L à verser à Madame [R] [Q] épouse [T] la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef, à ce que soit ordonnée la remise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, des documents de fin de contrat rectifiés (attestation Pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte) conformes à la décision rendue, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte sur simple requête, à ce qu'il soit jugé que les condamnations prononcées seront assorties d'intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes, à ce que soit ordonnée la capitalisation des intérêts, et à la condamnation de la SA LABORATOIRES M&L, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux distraits au profit de la SCP MAGNAN sur son affirmation de droit, à verser la somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [R] [T] fait valoir qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre remarque sur les conditions dans lesquelles elle exerçait ses fonctions, que son employeur ne justifie pas des griefs qui lui sont reprochés, que la concluante démontre au contraire que les éléments cités dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés et sont de surcroît mensongers, qu'il ne peut être reproché à la salariée d'avoir contesté les griefs invoqués par l'employeur lors de l'entretien préalable, que la salariée ne s'est aucunement comportée de manière agressive envers son supérieur hiérarchique, que l'insuffisance professionnelle reprochée à Madame [T] ne repose sur aucun élément objectif et n'a eu aucune conséquence préjudiciable pour l'employeur, que la salariée, qui a perçu des primes d'objectifs en juin 2014 et juin 2015, a toujours emporté la satisfaction de son employeur, que preuve en est également le compte rendu de l'entretien annuel de "performance" réalisé le 20 avril 2015, soit 3 mois avant la convocation à entretien préalable, que la salariée s'est vu confier des missions qui outrepassaient celles pour lesquelles elle avait été initialement embauchée, qu'il lui a été en effet demandé, peu de temps après son entrée dans l'entreprise, de signer les "safety assessments" (rapports de sécurité préalables à la mise sur le marché des produits cosmétiques), mission confiée initialement à Madame [V] [I], Pharmacien responsable et supérieur hiérarchique de Madame [T], qu'aucun avenant au contrat de travail n'a été établi afin d'officialiser le changement de qualification de Madame [T], qu'à cause du stress généré par cette surcharge de travail, la salariée a été contrainte de s'arrêter aux mois d'avril et juillet 2015, en raison d'un syndrome d'épuisement professionnel ou "burnout", que la concluante verse plusieurs témoignages d'anciennes collègues de travail et supérieurs hiérarchiques particulièrement élogieux sur la qualité de son travail et ses qualités professionnelles et humaines et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SA LABORATOIRES M&L conclut, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2017, au débouté de Madame [T] de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement, à ce que soit ramené le quantum des dommages intérêts pour rupture abusive à de plus justes proportions et à la condamnation de Madame [T] à verser à la SA LABORATOIRES M&L une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société LABORATOIRES M&L fait valoir qu'elle va assez rapidement se rendre compte que Madame [T] avait de graves lacunes dans la conduite de son poste de travail, que son évaluation annuelle du 20 avril 2015 confirmera l'existence des carences techniques, qu'à partir de fin 2014, la fiabilité des recommandations proposées par Madame [T] et ses évaluations toxicologiques vont être de plus en plus contestées et vont se révéler être trop souvent erronées ou catastrophistes, que devant l'absence d'accord des autres intervenants sur ses recommandations, Madame [T] au lieu d'essayer de convaincre ses interlocuteurs va adopter une attitude agressive, essayant d'imposer ses décisions, qu'en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, que Madame [R] [T] n'apporte aucun élément susceptible de prouver sa contestation des motifs de son licenciement alors que de nombreux mails versés aux débats par la société concluante démontrent les carences et erreurs de Madame [T] dans la tenue de son poste, que le licenciement de la salariée est bien fondé et que celle-ci doit être déboutée de ses réclamations.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2019.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Madame [R] [T] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 24 juillet 2015, licenciement qualifié dans la lettre de rupture de licenciement "pour insuffisance professionnelle".

La lettre de licenciement, comportant 8 pages, rappelle en premier lieu les fonctions exercées par la salariée et fait état d' "une très nette dégradation de la qualité de votre travail depuis fin 2014 et début de l'année 2015. Cette dégradation (n'ayant) fait qu'empirer ces dernières semaines malgré le soutien que vous avez pu obtenir de votre hiérarchie". Ensuite, la lettre de licenciement évoque "un cumul d'éléments" détaillés et conclut : « Vous persistez à vous placer dans une position d'expertise théorique, fermée et obstinée, appréhendant et mettant en avant systématiquement les côtés négatifs et les risques sans jamais apprécier la réalité pratique ou effective de ceux-ci. Vous ne prenez pas de recul sur les situations et tardez, voire refusez de confronter votre analyse à celles d'experts tiers disposant d'une expérience complémentaire permettant de nuancer votre approche strictement d'expertise. Vous négligez totalement que vous intervenez dans un cadre industriel soumis à des contraintes de lancement fortes avec des délais courts et des risques économiques et financières conséquents liés à un éventuel retard de tests, voire un refus d'avis toxicologique.

Il ne vous est pas demandé de délivrer un avis théorique déconnecté de l'aspect industriel, mais bien de faire en sorte que les produits créés et commercialisés soient en adéquation avec les diverses réglementations.

Au lieu d'être source d'interprétation, d'avancement et de dynamisation, vos interventions ne font que compliquer les processus sans jamais atteindre les objectifs de qualité qui vous ont été fixés, manquant singulièrement de nuances et de prise de hauteur sur l'analyse des risques et réglementations en vigueur' ».

Il convient d'examiner un par un le "cumul d'éléments" cités dans la lettre de licenciement.

I- « Concernant par exemple (cf notamment échanges mails en date des 29/06-30/06- 01/07-03/07) la gestion du dossier des iso-parabènes contenus dans certaines formules :

-vous avez fait preuve d'une attitude agressive en réunion vis-à-vis de vos pairs

-vous avez pris la décision de retirer les produits

-vous n'avez accepté qu'avec beaucoup de difficulté la notion de destruction des produits sur l'honneur dans nos filiales malgré les implications financières fortes et un risque faible puisque les parabènes sont contenus à seulement 0,0001%

-lors de la demande de préparer une communication filiale avec la qualité vous avez envoyé une copie du texte réglementaire sans le retravailler de façon compréhensible.

Ceci démontre :

-un manque de prise en considération des implications business et financières induites

-un manque de pondération des décisions

-une présentation brute d'informations sans analyse / cible

-une absence de décision et un manque de communication directement avec vos pairs

-un positionnement en élément bloquant sans recherche ou proposition de solutions alternatives ».

Il ressort des échanges de courriels versés par l'employeur que, lors d'une réunion du 29 juin 2015, il a été décidé d'une "confirmation process d'un certificat sur l'honneur de destruction sur place" et d'un retrait des produits litigieux, sans qu'il n'apparaisse que cette décision de retirer les produits ait été prise à la seule initiative de Madame [R] [T]. Il n'apparaît pas plus que cette dernière aurait accepté avec difficulté le process de "destruction des produits sur l'honneur" ou aurait exigé la destruction des stocks en présence d'un huissier, la salariée ayant uniquement sollicité l'accord de toutes les parties. Il n'est pas justifié de l'envoi par Madame [T] d'une copie du texte réglementaire "sans le retravailler de façon compréhensible", étant observé que la communication filiale a été préparée par [B] [N]. En tout état de cause, le process et la communication ont été validés par le supérieur hiérarchique de Madame [R] [T], Monsieur [O] [L].

La SA LABORATOIRES M&L produit des échanges de courriels des 18 mars, 22 mars et 1er avril 2015 avec le commentaire "Autre exemple de transmission de texte réglementaire sans aucune explication", qui sont sans rapport avec le dossier "iso-parabènes".

Quant à l'attitude agressive dont aurait fait preuve Madame [R] [T] "vis-à-vis de (ses) pairs", il est versé tout au plus le courriel du 29 juin 2015 de [E] [Y] adressé à [O] [L] en ces termes : "Réunion faite ce jour sur ce sujet (retrait PF Isoparabens). [R] a été très agressive. Du coup pas simple de faire avancer le plan d'action. Pour une prochaine fois il nous faudra voir comment au niveau qualité on nous transmet l'info. [R] a proposé que la qualité participe à une réunion réglementaire tous les mois. Je lui ai expliqué que je n'en voyais pas l'intérêt. Pour en reparler. JL va venir te voir afin que tu valides le principe du certificat de destruction'".

Ce seul courriel, n'apportant aucune précision quant à la nature du comportement ou quant aux propos agressifs d'[R] [T], est insuffisant à démontrer que celle-ci aurait fait preuve d'agressivité au cours de la réunion du 29 juin 2015.

La SA LABORATOIRES M&L produit par ailleurs un courriel du 13 avril 2015 d'[R] [T] adressé à [F] [U], Directrice Générale Recherche et Développement et Qualité, avec copie à [O] [L], la salariée apportant une réponse à divers reproches qui lui ont été adressés (ces reproches formalisés auprès d'[R] [T] ne sont pas versés aux débats). Il convient d'observer que Madame [T] évoque dans ce courriel qu'elle a été embauchée comme "évaluateur de la sécurité", que suite au départ d'[V] [I], elle s'est retrouvée responsable de la signature des Rapports de Sécurité et de la cosmétovigilance, qu'elle atteignait "aujourd'hui des limites, par rapport à (sa) santé", et elle s'interrogeait sur son avenir dans la société, sollicitant un entretien avec sa hiérarchie et déclarant ne pas être "en mesure de poursuivre dans ces conditions, avec les accusations que l'on me porte' Je suis une personne intègre, volontaire, humaine, bosseuse, et compétente. Je ne pense pas être irrespectueuse et immature, mais bien dans une situation "qui rend fou"'".

Il est également versé un courriel du 22 avril 2015 d'[R] [T] adressé à [F] [U] : "Bonjour [F], merci pour ton commentaire sur mon EDP. Je vais faire en sorte de changer, de prendre davantage de recul pour être plus performante et plus sereine. Bonne journée". Ce courriel d'[R] [T] fait suite à l'appréciation de [F] [U] (sa N+2) portée en fin du compte rendu d'entretien de performance réalisé le 20 avril 2015 (EPD 2015) :

"-bonne formation de l'équipe à continuer !

[R] gagnerait à développer une vision globale des impacts des décisions Safety/MP sur les produits et les projets par rapport à l'univers concurrentiel pour asseoir son positionnement au sein de l'organisation.

-Les réunions plénières seraient moins challengeantes pour [R] si une anticipation sereine et un calage des décisions avec la hiérarchie en petit comité était mise en place pour éviter les difficultés en réunion internes R&D ou avec Marketing.

-"Les choses ne changent pas, change ta façon de les voir, cela suffit"-Lao Tseu".

Au vu de cette appréciation, le courriel en réponse du 22 avril 2015 d'[R] [T] ne peut être considéré comme une reconnaissance de son agressivité, comme prétendu par l'employeur.

Madame [R] [T] produit les mêmes pièces que la société intimée, dont notamment le compte rendu de son entretien de performance réalisé le 20 avril 2015, sur lequel est mentionné un niveau de performance "conforme aux attentes" (niveau 3) et le niveau 4 "la performance dépasse les attentes" s'agissant des objectifs liés au sens managérial, avec des commentaires positifs du supérieur hiérarchique quant à la réalisation des objectifs (mention à plusieurs reprises d'un "bon travail") ; il est également mentionné que "l'équipe est montée en compétence", que "[R] a réalisé une bonne année mais trop souvent en rôle "pompier" ce qui n'a pas facilité les études plus fouillées sur certaines problématiques et qui n'a sans doute pas favorisé la qualité de ses recommandations. L'équipe doit rapidement s'étoffer afin qu'elle puisse assurer pleinement son rôle d'Évaluateur de la sécurité", étant précisé par ailleurs qu' "il manque encore 2 personnes dans son équipe. Elle a développé avec beaucoup de passion et d'énergie les compétences et l'autonomie de chacun. Bon travail en transversal avec les services Achats, Sécurité, Évaluation, Reg export".

Si la SA LABORATOIRES M&L relève qu'il est également indiqué dans le compte rendu d'entretien que "[R] est à la recherche et propose des opportunités intéressantes pour le service mais elle doit mieux gérer l'incertitude, l'ambiguïté et les obstacles, être capable de donner des recos claires et y faire adhérer la Direction", il ne peut pour autant être déduit de cette appréciation qu'elle traduirait des "carences techniques" ou de "graves lacunes" de la salariée dans la conduite de son poste, alors que ses compétences et ses qualités professionnelles sont par ailleurs soulignées, dans un contexte de surcharge de travail à accomplir avec une équipe réduite.

Au vu des éléments produits, le premier grief relatif à la gestion du dossier des iso-parabènes n'est pas établi.

II- « Concernant par exemple (cf notamment échanges mails en date des 29/05-01/06) la gestion du dossier des Eau Florale de Géranium :

-malgré un historique négatif sur le conservateur observé antérieurement et malgré des réactions cutanées observées en Asie vous avez maintenu votre position que le produit est "safe tu use" et ne doit pas être changé de conservateurs

-les nouveaux résultats de tests en Europe ont malheureusement confirmé que le conservateur est la raison d'irritations complémentaires.

Ceci démontre :

-un manque de vision et d'analyse globale des projets ou des produits dans leurs conditions d'usage

-un manque de prise en considération des implications business et financières induites

-un manque de pondération des décisions

-un positionnement en élément bloquant sans recherche ou proposition de solutions alternatives ».

La SA LABORATOIRES M&L ne cite aucune pièce dans ses conclusions, se rapportant à ce grief. Elle verse toutefois un courriel du 12 juin 2015 de [O] [L] adressé à [F] [U] pour lui relater une discussion avec [R] [T] le matin même. Aucun autre élément ne permet d'affirmer que les propos prêtés à [R] [T] par [O] [L] sont exacts, dans un contexte où la salariée, qui avait été en arrêt de travail du 23 avril au 24 mai 2015 pour "burnout", était jugée susceptible de "nous lâcher à nouveau en "maladie" ou définitivement" et qu'il était alors envisagé un autre recrutement (courriel du 12 juin 2015 de [F] [U]).

De même, la SA LABORATOIRES M&L produit un échange de courriels entre [O] [L] et [F] [U] des 29 mai et 1er juin 2015, à travers lesquels n'est pas exposée la position d'[R] [T] (si ce ne sont les commentaires ajoutés de manière systématique par [F] [U], qui se les adresse à elle-même par courriel du 4 juillet 2015).

Madame [R] [T] produit d'autres échanges de mails (pièces 7), dont il ressort qu'elle a présenté diverses analyses concernant le produit litigieux, avec plusieurs propositions.

Il ne résulte aucunement des mails versés aux débats que Madame [T] aurait assuré que le produit était "safe tu use" et qu'il ne devrait pas y avoir de changement de conservateurs.

En conséquence, ce deuxième grief relatif à la gestion du dossier Eau Florale de Géranium n'est pas établi.

III- « Concernant par exemple (cf notamment échanges mails en date des 05/06- 06/06) la gestion du dossier de la Crème bébé Couvent des Minimes :

-vous annoncez en réunion une position de blocage sur un projet bébé entraînant une rupture sur le marché, sans prévenir préalablement votre hiérarchie et sans rechercher avec le labo des solutions intermédiaires.

Ceci démontre :

-un manque de vision et d'analyse globale des projets ou des produits dans leurs conditions d'usage

-un manque de prise en considération des implications business et financières induites

-un sens de l'anticipation trop réduit

-une absence de décision et un manque de communication directement avec vos pairs

-un positionnement en élément bloquant sans recherche ou proposition de solutions alternatives ».

La SA LABORATOIRES M&L ne cite aucune pièce dans ses conclusions au soutien de ce grief. Elle produit toutefois un échange de courriels des 5 et 6 juin au sujet de tests réalisés (tests adultes et bébés) sur l'Eau Micellaire Baume d'Amour Couvent des Minimes, avec la conclusion de [F] [U] dans son courriel du 6 juin 2015 : "(selon) la suggestion du labo en réunion transversale de jeudi de passer directement aux formules en phase avec la charte bébé plutôt que de refaire encore des runs de prod...En y réfléchissant à nouveau d'un point de vue global, je pense que c'est une approche positive pour les consommateurs et plus positive que le statu quo de blocage de principe...".

Ce courriel fait l'objet d'un commentaire de [F] [U] qu'elle s'est elle-même adressé par courriel du 4 juillet 2015, selon lequel il y aurait eu un "blocage d'[R] en réunion plénière sur les produits BB CdM alors que 2 tests ressortent clean en suivant les résultats de compo...".

Ce commentaire sur la position adoptée par [R] [T] au sujet de ce produit n'est cependant corroboré par aucun élément objectif.

Madame [R] [T] produit les mêmes pièces que l'employeur, qu'elle interprète différemment.

Au vu des éléments versés par les parties, le troisième grief relatif à la gestion du dossier de la Crème bébé Couvent des Minimes n'est pas établi.

IV- « Concernant par exemple (cf notamment échanges mails en date des 21/06- 22/06-24/06-26/06) la gestion du dossier du gel démaquillant Pivoine :

-vous n'avez pas alerté à temps le labo sur un mauvais résultat des tests préliminaires 2 fois "mauvais" et ne vous êtes pas positionnée sur les résultats de tests "négatifs" de façon transparente mais avez annoncé à l'oral à [P] [Z] que vous ne signerez pas l'attestation de mise sur le marché à un stade trop tardif dans les jalons de développement

[A] [C] a été obligée de vous demander de mettre par écrit votre décision par souci de transparence.

Ceci démontre :

-un manque de vision et d'analyse globale des projets ou des produits dans leurs conditions d'usage

-un manque de prise en considération des implications business et financières induites

-un sens de l'anticipation trop réduit

-des changements d'avis Sécurité ou d'interprétation des textes réglementaires en cours de projet

-un manque de pondération des décisions

-une absence de décision et un manque de communication directement avec vos pairs

-un positionnement en élément bloquant sans recherche ou proposition de solutions alternatives ».

La SA LABORATOIRES M&L ne cite aucune pièce dans ses conclusions au soutien de ce grief. Elle verse toutefois des échanges de mails entre le 21 juin et le 29 juin 2015 relatifs à des tests réalisés sur la gelée micellaire démaquillante Pivoine, avec les recommandations d'[R] [T] (courriel du 22 juin 2015), un positionnement défavorable au lancement de la formule en l'état de [P] [Z] (courriel du 24 juin 2015) et l' "avis Safety" d'[R] [T] (courriel du 26 juin 2015), avec le commentaire de [F] [U] adressé à [R] [T] : "C'est bien de prendre position! Ci-dessous qql conseils pour l'avenir pour progresser face à ce type de souci" (courriel du 29 juin 2015 de [F] [U] - les "qql conseils" ne sont pas joints au courriel).

Ces mêmes pièces sont produites par la salariée qui les interprète différemment.

Les échanges de mails ainsi versés n'établissent pas que Madame [R] [T] n'aurait pas alerté à temps le laboratoire sur un mauvais résultat de tests préliminaires, qu'elle ne se serait pas positionnée "de façon transparente", qu'elle aurait annoncé oralement à [P] [Z] qu'elle ne signerait pas l'attestation de mise sur le marché (étant rappelé que [P] [Z] s'est positionnée contre le lancement de la formule en l'état) et que [A] [C] aurait été obligée de demander à [R] [T] de mettre par écrit sa décision.

La réponse sacarstique de [F] [U] ("c'est bien de prendre position!"), qui souligne le changement de position d'[R] [T] quant à la sécurité du produit, ne permet pas toutefois de caractériser l'insuffisance professionnelle de la salariée, qui a pris en compte les avis d'autres personnes.

En conséquence, ce quatrième grief relatif à la gestion du dossier Gel démaquillant Pivoine n'est pas établi.

V- « Concernant par exemple (cf notamment échanges mails en date des 10/06-12/06- 17/06) la gestion du dossier de l'arbutine

-vous avez envoyé de la bibliographie technique brute à votre direction sans analyse et mise en perspective des données et des implications.

Ceci démontre :

-une présentation brute d'information sans analyse/cible

-une absence de décision et un manque de communication directement avec vos pairs

-un positionnement en élément bloquant sans recherche ou proposition de solutions alternatives ».

La SA LABORATOIRES M&L ne cite aucune pièce dans ses conclusions se rapportant à ce grief. Elle verse toutefois des échanges de courriels entre le 10 et le 17 juin 2015 entre [R] [T] et [F] [U] sur l'arbutine [demande d'avis de [F] [U] le 10 juin 2015, réponse sur l'évolution des opinions sur l'arbutine d'[R] [T] le 12 juin 2015, courriel du 12 juin 2015 de [F] [U] : "Merci du contexte. En synthèse et pour répondre simplement à la demande initiale, [R], peux-tu nous dire si nous pouvons considérer d'introduire 2% d'arbutine dans des futurs développements d'un point de vu validation safety ' é OUI/NON ' Si des analyses particulières par rapport à hydroquinone seraient nécessaires sur la MP puis dans le PF/dégradation éventuelle pour assoir cette décision'" et la réponse de [R] [T] par courriel du 17 juin 2015].

Les mêmes pièces sont également produites par l'appelante.

Si la SA LABORATOIRES M&L soutient que Madame [R] [T] n'aurait pas dû envoyer à sa direction une "bibliographie technique brute" sans analyse et sans recommandation associée que la directrice générale de la R&D a dû lui redemander, il convient toutefois d'observer que Madame [T] a transmis à sa directrice générale les avis récents (mars et mai 2015) du SCC sur l'utilisation de l'arbutine et les raisons de "ce retournement".

L'avis tardif donné par [R] [T] le 17 juin 2005 s'inscrit dans un contexte de surcharge de travail de la salariée, dont l'équipe était incomplète, et n'est pas suffisant à caractériser un manquement ou une insuffisance professionnelle de l'intéressée.

En conséquence, ce cinquième grief relatif à la gestion du dossier de l'arbutine n'est pas réel et sérieux.

VI- « Concernant par exemple (cf notamment échanges mail en date des 17/06-18/06- 20/06) le dossier gel anti moustique :

-après confirmation en décembre 2014 au laboratoire que le produit ne nécessite pas de test particulier vous avez exigé en juin des tests complémentaires significatifs et impactant le retro planning de lancement et ce 2 mois après la validation formule et seulement suite à une question de la direction.

Ceci démontre :

-un manque de vision et d'analyse globale des projets ou des produits dans leurs conditions d'usage

-un manque de prise en considération des implications business et financières induites

-un sens de l'anticipation trop réduit

-une faible connaissance opérationnelle des projets

-des changements d'avis Sécurité ou d'interprétation des textes réglementaires en cours de projet ».

La SA LABORATOIRES M&L ne cite aucune pièce dans ses conclusions se rapportant à ce grief. Elle verse toutefois des échanges de courriels entre le 11 septembre et le 23 décembre 2014 et entre le 17 juin et le 20 juin 2015. Comme pour les autres échanges, ils sont accompagnés de commentaires de [F] [U], dans un courriel du 4 juillet 2015 qu'elle s'adresse à elle-même et dans lequel elle mentionne "un mail où il n'y a besoin de rien de Dec d'[R]" (sous-entendu pas de demande de test), mais le courriel cité de décembre n'est pas versé aux débats ; le dernier courriel versé est celui du 23 décembre de [W] [S] : "Est-ce OK pour toi d'un point de vue tox de mettre 1.5% d'HE pour une application corps", sans que ne soit produite la réponse d'[R] [T].

Comme relevé par Madame [T], sans qu'elle ne soit contredite, l'avis favorable qu'elle avait donné en décembre ne concernait qu'une seule demande sur les trois huiles essentielles concernées.

Par ailleurs, [F] [U] invoque dans un courriel du 17 juin 2015 la nécessité "pour améliorer le process dans l'avenir" de structurer mieux les échanges avec le pôle safety, soulignant que "actuellement le labo fait des demandes sur certaines MP de la formule mais ne fait pas de demande d'évaluation safety de la formule".

Ensuite, les tests complémentaires "exigés" par [R] [T] en juin 2015 répondent à l'interrogation de [F] [U] sur l'insuffisance des tests pour un usage des produits "outdoor".

Au vu de ces éléments, il n'est pas établi que l'avis favorable donné par Madame [R] [T] en décembre 2014 aurait concernait l'ensemble des MP, ni même que l'Evaluateur Sécurité ait été interrogé par le laboratoire sur l'ensemble des applications de la formule et qu'elle serait responsable d'éventuels problèmes d'échanges avec le Labo.

En conséquence, ce sixième grief relatif à la gestion du dossier de l'arbutine n'est pas réel et sérieux.

VII- « Concernant par exemple (cf notamment échanges mail en date des 15/04- 17/04) la gestion du dossier crème main Karité

-vous avez émis une demande d'arrêt de production en juin des crèmes mains karité avec la base parfumée actuelle sans aucune alerte préalable

-vous dites avoir prévenu mais ce sujet n'a interpellé personne

-nous en déduisons que l'alerte n'a pas été effectuée ou si elle le fut, pas efficacement

-compte tenu de la complexité des substitutions de cette référence stratégique, le délai exigé était impossible à respecter.

Ceci démontre :

-un manque de vision et d'analyse globale des projets ou des produits dans leurs conditions d'usage

-un manque de prise en considération des implications business et financières induites

-un sens de l'anticipation trop réduit

-une faible connaissance opérationnelle des projets

-un positionnement en élément bloquant sans recherche ou proposition de solutions alternatives ».

La SA LABORATOIRES M&L produit des courriels du 3 janvier 2013 (alerte d'[V] [I] concernant la crème main Karité classée comme CMR) et des échanges de courriels entre le 15 et le 17 avril 2015, notamment le courriel du 15 avril 2015 d'[R] [T] mentionnant que la BP KARO CREME MAINS est "CMR à partir du 1er juin 2015. Le règlement cosmétique européen nous interdisant d'utiliser des ingrédients CMR, y compris parfum, nous ne pourrons pas utiliser cette BP après le 1er juin 2015. Désolée donc de la mauvaise prise en compte de cette alerte par la formulation. L'information avait pourtant été bien transmise".

L'appelante verse les mêmes pièces que celles produites par l'employeur et dont elle donne une interprétation différente.

La SA LABORATOIRES M&L ne verse pas d'autre élément de nature à justifier que Madame [R] [T] n'aurait pas transmis d'information à ce sujet préalablement au mois d'avril 2015, étant observé qu'une alerte avait été donnée par [V] [I] pour laquelle il n'est pas précisé les suites données. Il n'est même pas établi que Madame [T] aurait demandé en juin 2015 l'arrêt de la production des crèmes mains Karité.

Dans ces conditions, les éléments produits sont insuffisants à établir la réalité et le sérieux du septième grief relatif à la gestion du dossier crème main Karité.

VIII- « Concernant par exemple la gestion du dossier Eau Florale de Rose sourcing Bulgarie:

-après de nombreuses réunions internes R&D pour aligner les positions et les tests à mettre en place côté Sécurité vous avez lors de la réunion avec le Marketing Melvita émis une position inverse, à savoir le refus de cette matière première dans le produit fini

-cette position a surpris tout le monde et a donné l'impression que vous découvriez le projet.

Ceci démontre :

-un manque de vision et d'analyse globale des projets ou des produits dans leurs conditions d'usage

-un manque de prise en considération des implications business et financières induites

-un sens de l'anticipation trop réduit

-des changements d'avis Sécurité ou d'interprétation des textes réglementaires en cours de projets

-un positionnement en élément bloquant sans recherche ou proposition de solutions alternatives ».

La SA LABORATOIRES M&L ne cite aucune pièce dans ses conclusions s'agissant de ce manquement reproché à la salariée. Elle produit toutefois des échanges de courriels entre le 9 et le 12 février 2015, relatifs à des tests sur l'Eau Florale de Rose de Bulgarie (tests oculaires); [R] [T] indique dans un courriel du 9 février 2015 : "Nous avons bien noté l'impact du Go/No go à l'issue des résultats safety tolérance oculaire. Le CR du 14 janvier ci-dessous mentionne bien la nécessité de lancer les tests safety --$gt; besoin de 100mL' D'autre part, dans la même optique, il était clairement indiqué dans le CR de la dernière CréaMP du 14 janvier:' Nous sommes donc bien en phase. Je vous tiens au courant dès que les résultats seront transmis".

Ces mêmes pièces sont versées aux débats par l'appelante.

Il ne résulte pas des éléments ainsi produits que Madame [R] [T] aurait adopté une position inverse à celle qui aurait été précédemment discutée lors de réunions internes, auxquelles la salariée n'a d'ailleurs pas participé comme reconnu par l'employeur.

Il n'est pas plus établi que Madame [T] aurait refusé la matière première dans le produit fini, les courriels produits faisant uniquement état de la réalisation de tests complémentaires.

En conséquence, ce huitième grief relatif à la gestion du dossier de l'Eau Florale de Rose de Bulgarie n'est établi.

La lettre de licenciement se termine ainsi : « J'ai pu vous indiquer les griefs que nous avions à votre encontre' Votre réaction a été, de manière agressive dans un premier temps, de réfuter tous les griefs' Vous n'avez à aucun moment explicité de manière claire et précise votre position si ce n'est pour critiquer violemment votre supérieur hiérarchique, Monsieur [L] et pour adopter et démontrer votre attitude d'experte, réfutant chaque argument avancé par M. [L], vous perdant dans un débat d'experts et "de sourd", démontrant par là même votre incapacité à nuancer vos analyses pour les confronter à la réalité des marges d'interprétation réglementaire et avis contradictoires, voire tout simplement à la réalité.

Vous avez essayé de transformer des griefs professionnels techniques précis et circonstanciés en une prétendue incompatibilité d'humeur à l'encontre de vos supérieurs hiérarchiques ou pour invoquer pour la première fois des accusations de harcèlements moral ou sexuels sans apporter le moindre commencement de preuve. Au contraire, vous vous êtes purement et simplement contenté de répéter à plusieurs reprises détenir 80 mails puis vous vous êtes muée dans un silence une fois avertie que ce genre d'attitude pourrait être constitutif de dénonciation calomnieuse.

Cet entretien stérile de votre fait ne nous a pas permis de modifier notre analyse de faits qui vous sont reprochés et, au contraire n'a fait que mettre un peu plus en lumière une grande difficulté, voire impossibilité de fonctionnement.

Nous vous informons donc que nous avons décidé de vous licencier pour insuffisance professionnelle ».

Outre qu'il n'est versé aucun élément sur la réaction "agressive" qu'aurait eue Madame [R] [T] lors de l'entretien préalable, il ne peut être tiré aucune conclusion de la position adoptée par la salariée pour exercer ses droits à défense alors qu'il n'est pas prétendu que celle-ci aurait outrepassé son droit d'expession et de défense.

Au vu des éléments versés par les parties, l'insuffisance professionnelle de Madame [R] [T] n'est pas démontrée.

Cette allégation d'insuffisance professionnelle de la salariée, à l'origine de l'engagement de la procédure le 10 juillet 2015, intervient moins de trois mois après l'entretien d'évaluation de Madame [T], réalisé le 20 avril 2015, au cours duquel il a été noté son niveau de performance "conforme aux attentes" et relevé la qualité de son travail, de l'encadrement de son équipe et des relations transversales avec les autres services. Par ailleurs, le licenciement pour insuffisance professionnelle non fondé de Madame [T] est intervenu dans un contexte où cette dernière a vu ses compétences grandement élargies, rapidement après son embauche, s'étant retrouvée responsable de la signature des Rapports de Sécurité, où elle a connu une surcharge de travail dans un contexte de sous-effectif de son équipe, où elle a alerté sa hiérarchie sur les limites qu'elle avait atteintes "quant à sa santé" dans son courriel du 13 avril 2015 et où elle a été en arrêt de travail pour "burnout" du 23 avril au 24 mai 2015.

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de dire que le licenciement de Madame [R] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Madame [T] ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle et n'apporte aucune précision sur l'emploi de responsable expertise toxicologique occupé à compter de novembre 2015 selon la mention portée sur son profil linkedin versé aux débats par la SA LABORATOIRES M&L. Elle verse des attestations d'anciennes collègues de travail et de professionnels témoignant de ses qualités professionnelles et humaines. Madame [T] fait valoir qu'elle a subi un préjudice certain, eu égard à son implication sans faille durant toute la relation contractuelle et à la confiance qu'elle accordait à son employeur.

Au vu de l'ancienneté de la salariée de 23 mois dans l'entreprise, du montant de son salaire mensuel brut et des circonstances ayant entouré le licenciement, la Cour accorde à Madame [R] [T] la somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le préjudice moral :

Madame [R] [T] invoque qu'elle a été congédiée brutalement, son employeur lui interdisant de reprendre son poste de travail dès réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable et la dispensant d'effectuer le préavis de trois mois, portant ainsi gravement atteinte à sa dignité et à son intégrité morale, que l'employeur n'a pas hésité à évoquer des faits inexacts, portant ainsi un grave discrédit sur son sérieux et son professionnalisme, et elle réclame le paiement de 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral subi.

La SA LABORATOIRES M&L fait valoir que Madame [T] n'explicite pas en quoi elle aurait subi un préjudice moral distinct de celui résultant de son licenciement et qu'elle ne rapporte pas la moindre justification du quantum démandé.

Alors que Madame [R] [T] a été dispensée par son employeur de se présenter à son poste de travail dès la remise en main propre le 10 juillet 2015 de la convocation à entretien préalable et qu'elle a également été dispensée de l'exécution de son préavis dans le cadre du licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle, sans que la nécessité de telles mesures soit rapportée par l'employeur, il est certain que sa mise à l'écart de l'entreprise a été brutale et de nature à jeter un discrédit sur ses qualités professionnelles à l'égard de son entourage professionnel.

Au vu des circonstances brutales et vexatoires ayant entouré la mise à l'écart définitive de la salariée de l'entreprise, la Cour accorde à Madame [R] [T] la somme de 3000 euros en réparation de son entier préjudice moral.

Sur la violation de l'obligation de sécurité :

Madame [R] [T] invoque que son employeur, parfaitement avisé de la situation dans laquelle elle se trouvait, à savoir une surcharge de travail ayant entraîné un "burnout", n'a pris aucune mesure afin de préserver sa santé, que par la carence fautive de son employeur, elle été contrainte d'arrêter de travailler au mois d'avril 2015 en raison d'un "burnout" lié à ses conditions de travail, qu'elle était sous traitement antidépresseur depuis plusieurs mois, et qu'elle est en droit de solliciter la condamnation de la SA LABORATOIRES M&L à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice.

La SA LABORATOIRES M&L ne présente aucune observation à l'encontre de la réclamation de la salariée.

L'appelante produit son certificat d'arrêt de travail du 23 avril 2015 pour "burnout" sur la période du 23 avril au 24 mai 2015, son certificat d'arrêt de travail du 21 juillet 2015 au 28 juillet 2015 pour "syndrome anxieux", des prescriptions médicamenteuses sur la période du 10 novembre 2014 au 21 juillet 2015 et l'attestation du 12 janvier 2017 de Madame [K] [X], pharmacienne et ancienne collègue ayant travaillé avec Madame [T] du 9 décembre 2013 jusqu'en juillet 2015, qui témoigne des grandes qualités professionnelles et relationnelles de Madame [T] et qui rapporte :

« [...] Au cours de ces derniers mois au sein des Laboratoires M&L, j'ai remarqué des tensions entre [R] et sa Direction. J'ai par ailleurs vu à de nombreuses reprises [R] dans des états de santé critiques, liés directement à ses conditions de travail qui se dégradaient (charge de travail, pression de la part de sa hiérarchie) ».

Alors que Madame [T] avait alerté, par courriel du 13 avril 2015, sa directrice générale de sa charge de travail et des limites atteintes par elle "par rapport à sa santé", que sa hiérarchie avait conscience de la charge de travail de Madame [T] puisqu'il a été évoqué, dans le compte rendu d'évaluation du 20 avril 2015, la nécessité d'étoffer rapidement l'équipe et la situation de la salariée se retrouvant "trop souvent en rôle pompier" et que l'employeur ne démontre pas avoir pris des mesures pour garantir la sécurité et la santé de la salariée, laquelle a été en arrêt de travail pour "burnout" durant un mois, la Cour accorde à Madame [R] [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient d'ordonner la remise par la SA LABORATOIRES M&L d'une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise d'un certificat de travail rectifié, la décision de la Cour de céans ne modifiant pas les dates d'emploi de la salariée, ni la remise d'un reçu pour solde de tout compte rectifié, le présent arrêt valant inventaire des sommes versées à la salariée à l'occasion de la rupture de son contrat de travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame [R] [T], tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Madame [R] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et abusif,

Condamne la SA LABORATOIRES M&L à payer à Madame [R] [Q] épouse [T]:

-25 000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-3000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral,

-5000 euros de dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

Ordonne la remise par la SA LABORATOIRES M&L de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,

Condamne la SA LABORATOIRES M&L aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [R] [Q] épouse [T] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER Madame Stéphanie BOUZIGE

pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 17/12965
Date de la décision : 17/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°17/12965 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-17;17.12965 ?
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