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17/01/2020 | FRANCE | N°17/01850

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 17 janvier 2020, 17/01850


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 4-2





ARRÊT AU FOND


DU 17 JANVIER 2020





N° 2020/




















Rôle N° RG 17/01850 - N° Portalis DBVB-V-B7B-76GR











SA AIR FRANCE








C/





C... U...


























Copie exécutoire délivrée





le : 20/01/20r>

à :





Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE





Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau D'AIX-EN-


PROVENCE


(vestiaire 157)




















Décision déférée à la Cour :





Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 20 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F13/00225.





...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2020

N° 2020/

Rôle N° RG 17/01850 - N° Portalis DBVB-V-B7B-76GR

SA AIR FRANCE

C/

C... U...

Copie exécutoire délivrée

le : 20/01/20

à :

Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

(vestiaire 157)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 20 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F13/00225.

APPELANTE

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège., demeurant [...]

représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL MAXIME ROUILLOT - FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE substituée par Me Cécile HALLIER, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur C... U...

né le [...] à MARSEILLE (13000), demeurant [...]

comparant en personne, assistée de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020,

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA AIR FRANCE a embauché M. C... U... le 22 juin 1981 en qualité de manutentionnaire de commissariat provisoire, coefficient 164.

Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective des transports aérien AIR FRANCE.

Le salarié a été investi de mandats syndicaux pour la CGT depuis 1997, délégué du personnel et président de commission au comité d'entreprise ainsi qu'élu au comité de groupe français AIR FRANCE. Il fut ainsi d'abord semi-permanent puis permanent.

Les délégués du personnel CGT dénonçaient à l'employeur, par lettre du 18 janvier 2010, la discrimination syndicale dont ils s'estimaient victimes. L'employeur écrivait ainsi au salarié le 16mai 2011 : «Dans le cadre des dispositions du titre 3 de l'accord relatif à l'exercice du droit syndical et notamment l'article 4.2.3 portant sur l'examen périodique des situations des Délégués Syndicaux, nous avons examiné votre situation professionnelle au regard de l'exercice des fonctions de représentation du personnel. Cet examen repose sur des comparaisons avec des situations semblables de salariés non permanents dont les critères sont les dates d'embauche, les niveaux d'embauche, les qualifications et la date de prise de fonction des Délégués Syndicaux comme le précise l'accord, et sont effectués dans le respect des règles des filières concernées. Au vu de cette analyse il a été décidé de vous promouvoir au niveau B1, qualification TSA, au 1er juillet2011. Cette promotion est accompagnée d'une augmentation de 6.75 points.»

Le salarié refusait cette proposition le 23 juin 2011 en sollicitant un entretien et il se plaignait de discrimination syndicale suivant lettre datée par erreur du 16 mai 2011 dans les termes suivants : «Par courrier du 23 juin 2011, je vous ai informé que je refusais votre proposition concernant mon repositionnement, malgré mon refus vous avez mis en application votre proposition. Je prends donc acte du passage en B1 à partir de juillet 2011 et les 6,15 points qui en découle, cela ne m'engage nullement. N'ayant pas l'opportunité de vous expliquer les raisons de mon refus oralement je vais vous les expliqués à travers ce courrier. Je suis entré à la CieAIR FRANCE le 22.06.1981 comme manut/com/riat au service hôtellerie catégorie 1 échelle 03. Afin accéder au poste d'employé commissariat échelle 6 en 1990, j'ai dû passer le permis poids lourd. En 1997 je me suis impliqué dans le CE Méditerranée Corse et déjà ma hiérarchie me faisait comprendre que je ne pouvais pas prétendre à plus de 3 points quand d'autre en avais 6, ensuite j'ai occupé d'autres fonction syndicale : Élu au Comité d'Établissement, membre du Comité de groupe français, représentant au CIE. Aujourd'hui je suis trésorier du CE Exploitation et Président de la CIE pour toutes les provinces. Tous ces mandats m'ont amené à être de demi permanent et permanent par la suite dont je suis toujours à ce jour. J'ai hélas pu constater que d'autres camardes de travail à ancienneté égale voire même inférieure ont eu une carrière normale et ont continué à avoir des promotions. Il suffit de voir les plages et les points de certains pour vous faire une idée des différences d'égalité de traitements et du manque à gagner que j'ai subis au fil des ans. En 2000 alors que certain étaient déjà B1 on a refusé ma promotion à plage AS la raison évoquée par le chef de service, à cause des mandats syndicaux (attestation à l'appui) je n'étais pas assez sur le terrain pour que je puisse accéder a cette plage. Donc de fait cela a continué de fait à bloquer ma carrière et m'a pénalisé pour obtenir ma B1 et ensuite la B2 tout comme certain de mes camarades. Je considère donc que mon repositionnement B1 doit démarrer à partir de 2000 (et non pas de juillet 2011 comme vous me le proposez) et que comme le prévoit la filière un passage en B2 à partir de 2004. Vous évoquez dans la lettre que vous m'adressez l'article 4.2.3 portant sur l'examen périodique de la situation des délégués syndicaux. Sachez Monsieur le directeur que cela n'a jamais été appliqué à mon égard. Pendant toutes ces années je n'ai jamais eu de bilan de compétence ni de bilan de carrière. J'espère Monsieur le directeur que cette présentation aura pu vous éclairez sur le bien fondé de mes intentions qui ont motivé mon refus et du sentiment d'injustice qui m'habite. Voilà pourquoi je réitère ma proposition de vous rencontrer, afin de finaliser avec vous un ajustement en adéquation avec mes attentes.»

L'employeur répondait ainsi le 14 novembre 2011 : «Pour faire suite à notre courrier du 16mai2011 et dans le cadre des dispositions du titre 3 de l'accord relatif à l'exercice du droit syndical et notamment l'article 4.2.3 portant sur l'examen périodique des situations des délégués syndicaux, nous avons décidé de vous promouvoir au niveau B1 au 01/07/2011 avec une augmentation de 6,75 points. À votre demande et à celle de votre organisation syndicale nous avons accepté de différer cette promotion. Il a été décidé de vous promouvoir au niveau B1, qualification TSA au 1er décembre 2011. À cette date, votre coefficient de rémunération est porté à 307,1917.»

À la date de la saisine du conseil de prud'hommes le salarié occupait les fonctions de référent d'opération piste, niveau 4, échelon 31, coefficient 307.1917 moyennant une rémunération mensuelle de base de 2043€ à laquelle s'ajoutait divers accessoires.

Se plaignant notamment de discrimination syndicale, M. C... U... a saisi le 2avril 2013 le conseil de prud'hommes de Martigues, section commerce.

Le salarié a quitté l'entreprise le 1er octobre 2015 dans le cadre d'un plan de départs volontaires.

Le conseil de prud'hommes, par jugement de départage rendu le 20 janvier 2017, a :

condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

'7703,38€ à titre de rappel de salaire ;

' 770,34€ au titre des congés payés y afférents ;

dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

ordonné la capitalisation des intérêts ;

condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

'30000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique ;

' 3000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

' 1500€ au titre des frais irrépétibles ;

ordonné l'exécution provisoire ;

débouté les parties de leurs plus amples demandes ;

condamné l'employeur aux dépens.

Cette décision a été notifiée le 20 janvier 2017 à la SA AIR FRANCE qui en a interjeté appel total suivant déclaration du 30 janvier 2017.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 27 avril 2017 aux termes desquelles la SA AIR FRANCE demande à la cour de :

à titre principal,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de rectification des documents sous astreinte et régularisation auprès des organismes sociaux ;

constater la prescription et l'irrecevabilité de l'action en discrimination ;

constater l'absence d'identité de situation entre le salarié et les salariés auxquels il se compare ;

constater la prescription de l'action fondée sur le principe «A travail égal, salaire égal» (inégalité de traitement) ;

débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

constater l'absence de discrimination à l'encontre du salarié ;

constater l'absence d'inégalité de traitement à l'encontre du salarié ;

débouter le salarié de toutes ses demandes ;

en tout état de cause,

condamner le salarié à lui payer la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles ;

condamner le salarié aux dépens.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 10 juillet 2017 aux termes desquelles M. C....U... demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'existence d'une discrimination syndicale établie et y avoir lieu à rappels de salaire et accessoires ;

le confirmer en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :

'7703,38€ à titre de rappel de salaire sur la base de la pratique d'entreprise instituée au bénéfice des salariés de l'entreprise ;

' 770,34€ au titre des congés payés y afférents ;

'1500,00€ au titre des frais irrépétibles ;

dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes allouées à titre de rappel de salaire porteront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des dispositions des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil ;

condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

'50000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique ;

'20000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

'1500€ au titre des frais irrépétibles d'appel ;

condamner l'employeur aux dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

L'article L. 1134-5 du code du travail disposait au temps du litige que :

« L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.

Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.»

L'employeur soutient que l'action se trouve prescrite par 5 ans dès lors que la discrimination avait déjà été révélée au salarié dans le courant de l'année 2000 comme il l'admettait lui-même dans sa lettre déjà reproduite.

Le salarié répond en substance que la discrimination a persisté depuis l'année 2000 pour n'être que très partiellement réparée par la mesure de rattrapage prise par l'employeur courant 2011 et qu'ainsi la prescription n'est pas acquise.

La cour retient que pour l'application du premier alinéa de l'article L. 1134-5 du code du travail, la révélation de la discrimination nécessite non seulement la simple connaissance de faits discriminatoires mais aussi la capacité pour le salarié d'estimer précisément le préjudice qu'il subit. Mais, sauf à priver le texte précité d'effet et à rendre l'action en discrimination imprescriptible, le seul fait que la discrimination se soit poursuivie dans le temps et qu'ainsi le préjudice qu'elle causait au salarié ait régulièrement crû ne permet pas de repousser le point de départ au nécessaire débat judiciaire portant sur le panel de comparaison, dès lors du moins que l'organisation des carrières dans l'entreprise, ou tout autre élément, permettait bien au salarié d'évaluer de manière précise l'étendue de son préjudice et ainsi d'engager en toute connaissance de cause une action en discrimination.

En l'espèce, le salarié fait bien état d'un blocage précis de sa carrière à compter de l'année2000 (refus de passage en plage AS et au B01) et de l'année 2004 (défaut de passage au niveau B02) dont les effets se sont poursuivis par la suite ne lui permettant de passer au niveau A08 qu'à compter de l'année 2008, mais il ne fait nullement état d'une information ou de tout autre élément de fait postérieur à l'année 2004 qui lui aurait permis de mieux saisir l'ampleur de son préjudice et qui l'aurait ainsi incité à engager la présente action en discrimination alors même qu'une telle révélation, excédant le défaut de passage au niveau B02 courant 2004, ne ressort d'aucune pièces du dossier. Dès lors, l'action en discrimination se trouvait prescrite à la date de saisine du conseil de prud'homme, le 2 avril 2013, postérieure de plus de 5 ans à la révélation du préjudice précis causé par la discrimination en 2004 en l'absence de passage au niveau B02.

Il sera enfin relevé que, contrairement à la formalisation présentée par l'employeur au sein de ses dernières conclusions, le salarié ne soutient nullement une action fondée sur le principe «A travail égal, salaire égal» mais bien une action en discrimination syndicale dont seule la prescription devait dès lors être envisagée.

2/ Sur les autres demandes

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés en première instance et en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Dès lors, elles seront déboutées de leurs demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que M. C... U... se trouve irrecevable en ses demandes en raison de la prescription.

Déboute les parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne M. C... U... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/01850
Date de la décision : 17/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/01850 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-17;17.01850 ?
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