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16/01/2020 | FRANCE | N°17/14173

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 16 janvier 2020, 17/14173


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2020



N° 2020/ 18













Rôle N° RG 17/14173 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA6PT







[C] [F]





C/



[H] [N]

PROCUREUR GENERAL









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
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PG







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 17 Juillet 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016/4631.





APPELANT



Monsieur [C] [F]

né le [Date naissance 1] 1965 à CRUZ (VENEZUELA)

de nationa...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2020

N° 2020/ 18

Rôle N° RG 17/14173 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA6PT

[C] [F]

C/

[H] [N]

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 17 Juillet 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016/4631.

APPELANT

Monsieur [C] [F]

né le [Date naissance 1] 1965 à CRUZ (VENEZUELA)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représenté par, Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Laurent LATAPIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMES

Maître [H] [N] Membre de la SCP [N],

ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AP ELECTRICITE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

Monsieur le PROCUREUR GENERAL,

Non représenté

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président rapporteur

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2020.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2020,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société AP ELECTRICITE a été constituée le 10 février 1990. Elle avait pour objet l'étude, la réalisation, la maintenance et le dépannage de tout matériel électrique, électromécanique, électronique et frigorifique.

Par jugement du 20 avril 2015 le tribunal de commerce de FREJUS a ordonné l'ouverture d'un redressement judiciaire , a fixé la date de cessation des paiements au 17 avril 2015 et désigné Me [N] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 22 juin 2015, le tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Par jugement du 17 juillet 2017, le tribunal de commerce de FREJUS a au visa de l'article L 651-1 du code de commerce:

Constaté l'existence d'une insuffisance d'actifs d'un montant de 559 506, 48 euros,

Constaté l'existence d'une faute de gestion concernant le compte courant d'associé,

Dit que M. [C] [F] doit supporter personnellement les dettes de la société AP ELECTRICITE GENERALE,

en conséquence, condamner M. [C] [F] à payer la somme de 133 968 euros entre les mains de Me [N], es qualité de liquidateur de ladite société,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Les premiers juges n'ont pas retenu la faute de gestion sur la poursuite d'une activité déficitaire qui aurait conduit à la cessation des paiements pour les exercices de 2011 à 2014.

En revanche, ils ont jugé que les comptes courants d'associés étaient débiteurs et que M. [F] n'avait jamais apporté d'éléments demandés par l'expert-comptable, celui de M. [F] accusant un débit de 133 968 euros.

[C] [F] a interjeté appel de cette décision le 21 juillet 2017.

Par conclusions signifiées par le RPVA du 17 octobre 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, [C] [F] au visa des articles L 651-1 à L 651-4, R 651-1 à R 651-6 du code de commerce conclut:

Avant-dire droit:

Ordonner une expertise judiciaire,

Désigner tel expert aux fins de procéder au vérifications comptables afin de vérifier que les sommes visées ne découlent pas d'une faute de gestion mais d'une affectation des bénéfices et pertes dans la ligne de comte courant associé,

A titre principal,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté une faute de gestion concernant le compte courant associé,

Le confirmer sur le rejet des autre fautes de gestion soutenues par le liquidateur,

En conséquence,

Dire et juger que M. [F] ne peut être considéré comme responsable du passif en tant que tel,

Dire et juger n'y avoir lieu à condamnation pour insuffisance d'actifs,

débouter Me [N] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner la liquidation judiciaire au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre es entiers frais et dépens.

M.[F] conteste le montant du passif retenu, ce passif n'ayant pas été vérifié par le mandataire judiciaire ( il a été vérifié le 30 mars 2017) et soutient que ce dernier détient illégitimement une somme de 19 877 euros dont M. [F] était créditeur au titre de l'IRPP.

Il expose que de nombreuses créances sont contestables et que la créance super privilégiée découlant des licenciements résulte du fait de la liquidation judiciaire.

La contestation des créances devant le juge-commissaire a réduit le passif de 100 000 euros.

M.[F] conteste en premier lieu la faute de gestion sur la poursuite d'une activité déficitaire qui aurait conduit à la cessation des paiements pour les exercices de 2011 à 2014.

Il explique qu'en matière de bâtiment la marge est très faible et qu'il a du faire face à une concurrence de sociétés de droit européen ou de droit étranger bénéficiant de conditions financières , sociales et salariales plus avantageuses.

La poursuite de l'activité a permis de générer du chiffre d'affaire et de continuer à payer les salaires. Il conteste les calculs du mandataire sur les ratios de marge.

Il ajoute que faute de vérification des créances, l'existence d'une cessation des paiements depuis 2014 est contestable.

Il précise avoir trouvé des accords avec les créanciers notamment avec l'URSSAF avec qui il a conclu un accord de l'huissier de justice pour un paiement échelonné sur 6 mois. Il a également contacté la PROBTP et la CICPV pour trouver une solution d'échelonnement et a sollicité le président du tribunal de commerce en férvier 2015 afin d'aborder ses difficultés économiques.

M. [F] soutient avoir remis un bilan 2014 ainsi que les éléments comptables de l'année 2015 et les relevés bancaires.

C'est donc à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu cette faute de gestion.

Concernant le compte-courant associé, il soutient avoir répondu à l'expert-comptable le 8 mars 2016 ( pièce n° 24) et explique que ce compte courant s'est retrouvé débiteur par l'affectation du résultat négatif ( affectation des bénéfices et pertes dans la ligne compte-courant associé) comme cela était permis en cas d'assujettissement à l'impôt sur le revenu.

Par conclusions signifiées par le RPVA du 18 décembre 2017, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Me [N], es qualité de liquidateur de la société AP ELECTRICITE au visa de l'article L 651-2 du code de commerce conclut:

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a pas retenu la poursuite d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements comme faute de gestion,

Condamner M [F] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de Me LADOUCE en application de l'article 699 du code de procédure civile;

Il explique que l'insuffisance d'actif s'élève à 559 506, 48 euros et soutient que la poursuite de l'activité déficitaire n'a pu conduire qu'à la cessation des paiements.

Les délais d'encaissement des créances clients sont passés entre 2011 et 2014 de 52 à 102 jours entraînant une aggravation de l'état d'endettement et de la situation financière.

En 2013 l'actif disponible ( hors les créances clients non mobilisables à court terme) était de 113 697 euros au 31 décembre 2013 alors que le passif exigible s'élevait à 595 015 euros. La société souffrait déjà d'une insuffisance d'actif de 481 318 euros.

Dès le 4è trimestre 2014, M. [F] a cessé de payer ses cotisations URSSAF, la BROBTP et les factures fournisseurs ( société Approvisionnement Electrique, AP ELECTRICITE) à partir de juillet 2014.

M.[F] a donc poursuivi une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements. Cela constitue une faute de gestion.

Le solde débiteur du compte-courant associé de M. [F] s'élève à - 133 968 euros en 2015 en violation de l'article L 223-21 du code de commerce et L 241-3 du même code.

Le fonctionnement d'un compte-courant d'associé débiteur alors que la société connaissait de graves difficultés financières est constitutif d'une faute de gestion.

S'il y a eu erreur d'affectation comme le soutient M. [F], il n' y a pas eu de correction en 2015 et ce dernier n'a pas répondu aux demandes de l'expert-comptable.

Me [N] soutient que ces fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif

( lien de causalité direct), le dirigeant pouvant être déclaré responsable même si la faute de gestion n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif.

Par avis signifié par le RPVA du 21 novembre 2019, le ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il n'a pas retenu l'existence de la poursuite d'une activité déficitaire.

SUR CE;

Attendu qu'en application de l'article L 651-2 du code de commerce « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance sera supportée, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

(...)»,

qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que suite à la vérification des créances par le liquidateur Me [N], l'insuffisance d'actif s'élève à 559 506, 48 euros,

que la cessation des paiements a été fixée par le tribunal au 17 avril 2015, sans que cette date n 'ait été modifiée,

que Me [N] n'établit pas qu'il y ait eu une poursuite d' une activité déficitaire depuis 2013 ne pouvant conduire qu'à la déclaration de cessation des paiements alors que M. [F] démontre avoir réduit le nombre des salariés de 23 à 11 salariés au moment du prononcé de l'ouverture du redressement judiciaire le 25 avril 2015,

que conscient des difficultés que l'entreprise rencontrait, il a sollicité un entretien avec le président du tribunal de commerce en février 2015,

que la baisse de ratios de marge et les délais de paiement des factures des débiteurs peuvent s'expliquer par le domaine concurrentiel dans lequel évoluait la société AP ELECTRICITE,

qu'il a entamé des négociations afin d'obtenir des délais de paiement auprès de créanciers tels que l'URSSAF ( courrier du 10 avril 2015, réponse du 14 avril 2015) ainsi que la PROBTP ( courrier du 10 avril 2015) et la CI-BTP ( lettre du 1er décembre 2014),

que l'expert-comptable estime d'ailleurs que les ratios clients ( critiqués par le liquidateur) semblaient cohérents « économiquement» l'encours étant important en raison de chantiers non terminés et des contestations des clients pour malfaçons,

qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu cette faute de gestion;

Attendu que l'article L 223-21 du code de commerce dispose: « A peine de nullité du contrat, il est interdit aux gérants ou associés autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers. Cette interdiction s'applique aux représentants légaux des personnes morales associés.

(...)»

qu' il est reproché à M. [F] une faute de gestion concernant le compte associé qui était débiteur d'un montant de 133 968 euros en violation des articles L 223-21 du code de commerce et L 241-3 du même code,

que l'expert-comptable écrit le 14 novembre 2016 « Concernant les comptes courants, je vous confirme que ceux-ci étaient débiteurs car en très grande partie il s'agissait d'affectation de déficit de son activité. En particulier pour un montant de 84 961,22 euros de l'exercice 2014.

En outre, nous avions dans la comptabilité en 2014, une somme de 53 145,80 euros ( AGF obligation) en attente d'affectation dans un autre compte et resté ce jour sans réponse par le client. (...)

De plus je soulève la réflexion de la prescription fiscale des comptes courants débiteurs au-delà de 3 ans ( soit antérieur au 31 décembre 2012)'»,

que l'expert-comptable indique avoir fourni ces informations au mandataire 6 mois auparavant par lettre du 8 mars 2016 dans laquelle il indique: « Concernant le compte-courant débiteur, veuillez trouver ci-joint pour les années 2012,2013, 2014 et 2015 ( jusqu'au 22 juin 2016) les extraits de compte. Le montant débiteur s'explique en grande partie par les affectations des résultats déficitaires et par une affectation en janvier 2014, par OD, d'une écriture de 53 145,80 euros intitulée «AGF OBLIGATIONS C.T 3D» en attente d'une meilleure affectation ( sans réponse à ce jour du client).

Comme vous pouvez le constater il ne s'agit nullement et en grande partie de prélèvements financiers de la part du gérant.»,

qu'en conséquence, le compte débiteur résulte de l'affectation des résultats déficitaires et de l'inscription d'une écriture dans l'attente d'une meilleur affectation,

que M. [F] explique en outre que la société AP ELECTRICITE avait opté pour l'assujettissement à l'impôt sur le revenu et non à l'impôt sur les sociétés de telle sorte que le bénéfice et les pertes pouvait être affectés au compte courant associés venant s'imputer sur les éventuels bénéfices précédents,

qu'il ne peut donc être reproché à M. [F] de ne pas avoir communiqué des informations à l'expert-comptable sur le compte-courant,

qu'il n'est pas démontré que M. [F] ait agi dans une intention frauduleuse ou un usage qu'il savait contraire aux intérêts de la société ou à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou une autre entreprise dans laquelle il serait intéressé,

qu'une expertise s'avère donc inutile,

que cette faute de gestion n'étant pas constituée, il convient d'infirmer le jugement de ce chef qui l'a retenue et a condamné M. [F] à supporter personnellement les dettes de la société AP ELECTRICITE GENERALE et à payer la somme de 133 968 euros;

Attendu que l'équité impose de condamner Me [N], es qualité de liquidateur de la société AP ELECTRICITE à payer à M. [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il n'a pas retenu la poursuite d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements comme faute de gestion;

Statuant à nouveau,

Dit et juge que M. [F] n'a commis aucune faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif,

En conséquence,

Déboute Me [N] de toutes ses demandes,

Déboute M. [F] de sa demande d'expertise devenue sans objet,

Condamne Me [N], es qualité de liquidateur de la société AP ELECTRICITE à payer à M. [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Dit que les dépens à la charge de Me [N], es qualité, seront des frais privilégiés de la procédure.

LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 17/14173
Date de la décision : 16/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°17/14173 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-16;17.14173 ?
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