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10/01/2020 | FRANCE | N°17/04358

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 10 janvier 2020, 17/04358


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020



N° 2020/





Rôle N° RG 17/04358 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAEU4







SAS MEDLINE INTERNATIONAL FRANCE SAS





C/





[M] [N] [D]

























Copie exécutoire délivrée



le : 13/01/2020

à :





Me André CHARBIN de la SELARL CAPSTAN COTE D'AZUR, avocat au

barreau de GRASSE





Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI, avocat au barreau de [Localité 1]























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 01 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020

N° 2020/

Rôle N° RG 17/04358 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAEU4

SAS MEDLINE INTERNATIONAL FRANCE SAS

C/

[M] [N] [D]

Copie exécutoire délivrée

le : 13/01/2020

à :

Me André CHARBIN de la SELARL CAPSTAN COTE D'AZUR, avocat au barreau de GRASSE

Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI, avocat au barreau de [Localité 1]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 01 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F15/00615.

APPELANTE

SAS MEDLINE INTERNATIONAL FRANCE, prise en la personne de son Président, représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me André CHARBIN de la SELARL CAPSTAN COTE D'AZUR, avocat au barreau de GRASSE

représentée par la SELARL CAPSTAN LMS, Me Thomas SALOME & Me Anne-Sophie DEROUIN-LAVIGNE avocats au barreau de PARIS substitués par Me Sébastien LEBEAU, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [M] [N] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI, avocat au barreau de [Localité 1]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

M. [M] [N] [D] a été engagé par la société Carefusion, suivant contrat à durée indéterminée à compter du 25 mai 2010, en qualité de responsable commercial, groupe 6, niveau B de la convention collective de l'industrie pharmaceutique sur le secteur géographique sud-est.

Ce contrat prévoyait un forfait annuel de 216 jours de travail et une rémunération mensuelle de 3 200 euros bruts sur 12 mois, outre une prime annuelle d'objectifs, une voiture de fonction et le remboursement de frais professionnels.

La société par actions simplifiée (SAS) Medline international France ayant repris la société Carefusion, le contrat de travail de M. [M] [N] [D] a été transféré à cette dernière société en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 5 637, 67 euros, à laquelle s'ajoutait des primes annuelles.

Le 15 janvier 2015, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 janvier 2019.

Le 23 janvier 2015, il s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

'Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 Janvier 2015, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement qui s'est tenu le Jeudi 15 Janvier 2015 à 10H.

Durant cet entretien, nous vous avons exposé les motifs du licenciement qui était envisagé à votre encontre, et avons recueilli vos commentaires quant à ces motifs. Vous nous avez proposé d'étayer vos propos par des justificatifs et nous avons accepté de les prendre en considération. Nous les avons reçus le lundi 19 Janvier 2015.

L'ensemble de ces éléments ne nous ayant pas convaincus, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave (...)

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été présentés lors de l'entretien préalable, et qui sont énoncés ci-dessous :

- Tout d'abord vous nous avez fait parvenir en juillet 2014 une note de frais comportant pour le même repas pris au Café Thai le 5 Mai 2014, deux justificatifs différents de 20C puis 23,8€. Constatant cette anomalie, le service comptabilité vous à demandé, par téléphone le 21 juillet dernier, de vous expliquer. Reconnaissant votre erreur, vous avez demandé à notre comptable de ne prendre en compte qu'un seul justificatif pour le dit repas (...)

Lors du contrôle de vos notes de frais réceptionnées au service comptabilité au mois de décembre 2014, nous avons constaté à nouveau des irrégularités. De ce fait, nous avons réalisé un examen approfondi de l'ensemble de vos notes de frais sur les années 2013 et 2014.

Le 15 Décembre 2014, nous avons ainsi pu constater les invraisemblances suivantes.

- Dans le cadre d'une note de frais concernant votre déjeuner du 19 Mars 2013, vous avez ainsi indiqué avoir déjeuné avec votre collègue de travail Monsieur [X] [C] et avez demandé le remboursement de l'équivalent de deux repas à hauteur de 51.4€ au Restaurant 0'2 Pointus, à [Localité 1]. Cependant, votre collègue [X] [C] sollicitait pour ce même moment, le remboursement d'un repas individuel pris dans un établissement différent. Il est- a noté que M. [C] a soutenu ne pas avoir déjeuné avec vous ce jour là et a apporté les justificatifs concernant la prise de son repas personnel dans l'établissement indiqué par ses soins.

- Dans le cadre d'une autre note de frais, vous demandez à être remboursé d'un repas pour deux personnes en précisant que ce repas était pris en commun avec votre collègue de travail Monsieur [X] [C]. Pour ce déjeuner, d'un montant de 42,1€ au Restaurant 0'2 Pointus, à [Localité 1], vous nous avez apporté un justificatif indiquant votre règlement par carte bleue de cette somme.

Monsieur [X] [C] nous indique par ailleurs ne pas avoir déjeuné avec vous cette date et apporte les justificatifs concernant son repas, pris dans un autre établissement.

De ce fait, il est donc évident que vous avez sollicité le remboursement total d'un repas pris avec une personne extérieure à la société.

- En outre, vous avez également sollicité le remboursement total d'un repas pris en commun le 14 juin 2013 avec vos collègues Monsieur [Q] [P] et Monsieur [X] [C] au restaurant le Waux Hall à [Localité 2], pour un montant total de 86.9 €, correspondant selon vos commentaires, au repas pris par vous-même et par vos collègues. Cependant, pour ces mêmes repas, vos collègues ont réalisé des notes de frais séparées afin d'être remboursés individuellement de leur repas.

Lors de l'entretien disciplinaire, vous avez reconnu avoir demandé le remboursement des frais de repas de vos collègues alors que vous ne les aviez pas engagés.

- Vous avez sollicité, pour le 16 Octobre 2013 le remboursement d'un repas pris en commun avec votre collègue [X] [C] à hauteur de 29€ pour 2 personnes au Café Thai à [Localité 1]. Vous nous avez adressé un justificatif de paiement par carte bleue pour cette somme. Or, votre collègue [X] [C] indique quant à lui avoir déjeuné dans un autre établissement lors de ce repas et apporte un justificatif de règlement.

Une nouvelle fois, il est évident que vous avez sollicité le remboursement d'un repas pris avec une personne extérieure à la société.

- Concernant les frais du 25 Avril 2014 midi, vous avez sollicité le remboursement cumulé de

' un repas le midi pour une personne au restaurant le San Marco, à [Localité 1].

' un repas pour 2 personnes ([X] [C] et vous-même) au restaurant précité.

Ayant au mois de juillet déjà constaté cette anomalie, notre comptable avait recueillie des explications auprès de vous lors de son même coup de fil du 21 juillet 2014. Vous aviez alors soutenu avoir pris deux repas dans le cadre des frais professionnels dans ce restaurant le jour la : le premier, seul le midi, et le second accompagné de votre collègue, le soir.

Or, dans le cadre de l'étude approfondie menée sur vos demandes de remboursement de frais au mois de décembre, nous sommes revenus sur cet événement et avons découvert que le dit restaurant San Marco, à [Localité 1] était fermé le soir (...)

- Vous avez sollicité pour le 15 mai 2014, le remboursement d'un déjeuner pour 2 personnes à hauteur de 51.5€, pour un repas pris avec votre collègue [X] [C] au restaurant La Valaupe à [Localité 3].

Toutefois, ce même jour Monsieur [X] [C] justifie le règlement de son déjeuner pris individuellement dans un autre établissement (...)

L'exacte même situation se reproduit pour les déjeuners des 24 Juin 2014 et 4 Septembre 2014, au Restaurant Les Catalans à [Localité 1] et pour lesquels la société vous a remboursé les sommes de 29€ et 43.9€, que vous aviez affirmé avoir pris avec Monsieur [X] [C] alors même que ce dernier peut justifier du règlement de ses déjeuners dans deux autres établissements.

Un tel comportement constitue une violation de règles et des consignes de la société ainsi que définies par le règlement intérieur, le code de conduite et les valeurs de notre entreprise. Au regard de ces faits, nous sommes contraints de mettre un terme immédiat à notre collaboration.'

Le 17 juin 2015, M. [M] [N] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues, pour contester son licenciement et solliciter des dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ainsi que pour préjudices moraux et financiers distincts.

Le 1er février 2017, le conseil de prud'hommes de Martigues, dans sa section encadrement, a statué comme suit :

- dit que le licenciement de M. [M] [N] [D] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

- dit que le licenciement de M. [M] [N] [D] n'est pas intervenu dans des conditions brutales et vexatoires

En conséquence

- condamne la société Medline international France à verser à M. [M] [N] [D] les sommes suivantes :

* 50 000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 10 988,16 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 29 301,64 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 2 930,08 € à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis

* 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- laisse les dépens à la charge de la société Medline international.

Par déclaration du 07 mars 2017, la société Medline international France a relevé appel de cette décision dont elle a reçu notification le 02 mars 2017.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 12 novembre 2019, aux termes desquelles la SAS Medline international France demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Martigues le 1er février 2017 en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [D] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Martigues le 1er février 2017 en ce qu'il a condamné la société Medline international France à verser à Monsieur [D] les sommes de :

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 10 998,16 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 29 301,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 2 930,08 euros à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis

Et statuant a nouveau, de :

- dire légitime le licenciement de Monsieur [D]

- dire mal fondé dans leur principe et injustifié dans leur montant les prétentions financières de Monsieur [D]

- débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement :

- fixer le salaire de référence de Monsieur [D] à la somme de 5 637,67 euros bruts mensuels

- réduire à de plus justes proportions le montant des condamnations

En tout état de cause :

- confirmer le jugement précité en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [D] n'est pas intervenu dans des conditions brutales et vexatoires

- confirmer le jugement précité en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers distincts

- condamner Monsieur [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Monsieur [D] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 29 octobre 2019, aux termes desquelles

M. [M] [N] [D] demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement du 1er février 2017 rendu par le conseil de prud'hommes de Martigues en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- le réformer en ce qu'il n'a pas retenu que le licenciement de Monsieur [D] était intervenu dans des conditions brutales et vexatoires

- le réformer en ce qu'il n'a pas retenu que Monsieur [D] a subi des préjudices moraux et financiers du fait de la résistance de l'employeur à lui verser l'intégralité de ses primes et rectifier ses documents de fin de contrat

- fixer le salaire de Monsieur [D] à la somme de 8 819,47 € bruts mensuels

- dire que l'ensemble des salaires perçus par Monsieur [D] sur les exercices 2014 et 2015 doit figurer dans l'encadré 7.1 de l'attestation pôle emploi

En conséquence

- condamner la société Medline international France à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes :

* 8 819,47 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire

* 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers distincts

* 100 578,06 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit un complément d'indemnité de 50.578,06 € par rapport à la décision de première instance

* 13 299,20 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, soit un complément d'indemnité de 2 241,04 € par rapport à la décision de première instance

* 35 277,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, soit un complément d'indemnité de 5 976,24 € par rapport à la décision de première instance

* 3 527,79 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au préavis, soit un complément d'indemnité de 597,62 € par rapport à la décision de première instance

- condamner la société Medline international France à payer à Monsieur [D] une indemnité de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner à remettre à Monsieur [D], sous astreinte comminatoire et définitive de 100 € par jour de retard, 48 heures après la notification de l'ordonnance à intervenir, les bulletins de salaire rectifiés (montants et cotisations), ainsi qu'une attestation pôle emploi rectifiée

- la condamner aux entiers dépens de la procédure

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure,

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le licenciement pour faute grave

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

L'employeur reproche au salarié d'avoir majoré, à plusieurs reprises, ses notes de frais, soit pour se faire rembourser des repas pris avec des personnes extérieures à la société, soit pour obtenir l'indemnisation de dépenses non-engagées.

Il en donne pour preuve le fait que :

- s'agissant du remboursement des notes de frais correspondant à des déjeuners en date des 19 mars 2013, 14 juin 2013, 16 octobre 2013, 15 mai 2014, 24 juin 2014, et 04 septembre 2014, M. [C] a soutenu, contrairement à ce que prétendait M. [M] [N] [D], qu'il n'a pas déjeuné, à ces dates, avec le salarié intimé et a produit des justificatifs concernant la prise d'un repas personnel dans d'autres établissements (pièces 5, 6, 9, 13, 14, 15 et 23)

- le 14 juin 2013, M. [M] [N] [D] a sollicité le remboursement total d'un repas qu'il a déclaré avoir pris en commun avec deux collègues, alors que ceux-ci ont communiqué des notes de frais séparées afin d'être remboursés individuellement de leurs repas (pièces 7 et 8)

- le 25 avril 2014, le salarié intimé a demandé le remboursement cumulé de deux repas pris dans le même établissement, en prétendant y avoir déjeuné puis dîner, alors que le restaurant en question est fermé le soir.

La société appelante ajoute que ces mêmes faits se sont répétés à de nombreuses reprises entre 2013 et 2014, en dehors même des cas visés dans la lettre de licenciement, conformément à un tableau qu'elle produit (pièce 23).

Elle considère que ces agissements constituent une violation des règles et des consignes de la société, figurant dans son règlement intérieur (pièce 4), concernant le remboursement des notes de frais.

Enfin, l'employeur précise qu'il ressort de ses constatations que M. [M] [N] [D] et M.[C] se sont entendus pour majorer frauduleusement leurs notes de frais respectives, chacun leur tour, ce qui a valu à M.[C] d'être, également, licencié pour faute grave. Ce licenciement ayant été requalifié, par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, en licenciement pour cause réelle et sérieuse, sans que le salarié n'en interjette appel ( pièce 28).

Le salarié répond, qu'à la suite de l'entretien préalable, il a adressé un mail à l'employeur, le 19 janvier 2015 (pièce 8), comprenant l'ensemble des justificatifs afférents aux notes de frais litigieuses, exceptée celle du 14 juin 2013 qu'il reconnaît avoir envoyée par erreur.

Il relève que l'employeur reconnaît, aux termes de la lettre de licenciement, avoir eu connaissance d'une irrégularité dans une note de frais, dès le 21 juillet 2014 et ne pas avoir fait le choix, à cette date, d'enquêter sur les autres notes de frais ou de sanctionner cette irrégularité. Il en déduit que les erreurs commises le 21 juillet 2014, et antérieurement à cette date, se trouvaient prescrites le jour de l'engagement de la procédure de licenciement, à savoir le 15 janvier 2015, et qu'elles ne pouvaient donc légitimer un licenciement.

Le salarié conclut que si la cour écarte la prescription, il lui appartiendra de considérer que les fautes qui lui sont reprochées ne présentent pas un caractère de gravité et qu'elles ne justifient pas son licenciement, alors qu'il n'avait jamais fait l'objet de sanctions disciplinaires ou de grief quelconque en plus de quatre ans d'ancienneté.

Enfin, M. [M] [N] [D] émet l'hypothèse que son licenciement masquerait une volonté de la société appelante de se séparer de collaborateurs coûteux dans un contexte de crise économique et de tension sur les prix.

Cependant, la cour retient que le point de départ du délai de prescription de deux mois ne court qu'à compter du moment où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés. En l'espèce, il est établi que ce n'est qu'à l'occasion d'un examen des notes de frais de M. [M] [N] [D] et M.[X] [C], que le service comptable de la SAS Medline international France a découvert des anomalies et, qu'à la faveur d'une enquête sur les mois précédents, il a pu mettre en évidence un système de fraude organisé par les deux salariés, ainsi qu'en atteste un courriel, en date du 10 décembre 2014, adressé par Mme [J], directrice financière à Mesdames [V] et [Y] du service des ressources humaines, où elle indique :

'La revue et approbation des notes de frais d'[X] [C] et M. [M] [N] [D] ont retenues notre attention. En effet, nous avons constaté que M. [M] [N] [D] demande le remboursement d'un repas pour 2 pers, [X] étant son invité et que le même jour [X] demande le remboursement pour son déjeuner' (pièce 20).

Mme [J] a, également, précisé les circonstances de la découverte de la fraude mise en place par Messieurs [D] et [C] dans une attestation (pièce 19) où elle précise :

'Qu'en décembre 2014, M.[D] et M.[C] ont envoyé leurs notes de frais en même temps, pour les 4 mois précédents. La personne de mon équipe en charge du contrôle des notes de frais a vérifié ces deux notes de frais l'une après l'autre et a ainsi remarqué qu'ils s'invitaient souvent à déjeuner dans les mêmes restaurants.

Ma collaboratrice est ainsi venue m'alerter et,au vu des justificatifs fournis par M.[C] et M.[D], nous avons décidé de faire une enquête plus approfondié et de reprendre toutes les notes de frais de 2014. C'est ainsi que nous avons remarqué des similitudes entre leurs demandes de remboursement'

Il n'y a pas lieu de considérer que l'employeur avait connaissance de ces irrégularités, dès le mois de juillet 2014 et qu'elles se trouvaient prescrites, puisqu'à cette date M. [M] [N] [D] avait transmis deux justificatifs différents pour le même repas, ce qui ne correspond pas au mode opératoire frauduleux révélé lors de l'enquête diligentée en décembre 2014 sur les notes de frais comparées de Messieurs [C] et [D].

S'agissant des justificatifs de ses dépenses produits par le salarié dans son mail du 19 janvier 2015, ils ne remettent nullement en cause les irrégularités listées dans la lettre de licenciement et consistant, principalement, à attribuer à M.[X] [C] des déjeuners auxquelles il n'a jamais participé.

En l'état de l'ensemble de ces éléments, il est démontré que M. [M] [N] [D] a régulièrement majoré frauduleusement ses notes de frais et que ces faits ont été commis de concert avec un autre salarié dans l'entreprise. Il s'ensuit que le salarié intimé a manqué à son obligation de loyauté envers l'employeur et que ces faits, en raison de leur gravité, rendaient impossibles le maintien de M. [M] [N] [D] dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave est donc bien fondé, le jugement sera infirmé et le salarié débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires

2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire

M. [M] [N] [D] fait valoir que, le 23 janvier 2015, date de l'envoi par recommandé de la lettre de licenciement, il lui a été demandé, verbalement, de ne pas se présenter à l'entreprise le lundi suivant, qu'il ait ou non reçu la lettre de licenciement. Il précise que cette mise à l'écart, subite, n'est pas conforme au code du travail qui prévoit que c'est à la date de présentation du courrier de licenciement que le contrat cesse et il ajoute que cette précipitation fautive lui a causé un grief dont il demande réparation à hauteur de 8 819, 47 euros.

Mais, il convient de rappeler que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture et non au jour de sa réception. En outre, le salarié ne précise nullement la nature ni l'étendue du préjudice dont il demande réparation. En conséquence il sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

3/ Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers distincts

Le salarié intimé soutient qu'il aurait dû percevoir, à la date de la rupture de son contrat de travail, outre ses salaires, l'ensemble des primes commerciales qui lui étaient dues. Or, il a été contraint de saisir la formation des référés, en février 2015, pour obtenir le paiement de ses primes à hauteur de 15'091,90 euros bruts. Par ailleurs, il reproche à la SAS Medline internationale France d'avoir exclu de l'assiette de cotisations la somme de 37 142, 53 euros, le privant ainsi d'un complément d'indemnité pour l'emploi de plus de 1 500 euros mensuels. Il sollicite, en conséquence, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moraux et financiers distincts et la rectification de ses bulletins de paie des mois de mars et avril 2015 pour qu'ils intègrent les primes d'objectifs.

Toutefois, la cour observe qu'il résulte des dispositions de l'article 1153 du code civil, en vigueur au temps du litige, que seul le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de celui résultant du retard de paiement peut obtenir des dommages et intérêts distinct des intérêts moratoires de la créance.

Or, le salarié ne caractérise nullement dans ses écritures une mauvaise foi de l'employeur, qui ne peut se déduire du seul retard dans le règlement intégral des primes, et ce d'autant qu'il résulte des explications de la société appelante que celles-ci étaient calculées et versées, chaque année, pour l'ensemble des responsables commerciaux, en mars et en juillet, soit à une date postérieure au licenciement.

S'agissant de l'assiette de cotisations sociales, il est rappelé, ainsi que le souligne l'employeur, que les rappels de salaire versés après la rupture du contrat de travail peuvent être rattachés à la dernière période d'emploi, dans la limite du plafond réduit de l'exercice de rattachement.

Ainsi, les sommes de 10'039 euros et 5052,90 euros, réglées au titre du rappel de primes, ont-elles été rattachées à la dernière période d'emploi, soit au mois de janvier 2015, et soumises à cotisations dans la limite d'un plafond égal à 10'144 euros [(12 680 euros de plafond de sécurité sociale) x 24 jours sur 30 jours/30 jours]. Il est donc normal que les sommes versées au-delà du plafond de la tranche B n'aient pas été soumises à cotisations chômage.

De surcroît, il doit être relevé que les cotisations d'assurance chômage n'ont aucun rapport avec les sommes prises en compte au titre du calcul des droits aux allocations chômage du salarié et que celui-ci ne peut donc prétendre avoir subi un préjudice financier de ce chef. Aussi, le jugement entrepris sera-t'il confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] [N] [D] sa demande de dommages et intérêts de ce chef et le salarié sera, également, débouté de sa demande de rectification des bulletins de paie pour les mois de mars et avril 2015.

4/ Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

M. [M] [N] [D], partie succombante, supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [M] [N] [D]

- de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire

- de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers distincts

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement pour faute grave bien fondé,

Déboute M. [M] [N] [D] de ses autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la SAS Medline international France de ses demandes à ce titre,

Condamne M. [M] [N] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/04358
Date de la décision : 10/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/04358 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-10;17.04358 ?
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