La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2020 | FRANCE | N°17/04287

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 10 janvier 2020, 17/04287


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020



N° 2020/





Rôle N° RG 17/04287 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAEOS







[E] [F]





C/





SAS RAZEL BEC

























Copie exécutoire délivrée



le : 13/01/2020

à :



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (vestiaire 157)



Me Yves TAL

LENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 02 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F14/01243.





APPELANT



Monsieur [E] [F]

né le...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020

N° 2020/

Rôle N° RG 17/04287 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAEOS

[E] [F]

C/

SAS RAZEL BEC

Copie exécutoire délivrée

le : 13/01/2020

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE (vestiaire 157)

Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 02 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F14/01243.

APPELANT

Monsieur [E] [F]

né le [Date anniversaire 1] 1967 à [Localité 1] (04), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS RAZEL BEC Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [F] est salarié de la société Razel Bec, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu à effet du 1er juillet 2005, en qualité de maçon, position N2P2, coefficient 140. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait l'emploi de maçon coffreur, niveau II position 2 coefficient 140.

Est applicable la convention collective des ouvriers des travaux publics.

Le 7 juin 2012, le syndicat CGT de la société Razel Bec a dénoncé l'accord d'entreprise du 24 octobre 2001. Des négociations ont été engagées.

Le 1er novembre 2013, la société Razel Bec a établi un document dénommé « Conditions de déplacement DRS applicables au 1er novembre 2013 ».

Un procès-verbal de désaccord a mis fin le 31 juillet 2014 aux négociations entreprises en 2012.

Monsieur [V] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues à l'effet d'obtenir le paiement d'un rappel d'indemnités de déplacement à concurrence de 10 500 euros outre intérêts de droit à compter de la demande en justice et avec capitalisation.

Par jugement du 2 février 2017, le conseil des prud'hommes de Martigues a rejeté les demandes de Monsieur [V] [F] ainsi que la demande reconventionnelle de la société Razel-Bec au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [V] [F] a interjeté appel du jugement.

~*~

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Monsieur [V] [F] (conclusions du 6 juin 2017) conclut :

' principalement, à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, et à la condamnation de la société Razel-Bec à lui payer la somme de 10 500 euros à titre de rappel d'indemnité de déplacement, outre intérêts de droit à compter de la demande en justice et avec capitalisation,

' à l'injonction de se conformer pour l'avenir aux prescriptions judiciairement fixées du chef des modalités de calcul des indemnités de déplacement, ce sous astreinte de 100 euros par mois de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte.

' et à la condamnation de la société Razel-Bec au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Razel-Bec (conclusions du 13 juillet 2017) conclut à la confirmation du jugement, les demandes formées devant être déclarées irrecevables, et subsidiairement, devant être rejetées. Elle sollicite la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

II. MOTIVATION.

A. La recevabilité.

La société Razel-Bec conclut à l'irrecevabilité des demandes, Monsieur [F] ne justifiant pas de son intérêt à agir à défaut de préciser sur quels chantiers il a été affecté à compter du mois de novembre 2013, quelles indemnités ont été versées mensuellement, quelles indemnités il aurait dû percevoir et le calcul de la différence. Le moyen invoqué vise l'article 9 du code de procédure civile et relève du fond.

En l'absence de véritable moyen d'irrecevabilité, la demande doit être déclarée recevable.

B. Le fond.

Monsieur [V] [F] expose que la modification unilatérale faite par l'employeur à compter du 1er novembre 2013, est illicite :

' En ce qui concerne les petits déplacements : elle est défavorable au salarié, le lieu de rattachement étant désormais l'agence si le domicile est situé dans un rayon de 50 km, alors qu'auparavant, était retenu un rayon de 20 km ; le mode de calcul est sans rapport avec la réalité des déplacements accomplis par les salariés,

' En ce qui concerne l'indemnité des grands déplacements entre 50 et 100 kilomètres :

* elle est contraire à l'article 8.11 de la convention collective qui prévoit une indemnité correspondant aux dépenses normales engagées par le salarié qui ne peut regagner son domicile le soir ; la règle nouvelle fait varier le montant de l'indemnité en fonction de l'éloignement du chantier soit 42 euros par jour entre 50 et 100 kilomètres et 70 euros par jour au-delà de 100 km, alors que les dépenses pour se loger et se nourrir sont identiques quelque soit l'éloignement du chantier, que l'indemnité de 42 euros ne couvre pas les besoins du salarié en grand déplacement,

* la notion de transport d'1 heure 30 sur la base d'une distance à vol d'oiseau entre le domicile et le chantier est erronée ; la convention collective ne prévoit pas de limite à une durée supérieure à 1h30, et tient compte des moyens de transport en commun utilisables, alors que la société Razel Bec retient une estimation à vol d'oiseau qui n'est pas réaliste,

' L'inspection du travail a retenu que l'indemnisation des déplacements telle qu'établie par la société Razel Bec «n'est pas conforme ».

La société Razel-Bec répond que :

'l'application de l'article L2261' 13 du code du travail ne concernent que les salaires et non le remboursement des frais,

' en ce qui concerne le point de départ des petits déplacements, les modalités du 1er novembre 2013 reprennent celle de la convention collective nationale qui est le siège social, l'agence régionale ou le bureau local, et le calcul des distances effectuées à vol d'oiseau,

' pour les indemnités de grand déplacement, Monsieur [F] ne chiffre pas sa demande ; la convention collective prévoit une indemnité lorsque le salarié ne peut pas regagner son lieu de résidence chaque soir, la référence à un éloignement étant une présomption de grands déplacements ; la convention collective ne contient aucune disposition sur un montant minimal à indemniser forfaitairement les ouvriers des frais supplémentaires entraînés par les déplacements inhérents à la mobilité de leur lieu de travail, qui comprennent l'indemnité de repas, l'indemnité de frais de transport et l'indemnité de trajet ; il s'agit de rembourser les frais professionnels engagés par le salarié en raison d'une contrainte effectivement supportée.

~*~

Les conditions de déplacement applicables au 1er novembre 2013 au sein de la société Razel Bec prévoient un calcul de la distance à vol d'oiseau, une indemnité de petits déplacements si le chantier se trouve à moins de 50 km de l'agence, une indemnité de grands déplacements d'un montant de 42 euros si le chantier se trouve à une distance du domicile allant de 50 à 100 kilomètres et une indemnité de grands déplacements d'un montant de 70 euros si le chantier se trouve à plus de 100 km du domicile.

Si l'intimée ne conteste pas le caractère moins favorable des dispositions nouvelles, il appartient au salarié de démontrer la non-conformité de celles-ci avec la convention collective applicable.

En ce qui concerne les petits déplacements, l'article 8.1 de la convention collective édicte que

le régime a pour objet d'indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises de travaux publics des frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements, inhérents à la mobilité de leur lieu de travail. L'article 8.3 institue un système de zones circulaires concentriques dont les circonférences sont distantes entre elles

de 10 kilomètres mesurés à vol d'oiseau. L'article 8. 4 prévoit que le point de départ des petits déplacements, c'est-à-dire le centre des zones concentriques, est fixé à son siège social, ou à son agence régionale, ou à son bureau local si l'agence ou le bureau est implanté depuis plus d'1 an avant l'ouverture du chantier.

Les modalités fixées par la société Razel Bec consistant à calculer la distance chantier/domicile à vol d'oiseau, à fixer le point de départ au lieu de rattachement du salarié (agences, bureau local) ne sont pas contraires aux dispositions conventionnelles. La demande de Monsieur [F] concernant les petits déplacements doit être rejetée.

En ce qui concerne les grands déplacements, l'article 8.10 de la convention collective des ouvriers travaux publics prévoit qu'est réputé en grands déplacements l'ouvrier qui travaille dans un chantier dont l'éloignement lui interdit compte tenu des moyens de transport en commun utilisables, de regagner chaque soir le lieu de résidence qu'il a déclaré lors de son embauchage. Selon l'article 8.11 de cette convention collective, l'indemnité correspond aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé, pour se nourrir et se loger.

Monsieur [F] fait valoir à bon droit que le calcul de la distance à vol d'oiseau n'est pas conforme au visa des «moyens de transport en commun utilisables» figurant à l'article 8.10. De même, les dépenses destinées à se nourrir et à se loger ne sauraient varier selon la distance entre le chantier et le lieu de résidence. Si par ailleurs, aucun montant minimal n'est indiqué dans la convention collective, l'indemnité de grands déplacements doit cependant correspondre aux «dépenses journalières normales» ; or, il convient de considérer que la somme de 42 euros pour se loger et se nourrir par jour est un montant qui ne peut couvrir la dépense normale du salarié.

Les règles critiquées par Monsieur [F] l'ont été à juste titre et ce dernier est fondé à en contester l'application. Au demeurant, le demandeur produit un courrier du 28 février 2014 de l'inspection du travail de la région Provence Alpes Côte d'Azur qui vise le titre VIII déplacements de la convention collective et énonce que le document établi par la société Razel Bec à compter du 1er novembre 2013 n'est pas conforme.

~*~

Monsieur [V] [F] réclame la somme de 10 500 euros et produit des tableaux comparatifs des versements avant et après le mois de novembre 2013, qui selon lui font apparaître en 2012/2013 une somme mensuelle moyenne de 1087 euros versée, tandis qu'à compter de novembre 2013, la moyenne a été réduite à 647 euros, ce qui représente une perte mensuelle de 439 euros. Il estime qu'une indemnité forfaitaire d'un montant de 58 euros correspond aux frais occasionnés par les déplacements professionnels, il précise qu'il effectue toujours le même nombre d'heures de travail et se trouve conduit à se déplacer de manière identique sur différents chantiers.

La société Razel-Bec répond que Monsieur [F] doit justifier des déplacements effectivement accomplis car les frais sont variables au fil des mois et ne peuvent pas faire l'objet d'une moyenne, qu'elle verse systématiquement une indemnité de grand déplacement de 42 € pour tout chantier situé entre 50 km et 100 Km à vol d'oiseau du domicile du salarié, sans exiger de ce dernier qu'il rapporte la preuve d'avoir dormi sur place, ce qui est assurément une facilité. Que la moyenne d'indemnisation sur la période de janvier 2012 à octobre 2013 ne peut être retenue.

~*~

L'article 8.11 de la convention collective ne fait pas référence à l'obligation pour le salarié de fournir des justificatifs afin de se voir allouer l'indemnité forfaitaire de grand déplacement. Du mois de novembre 2013 au mois de décembre 2014, Monsieur [F] a reçu 198 indemnités de grands déplacements. Il convient de considérer que la somme de 58 euros permet de couvrir les dépenses quotidiennes normales exigées par l'article 8.11 de la convention collective, ce qui permet de fixer à la somme de 11 484 euros celle qui aurait dû être versée au demandeur. Celui-ci ayant perçu la somme de 9048 euros sur cette période, il lui est dû la somme de 2436 euros. La société Razel Bec doit être condamnée à lui payer ce montant outre intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2014.

Il y a lieu par ailleurs d'ordonner à la société Razel Bec de se conformer aux dispositions de la convention collective pour le calcul des indemnités de grand déplacement.

L'équité commande de condamner la société Razel Bec à payer à Monsieur [F] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera également condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société Razel Bec à payer à Monsieur [F] la somme de 2436 euros outre intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2014, et avec capitalisation selon les dispositions légales, ainsi que la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE à la société Razel Bec de se conformer aux dispositions de la convention collective pour le calcul des indemnités de grand déplacement ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE la société Razel Bec aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/04287
Date de la décision : 10/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/04287 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-10;17.04287 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award