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10/01/2020 | FRANCE | N°17/02994

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 10 janvier 2020, 17/02994


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020



N° 2020/



Rôle N° RG 17/02994 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BABCK







[E] [K]





C/





CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DANS LES MINES



















Copie exécutoire délivrée



le : 13/01/2020

à :





Me Amandine ORDINES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me

Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 31 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01779.





APPELAN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020

N° 2020/

Rôle N° RG 17/02994 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BABCK

[E] [K]

C/

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DANS LES MINES

Copie exécutoire délivrée

le : 13/01/2020

à :

Me Amandine ORDINES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 31 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01779.

APPELANTE

Madame [E] [K], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Amandine ORDINES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DANS LES MINES (CARMI SUD EST) , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020,

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [E] [K] a été embauchée par la caisse régionale de la sécurité sociale minière du sud-est (CARMI sud-est), dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs à compter du 28 juin 2005. Est applicable la convention collective nationale des omnipraticiens exerçant dans les centres de santé miniers.

Fin 2006, 3 médecins de l'organisme ont annoncé leur départ à la retraite, le Docteur [G] (cabinet situé à [Localité 1]), le Docteur [O] (cabinet rural situé à [Localité 2]) et le Docteur [Z] (cabinet situé à [Localité 2]).

Selon contrat à durée déterminée du 9 mars 2007, Madame [E] [K] a remplacé le Docteur [Z]. Puis a été signé un contrat à durée indéterminée (CDI) le 9 septembre 2008, Madame [E] [K] étant embauchée en qualité d'omnipraticien.

Le 19 mai 2009, la CARMI sud-est a mis Madame [E] [K] à disposition de l'association de gestion des aides aux familles et aux personnes âgées (AGAFPA), à concurrence de 0,3 équivalent temps plein soit 10,5 heures par semaine, équivalant à 3 demi-journées de 3,5 heures chacune les lundis, mardi et jeudi après-midi. Les parties ont convenu que l'AGAFPA rembourserait à la CARMI sud-est un montant forfaitaire annuel de 31 000 euros.

À compter de 2011, la salariée a suivi un diplôme universitaire de capacité de gérontologie et est devenue gériatre diplômée d'état en 2013, l'employeur ayant pris en charge les frais d'inscription universitaire.

Entre-temps, Madame [E] [K] a contracté un cancer et été en arrêt de travail longue durée pour cause de maladie du 26 avril 2011 au 3 janvier 2012, date à laquelle elle a repris le poste à mi-temps thérapeutique, ce jusqu'au 23 mai 2012, date à laquelle elle s'est trouvée à nouveau en arrêt maladie.

Madame [E] [K] a ensuite été placée en invalidité de 2ème catégorie à compter du 1er juillet 2013, avec versement d'une pension.

La dernière prolongation de l'arrêt de travail a porté sur la période du 28 septembre au 19 décembre 2014. Au dernier état de la relation contractuelle, Madame [E] [K] était placée à l'échelle 5 de la convention collective. Son salaire moyen reconstitué s'élevait à la somme de 5845,74 euros bruts.

Par courrier du 23 Octobre 2014, Madame [E] [K] a été licenciée pour absence perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et nécessitant le remplacement définitif du salarié.

Le 19 novembre 2014, Madame [E] [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence aux fins notamment de contester le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 31 janvier 2017, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a :

'Dit que 1'exécution du contrat de travail était loyale,

'Dit que la CARMI sud-est avait respecté son obligation de sécurité,

'Dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [E] [K] était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

'Condamné Madame [E] [K] à payer à la CARMI sud-est la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'Rejeté l'ensemble des demandes de Madame [E] [K].

La cour est saisie de l'appel interjeté le 14 février 2017 par Madame [E] [K].

~*~

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Madame [E] [K] (conclusions du 23 octobre 2019) sollicite la réformation de l'entier jugement afin :

Que soit constatés l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail, le manquement de la CARMI sud-est à son obligation de sécurité de résultat et l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

Et que la CARMI sud-est soit condamnée à lui payer les sommes de :

' 25 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

' 36 000 euros en réparation du préjudice subi par suite du manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

' 20 100 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 2010 euros incidence congés payés,

' 140 000 euros en application de l'article L 1235-3 du code du travail,

' 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' le tout outre intérêts au taux légal à compter de la saisine de la présente juridiction, et avec exécution provisoire.

La CARMI sud-est(conclusions du 28 octobre 2019) sollicite principalement la confirmation du jugement sur :

'la prescription de la demande de dommages-intérêts,

' le rejet de celle-ci pour exécution déloyale du contrat de travail,

' l'absence de nécessité de convocation et visite de reprise et le rejet de la demande de dommages-intérêts pour manquement l'obligation de sécurité de résultat,

' la reconnaissance du bien-fondé du licenciement et le rejet de la demande de préavis et de dommages-intérêts.

Subsidiairement, exposant avoir loyalement exécuté le contrat de travail, elle conclut au rejet de la demande. En tout état de cause, elle conclut à la condamnation de Madame [E] [K] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

II. MOTIVATION.

A. L'exécution du contrat de travail.

Madame [E] [K] indique ne réclamer ni la requalification des CDD en CDI ni un rappel de salaire, demandes effectivement touchées par la prescription, mais des dommages-intérêts pour déloyauté de l'employeur pendant toute la relation contractuelle, demande selon elle non prescrite. L'exécution déloyale résulte selon l'appelante du fait d'avoir proratisé son salaire et de lui avoir fait perdre 4000 euros par an, et de l'avoir laissée dans une relation de travail précaire jusqu'au 30 septembre 2008.

En premier lieu concernant la perte de salaire, la CARMI sud-est répond à bon droit que des demandes indemnitaires ne peuvent avoir pour effet de contourner une prescription acquise, celle-ci l'étant sans contestation de la part de l'appelante pour la répétition de salaires.

En second lieu, l'action en exécution déloyale du contrat de travail se prescrivait par 5 ans avant la loi du 14 juin 2013. Cette loi a instauré les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail et réduit le délai d'action du salarié à 2 ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits.

En application du V de l'article 21 de la loi du 14 juin 2013, lorsque la prescription quinquennale a commencé à courir antérieurement à la date de promulgation de la loi du 14 juin 2013, les nouveaux délais de prescription s'appliquent à compter de cette date (le 16 juin 2013), sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Critiquant la succession des contrats de travail à durée déterminée qui l'a laissée dans un état de relation contractuelle précaire, le délai de prescription a couru à compter du 30 septembre 2008, date du terme du dernier contrat à durée déterminée.

Madame [E] [K] a introduit son action le 19 novembre 2014 soit postérieurement au 16 juin 2013. Au 19 novembre 2014, le délai de 2 ans à compter du 16 juin 2013 n'était pas écoulé. En revanche, la durée totale de la prescription entre le 30 septembre 2008 et le 19 novembre 2014 excédait la durée de 5 ans.

L'action de Madame [E] [K] se trouve en conséquence prescrite.

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté au fond l'action fondée sur l'exécution fautive du contrat de travail.

B. Le manquement à l'obligation de sécurité.

Madame [E] [K] fait valoir que son employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en n'organisant pas une visite de reprise et en la licenciant, alors qu'elle souhaitait reprendre son poste de travail et qu'elle n'a pas manifesté l'intention de ne pas reprendre le travail.

La CARMI sud-est répond que Madame [E] [K] s'est maintenue en arrêt de travail après le placement en invalidité 2e catégorie, ce de manière continue du 27 juin 2013 au 19 décembre 2014 et a ainsi manifesté sa volonté de ne pas reprendre le travail, que le contrat étant toujours suspendu pour maladie, la visite de reprise n'était techniquement pas possible, qu'elle a exprimé de nouveau cette volonté lors de l'entretien préalable.

~*~

L'article R. 4624-22 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, dispose notamment que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail ['] Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel. Le classement du salarié en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale ne dispense pas de cette obligation ; l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier ne manifeste pas la volonté de ne pas reprendre le travail.

La cour relève au préalable que l'obligation de sécurité prévue par ce texte est une obligation de moyens renforcée et non une obligation de résultat. La CARMI sud-est ne conteste pas avoir été dûment informée de la mise en invalidité 2e catégorie de Madame [E] [K].

Le fait pour Madame [E] [K] d'avoir été de manière continue en arrêt de travail à compter de sa mise en invalidité 2e catégorie et ce jusqu'à la rupture du contrat de travail, ne signifie pas, à défaut de manifestation expresse de sa part en ce sens, qu'elle n'avait pas l'intention de reprendre son activité.

La CARMI sud-est ne peut indiquer à bon droit que techniquement, une visite de reprise était impossible. Il lui appartenait au contraire, suite à l'information de la mise en invalidité, de prendre l'initiative d'organiser une visite de reprise dans un délai raisonnable. N'y ayant pas procédé, elle a manqué à son obligation de sécurité, et ne saurait se prévaloir des déclarations de l'intéressée faites lors de l'entretien préalable qui s'est tenu 15 mois après la notification de la mise en invalidité .

La salariée soutient à juste titre que l'organisation d'une visite de reprise aurait permis de constater soit son aptitude soit son inaptitude à son poste de travail, ce qui dans le premier cas lui aurait permis de reprendre le travail et d'avoir une rémunération, alors qu'à compter du 1er juillet 2013, elle ne percevait plus qu'une pension représentant 50 % de son salaire. En effet, la visite de reprise permet au médecin du travail de préconiser en cas d'aptitude, totale ou partielle, d'éventuels aménagements et adaptations du poste de travail afin de permettre à l'intéressé de reprendre son emploi dans des conditions compatibles avec sa situation de santé. À défaut d'avoir procédé ainsi, la CARMI sud-est a privé la salariée d'une possibilité de reprendre son travail, ou de faire l'objet d'un licenciement pour inaptitude nécessitant des recherches de reclassement.

Madame [E] [K] est fondée à réclamer une indemnisation du préjudice subi à concurrence de la somme de 5000 euros.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

B. Le licenciement.

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Vous avez été recrutée en qualité de médecin généraliste dans notre centre de santé de GREASQUE. Vous avez été en arrêt de travail pour maladie en ALD du 26 avril 2011 au 2 janvier 2012. Vous avez repris le travail à mi-temps thérapeutique du 3 janvier 2012 au 23 mai 2012.Depuis le 24 mai 2012, vous êtes en arrêt de travail ininterrompu par des certi'cats médicaux successifs d'une durée de deux à trois mois.

Pendant toutes ces périodes, votre remplacement a dû être assuré par une succession de médecins remplaçants, recrutés avec difficulté en contrat à durée déterminée.

Cette situation perturbe le bon fonctionnement du centre médical de GREASQUE dans la prise en charge de ses patients dont la plupart compte tenu de leur âge et leur pathologie, nécessitent un suivi médical de long terme par un médecin attitré et dont de nombreux autres ne peuvent trouver auprès de médecin remplaçants le médecin référent dont ils ont besoin.

Le nombre des patients pris en charge par le centre de santé répond par ailleurs aux besoins croissants de la population et impose votre remplacement permanent. C'est pourquoi nous estimons aujourd'hui que votre absence prolongée perturbe le fonctionnement de l'entreprise et rend nécessaire votre remplacement définitif par un médecin généraliste ce contrat à durée indéterminée ['] ;''

Selon la CARMI sud-est, le salarié peut être licencié lorsque le fonctionnement de l'entreprise est perturbé par son absence prolongée ou ses absences répétées, lesquels rendent nécessaire son remplacement définitif. Elle indique qu'au moment du licenciement, l'absence de Madame [E] [K] aura duré 3 ans et demi, dans laquelle s'inscrit une seule reprise à mi-temps thérapeutique d'une durée de 4 mois environ et ce 2 ans avant son licenciement ; placée en invalidité 2e catégorie à compter du 1er juillet 2013, la reprise n'était ni prévue ni envisageable et des arrêts de travail ont été fournis jusqu'à la fin de la relation contractuelle ; elle n' avait pas d'autre choix que de remplacer définitivement la salariée en raison de ses obligations particulières en termes de proximité de soins, de parcours coordonné et de spécificité de la relation médecin/patient, d'autant que le poste comprenait un volet médecin coordonnateur en EPHAD ne permettant pas une succession de médecins sur le poste ; cela a entraîné une perturbation de l'établissement car alors qu'il est nécessaire d'assurer la continuité des soins, il est difficile d'assurer le remplacement de Madame [E] [K], cette dernière adressant ses arrêts de travail au mois le mois ; en 2014, le chiffre d'affaires a été catastrophique, entraînant un grand manque à gagner. Madame [E] [K] a été remplacée par le docteur [Q] à compter du 1er février 2015.

Madame [E] [K] expose que son absence ne perturbait pas le bon fonctionnement du service et ne nécessitait par son remplacement définitif, qu'il était possible de pallier à son absence par le recours à des médecins remplaçants ainsi que cela a été fait entre 2011 et 2014 (un large choix de remplaçants est habitué au centre, familiers avec sa patientèle et parfaitement intégrés), qu'en raison de l'intuitu personae et du lien de confiance, ses patients préféraient attendre son retour, que le registre d'entrées et de sorties de l'établissement n'est pas entièrement produit.

~*~

L'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction à l'employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, à moins que le fonctionnement de l'entreprise soit perturbé par l'absence prolongée du salarié rendant indispensable le remplacement définitif du salarié absent.

Les arrêts de travail ont été délivrés pour une durée d'un mois ou de deux mois, notamment à compter du 28 février 2014. Madame [W] responsable de l'offre de santé des Bouches-du-Rhône, indique avoir expressément demandé à Madame [E] [K] de fournir des arrêts de travail postérieurement à sa notification d'invalidité en juillet 2013, ce afin de permettre la mise en place de contrats à durée déterminée permettant son remplacement.

En premier lieu, la lettre de licenciement fixant les limites du litige, la cour relève que n'est aucunement visée l'activité de médecin coordonnateur de l'EPHAD. Il n'y a en conséquence pas lieu d'examiner les difficultés alléguées par l'employeur à cet égard.

La CARMI sud-est se prévaut d'une difficulté à remplacer Madame [E] [K] au centre de santé de [Localité 2] et du fait que les prolongation des arrêts de travail lui étaient adressés au mois le mois. Cependant, le tableau des remplacements de Madame [E] [K] dans ce centre de santé mentionne un remplacement continu de 2011 à 2014, à l'exception d'un jour au mois de juin 2011, d'un jour au mois de septembre 2012 et de 3 jours au mois d'août 2014.

Sur la difficulté à assurer la proximité de soins et le parcours coordonné, l'examen des années 2013 et 2014 permet de constater que les soins ont été dispensés alternativement par les docteurs [P] et [Q], l'intervention de 4 autres médecins n'ayant eu lieu que 3 jours en janvier 2013, 15 jours en juin 2014, 4 jours en novembre 2014, soit 21 jours sur 2 ans. Cette difficulté n'est pas avérée.

Sur la chute du chiffre d'affaires, l'examen du tableau produit par la CARMI sud-est fait apparaître un total de chiffre d'affaires de 363 941 euros en 2010, de 315 638 euros en 2011, de 302 832 euros en 2012, de 321 990 euros en 2013 et de 324 907 euros en 2014 ; il doit être effectivement relevé une baisse entre 2010 et 2014. Cependant, à défaut de produire le total de chiffre d'affaires du centre de santé en 2015 (date à compter de laquelle le Docteur [Q] a été affecté par contrat à durée indéterminée) et jusqu'à ce jour, la cour ne peut déterminer le lien de causalité entre le chiffre d'affaires constaté en 2014 et le fait que Madame [E] [K] devait être remplacée.

Par ailleurs, l'examen du tableau permet de constater :

'sur la période où Madame [E] [K] n'était pas en arrêt de travail, une recette totale de 91  204 euros en 2009 et de 118 154 euros en 2010,

' sur la période où elle s'est trouvée en arrêt de travail, une recette totale de 96 688 euros en 2011, de 87 209 euros en 2012, de 96 488 en 2013 et de 69 050 en 2014.

Le fait des remplacements ne met pas en évidence une chute continue et catastrophique du chiffre d'affaires à compter de 2011, la recette apparaissant au contraire variable d'une année à l'autre, supérieure aux résultats de Madame [E] [K] de 2009 en 2011 et 2013, et inférieure en 2012 et 2014.

De même, la CARMI sud-est indique que les besoins croissants de la population imposent le remplacement permanent de Madame [E] [K], sans produire aucun élément en justifiant.

Enfin, il y a lieu d'observer qu'à défaut d'organiser une visite de reprise de la salariée à compter de l'information reçue par l'employeur sur la mise en invalidité 2e catégorie, celui-ci s'est privé de la possibilité de reprise de Madame [E] [K], avec au besoin des aménagements ou adaptations du poste, et a subi du fait de cette carence la nécessité réitérée de pourvoir à son remplacement.

Les éléments produits aux débats ne convainquent pas la cour de la nécessité d'un remplacement définitif de Madame [E] [K] engendrée par des difficultés objectives perturbant le fonctionnement de l'entreprise. Par suite, le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être infirmé sur ce point.

~*~

Au titre de l'indemnité de préavis, Madame [E] [K] est fondée à obtenir la somme de 17 535 euros, sur la base d'un salaire reconstitué de 5845 euros bruts, ainsi que celle de 1753,50 euros au titre des congés payés afférents.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail, Madame [E] [K] qui avait une ancienneté supérieure à deux ans, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. En raison des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à l'intéressée (5845 euros selon les indications de la CARMI sud-est), âgée de 46 ans lors de la rupture, de son ancienneté de 7 années, de l'absence d'indication actuelle sur ses revenus autres que la pension d'invalidité d'un montant d'environ 3800 euros, la cour estime que le préjudice résultant pour elle de la rupture doit être indemnisé par la somme de 50 000 euros.

~*~

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application au bénéfice de Madame [K] de l'article 700 du code de procédure civile, à concurrence de 2000 euros. La demande la CARMI sud-est sera en revanche rejetée.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la CARMI sud-est.

La demande d'exécution provisoire est sans objet, la cour statuant en dernier ressort.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DÉCLARE prescrite la demande relative à l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;

'DIT que la CARMI sud-est a manqué à son obligation de sécurité et LA CONDAMNE à payer à Madame [E] [K] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts ;

'DIT que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [E] [K] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et CONDAMNE la CARMI sud-est à lui payer les sommes de :

* 17 535 euros au titre de l'indemnité de préavis, ainsi que celle de 1753,50 euros au titre des congés payés afférents,

* 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

'CONDAMNE la CARMI sud-est à payer à Madame [E] [K] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE d'office à la CARMI sud-est le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Madame [E] [K] dans la limite de 6 mois d'indemnisation,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la CARMI sud-est aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/02994
Date de la décision : 10/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/02994 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-10;17.02994 ?
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