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10/01/2020 | FRANCE | N°17/00715

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 10 janvier 2020, 17/00715


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020



N° 2020/



Rôle N° RG 17/00715 - N° Portalis DBVB-V-B7B-73EO







SARL ECI





C/





[T] [B]





















Copie exécutoire délivrée



le : 13/01/2020

à :



Me Michel CABRILLAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Me Sarah GARANDET, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° F15/00904.





APPELANTE



SARL ECI, demeurant [Adresse 2]



représentée par...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 10 JANVIER 2020

N° 2020/

Rôle N° RG 17/00715 - N° Portalis DBVB-V-B7B-73EO

SARL ECI

C/

[T] [B]

Copie exécutoire délivrée

le : 13/01/2020

à :

Me Michel CABRILLAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Sarah GARANDET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° F15/00904.

APPELANTE

SARL ECI, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel CABRILLAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Philippe CAPANNI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [T] [B], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, représenté par Me Sarah GARANDET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2020,

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

M.[T] [B] a été engagé par la société à responsabilité limitée (SARL) Echaffaudage Calorifugeage Ignifugeage (ECI), suivant contrat à durée indéterminée à compter du 03 juin 2013, en qualité de responsable production, statut cadre, position 3.1, coefficient 170, de la convention collective dite Syntec.

Le 19 juin 2014, M. [F] [W], en sa qualité de dirigeant des sociétés ECI, SPBI et TEDM a donné une 'délégation générale de pouvoirs' à M.[T] [B] ' pour prendre toutes dispositions pour respecter et faire respecter la législation tant en matière sociale, économique que financière à l'égard des établissements susvisés'.

Par courrier recommandé du 06 février 2015, M.[T] [B] a signifié à l'employeur qu'il entendait mettre fin à cette délégation de pouvoir faute de disposer de moyens pour assurer ses fonctions.

Dans le dernier état de la relation contractuelle,le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 500 euros.

Durant le courant de l'année 2015, le salarié s'est vu notifier trois avertissements libellés dans les termes suivants :

- le 03 mars 2015

: 'Nous avons eu connaissance d'incidents que nous ne pouvons tolérer.

En effet, nous avons constaté le non-respect de vos engagements concernant votre fonction de Responsable Opérationnel des sociétés ECI, SPBI et TEDM en extension à votre contrat de travail.

Le suivi des entreprises clientes s'est avéré non efficient ayant entraîné notamment le refus du chantier Picot par le client [D].

Nous devons déplorer également un défaut de recouvrement concernant la société Danesi. D'autre part, nous avons appris que vous faites circuler des informations non conformes aux directives de la Direction. Ces informations ne doivent pas être transmises à tous les collaborateurs du groupe. Nous vous demandons de cesser immédiatement de les diffuser.

Par conséquent, et jusqu'à nouvel ordre, nous vous affectons au poste de conducteur de travaux sous la responsabilité de Mr [H] [E], ainsi que la fonction HSE du groupe D2CM'

- le 29 juin 2015 : 'à l'occasion d'un audit MASE, il s'est avéré que les dossiers étaient incomplets et que de ce fait nous n'étions plus en conformité avec les recommandations MASE et sur la législation en vigueur.

Vos fonctions de responsable opérationnel prévoient pourtant que vous ayez la charge de cette démarche, très importante pour notre société. Or, nous venons de nous apercevoir que nous avons encore à déplorer une grave négligence de votre part.'

- le 03 juillet 2015 : ' Ce jour, après audit de votre poste de travail concernant les dossiers du personnel, nous avons constaté que ces derniers sont incomplets et ne sont pas en règle avec la législation sur le code du travail.

En effet, il manque les permis de conduire, les contrats de travail signés, les dossiers médicaux ainsi que les habilitations de certains d'entre eux.

Il est inadmissible d'avoir laissé les dossiers dans un tel état, entraînant de ce fait la responsabilité de l'entreprise ainsi que de son responsable'

Le 21 juillet 2015 , le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 31 juillet 2015, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 11 août 2015, il s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

'Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave.

Votre conduite a mis en cause la bonne marche du service et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre conversation du vendredi 31 juillet et ne nous ont pas

permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous informons que nous avons, en

conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave suivant les motifs suivants :

Non respect des engagements par rapport à la délégation de pouvoir pour les sociétés

ECI, TEDM et SPBI :

* Non prévenance à la direction d'achats de matériaux pour le compte personnel de

l'ex-associé de la société,

* Aucun dossier du Mase mis à jour sur les structures ECI et SPBI,

* Aucun dossier personnel mis à jour,

* Perte de 150 000 € sur le compte d'exploitation de la société ECI,

* Perte de 270 000 € sur le compte d'exploitation de la société TEDM,

* Travaux sur le chantier de Picot non terminés et refusés par le client entraînant

une perte de 130 000 €

* Le client nous a signalé que certains sous traitants se sont enfuis lors d'un contrôle

de l'inspection du Travail.

Ces faits ont notamment fait 1'objet d'avertissements à votre encontre depuis ces

dernières semaines.

Pour info nous vous rappelons qu'en décembre 2013 vous aviez fait l'objet d'une

suspension de permis de conduire pour une durée de 6 mois pour conduite en été d'ébriété

occasionnant la destruction du véhicule de la société.

L'ensemble de ces points ont mis en péril la survie du groupe et ont mobilisé d'importantes moyens financiers du gérant afin d'assurer la sauvegarde de celui-ci.

Nous estimons avoir fait preuve de tolérance, mais ne pouvons en supporter

d'avantage'.

Le 16 septembre 2015, M.[T] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, pour contester son licenciement et demander l'annulation des trois avertissements.

Le 15 novembre 2016, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, dans sa section encadrement, a statué comme suit :

- constate que la preuve de la faute grave à l'encontre de M.[T] [B] n'est pas constituée

- dit que le licenciement de M.[T] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- déclare infondés les trois avertissements des 3 mars 2015, 29 juin 2015 et 3 juillet 2015

- condamne la société ECI à verser à M.[T] [B] les sommes suivantes :

* 1 500 € d'indemnité au titre de la nullité des trois avertissements

* 21 626,09 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 10 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 1 050 € à titre d'incidence congés payés sur préavis

* 4 144,20 € à titre d'indemnité de licenciement

* 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- déboute la société ECI de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne la société ECI aux entiers dépens.

Par déclaration du 11 janvier 2017, la SARL ECI a relevé appel de cette décision dont elle a reçu notification le 20 décembre 2016.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 13 février 2017, aux termes desquelles la SARL ECI demande à la cour d'appel de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'homme d'Aix-en-Provence en date du 15 novembre 2016

- débouter M.[T] [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

- dire que le licenciement de M.[T] [B] est fondé et a produit ses pleins et entiers effets et qu'à cette occasion il a été rempli de l'intégralité de ses droits

- reconventionnellement, condamner M.[T] [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M.[T] [B] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 28 mars 2017, aux termes desquelles M.[T] [B] forme appel incident et demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement rendu le 15 novembre 2016 par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence sauf en ce qu'il a débouté M.[T] [B] de sa demande au titre du caractère abusif et vexatoire de son licenciement, ainsi que de ses demandes indemnitaires fondées sur le caractère vexatoire irrégulier des procédures disciplinaires subies

- condamner la SARL ECI à payer à M.[T] [B] la somme de 15'000 € en réparation des préjudices subis du au caractère abusif et vexatoire de son licenciement

- dire la rétrogradation de M.[T] [B] abusive et irrégulière

- condamner la SARL ECI à payer à M.[T] [B] la somme de 3 000 € pour sanction abusive et irrégulière

- prononcé la nullité de la mise à pied conservatoire en date du 21 juillet 2015

- condamner la SARL ECI à payer à M.[T] [B] la somme de 5 000 € pour procédure vexatoire

- ordonner la capitalisation des intérêts

- condamner la SARL ECI à payer à M.[T] [B] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la SARL ECI aux entiers dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la demande d'annulation des avertissements des 03 mars 2015, 29 juin 2015 et 03 juillet 2015.

Aux termes de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil des prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil des prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

1-1 Sur l'avertissement du 03 mars 2015

L'employeur reproche au salarié des manquements en qualité de 'Responsable Opérationnel des sociétés ECI, SPBI et TEDM' et, notamment la non-efficience du suivi des entreprises clientes, ainsi que la circulation d'informations non conformes aux directives de la direction.

Le courrier d'avertissement conclue à la rétrogradation de M.[T] [B] au poste de 'conducteur de travaux', sans autre formalité que la simple mention au sein de cette lettre.

Cependant, faute pour l'employeur de s'expliquer, dans ses écritures, sur les motifs de l'avertissement du 3 mars 2015, celui-ci est infondé. En outre cette mesure ne pouvait conduire au prononcé d'une rétrogradation du salarié dès lors que cette sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'à la suite de l'entretien préalable prévu à l'article L. 1332-2 du code du travail.

1-2 Sur l'avertissement du 29 juin 2015

A l'occasion de cet avertissement, il est fait grief au salarié d'avoir produit des dossiers incomplets lors d'un audit MASE, celui-ci ayant ensuite mis en évidence que la société n'était plus en conformité avec les recommandations MASE et la législation en vigueur.

Le salarié se défend en faisant valoir qu'il a toujours 'uvré pour la bonne marche de la société en obtenant cette certification en interne, ainsi que ses renouvellements ultérieurs. Il rappelle, qu'au terme du précédent avertissement, il avait été rétrogradé au poste de 'conducteur de travaux' qui n'impliquait plus la préparation d'un audit interne aux sociétés gérées par M.[W] et qu'à la date du 29 juin 2015, il avait déjà dénoncé, depuis plusieurs mois, la délégation de pouvoir consentie par l'employeur. Enfin, il justifie avoir alerté le gérant de la SARL ECI, préalablement à l'audit MASE, sur l'absence de certains documents qu'il ne pouvait établir lui-même (pièce 34).

Aussi, à défaut de toute justification par l'employeur des manquements qu'il impute au salarié de ce chef, alors même qu'il l'avait rétrogradé à de simples fonctions de 'conducteur de travaux' en mars 2015, l'avertissement sera considéré comme non fondé.

1-3 Sur l'avertissement du 29 juin 2015

Quatre jours après cette sanction, la société appelante a notifié à M.[T] [B] un troisième avertissement où il lui était reproché une tenue incomplète des dossiers du personnel, dans lesquelles il manquait 'les permis de conduire, les contrats de travail signés, les dossiers médicaux ainsi que les habilitations pour certains d'entre eux.'

Mais, alors que M.[T] [B] a été engagé en tant que 'responsable de production', il n'est nullement justifié qu'il lui appartenait, dans le cadre de ses fonctions, d'assurer le suivi et la tenue des dossiers du personnel, cet avertissement n'est donc pas pas plus justifié que les précédents et c'est à juste titre que les premiers juges ont annulé les trois avertissements notifiés par l'employeur à M.[T] [B] et condamné la société ECI à lui verser la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts, notamment en réparation du préjudice occasionné par la sanction irrégulière de la rétrogradation.

2/ Sur le licenciement pour faute grave

2-1 Sur la régularité du licenciement

M.[T] [B] soutient qu'il résulte de la teneur du compte rendu de l'entretien préalable, rédigé par son conseiller (pièce 30), que M.[W] aurait déclaré : 'qu'il licenciera Monsieur [B] pour faute grave mais pas lourde et qu'il lui paiera ses indemnités de droit de licenciement.' Il en déduit que la décision de le licencier était déjà prise et annoncée lors de l'entretien préalable ce qui entache la procédure de licenciement d'une irrégularité, dont il ne demande pas réparation.

Mais, la cour observe que le compte rendu du conseiller du salarié n'est pas signé par l'employeur et qu'il ne présente, de ce fait, aucun caractère contradictoire.

En conséquence, il n'est pas démontré que l'employeur a annoncé lors de l'entretien préalable le licenciement à venir et il n'y a pas lieu de considérer celui-ci comme irrégulier.

2-3 Sur la faute grave

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

A titre liminaire, il convient d'observer qu'alors que l'employeur reproche au salarié un non-respect général des engagements définis aux termes de la délégation de pouvoir consentie le 19 juin 2014, pour les sociétés ECI, TEDM et SPBI, cette délégation est irrégulière et inopposable à M.[T] [B] puisqu'elle concerne des sociétés dans lesquelles il n'était pas salarié et dont il n'est pas démontré qu'elles étaient contrôlées par ECI, qu'en outre, cette délégation, par sa généralité, consacre un abandon complet de responsabilité chez le dirigeant.

S'agissant du premier grief de 'non prévenance à la Direction d'achats de matériaux pour le compte personnel de l'ex associé de la société', l'employeur ne précise nullement la nature ni la date des achats concernés, ni ne caractérise leur imputabilité à M.[T] [B], ce grief n'est donc pas fondé.

Concernant les reproches relatif à l'absence de mise à jour des dossiers MASE sur les structures ECI, MENSY et SPBI et au défaut de tenue des dossiers du personnel. Ces griefs, déjà sanctionnés par l'employeur par des mesures d'avertissement en date des 29 juin et 03 juillet 2015, ont été considérés comme infondés au point 1.

S'agissant des pertes de 150'000€ sur le compte d'exploitation de la société ECI et de 270 000€ sur le compte d'exploitation de la société TEDM, il n'est pas expliqué par l'employeur en quoi ces pertes sont imputables à M.[T] [B].

Concernant les travaux sur le chantier Picot, non terminés et refusés par le client entraînant une perte de 130'000 €, il ressort que ledit chantier a été réalisé par la société TEDM et non par la société ECI, qui ne peut dès lors reprocher aucun manquement de ce chef au salarié.

Faute de préciser sur quel chantier il aurait été constaté une fuite de sous-traitants lors d'un contrôle de l'inspection du travail, il est impossible de caractériser une éventuelle responsabilité de M.[T] [B] à ce titre.

Enfin, sur l'accident de voiture dont le salarié intimé se serait rendu responsable en circulant au volant d'un véhicule de fonction en état d'ébriété, ces faits datant de 2013 et n'ayant jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, ils se trouvaient prescrits et ne pouvaient fonder une mesure de licenciement.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M.[T] [B] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a le droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 51 ans, de son ancienneté de plus de 2 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de la justification du fait qu'il n'a pas retrouvé un emploi dans les premiers mois qui ont suivi son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme justement estimée par les premiers juges à 21 626, 09 euros.

Le jugement sera, également, confirmé en ce qu'il a alloué à l'intimé les sommes suivantes, non discutées dans leurs quanta par l'employeur :

- 10 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1 050 euros au titre de l'incidence congés payés

- 4 144, 20 euros à titre d'indemnité de licenciement.

La mise à pied conservatoire prononcée le 21 juillet 2015 sera annulée mais faute pour le salarié de justifier d'une perte de salaire durant cette période et de démontrer le caractère vexatoire de cette mesure dont il demande réparation à hauteur de 5 000 euros, sans justifier d'un préjudice distinct de celui réparé au titre de la rupture abusive du contrat de travail, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M.[T] [B] de sa demande de ce chef.

3/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement

Le salarié prétend qu'il a fait l'objet d'un véritable acharnement de la part de l'employeur qui, en seulement, quelques mois, l'a rétrogradé en toute illégalité, l'a changé de bureau pour l'installer en dehors de la société, lui a retiré son véhicule de fonction, a interdit aux autres salariés de lui adresser la parole et l'a obligé, au mois de juillet 2015, à prendre des congés sans respecter le délai de prévenance d'un mois, ce processus de 'mise au placard' ayant finalement abouti à son licenciement injustifié pour faute grave. En conséquence, il sollicite

15 000 euros à titre de réparation pour licenciement abusif et vexatoire.

Toutefois, à défaut pour le salarié de justifier de ces griefs par la production d'autres pièces que des mails un peu vifs de ses collègues et ses propres courriers de protestation auprès de l'employeur et d'établir l'existence d'un préjudice distinct de ceux déjà réparés au titre de la rétrogradation irrégulière et de la rupture du contrat de travail, c'est à bon escient que les premiers juges l'ont débouté de cette demande.

4/ Sur les autres demandes

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015, date du bureau de conciliation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2016, date du jugement déféré.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

L'article L.1235-4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.Il y a lieu d'appliquer ce texte puisque les dommages et intérêts ont été accordés sur le fondement d'un des cas qu'il énumère.

La SARL ECI, partie succombante pour l'essentiel surpportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à M.[T] [B] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les trois avertissements infondés sont annulés ainsi que la mesure de mise à pied conservatoire,

Y ajoutant,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015 et que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2016, date du jugement déféré.

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvus qu'ils soient dus pour une année entière,

Condamne la SARL ECI à payer à M.[T] [B] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétible d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraire,

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, ( POLE EMPLOI [Adresse 3],

Condamne la SARL ECI aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 17/00715
Date de la décision : 10/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°17/00715 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-10;17.00715 ?
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