COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 09 JANVIER 2020
N°2020/14
N° RG 19/03274 -
N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3GK
SCI OLYMPIA
SCI PROVENCALE
C/
[F] [M] épouse [T]
[O] [M] Épouse [N]
SAS SOCIETE PROVENCALE DE GERANCE CINEMATOGRAPHIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE
Arrêt en date du 09 Janvier 2020 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 06 septembre 2018, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 2017/259 rendu le 02 mai 2017 par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence (11° Chambre A).
DEMANDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
SCI OLYMPIA Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidé par Me Sandrine TURRIN, avocat au barreau de GRASSE
SCI PROVENCALE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidé par Me Sandrine TURRIN, avocat au barreau de GRASSE
DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
Madame [F] [M] épouse [T]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 7] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidé par Me Michel HUGUES, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [O] [M] épouse [N]
née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 7] (ALGERIE), demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Plaidé par Me Michel HUGUES, avocat au barreau de MARSEILLE
SAS SOCIETE PROVENCALE DE GERANCE CINEMATOGRAPHIQUE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Plaidé par Me Philippe MARIA de l'ASSOCIATION MARIA - RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2019 en audience publique .Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la cour composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président,
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller-rapporteur,
Madame Laurence DEPARIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marcy FEDJAKH.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2020.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2020
Signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Marcy FEDJAKH, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, Prétentions et Procédure ;
Par acte du 29 mars 1945, Monsieur [C], aux droits duquel est venu Monsieur [M], a donné à bail aux consorts [C], aux droits desquels est venue en 1964 la société Provencale de gérance cinématographique (PGC) des locaux situés [Adresse 6] à usage de salle de cinéma.
La SCI Provençale est propriétaire des locaux mitoyens situés [Adresse 5] exploités actuellement par la société Olympia à usage de cinéma.
Par acte du 7 novembre 1988, Mesdames [O] et [F] [M], venues aux droits de leur père, ont régularisé un nouveau bail à compter du 1er octobre 1985.
Le 25 mars 1994, les bailleresses ont fait délivrer un congé avec offre de renouvellement.
Le 27 mars 2003, Mesdames [M] ont fait délivrer un nouveau congé avec offre de renouvellement avec effet au 30 septembre 2003.
Par jugement contradictoire du 18 avril 2013, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- débouté la société PGC de l'exception d'incompétence soulevée,
- dit qu'elle est défaillante à apporter la preuve que les travaux de percement du mur de séparation entre le fonds situé au [Adresse 5] et [Adresse 6] avaient été entrepris dans le délai de prescription trentenaire et l'a débouté de cette fin de non recevoir,
- dit que la présente action ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par jugement du 12 avril 2006 du juge des loyers et les arrêts du 28 avril 2008 et 29 mai 2009 de la cour d'appel d'Aix en Provence et a débouté la société PGC de cette fin de non recevoir,
- dit que la Société PGC ne rapporte pas la preuve qu'elle a été autorisée à procéder aux travaux de percements permettant de relier les deux locaux commerciaux distincts du [Adresse 4],
- dit que la preuve d'une sous-location n'est pas rapportée,
- débouté Mesdames [M] de leur demande d'obturation des ouvertures en raison de l'absence à l'instance de la société Olympia,
- dit que la société PGC a mis à la disposition de la société Olympia des équipements de son exploitation commerciale, qu'il s'agit d'un comportement fautif vis à vis des bailleresses,
- condamne la société PGC à payer à Mesdames [M] la somme de 30 000€ à titre de dommages et intérêts et 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 25 juin 2015, la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement du 18 avril 2013 sauf à condamner la société PGC sous astreinte de 1 000€ par jour pendant 3 mois à fermer le passage entre les deux fonds [Adresse 4] et à supprimer toute communication entre eux et remettre les lieux en l'état et à verser la somme de 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour a estimé que le percement du mur était fautif, que les bailleresses n'avaient aucun lien de droit avec la société Olympia et que la fermeture de la communication pouvait être ordonnée en son absence.
Par arrêt du 2 mai 2017, la cour d'appel d'Aix en Provence, saisie sur tierce opposition formulée par la SCI Olympia et la SCI Provencale a :
- déclaré recevable la tierce à opposition au motif que les deux sociétés qui n'étaient pas parties
à la procédure, avaient un intérêt à s'opposer à la fermeture de la communication des fonds qui aurait une incidence certaine sur leur situation,
- rétracté l'arrêt de la cour du 23 juin 2015,
- constaté que les travaux avaient été autorisés par l'auteur des bailleresses et ont été réalisés depuis plus de 30 ans,
- infirmé le jugement du 18 avril 2013 en toutes ses dispositions,
- débouté Mesdames [M] de leur demande,
- dit n'y avoir lieu à fermeture du passage existant entre les fonds,
- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts.
Par arrêt du 6 septembre 2018, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 2 mai 2017 en toutes ses dispositions aux motifs que la cour d'appel n'avait pas recherché si la tierce opposition n'était pas irrecevable en ce qu'elle visait certains chefs de l'arrêt qui ne faisaient pas grief aux opposants et qu'elle indiquait que le protocole du 10 novembre 1976 avait été signé entre Monsieur et Madame [M] et Monsieur [B] en sa qualité de président de la société PGC et de la société Olympia, alors que ce protocole mentionne Madame [B] en qualité de PDG de la société PGC et non en qualité de président de la société Olympia.
Par conclusions déposées et notifiées le 19 juillet 2019, la SCI Provencale et la société Olympia demandent à la cour de déclarer fondée leur tierce opposition, constater que les travaux ont été réalisées il y a plus de 30 ans, rétracter l'arrêt du 23 juin 2015, infirmer le jugement du 18 avril 2013, débouter Mesdames [M] de leur demande et les condamner à leur verser 5 000€ chacune à titre de dommages et intérêts et 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles soutiennent que la cour de cassation a sanctionné l'absence de ventilation entre les chefs de l'arrêt qui font griefs ou non, que la condamnation à fermer l'ouverture leur cause un préjudice certain, mais que la condamnation à des dommages et intérêts leur cause également un préjudice en raison des conventions conclues entre la société Olympia et la société PGC et notamment la création d'une société en participation avec redistribution des dividendes et répartition de certaines charges.
Elles font valoir que le protocole litigieux a été signé par les époux [M] et Madame [B] en qualité de présidente de la société PGC et non de la société Olympia comme l'avait indiqué à tort la cour d'appel, que toutefois les autres éléments produits au débat n'ont pas été dénaturés.
Elles indiquent que le 10 novembre 1976, Monsieur [M] a par un protocole autorisé les travaux, que cet acte est intervenu entre Monsieur [M] et Madame [B] en qualité de présidente de la société PGC, mais que le 10 novembre 1976, Monsieur [M] a également donné mandat à Monsieur [B] de déposer un permis de construire, que la demande de permis de construire a été déposée par Monsieur [B] en qualité de PDG de la société Olympia qui a fait réaliser les travaux en accord avec son propriétaire et que Monsieur [M] a suivi le déroulement des travaux, dont l'achèvement est intervenu en 1983, que les travaux sont atteints par la prescription et ne peuvent plus être remis en cause.
Par conclusions du 3 octobre 2019, Mesdames [M] demandent à la cour de :
- déclarer l'assignation des sociétés Olympia et Provencale nulle et de nul effet,
- déclarer irrecevables les demandes des dites sociétés et celle de la société PGC,
- débouter la société PGC de ses demandes,
- condamner la société PGC à payer à Mesdames [M] la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Cherfils.
Elles exposent que les condamnations pécuniaires prononcées par arrêt du 2 mai 2017 ne portent pas atteinte aux intérêts des sociétés Olympia et SCI Provencale, que nonobstant le fait que ces sociétés appartiennent aux membres d'une même famille, les sociétés, qui ont la personnalité morale, ont des patrimoines propres de sorte que leurs intérêts ne sont pas communs.
Elles font valoir que le local n° [Adresse 5] dispose de deux entrées propres et de trois sorties, que l'exploitation de ce local est possible sans communication avec le local contigu, et que la société Olympia peut tout à fait reprendre l'exploitation de sa salle en déplaçant les caisses après avoir obstrué les ouvertures, que le local, situé au n° 5 de la rue, n'est nullement enclavé et dispose des espaces nécessaires à son exploitation de sorte que la société Olympia n'a aucun intérêt à agir.
Elles soutiennent que par protocole du 10 novembre 1976, Monsieur [M] a autorisé le renouvellement du bail consenti à la société PGC avec l'autorisation de réaliser des travaux, mais que ces derniers ne prévoyaient nullement la réalisation d'une ouverture entre les immeubles mais concernaient uniquement le local du n°7 loué à la société PGC, que la demande de permis de construire déposée le 16 novembre 1976 ne concernait également que le local situé au [Adresse 6] et ne portait pas sur une communication entre les deux locaux, que le mandat signé le 10 novembre 1976 par Monsieur [M] fait référence au permis déposé le 10 novembre 1976 concernant le local situé au n° 7, et non celui déposé le 25 septembre 1979 soit trois ans plus tard, que ce dossier porte le n° d 2790 a donné lieu à une autorisation portant le n° 749/76, mais n'a pas été utilisé pour la demande déposée le 25 septembre 1979 sous la référence F5062 donnant lieu à l'autorisation 166/79.
Elles s'opposent aux arguments tirés du fait que le protocole précité du 10 novembre 1976 a été enregistré le 22 août 1979 soit peu avant la date de dépôt du second permis de construire en faisant valoir qu'il n'existe aucun lien entre ces deux actes.
Elles soutiennent qu'elles n'étaient pas informées de la réalité des travaux et qu'elles n'ont été avisées que lors de la réalisation de l'expertise en 1997.
Elles font valoir que la déclaration d'achèvement est un acte unilatéral, que faute de fondement juridique, l'assignation soulevant la prescription doit être déclarée nulle, que de surcroît, la prescription acquisitive ne peut être acquise s'agissant d'un passage donc d'une possession discontinue qui n'est pas apparente de l'extérieur, que sur la prescription extinctrice, elles n'ont été avisées de la situation qu'en 1997 lors des opérations d'expertise et qu'elles ont assignés dès 2010, soit dans les délais légaux pour agir.
Elles soulignent que la société PGC n'a pas contesté avoir exécuté les travaux, ce qui constitue un aveu judiciaire sur lequel elle ne peut plus revenir alors que les affirmations de la société Olympia sont articulées sur des considérations contraires à cet aveu et s'opposent aux affirmations de la société PGC, que le permis de construire obtenu en 1979 ne concerne nullement le percement du mur commun entre les deux locaux.
Enfin, elles font valoir que la société PGC, partie à la procédure depuis l'origine, n'est pas recevable à agir en tierce opposition.
Par conclusions du 20 mai 2019, la société Provencale de gérance cinématographique demande à la cour, au visa de l'article 591 du code de procédure civile, de :
*rétracter en toutes ses dispositions l'arrêt du 23 juin 2015,
*infirmer le jugement rendu le 18 avril 2013 en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts aux consorts [M],
*condamner les consorts [M] à lui verser la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en prendre en charge les entiers dépens.
Elle soutient que le 15 avril 1970, Monsieur [M] [Z] a donné son accord pour la réalisation de travaux d'ouverture entre le local qu'elle exploitait [Adresse 6] et le local mitoyen situé [Adresse 5], que le 23 octobre 1976, Monsieur [M] donnait son accord pour la réalisation de travaux de modification de la façade et aménagement du volume intérieur, qu'en novembre 1977, la société Olympia, locataire du [Adresse 5] et la société PGC créait une société en participation.
Elle fait valoir qu'antérieurement à la loi du 17 juin 2008, la responsabilité contractuelle était soumise à un délai de prescription de 30 ans, le point de départ se situant au jour du manquement soit en l'espèce au jour de la réalisation des travaux, qu'en l'espèce au jour de l'assignation soit le 30 décembre 2010, les travaux étaient terminés depuis au moins 30 ans, que la prescription est acquise.
Sur le fond, elle expose qu'elle n'a pas fait réaliser les travaux qui sont l'oeuvre de la société Olympia, qu'elle ne peut donc être condamnée à payer des dommages et intérêts à son bailleur,
que Monsieur [B] a contacté en 1976 Monsieur [M] afin de lui exposer son projet de jonction avec les locaux du [Adresse 6], qu'il lui a adressé une lettre en ce sens le 23 octobre 1976, que le 10 novembre 1976, Monsieur [M] a autorisé Monsieur [B] à présenter la demande de permis de construire, que le même jour, un renouvellement du bail jusqu'en 1994 au profit de la société PGC a été régularisé, Monsieur [B] ne souhaitant pas faire les travaux en vain, que dans cette logique, une société en participation a été crée entre les deux locataires, qu'il résulte de l'ensemble de ces documents que Monsieur [M], qui n'ignorait rien des travaux, les a avalisés.
Elle souligne que le comportement ultérieur des parties confirme cette version des faits, que le permis a été accordé le 21 décembre 1979, que dans un courrier du 10 février 1983, Monsieur [M] indique considérer les époux [B] comme de véritables amis, que les travaux ont été particulièrement visibles et que Monsieur [M], s'il ne les avait autorisés, les aurait dénoncés.
Elle soutient que lors de la procédure en renouvellement du bail et fixation du nouveau loyer de 2006, les consorts [M] confirmaient dans leur mémoire du 23 septembre 2005, l'existence d'un accord puisqu'elles mentionnaient 'l'autorisation donnée de faire communiquer le cas échéant les locaux loués avec d'autres locaux dont elle (la société preneuse ) deviendrait locataire ou propriétaire', que dans un dire transmis le 31 août 2000 à l'expert, elles se prévalaient des travaux pour exiger une majoration du loyer en raison de la sous-location, que désormais, elles se contredisent au détriment de la société PGC, qu'après avoir tenté de tirer partie des travaux pour obtenir un supplément de loyer, en vain, qu'elles ne peuvent reprendre une procédure en niant les travaux dont elles se prévalaient, que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.
Elle soutient également que cette nouvelle procédure se heurte au principe de l'autorité de la chose jugée, le litige précédent lors du renouvellement du bail ayant purgé définitivement les problèmes liés aux demandes financières relatives à la sous-location ou aux travaux puisqu'il s'agit d'une même demande présentée différemment.
Elle fait valoir que les manquements commis lors du bail expiré ne peuvent plus, une fois le bail renouvelé, être sanctionnés, que le renouvellement du bail opère une purge des manquements contractuels commis antérieurement, que même à admettre que les bailleresses n'aient découvert la situation que le 12 juin 1997, que le 27 mars 2003, soit postérieurement à la réalisation des travaux prétendument fautifs, les bailleresses ont, en parfaite connaissance de cause, délivré un congé avec offre de renouvellement, que les manquements ne peuvent plus postérieurement à ce congé faire l'objet d'une action visant à les sanctionner.
Elle soutient que les bailleresses ne souffrent d'aucun préjudice en raison des travaux, que les travaux de remise en état ne pourront être exigés que lors de la reprise des lieux, que la situation dont elles se prévalent a été prise en considération lors de la fixation du loyer du bail renouvelé du 30 septembre 1994, que le jugement du 10 avril 2006 et l'arrêt du 26 mars 2009 ont pris en considération la situation telle qu'elle existe actuellement, qu'il a été tenu compte de la mise à disposition de la société Olympia des équipements de son exploitation commerciale de la société PGC sans l'autorisation du bailleur a été prise en considération dans le cadre de la fixation du loyer du bail commercial, que dès lors la demande d'indemnisation concerne une situation déjà prise en compte dans le cadre de la fixation du loyer.
Elle soulève le caractère abusif de la procédure fondée selon elle et sollicite l'indemnisation du préjudice ainsi subi, qu'elle souligne qu'elle n'est pas à l'origine de travaux et ne peut être condamnée financièrement de ce fait.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 octobre 2019.
Sur ce :
Sur la tierce opposition :
Attendu que par jugement du 18 avril 2013, le tribunal de Grande instance de Grasse a notamment débouté Mesdames [M] de leur demande relative à l'existence d'une sous-location et de leur demande à voir obstruer toutes les ouvertures entre les locaux commerciaux des [Adresse 4] et condamné la société PGC à verser à Mesdames [M] la somme de 30 000€ à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Attendu que par arrêt du 23 juin 2015, la présente cour a confirmé le jugement du 18 avril 2013
sauf à condamner la société PGC sous astreinte de 1 000€ par jour pendant une durée de 3 mois, à l'expiration d'un délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt, à fermer le passage entre les deux fonds [Adresse 4] et à supprimer toute communication entre les deux immeubles et à remettre les lieux en l'état ;
Attendu que les sociétés Provençale et Olympia ont formé tierce opposition à cet arrêt en arguant du préjudice certain que leur cause la décision attaquée ;
Attendu qu'en effet, la société Olympia exploite un fonds de commerce de cinéma dans le local situé [Adresse 5] et a procédé à une jonction des locaux mitoyens afin de former un complexe cinématographique, que la société Olympia bénéficie actuellement d'une entrée, de caisses et d'un passage d'accès aux salles situés dans les locaux de la société PGC et un affichage commun situé sur la façade des locaux de la société PGC ; que l'obstruction de l'ouverture à laquelle elle a procédé, serait de nature à entraîner une baisse d'activité, la salle perdant l'offre variée qu'elle propose actuellement et générait l'obligation pour elle, ainsi que les reconnaissent les dames [M] dans leurs conclusions du 22 octobre 2019, de procéder à différents travaux de remise en état des lieux, à savoir, notamment le transfert des caisses et la réouverture des accès qui sont actuellement situés dans les locaux du [Adresse 6] ;
Attendu que par convention du 26 octobre 1977 et du 12 novembre 1977, les sociétés Olympia et PGC ont crée entre elles une société en participation afin de mettre en commun leur perte et leur résultat, qu'elles justifient de la répartition entre elles en 2016 et 2017 de certaines charges dont les frais de vigile et les charges EDF et des recettes pour les mêmes années, tant les recettes des salles que les recettes du stand de confiserie, qu'elles produisent un bilan commun depuis l'année 2014 et que leur expert comptable Monsieur [V] certifie la réalité des chiffres exposés et de ce mécanisme de répartition ; qu'ainsi, la décision condamnant la société PGC à verser la somme de 30 000€ à titre de dommages et intérêts aux dames [M] aurait une incidence certaine sur les finances de la société Olympia ;
Attendu que la société Olympia et la société Provençale, sa bailleresse, démontrent que tous les chefs de la décision attaquée leur causent un préjudice certain, que leur tierce opposition est recevable, qu'il convient de rétracter le jugement du 23 juin 2015 ;
Sur le fond :
Attendu qu'il résulte du rapport de Monsieur [U], expert judiciaire désigné par décision du 12 avril 1997 et intervenu sur les lieux le 10 décembre 1997 que ' les 9 salles sont exploitées sous la même enseigne 'Cinéma Olympia '...' que le cinéma Olympia... comprend en tout neuf salles de cinéma, les salles 1-2-3 dépendant de la partie de l'immeuble appartenant à Mesdames [M] dont la société PGC est locataire et les salles 5-6-7-8-9 contiguës aux précédentes dépendent de la partie d'immeuble propriété de la SCI Provencale dont la société Olympia est locataire ' 'locaux dépendant d'un immeuble ancien dont la partie mitoyenne appartient à un autre propriétaire, le tout ayant fait l'objet de transformation complète par la société preneuse en vue de construire un complexe cinématographique de neuf salles ' ; que ce rapport établi la réalité des travaux de jonction des deux locaux situés [Adresse 4] ;
Attendu que la société Olympia revendique être l'auteur des travaux de communication, ce que reconnaît la société PGC en page 28 de ses conclusions du 20 mai 2019 ; que la véracité des dires de la société Olympia est de surcroît établie par la production des pièces suivantes aux débats à savoir la déclaration d'achèvement des travaux datée du 22 juin 1983 signé de Monsieur [B], en qualité de gérant de la SCI provençale et relative à des travaux ' d'agrandissement du cinéma', la demande de permis de construire de 1979, le marché à forfait conclu entre la société Olympia et l'entreprise Carbonnel le 9 octobre 1980 et les situations de travaux dressées entre le 4 février 1981 et le 30 avril 1981 ;
Attendu que la société Olympia soutient avoir obtenu l'accord de Monsieur [M], précédent bailleur, pour procéder de la sorte ;
Attendu que le 10 novembre 1976, les époux [M] ont signé avec Madame [B], en qualité de présidente de la Société Provencale de gérance cinématographique, un accord portant sur une autorisation d'effectuer des travaux dans les lieux loués 'conformes aux plans, travaux qu'elle estime nécessaire dans son intérêt et celui de l'exploitation commerciale' dont faisait partie la modification des accès de l'immeuble, que ce protocole signé entre les bailleurs et la société PGC ne concerne nullement les rapports entre les époux [M] et la société Olympia ;
Attendu que de surcroît, Mesdames [M] versent au débat des plans établissant que les travaux envisagés dans cet acte ne visent nullement à établir une liaison entre les deux locaux [Adresse 4] mais ont porté uniquement sur l'aménagement des salles existantes ; que cette version est corroborée par la création de la société en participation le 26 octobre 1977 entre la société Olympia et la société PGC qui fait état de la gestion en commun de 4 salles de cinéma et non 9 comme actuellement et par la demande de permis de construire déposée le 16 novembre 1976 par Monsieur [B], en qualité de représentant de la société PGC, mentionnant sous l'intitulé ' nature des travaux : modification de façades ', qu'enfin que la déclaration d'achèvement des travaux est intervenue le 29 septembre 1977 soit antérieurement aux travaux litigieux terminés en 1981 ; que cette demande ne porte donc pas sur le percement du mur mitoyen situe entre le [Adresse 4] et que cette partie des travaux ne concerne pas la liaison litigieuse ;
Attendu que cependant, la société Olympia se prévaut d'un mandat donné le 10 novembre 1976 à Monsieur [B] l'autorisant à déposer un permis de construire, que cette demande a été jointe au permis de construire D 2790 selon le numéro apposé par l'administration sur le dit mandat,
Attendu que certes, ce numéro ne correspond pas à ceux apposés sur la déclaration d'achèvement de travaux du 22 juin 1983 relative au percement litigieux à savoir le D 5062 et 166/79 ; mais que néanmoins, la société Olympia produit les plans remis à l'autorité administrative afin d'obtenir le permis de construire autorisant l'ouverture litigieuse qui figure sur les dits plans, qu'il s'agit d'une part des plans datés du 25 septembre 1979 intitulés 'réinstallation de la société Olympia' portant le numéro 166/79 et d'autre part des plans datés du 21 mars 1979 intitulés 'l'extension du cinéma Olympia' portant le numéro D 4619 et que le certificat de conformité établi le 18 novembre 1985 par le Maire de [Localité 8] déclarant conforme les travaux effectués selon les demandes de permis déposées les 16 novembre 1976 et 27 septembre 1979 sous les numéros de permis 149/76 et 166/79 et les numéros de dossier D2790 et D5062 visant à 'la modification du volume et de la tenue architecturale d'un bâtiment existant et agrandissement d'un cinéma' fait expressément références aux numéros donnés aux plans de septembre 1979 sur lesquels figure la démolition du mur mitoyen, à la déclaration de travaux du 22 juin 1983 relative au percement litigieux et au mandat donné par Monsieur [M] le 10 novembre 1976 à Monsieur [B] pour solliciter l'autorisation de procéder aux travaux démontrant que tous ces actes avaient été réunis en un seul et même dossier pour être présentés ensemble devant l'autorité administrative comme constituant une seule et même opération ;
Attendu qu'il résulte de la lecture combinée de ces éléments que le mandat donné par Monsieur [M], joint au permis D 2790, a fait l'objet d'un certificat de conformité englobant en un seul et même dossier, les plans de septembre 1979 n°166/76 faisant état de la démolition litigieuse qui apparaissent également dans la déclaration d'achèvement de travaux de 1983, ainsi que le permis D 5062 visé également par la déclaration d'achèvement ;
Attendu qu'ainsi il est établi que l'accord de Monsieur [M] portait sur les travaux de percement du mur, nonobstant la concomitance de date avec la réalisation des travaux de création des issues de secours initiés le 10 novembre 1976 qui ne saurait à elle seule permettre de confirmer la version de Mesdames [M] ; que de surcroît, ce mandat a été enregistré peu avant la demande de permis déposé le 25 septembre 1979 démontrant que l'accord de Monsieur [M] contenu dans le mandat du 10 novembre 1979 visait les travaux d'agrandissement et de jonction des deux locaux ;
Attendu que la déclaration de conformité du 18 novembre 1985 constitue un acte, qui émane d'un tiers et qui est donc doté d'une force probante certaine, que cette déclaration fait expressément référence au dossier de permis de construire auquel était joint l'accord donné par Monsieur [M] le 10 novembre 1976 selon le numéro imprimé sur le dit accord par l'autorité administrative, démontrant que l'autorisation de Monsieur [M] englobait les travaux entrepris dans le but de relier les deux locaux ;
Attendu que Mesdames [M] font état d'un usage frauduleux de l'accord de leur père qui aurait été abusé, sans toutefois en justifier, aucun élément au dossier ne permet de confirmer une telle théorie, alors que le 23 octobre 1976, ce dernier écrit un courrier circonstancié et explicite à Monsieur [B] démontrant une parfaite lucidité ;
Attendu qu'il convient d'infirmer la décision de première instance du 18 avril 2013 et de débouter Mesdames [M] de leur demande ;
Attendu que le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui ; qu'en l'espèce, l'appréciation inexacte de leurs droits par les demanderesses n'est pas constitutive d'une faute ; que s'estimant lésées dans leur droit, elles ont pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur leurs demandes ; que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;
PAR CES MOTIFS
la cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, et par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort,
REÇOIT la tierce opposition formée par les société Olympia et Provençale ;
RÉTRACTE l'arrêt du 23 juin 2015 ;
INFIRME le jugement du 18 avril 2013 ;
DÉBOUTE mesdames [F] et [O] [M] de leur demande ;
LES CONDAMNE solidairement aux entiers dépens y compris ceux de première instance.
LE GREFFIERLE PRESIDENT