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19/12/2019 | FRANCE | N°18/03137

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 19 décembre 2019, 18/03137


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2019



N° 2019/514













Rôle N° RG 18/03137 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB7Y7







[L] [D] [Z]

[J] [K] épouse [Z]





C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES-P ROVENCE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PAYEN

Me STRATI

GEAS













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Février 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/06815.





APPELANTS



Monsieur [L] [D] [Z]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7],

demeur...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2019

N° 2019/514

Rôle N° RG 18/03137 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB7Y7

[L] [D] [Z]

[J] [K] épouse [Z]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES-P ROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PAYEN

Me STRATIGEAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Février 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/06815.

APPELANTS

Monsieur [L] [D] [Z]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [J] [K] épouse [Z]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Jean Christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2019 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre, magistrat rapporteur

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2019,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre du 23 mars 2011, acceptée le 5 mai 2011, et réitérée par acte authentique de Me [H] [W], notaire à [Localité 3], du 5 juillet 2011, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (la CRCAM) a consenti à [J] [K] et [L] [Z] un prêt d'un montant de 183 029,00 € pour l'acquisition d'une propriété agricole située à [Adresse 5], destiné à leur habitation et à l'exploitation de l'EARL Hubac de Gaget, qu'ils ont créée en février 2009 et dont l'activité principale était l'élevage canin.

Le prêt était remboursable par échéances mensuelles de 1 132,29 € sur une durée de 246 mois au taux effectif global de 4,756 % incluant les frais de notaire.

Par jugement du 10 juillet 2012, le tribunal de grande instance d'Avignon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'EARL Hubac de Gaget et étendu cette procédure aux époux [K]-[Z].

La CRCAM a déclaré sa créance. Les époux [K]-[Z] ont contesté cette créance.

Le tribunal de grande instance d'Avignon a arrêté le plan de redressement de l'EARL Hubac de Gaget et des époux [K]-[Z] par jugement du 16 juillet 2013.

[J] [K] et [L] [Z] ont fait assigner la CRCAM devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence pour voir dire que la CRCAM avait manqué à son devoir de mise en garde lors de l'octroi du prêt le 5 juillet 2011 et voir réparer leur préjudice.

Par jugement du 15 février 2018, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

- débouté les époux [K]-[Z] de toutes leurs demandes,

- condamné les époux [K]-[Z] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

[J] [K] et [L] [Z] ont interjeté appel par déclaration du 22 février 2018.

Par conclusions du 18 mai 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, [J] [K] et [L] [Z] demandent à la cour de :

- recevoir l'appel de M. et Mme [Z] et le dire bien fondé ;

- dire et juger que M. et Mme [Z] doivent être considérés comme des emprunteurs non avertis et bénéficier à ce titre du devoir de mise en garde dont est débiteur le Crédit agricole,

- dire et juger qu'il existait un risque d'endettement excessif du fait de la signature de l'acte de prêt du 5 juillet 2011, corroboré par l'existence d'un financement anormal sur le projet global soumis au Crédit agricole.

- dire et juger que le Crédit agricole n'a pas exécuté son obligation de mise en garde,

- dire et juger que le taux effectif global stipulé au contrat de prêt du 5 juillet 2011 est inexact,

en conséquence, statuant à nouveau

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 15 février 2018 en toutes ses dispositions,

- débouter le Crédit agricole de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions, comme irrecevables, infondées et injustifiées,

- condamner le Crédit agricole à payer à M. et Mme [Z] la somme de 177 173,00 € à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation de cette somme avec celle qui est réclamée par le Crédit agricole,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts du Crédit agricole.

- condamner le Crédit agricole à payer à M. et Mme [Z] la somme de 15.516,57 euros correspondant au remboursement des intérêts versés,

- condamner le Crédit agricole à payer à M. et Mme [Z] la somme de 5.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Crédit agricole en tous les dépens dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Caroline Payen, membre de la SCP Drujon d'Astros Baldo & associés qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 10 août 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence demande à la cour de :

- débouter les époux [Z] de l'intégralité de leurs prétentions

en conséquence,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 février 2018 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

- à titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que le Crédit agricole a failli à son obligation de mise en garde,

- dire et juger que la réparation du défaut d'exécution par la banque de l'obligation de mise en garde est à la mesure de la chance perdue et que donc les époux [Z] ne sauraient prétendre à une indemnisation égale à l'avantage que leur aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée,

- constater, en tout état de cause, l'absence de toute perte de chance,

- les débouter, en conséquence, de leur demande de dommages et intérêts

- à titre subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire, la Cour estimerait le taux effectif global erroné, ou encore, que le Crédit agricole n'a pas respecté les dispositions du code de la consommation,

- usant de son pouvoir discrétionnaire, issu de l'article L312-33 dernier alinéa du code de la consommation

- dire et juger que le Crédit agricole n'est pas déchu du droit aux intérêts

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire, la cour considérerait devoir retenir une déchéance du droit aux intérêts au préjudice du prêteur,

- limiter le périmètre et le contenu de la déchéance à une juste et légitime proportion

à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse extraordinaire où la cour prononcerait la déchéance du droit aux intérêts,

- liquider la créance du Crédit agricole à la somme de 182.406,16 €,

- condamner aux entiers dépens les époux [Z], dont distraction au profit de la SELARL Cadji & associés, avocats aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur le manquement au devoir de mise en garde :

Les époux [K]-[Z] soutiennent qu'alors qu'ils sont des emprunteurs non avertis, la banque a manqué à son devoir de mise en garde puisqu'ils n'avaient aucun revenu en 2010, que les sommes mentionnées à ce titre par la banque sur la demande de prêt ne sont que des indemnités de licenciement, que la viabilité économique de leur projet ne reposait que sur le pari du nombre de la vente de chiots et surtout que suite au premier refus de financement du Crédit agricole s'agissant de l'activité photovoltaïque, le projet souffrait d'un manque de cohérence.

Ils estiment que la banque a accepté en conséquence de financer un projet non viable sans garantie solide. Ils précisent que la banque savait parfaitement que ce projet de centrale photovoltaïque était indispensable et que son absence les a condamnés à une situation d'endettement excessive.

La banque réplique qu'au vu du projet présenté par les époux [K]-[Z], il n'existait aucun risque d'endettement excessif, qu'elle n'a financé que partiellement l'acquisition du bien immobilier des époux [K]-[Z], qu'elle était libre, sans avoir à justifier sa décision d'accorder ou non le prêt sollicité, qu'il ne peut lui être reproché d'être à l'origine des difficultés de trésorerie de l'exploitation à raison du non financement de l'activité photovoltaïque alors que cette activité était insusceptible de fonctionner.

Sur ce, l'obligation de mise en garde à laquelle est tenu le banquier dispensateur de crédit est subordonnée à deux conditions, la qualité d'emprunteur non averti, et l'existence, au regard des capacités financières de celui-ci, d'un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Il n'est pas établi que, lorsque les époux [K]-[Z] ont souscrit le prêt litigieux, ils disposaient d'une compétence et d'une expérience en matière économique et financière leur permettant de mesurer les risques attachés à leurs engagements.

Il est rappelé que le prêt finance à hauteur de 183 029 euros l'acquisition de la résidence principale des appelants, siège également de leur activité agricole d'élevage de chiens Golden Retriever, d'un montant total de 320 000 euros, le solde ayant été financé par un apport personnel.

Sur la demande de financement produite en pièce 4 par les appelants, il est précisé un revenu fiscal de référence d'un montant de 28 409 euros pour les deux époux, correspondant effectivement, selon leurs pièces 16 et 17 aux indemnités de licenciement, aux salaires de [L] [Z] d'un montant de 4 042 euros, et aux revenus agricoles pour les deux époux d'un montant de 4 720 euros.

Le bien acquis, constituant leur résidence principale avait au moment de l'octroi du prêt une valeur nette de 136 000 euros déduction faite du coût de l'emprunt pour son acquisition.

S'agissant d'une résidence principale, comme les époux [Z] le notent eux-mêmes en page deux du document de présentation de leur projet « le remboursement de l'emprunt complémentaire à cette acquisition aurait une valeur égale à un coût d'un bien en location », et n'induit donc pas un endettement supplémentaire.

Par ailleurs, s'agissant des revenus qu'ils entendaient tirer de leur activité d'élevage de chiens de race, tant ce document que l'analyse qui en a été faite par le CER, ne révèlent de risque excessif d'endettement au regard des prévisions d'activité, comme l'a exactement analysé le premier juge.

Si leurs difficultés financières ont conduit à l'ouverture d'une procédure collective tant de l'EARL Hubac de Gaget, que des emprunteurs à titre personnel ,compte tenu de l'imbrication des patrimoines, il résulte également du jugement arrêtant le plan que l'activité a dégagé des bénéfices en 2012, démontrant ainsi, que le projet était viable. Les difficultés, aux termes du rapport du mandataire judiciaire, sont nées d'une production de chiot en baisse par rapport aux prévisions en raison du déménagement de l'activité et du litige avec la SA ERDF au sujet du raccordement de l'installation photovoltaïque. Toutefois, les documents analysés ci-dessus ne font pas état de ladite activité comme un complément indispensable duquel dépendait la survie du projet tout entier et il n'est produit aucun autre document en ce sens par les appelants.

C'est donc exactement que le premier juge a énoncé qu'il n'était dû aucun devoir de mise en garde aux époux [K]-[Z].

- Sur le caractère erroné du taux effectif global

Les époux [K]-[Z] soutiennent que le taux effectif global de leur prêt est erroné en ce qu'il ne prend pas en compte le montant exact des frais de garantie hypothécaire, que le taux de période ni la durée de la période ne leur ont pas été communiqués et que le taux effectif global a été calculé sur la base d'une année de 360 jours dite lombarde.

La banque fait valoir qu'il n'est pas démontré une erreur du taux effectif global de plus d'une décimale, l'expert amiable des emprunteurs ayant calculé un taux effectif global identique à celui du prêt, qu'en application de l'article R 313-1 dans sa rédaction en vigueur au jour du prêt, la communication du taux de période n'était pas imposée et que les emprunteurs ne rapportent pas la preuve d'un calcul du taux effectif global sur la base d'une année de 360 jours.

Sur ce, le rapport de l'expert amiable des appelants procède d'une part à une vérification du taux effectif global à partir des éléments chiffrés de l'offre et obtient un taux effectif global de 4,715 % au lieu de 4,710 % annoncé dans l'offre et de 4,75 % en intégrant le montant exact des frais de garantie hypothécaire, soit 1 644,31 euros, qui n'avaient été évalués qu'à 1 132 euros.

Il en résulte en tous les cas une différence inférieure à la décimale prescrite à l'article R313-1 du code de la consommation.

Contrairement à ce que soutient la banque, s'agissant d'un prêt immobilier, le taux et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

En application de l'article R. 313-1, alinéa 2, du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, applicable au litige, le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Ce texte précise par ailleurs : « lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire ».

En l'espèce, les conditions générales applicables au prêt rappellent que le taux effectif global est calculé selon les prescriptions de l'article R313-1 du code de la consommation et que la périodicité de chacun des crédits est mensuelle ; le taux de période rapporté à la périodicité s'élève donc à 0,3925 %.

Il en résulte qu'à défaut de la communication formelle du taux de période, celui-ci se déduisait aisément, par simple application des prescriptions du texte sus-visé, de la mention du taux effectif global et de la périodicité.

Aucune sanction n'est spécifiquement attachée à l'absence de mention du taux de période, dont la communication ne s'impose plus, et à défaut de toute erreur du taux effectif global de plus d'une décimale, la nullité de la stipulation d'intérêt ne saurait être encourue.

Enfin, les appelants, qui ne procèdent sur ce point que par voie d'affirmation, ne démontrent pas que le taux effectif global aurait été calculé sur une autre base que celle de l'année civile telle que définie à l'annexe de l'article R313-1 du code de la consommation.

Le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 15 février 2018,

Condamne [J] [K] et [L] [Z] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 18/03137
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°18/03137 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;18.03137 ?
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