COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 19 DECEMBRE 2019
N° 2019/ 317
Rôle N° RG 17/07312 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAMEE
SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC
C/
[T] [D]
[H] [D]
SCI BEA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Mathieu JACQUIER
Me Samira KORHILI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 22 Octobre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/08830.
APPELANTE ET INTIMEE
SA CAISSE D'EPARGNE CEPAC anciennement dénommée CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis
[Adresse 11]
représentée par Me Mathieu JACQUIER de la SCP SCP JACQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me PERRIMOND, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES ET APPELANTS
Madame [T] [D]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 8] (SENEGAL), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Samira KORHILI, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [H] [D]
né le [Date naissance 5] 1987 demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Samira KORHILI, avocat au barreau de MARSEILLE
SCI BEA, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Samira KORHILI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Novembre 2019 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller
Madame Anne FARSSAC, Conseiller, magistrat rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2019,
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse (la Caisse d'épargne) a consenti à Mme [T] [D], le 20 août 2009 deux prêts destinés à l'acquisition de biens immobiliers avec travaux, à usage locatif, le premier d'un montant de 130 000 euros au taux de 5,5 % amortissable en 360 mensualités de 734 euros, pour l'acquisition d'un logement sis [Adresse 7], le second d'un montant de 73 000 euros au taux de 4,35 % amortissable en 324 échéances de 417, 82 euros, pour l'achat d'un appartement, sis [Adresse 6].
Le même établissement financier a accordé le 28 septembre 2009 à M. [H] [D] deux prêts à un taux de 4,55 % le premier de 135 000 euros, amortissable en 25 années par mensualités de 787, 96 euros, le second de 116 000 euros, amortissable en 300 mensualités de 677, 06 euros ce pour l'acquisition de deux biens immobiliers à usage locatif, respectivement situés à [Adresse 9] et [Adresse 3].
La Caisse d'épargne a également octroyé le 15 décembre 2009 à la SCI Bea créée le 18 novembre 2009, et dont les seuls associés sont Mme [T] [D] et son fils, M. [H] [D], deux prêts au taux de 4,50%, le premier d'un montant de 125 500 euros amortissable en 324 mensualités de 728, 95 euros, le second de 130 400 euros amortissable en 20 ans par mensualités de 724, 81 euros également affectés à l'acquisition de deux biens à usage locatif sis à [Adresse 10] et [Adresse 4]. Ces deux prêts ont été garantis par le cautionnement solidaire de Mme [T] [D] et de M. [H] [D].
Les échéances de ces prêts n'étant pas remboursées, la Caisse d'épargne a poursuivi le recouvrement de ses créances par voie de saisies immobilières. L'appartement de M. [D],
sis [Adresse 9], a été adjugé au prix de 54 500 euros, celui de Mme [D] situé [Adresse 7] au prix de 68 000 euros.
Invoquant leurs faibles revenus et estimant que la Caisse d'épargne avait manqué à son devoir de conseil et mise en garde ainsi qu'à son obligation d'information à leur égard lors de l'octroi des prêts, les consorts [D] et la SCI Bea ont saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir sa condamnation à payer à Mme [D] la somme de 203 000 euros, à M. [D], la somme de 251 000 euros et à la SCI Bea celle de 255 900 euros, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils sollicitaient subsidiairement la désignation d'un expert judiciaire et le versement à chacun d'eux d'une provision d'un montant de 30 000 euros.
Par jugement en date du 22 novembre 2015 le tribunal de grande instance de Marseille a :
- condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse à payer à Mme [T] [D], à M. [H] [D] et à la SCI Bea la somme de 30 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts,
- rejeté toutes autres conclusions,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse à payer à Mme [T] [D], à M. [H] [D] et à la SCI Bea la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 12 avril 2017 la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse a fait appel de cette décision. La procédure a été enregistrée sous le numéro 17/7312.
Mme [T] [D], à M. [H] [D] et à la SCI Bea ont également interjeté appel de ce jugement par déclaration du 30 août 2017. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro 17/16509.
Suivant ordonnance en date du 5 juillet 2018 le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces instances sous le seul numéro 17/7312.
Aux termes de ses dernières écritures déposées et notifiées le 15 juillet 2019 après jonction, la Caisse d'épargne demande à la cour de :
A titre principal
Vu l'article 1384 alinéa 5 ancien du code civil (article 1242 du code civil )
Vu les articles 73, 74 et 108 du code de procédure civile,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la concluante à payer à Mme [T] [D], M. [H] [D] et à la Société Civile Immobilière Bea 30 000,00 euros chacun à titre de dommages et intérêts, 2000,00 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,
- déclarer la demande de sursis à statuer formulée à titre subsidiaire par Mme [T] [D], M. [H] [D] et la Société Civile Immobilière Bea irrecevable,
- plus généralement, débouter Mme [T] [D], M. [H] [D] et la Société Civile Immobilière Bea de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une condamnation devrait être prononcée à l'encontre de la Caisse d'épargne CEPAC,
- réformer le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de compensation formulée par la banque et ordonner ladite compensation avec les sommes restant dues par les consorts [D] et la SCI Bea au titre des 6 prêts qui leur avaient été consentis par la Caisse d'épargne CEPAC,
Dans tous les cas
- condamner solidairement Mme [T] [D], M. [H] [D] et la Société civile immobilière Bea à payer la somme de 5000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mme [T] [D], M. [H] [D] et la Société Civile Immobilière Bea aux entiers dépens,
- les condamner solidairement, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, aux entiers dépens distraits au profit de Me Mathieu Jacquier, avocat.
Elle fait principalement valoir :
- que pas davantage qu'en première instance les consorts [D] et la SCI Bea ne précisent quelles informations leur auraient manqué,
- que Mme [D] était déjà propriétaire de sa résidence principale, que M. [H] [D] qui était hébergé avait indiqué être en CDI dans sa déclaration patrimoniale et percevoir un salaire de 1414 euros,
- que pour chacun des biens à financer les emprunteurs ont remis des estimations de valeur locative, supérieure ou égale au montant des mensualités à rembourser,
- que l'opportunité de l'investissement relève de la seule analyse des emprunteurs la banque n'ayant pas à se substituer à ses clients,
- que les consorts [D] ne justifient d'aucune diligence pour louer les biens,
- que le préjudice ne peut consister que dans une perte de chance de ne pas contracter, les emprunteurs ne démontrant pas que différemment informés ils auraient renoncé à acquérir les biens et souscrire les crédits,
- que depuis la décision de première instance, M. [H] [D] et Mme [T] [D] ont été mis en examen notamment pour 'escroquerie en bande organisée, tentative d'escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux', ces derniers ayant donné des espèces à l'un de ses préposés en vue d'obtenir un financement,
- que le commettant s'exonère de sa responsabilité si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, et que la victime ne pouvait ignorer le caractère anormal et personnel de ces opérations,
- que la demande de sursis à statuer formée à titre subsidiaire est irrecevable puisqu'elle aurait dû être formée in limine litis,
- que si une condamnation était prononcée à son encontre les dommages et intérêts devraient être compensés avec les sommes dont les consorts [D] et la SCI Bea demeurent redevables à son égard.
Aux termes de leurs uniques conclusions, remises au greffe et notifiées le 6 novembre 2017 dans la procédure n°17/16509, Mme [D], M. [D] et la SCI Bea demandent à la cour de :
- ordonner la jonction de la présente instance et celle portant le numéro 17/07312 (8ème chambre C),
- A titre principal
* condamner la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse à payer à
- Mme [T] [D] la somme de 203 000 euros
- la SCI Bea la somme de 255 900 euros
- M. [H] [D] la somme de 251 000 euros
* condamner la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse à verser à chacun des requérants la somme de 2000.00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
* condamner la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse aux entiers dépens,
- A titre subsidiaire, surseoir à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive.
Ils font en substance valoir que la banque a méconnu son obligation d'information et de mise en garde et n'aurait pas dû leur consentir ces prêts. Ils mettent en avant :
- que Mme [D], propriétaire de son logement acquis le 11 décembre 2003 au moyen d'un prêt de 74 186 euros, remboursable en 20 ans par mensualités de 515,80 euros, vivait seule avec ses trois enfants et n'avait en 2009 qu'un salaire moyen de 1 480 euros et une épargne de 30 000 euros,
- que M. [H] [D] percevait un salaire de 1 000 euros par mois en CDD
- qu'ils ont constitué ensemble, la SCI Bea, au capital de 100 euros, dont 99 euros apportés par Mme [D] et 1 euro par son fils, à l'initiative d'un employé de la Caisse d'épargne, M. [I] [N],
- que M. [I] [N], les a incités à souscrire 6 emprunts pour un montant de 709 900 euros pour acquérir divers biens immobiliers qui s'autofinanceraient au moyen des loyers perçus, le coût total de remboursement des prêts s'élevant à 1 249 253,88 euros
- que les appartements n'ont pas tous été loués et ont fait l'objet d'une saisie immobilière,
- que même si tous les biens avaient été loués, les requérants n'auraient jamais pu s'acquitter des échéances des prêts, des charges de copropriété, des taxes foncières et autres charges,
- qu'ils ont subi un préjudice financier et moral,
- que M. [I] [N] est à l'origine avec deux agents immobiliers M. [J] [E] et [Z] d'une escroquerie en bande organisée,
- qu'ils ont été contraints pour obtenir leur prêt de verser à M. [N] 5 000 euros en espèces et n'avaient aucun doute sur la légalité de ce procédé et que la CEPAC reste responsable des fautes commises par son salarié.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2019.
MOTIFS
Sur la responsabilité de la Caisse d'épargne
* Au titre de ses obligations contractuelles ou précontractuelles
Les consorts [D] et la SCI Bea invoquent un devoir d'information à la charge du banquier impliquant la communication d'éléments objectifs et précis relativement aux contrats souscrits, sans préciser quel manquement la Caisse d'épargne aurait commis de ce chef.
La banque est tenue de mettre en garde l'emprunteur non averti au regard de ses capacités financières et des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt. C'est à l'emprunteur qu'incombe la preuve de l'inadaptation du prêt à ses capacités financières, ou du risque d'endettement né de l'octroi du prêt.
Mme [D] justifie par son avis d'imposition 2009 sur les revenus 2008 de la perception d'un revenu mensuel moyen de 1488,50 euros.
Elle disposait, aux termes de ses écritures d'une épargne de 30 000 euros. Elle était propriétaire d'un bien immobilier depuis 2003, mais supportait des remboursements de 515,80 euros. Il résultait des deux prêts souscrits auprès de la Caisse d'épargne, représentant un montant total de 203 000 euros, l'obligation de rembourser mensuellement des sommes de 734 et 417, 82 euros, s'ajoutant aux mensualités de l'emprunt précédemment souscrit auprès du Crédit lyonnais, soit un total mensuel de 1 667,62 euros.
Il doit, comme le fait valoir la banque, s'agissant de prêts consentis dans le cadre de deux investissements locatifs, être tenu compte, des revenus escomptés de l'opération en litige. Or Mme [D] avait produit à la banque deux attestations émanant d'agents immobiliers en date du 5 août 2009 dont il résultait que la valeur locative des biens à acquérir était respectivement de 734 et 550 euros, soit 1284 euros. Mme [D] invoque cependant à raison que doivent être prises en compte les charges générées par ces biens, notamment les taxes foncières et charges de copropriété.
C'est en conséquence de ce qui précède à juste titre que le premier juge a estimé qu'eu égard au caractère nécessairement aléatoire de la perception des revenus issus des locations à long terme et aux charges afférentes aux biens, il résultait de l'octroi des prêts en litige un risque d'endettement excessif pour Mme [D].
M. [H] [D], qui produit un contrat de travail à durée déterminée d'un an signé avec la SARL [D] peinture le 5 mai 2009, percevait lors de la souscription des prêts en litige, le 28 septembre 2009, un salaire net imposable de 1 140, 38 euros, au vu des bulletins de paie de mai à juillet 2009 et de l'augmentation de son salaire brut en juillet. Il ne supportait aucune charge de logement, étant hébergé par sa mère.
Il résultait de ces prêts remboursables par mensualités de 787, 96 euros et 677, 06 euros, une charge de 1 465,02 euros. Des avis de valeur locative en date du 16 septembre 2009 établissant pour chacun de ces biens des revenus escomptés de 900 euros, soit un montant total de 1 800 euros, avaient été remis à la banque.
Cependant pour les motifs précédemment exposés, l'octroi de ces prêts était de nature à faire naître un risque d'endettement excessif compte tenu du caractère aléatoire des revenus locatifs, les revenus salariaux de M. [D] étant inférieurs aux mensualités mises à sa charge.
Il en est de même des prêts consentis à la SCI Bea, créée avec un capital de 100 euros seulement, par Mme [D] et son fils. Cette société n'avait en effet pas d'autres ressources que les revenus escomptés de la location des appartements à acquérir soit 1 700 euros (850 euros pour chacun d'eux) alors que la charge mensuelle de remboursement au titre des prêts consentis le 15 décembre 2009, résultant de mensualités de 724, 81 et 728,95 euros, s'élevait à 1 453,76 euros,
La banque qui ne démontre ni même n'allègue que Mme [D], M. [D] et la SCI Bea avaient la qualité d'emprunteurs avertis, était tenue envers chacun d'eux à un devoir de mise en garde, dont elle ne justifie pas s'être acquittée.
Cependant, le préjudice résultant du manquement de la Caisse d'épargne à son obligation de mise en garde, ne s'analyse qu'en une perte de chance de ne pas avoir contracté.
Or, il ressort des débats et des pièces produites, en particulier des procès-verbaux de déposition devant les services de police issus de la procédure pénale en cours, que Mme [D] avait déjà sollicité le Crédit lyonnais pour obtenir un prêt pour l'acquisition d'un des appartements acheté au moyen de l'un des prêts en litige et s'était vu opposer un refus, sa banque lui ayant dit qu'elle 'ne passait pas pour un deuxième crédit'. Elle s'est adressée, sur les conseils de l'agent immobilier, à un préposé de la Caisse d'épargne, M. [I] [N] pour qu'il lui soit octroyé. En page 4 de sa première déclaration elle déclarait 'dès que j'ai vu M. [N] pour le premier appartement, il m'a dit que pour que le dossier passe, il fallait lui donner quelque chose et c'était 5 000 euros en espèces. Pour ça il m'a dit qu'il me ferait débloquer l'argent pour les travaux et qu'il fallait que je les retire en espèces du compte et que je les lui donne'.
Elle a, pour bénéficier des prêts et acquérir les biens présentés par l'agent immobilier, versé une somme en espèces de 5 000 euros pour chacun d'eux, à ce préposé de la banque. Or le caractère occulte de cette commission et son irrégularité, compte tenu des conditions de sa remise, n'ont pu lui échapper. Elle avait d'ailleurs admis lors de son audition en garde à vue le 15 décembre 2015 qu'elle avait des doutes sur la légalité du procédé avant de soutenir le contraire, devant le juge d'instruction ou dans le cadre de la présente procédure. Elle n'a pu, en tout état de cause, comme elle l'a ensuite allégué considérer que la somme de 5 000 euros constituait des frais de dossier, alors que leur montant figure sur les offres de prêt et s'élevaient pour le prêt de 130 000 euros à 400 euros et pour celui de 73 000 euros à 300 euros. Il résulte d'ailleurs des auditions des consorts [D] que M. [N] leur indiquait que la somme de 5 000 euros à lui verser pour chacun des prêts devait être acquittée au moyen de fonds inclus dans le crédit consenti au titre du financement des travaux.
Il résulte de ce qui précède la détermination de Mme [D] à acquérir ces biens, qui devaient constituer à terme pour elle un complément de retraite, qu'elles qu'en soient les conditions, alors même qu'un autre établissement lui avait refusé un prêt pour l'un d'eux.
Les chances que Mme [D] renonce à ces opérations si elle avait été mise en garde par la Caisse d'épargne apparaissent donc inexistantes.
La même appréciation doit être portée s'agissant de M. [D], même s'il ne s'était pas antérieurement heurté au refus d'un crédit par un autre établissement, dès lors que, comme sa mère, il a remis pour bénéficier des prêts, au moins à une reprise une somme de 5 000 euros, en billets de 500 euros, dissimulée dans une enveloppe. Il précisait en page 5 de sa première déclaration aux services de police 'De vous à moi, M. [I] [N] ne m'a jamais dit clairement qu'il y aurait un arrangement pour la souscription du prêt, je savais qu'il n'était pas net mais il m'a fait comprendre que contre 5 000 euros de rémunération il ferait en sorte que les crédits passent auprès de sa banque'.
Il en est a fortiori de même pour la SCI Bea, dont la gérante Mme [D] détient 99 % du capital social et M. [D] 1 %, et qui a bénéficié de ces crédits dans les mêmes circonstances.
Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.
* au titre de l'initiation du processus d'acquisition immobilière
C'est à juste titre que le premier juge a relevé que l'intervention directe de la banque dans l'initiation du processus d'acquisition immobilière n'était pas caractérisée. Mme [D], M. [D] et la SCI Bea ne justifient pas davantage devant la cour qu'ils ne l'avaient fait en première instance que c'est M [N] ou la Caisse d'épargne, qui les auraient incités à trouver des biens à acquérir afin de les financer, alors qu'il résulte au contraire de leurs déclarations devant les services de police que ces biens leur ont été présentés par le même agent immobilier.
* en sa qualité de commettant de son préposé M. [N]
La responsabilité de la banque ne saurait être engagée en sa qualité de commettant du fait de son préposé, alors que M. [N] a agi hors de ses fonctions, sans autorisation de son employeur à des fins étrangères à ses attributions et qu'il résulte de ce qui précède que les emprunteurs n'ont pu légitimement croire qu'il agissait pour le compte de la Caisse d'épargne, eu égard au caractère occulte et irrégulier de la commission, compte tenu des conditions de sa remise.
Sur la demande de sursis à statuer
C'est à juste titre que la Caisse d'épargne fait valoir que la demande de sursis à statuer qui n'est présentée qu'à titre subsidiaire n'est pas recevable, cette demande devant être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, en application des dispositions combinées des articles 73, 74 et 378 du code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire
La demande d'exécution provisoire formée en cause d'appel par les appelants est infondée, le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif en la matière, conformément aux dispositions de l'article 579 du code de procédure civile.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [D], M. [D] et la SCI Bea, qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel. Leurs prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront pour ce motif rejetées.
Il serait inéquitable que la Caisse d'épargne conserve la charge des frais non compris dans les dépens, exposés. Mme [D], M. [D] et la SCI Bea seront in solidum condamnés à lui payer la somme de 2 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement rendu le 22 octobre 2015 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse à payer à Mme [T] [D], M. [H] [D] et à la SCI Bea des dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la banque aux dépens,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [T] [D], M. [H] [D] et la SCI Bea de leurs demandes de dommages et intérêts et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la SA Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse,
Déclare la demande subsidiaire de sursis à statuer formée par Mme [T] [D], M. [H] [D] et la SCI Bea irrecevable,
Condamne Mme [T] [D], M. [H] [D] et la SCI Bea à payer à la SA Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse la somme de 2 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Condamne in solidum Mme [T] [D], M. [H] [D] et la SCI Bea aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Mathieu Jacquier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT